Ne confondons pas le cynisme antique – contestataire effectif du monde établi et que, suivant Sloterdijk, il vaudrait peut-être mieux appeler kunisme – et le cynisme contemporain dont les sectateurs, innombrables, ne jouent les affranchis et la critique du monde social que pour mieux s’y faire leur place. Le cynisme, facteur premier de la démesure, maladie de l’époque, variante plate du nihilisme, triomphe de l’utilitarisme ? C’est ce que suggère É. Dupin, qui montre comment, de Thierry Ardisson à Nicolas Sarkozy en passant par Jean-Marie Messier ou Bernard-Henri Lévy, les cyniques « tiennent le haut du pavé ». Pas étonnant quand on sait que près de 50 % de la population américaine se définit comme cynique [p. 213]. Bonne mesure de la progression du mal. Une bien utile contribution à la critique anti-utilitariste empirique du monde tel qu’il est.
Alain Caillé