Introduction à la science sociale – Première partie – Chapitre II

CHAPITRE II : SOCIOLOGIE ET ÉCONOMISME

Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment à dater des années 1960 la science économique avait entamé un processus d’approfondissement, de radicalisation et d’universalisation. Elle allait ainsi pouvoir entamer la conquête des domaines et des disciplines voisines. Encore fallait-il que ces dernières acceptent de céder à ce nouveau conquérant. Elles le firent, et avec enthousiasme. Dès les années 1970, le nouvel empire était constitué. Partout le modèle économique, ou encore ce que nous proposons d’appeler l’axiomatique de l’intérêt, s’imposait comme la nouvelle grammaire théorique universelle. Partout on ne parlait plus que l’économique.

Un bilan raisonné et systématique de cette percée serait instructif. Il devrait enregistrer, au minimum : en ethnologie (très épargnée, presque par constitution), le développement d’une anthropologie économique formaliste, en opposition aux thèses substantivistes de Karl Polanyi et de ses disciples [Burling, Firth, Schneider, etc.] ; en histoire, l’apparition de la New Economic History (cf. infra) et l’affirmation par Fernand Braudel, à la tête de l’École des Annales, de la naturalité du marché (et donc, en un sens, de l’H.O. ) ; en biologie, outre les coups de force de la sociobiologie [Wilson O. ], le triomphe à peu près universel du néodarwinisme et le succès des théories du gène égoïste [Dawkins] qui transposent au monde naturel la figure de l’H.O ; en science politique le développement des théories économiques du politique et de la démocratie, la théorie de l’électeur rationnel (cf. infra) ; en linguistique, en psychologie et en biologie, encore, le triomphe du paradigme cognitiviste, dont on pourrait montrer l’isomorphisme au paradigme économique etc.

Mais les deux domaines d’élection de la conquête économique auront été la sociologie et la philosophie morale et politique. Après avoir présenté le dilemme du prisonnier et le paradoxe du passager clandestin, ces deux cas d’école logiques qui auront servi de chevaux de Troie aux économistes de la nouvelle vague, nous consacrerons l’essentiel de ce chapitre à la présentation des effets de la déferlante économique sur la sociologie française des années 70. Mais il nous faut dire quelques mots auparavant de la Nouvelle histoire économique et du paradoxe de l’électeur rationnel. Ils nous permettront de mieux comprendre le statut et la portée de l’universalisation du modèle économique.

Nouvelle histoire économique et paradoxe de l’électeur rationnel

a) La nouvelle histoire économique s’inscrit directement dans le prolongement de la théorie des droits de propriété et de l’école des coûts de transaction. Elle en constitue même un rouage important. Mais un rouage quelque peu déconcertant puisqu’elle met en œuvre un holisme — du grec holos, désignant ce qui se rapporte à la totalité — rationaliste qui devrait se voir a priori prohibé par des écoles de pensée se proclamant farouchement individualistes et qui ne reconnaissent comme sujets que des individus. Or ici, ce sont les sociétés elles-mêmes qui semblent procéder à un calcul coûts-avantages. Pour expliquer en effet l’existence de système économiques non marchands — les systèmes fondés sur le don ou sur la redistribution, pour reprendre les catégories de K. Polanyi —, le principal théoricien de l’École, le prix Nobel d’économie Douglass North [1997] fait ainsi valoir que ces systèmes dominent dans l’histoire parce qu’ils permettent de réaliser des économies sur les coûts de transaction dans un contexte où les droits de propriété ne sont pas clairement spécifiés et individualisés. L’explication est brillante et séduisante. Mais elle menace à tout instant de basculer à son tour dans la tautologie et l’indécidabilité. À l’en croire il faudrait dire, par exemple, qu’en son temps l’économie et les institutions féodales étaient plus ’économiques’ que le capitalisme, qui incarne pourtant selon elle le système économique par excellence. Ou encore, que les hommes des sociétés prémarchandes développaient des valeurs antiéconomiques parce que c’était préférable pour leur économie.

b) Le paradoxe de l’électeur rationnel, d’abord dégagé par Anthony Down [1957,] montre qu’il est rationnellement inutile de se fatiguer et de se déplacer pour aller voter puisque la contribution d’un bulletin de vote isolé au résultat final est infinitésimale. Et pourtant la majorité des électeurs vote. Comment l’expliquer ? Une première possibilité est d’invoquer des motivations civiques, mais on sort alors du modèle. Une seconde est de le compliquer en mettant en scène un électeur hyperstratège, anticipant les risques d’une abstention généralisée. Mais on est alors menacé par une régression à l’infini : ’Faut-il rationnellement m’abstenir si mon candidat est bien placé dans la course aux voix ? Si j’anticipe que tel va être le comportement de ceux qui partagent les mêmes préférences politiques, je dois bien au contraire m’engager pour contribuer à déjouer les effets désastreux de leur abstention. Sauf si j’anticipe qu’ils opéreront les mêmes anticipations, mais si à leur tour ils anticipent que j’anticipe qu’ils anticipent...’ [Chanial, 1997]. L’influence du modèle économique sur la science politique se poursuit et se nuance à la fois aujourd’hui à travers la réflexion sur l’action collective, qui met en scène des ’entrepreneurs’ d’action collective [ Fillieule O. Neveu Éric]. Néanmoins, ici comme dans le champ des analyses géopolitiques, se fait de plus en plus jour l’idée que les acteurs sociaux collectifs et même les États obéissent en fait à des considérations post-matérialistes [Inglehart] ou ’post)utilitaristes’.

Nous commençons ainsi à prendre conscience des paradoxes inhérents à l’extension du modèle économique. Ils gravitent tous autour de la même question. Nous avons d’une part des H.O, ’égoïstes’ par construction. On sait, d’autre part que la coopération est bénéfique à tous. La question est donc de savoir comment amener nos H.O à coopérer, sachant que chacun ne pense qu’à lui-même ? C’est autour de ce problème que tournent les deux ’expériences de pensée’ célèbres que nous allons examiner maintenant.

Passager clandestin et dilemme du prisonnier.

a) Le dilemme du prisonnier est une parabole proposée par A. W. Tucker dans les années 50. Elle montre que tous pourraient être mieux si chacun était moins individualiste et plus coopératif, mais que justement, il est impossible de convaincre des égoïstes rationnels de l’être. Cette parabole, dont la diffusion a permis l’universalisation du modèle économique, en constitue en fait une double remise en cause. Au plan de l’individu, elle suggère qu’il pourrait être plus rationnel de l’être moins ; au plan collectif elle ruine toute la thématique de la main invisible et des harmonies spontanées. Entrons dans quelque détail en présentant la version canonique :

Si, prisonnier et dans l’impossibilité de communiquer avec lui, je dénonce mon complice, je serai condamné à 4 ans de prison s’il me dénonce aussi, et libéré s’il ne me dénonce pas (le même calcul valant pour lui). Si je ne le dénonce pas mais qu’il me dénonce, j’aurai 8 ans. Si nous ne nous ne dénonçons ni l’un ni l’autre nous serons condamnés à un an. Le problème de la confiance apparait ici dans toute sa simplicité. De toute évidence la solution la meilleure (ou presque) est en même temps la plus ’morale’. Elle est celle de la fidélité et de la non-trahison. Si les deux partenaires s’y tiennent, ils s’en sortiront avec une peine minimale d’un an. Mais l’adoption d’une telle solution suppose la confiance en l’autre Et la confiance dans le fait qu’il aura confiance etc. Aussitôt qu’un doute apparaît, dès que je commence à soupçonner que l’autre puisse me trahir unilatéralement — et la chose est ’rationnellement’ probable, puisqu’en me trahissant unilatéralement mon complice sera sûr de ne pas obtenir la peine de huit ans, et pourra espérer, si je ne le trahis pas moi-même, être libéré immédiatement —, je deviens irrésistiblement enclin à ’trahir’ et à entrer dans le jeu de la dénonciation. La rationalité stratégique conduit donc nos deux stratèges à s’entre-dénoncer et, pour éviter d’en subir huit, à faire quatre années de prison alors qu’ils auraient pu n’en avoir qu’une.

On a rappelé ici la version classique du dilemme du prisonnier. Qu’on jugera sans doute trop artificielle et tarabiscotée. Généralisée et rapportée à des situations ordinaires, elle débouche sur des conclusions déconcertantes. Si l’on en croit en effet la théorie des jeux (non coopératifs), à défaut d’une confiance raisonnable dans un retour possible, personne ne devrait rien faire. Ni écrire un livre, ni donner un cours ou un récital, ni aimer ses enfants ni débarrasser la table. Car comment être sûr, à chaque fois, que les autres joueront le jeu et qu’une rémunération s’ensuivra ? Comprenons bien la nature de la difficulté. Il ne fait pas l’ombre d’un doute que la ’coopération’ serait payante pour tous en général et pour chacun en particulier, si du moins il était sûr que tout le monde coopère. Le problème est que, faute de certitude personne n’a intérêt à le faire. La théorie des jeux se révèle ainsi une théorie des non-jeux. Personne ne peut en effet prendre ’rationnellement’ l’initiative. Et la théorie des jeux répétés ne règle pas le dilemme — elle produit des équilibres multiples, — malgré les espoirs nourris par ses théoriciens [Axeldod 1992, Gautier David 1986].

2°) Le paradoxe du passager clandestin (free rider) atteste, de même, de l’impossibilité pour des égoïstes rationnels de prendre l’initiative d’actions qui seraient pourtant bénéfiques pour tous (sauf intérêt particulier à le faire). C’est ce qu’établit l’économiste Mancur Olson [l965] par une autre ligne de raisonnement qui, sous l’éclairage de la question de la confiance, se révèle analogue au dilemme des prisonniers. Pourquoi devrais-je prendre la peine de participer à une action collective — une association de locataires, un syndicat — puisque si celle-ci aboutit, j’en empocherai de toutes façons les résultats, une baisse de loyer ou une augmentation de salaire, sans avoir rien fait. Est ainsi établie l’impossibilité logique de l’action collective (sauf bénéfices individuels particuliers qu’on trouverait à l’entreprendre).

Conclusion. Ces deux expériences de pensée, dilemme du prisonnier et théorème du passager clandestin, semblent conduire à des conclusions étrangement analogues à celles qu’autorise le théorème de Gödel en logique. De même que les systèmes logiques ne parviennent pas à établir logiquement leur propre logicité, de même l’axiomatique de l’intérêt débouche sur la mise en lumière du fait que la poursuite de l’intérêt peut être à elle-même son pire ennemi. Qu’il peut être rationnel de l’être moins et qu’il est moins rationnel pour tous, pour le collectif, que chacun le soit trop individuellement.

Face à cette aporie, deux lignes de conduite théorique sont possibles. Soit celle de tenter de colmater la brèche en faisant toujours plus de la même chose, en raffinant sans cesse les modèles de rationalité employés, dans l’espoir de parvenir enfin à démontrer à des calculateurs rationnels égoïstes qu’il serait de leur intérêt de cesser de l’être. Qu’ils ont donc intérêt à avoir confiance les uns dans les autres. Ou, en d’autres termes, que la confiance peut résulter du jeu des intérêts partagés et reste donc analysable dans les termes de l’axiomatique de l’intérêt. Tel est l’essentiel du travail mené en théorie des jeux (non coopératifs), la nouvelle syntaxe de la nouvelle microéconomie [Guerrien Bernard, Nemo François]. Soit celle de prendre effectivement le dilemme du prisonnier et le théorème du passager clandestin pour ce qu’ils sont réellement selon nous, des propositions méta-théoriques qui doivent s’analyser comme des théorèmes d’incomplétude ou d’impossibilité, et s’engager dans d’autres voies théoriques.

Le problème ainsi posé est, au fond, celui du statut de la sociologie. Soit elle décide de se situer dans le prolongement du modèle économique, d’une manière ou d’une autre, le collectif étant alors perçu comme le résultat d’un mode de composition plus ou moins complexe des rationalités individuelles. Tel est le choix de l’individualisme méthodologique. Soit elle part du postulat, holiste, de l’irréductibilité des normes et du collectif aux rationalités individuelles. Notons d’ailleurs au passage qu’il existe une ambiguïté dans le rapport des deux thèses, puisque, comme le montrent dilemme du prisonnier et paradoxe du passager clandestin seule la norme collective, ’irrationnelle’, permet aux individus rationnels de l’être pour de bon... La première position constitue le choix dominant de la sociologie théorique depuis une trentaine d’années. Le second était celui de la sociologie classique. Le lecteur aura compris que nous préférons le second au premier, même s’il nous semble qu’il faut le reformuler dans les termes d’un troisième choix que nous expliquerons au terme de notre parcours. En attendant, examinons donc le premier.

{}L’économisme dans la sociologie française des années 1970/80. L’individualisme méthodologique

Dans les années 1970-80, quatre écoles sociologiques occupent en France le devant de la scène : celles de Raymond Boudon, de Michel Crozier, de Pierre Bourdieu et d’Alain Touraine. Elles l’occupent d’ailleurs toujours aujourd’hui (aux alentours des années 1990-2000, A.C.), même si chacune à évolué. Or, sur ces quatre écoles, seule la quatrième, celle d’Alain Touraine est étrangère au modèle économique. Les trois autres peuvent au contraire être considérées comme autant de types d’importation et d’aménagement du modèle économique en sociologie. La différence, par ailleurs très importante, entre les uns et les autres, étant que R. Boudon et M. Crozier s’inspirent (ou s’inspiraient) du modèle économique néoclassique et/ou de la théorie des jeux, tandis que l’économie générale de la pratique de P. Bourdieu s’inspire de l’économie marxiste, dont elle constitue une sorte de généralisation comparable à celle que la nouvelle microéconomie avait fait subir, dans le camp libéral, à l’ancienne.

a) Raymond Boudon et l’individualisme méthodologique. Après avoir été le disciple français de Paul Lazarsfeld et le champion de l’empirisme quantitatif en sociologie R. Boudon est devenu le principal introducteur et défenseur de l’individualisme méthodologique dans la sociologie française. Il a mobilisé à cette fin une intense, et par ailleurs très utile, activité éditoriale, visant à montrer comment tout ce qui s’est produit de fécond dans la tradition sociologique, même chez Marx ou Simmel par exemple, aurait été inspiré des préceptes de l’individualisme méthodologique. Autrement dit de l’idée que tous les phénomènes sociaux doivent être rapportés à des choix rationnels effectués par des sujets individuels. Et seulement des sujets individuels.

Quelle différence avec le modèle économique ? Seulement celle-ci que, montre R. Boudon, de l’entrecroisement des choix individuels rationnels, résultent par effet de composition des institutions ou des faits sociaux qui n’ont été voulus par personne. Les faits sociaux sont le résultat de l’action des individus mais non de leurs desseins [Ferguson]. La sociologie est la science de ces résultats collectifs non prévus et non voulus, que R. Boudon qualifie d’’effets pervers’ [Boudon, 1979]. Par exemple, et on retrouve ici l’influence de M. Olson comme celle du dilemme du prisonnier, si l’enseignement supérieur court (les IUT) ne recrute guère dans les années 70, c’est que quoique collectivement intéressant pour les étudiants, il est plus intéressant pour eux, à titre individuel, de se lancer dans l’enseignement supérieur classique [1].

L’individualisme méthodologique de R. Boudon et de ses disciples a des vertus critiques certaines. Il excelle dans la déconstruction des concepts holistes mal élucidés [Boudon, 1984]. Mais il n’échappe évidemment pas aux difficultés propres à toutes les approches économiques de type néoclassique. Très tributaire dans ses premières formulations d’une vision étroitement utilitariste et rationaliste de l’homo œeconomicus/sociologicus, il basculait aisément dans la tautologie. Petit à petit, R. Boudon en est venu à répudier l’utilitarisme revendiqué au départ et à assouplir considérablement l’hypothèse de la rationalité des acteurs sociaux individuels. Il se borne désormais à leur imputer des ’bonnes raisons’ d’agir. Expliquer en sociologie, c’est trouver ces bonnes raisons. Et, en un sens, on ne peut qu’être d’accord avec cette proposition de bon sens. Mais si on ne nous en dit pas plus, il apparaît que nous n’en sommes qu’au début de nos peines, car il reste à bâtir une théorie, ou au minimum une typologie de ces bonnes raisons qui puisse servir de guide au sociologue. Sans elle nous serons condamnés à chercher indéfiniment des bonnes raisons toujours particulières, ad hoc, et nous aurons simplement troqué les tautologies formelles dures du modèle économique pur pour des tautologies sociologiques molles [2].

b) L’analyse stratégique de Michel Crozier (et Ehrard Friedberg), exposée en 1977 dans L’acteur et le système, est de prime abord moins ambitieuse, parce que se voulant moins générale que l’individualisme méthodologique boudonien. D’abord préoccupés d’éclairer les dysfonctionnements organisationnels, elle s’est développée en effet exclusivement dans le cadre de la sociologie des organisations, et ne prétend pas valoir au-delà, même si rien n’interdit a priori de l’étendre. Quoique faisant beaucoup appel au concept de jeu, comme la théorie des jeux, l’approche stratégique ne revendique pas de filiation claire et directe par rapport à l’analyse économique dont, inspirée déjà par les critiques d’Herbert Simon [1983], elle redoute manifestement le rationalisme trop limité. Le concept de stratégie n’en est pas moins fort proche du concept d’action rationnelle de la RAT. ’La stratégie est le fondement, inféré ex post, des régularités de comportement observées empiriquement’, écrivent nos auteurs. [p.48]. À la limite, ’il n’y a donc plus de comportement irrationnel’, poursuivent-ils, à la manière de L. Van Mises. Le point fort de l’analyse stratégique, mais aussi sa faiblesse potentielle, est, à la différence des économistes ou de R. Boudon, de ne pas présupposer qu’un intérêt connu et défini préexiste à l’action. ’C’est l’occasion qui fait le larron’, est-il répété à de nombreuses reprises. Comprendre le fonctionnement organisationnel, c’est repérer et analyser les occasions qui, en son sein, s’ouvrent au gré des circonstances aux divers groupes qui s’y affrontent et qui en suivant chacun leur logique propre produisent une opacité générale et la bureaucratisation. La stratégie est ce qui organise les pratiques mises en œuvre dans les ’jeux’ et dans les ’métajeux’ dont la dialectique fonde la vie organisationnelle.

Par ailleurs, à suivre M. Crozier et E. Friedberg, les intérêts stratégiques censés commander l’action semblent être des intérêts de pouvoir. Mais ceci peut être compris en deux sens : a) En un sens instrumental : le comportement est l’ ’expression d’une stratégie rationnelle visant à utiliser son pouvoir au mieux pour accroître ses gains et ses pertes au sein de l’organisation’ (p.79) ; b) non instrumental : le pouvoir peut aussi être recherché pour lui-même. Mais il est alors défini négativement, comme une ’marge de liberté dont dispose chacun des partenaires engagé dans une relation de pouvoir’. Cette définition est frustrante. Le pouvoir y apparaît en somme comme ce qui permet d’échapper au pouvoir..... On ne peut que regretter cette obscurité et la circularité du concept de pouvoir. Regretter aussi que les groupes posés comme sujets des stratégies ne soient définis que par leur inscription dans l’organisation elle-même, comme si l’extérieur et le contexte social d’ensemble n’existaient pas. Restent malgré tout des analyses très pertinentes, sensibles au concret, et qui ont beaucoup fait pour dissiper la vision administrative et mécaniciste de la vie au travail. L’idée de groupes en lutte pour échapper au pouvoir des autres groupes, — en se rendant le plus imprévisible possible — séduit et éclaire. Mais il n’y a pas là une théorisation générale et systématique.

Crozier et Friedberg, vingt ans après

Une dizaine d’années après, M. Crozier 1989] abandonnera plus ou moins l’analyse stratégique en expliquant qu’elle n’est plus d’actualité parce que le mode de fonctionnement des entreprises et des organisations a changé. E. Friedberg en revanche, tentera de l’étendre et de la radicaliser [1993] en un ’utilitarisme méthodologique’ revendiqué comme tel. Niant non seulement que les intérêts préexistent à l’action et aux choix, mais même que le concept général d’intérêt puisse avoir un sens, le transformant donc en un pur signifiant vide, il en appelle à un empirisme radical qui aura la charge d’identifier des intérêts infiniment divers et changeants. La tentative est fine et méritoire, mais ce théoricisme de l’empirisme radical risque fort d’être vite autoréfutant. Si on se refuse à nous donner ne serait-ce qu’un début d’hypothèse et de typologie sur la nature des intérêts qui meuvent les acteurs — comme R. Boudon sur les ’bonnes raisons’ —, alors tout le travail reste à faire et nous n’avons guère avancé.

c) Pierre. Bourdieu et l’économie de la pratique.

{{}} En se donnant elle-même l’appellation d’’économie générale de la pratique’, la sociologie systématique de P. Bourdieu se présente explicitement comme une analyse économique généralisée. Mais, ce qui est ainsi généralisé, ce n’est pas l’analyse néoclassique ou la théorie des jeux, pour lesquelles P. Bourdieu n’a que dédain, mais une vision marxiste de l’économie, toute entière animée et structurée par la conscience intense de la différence des classes sociales et par l’horreur de la violence exercée par les dominants sur les dominés. Exposé et développé dans les deux livres majeurs de l’auteur, La distinction et Le sens pratique, le système de P. Bourdieu se déroule à partir et autour de la réaffirmation constante de deux séries de paradoxes qui en constituent les leitmotiven et les axes moteurs :

  • 1°) il est intéressant d’être désintéressé. Moins on calcule explicitement et plus c’est payant. 2
  • 2°) Plus ça change et plus c’est la même chose. Pour reproduire sans cesse leur domination, il faut que les classes dominantes en renouvellent en permanence les formes et les domaines (les champs). Réciproquement, plus les institutions sociales sont en apparence neutres et insensibles aux différences de classe — comme c’est le cas dans l’institution scolaire où les notes ne sanctionnent que le mérite ’objectif’ et nullement l’origine de classe [Bourdieu et Passeron, 1970] —, et plus efficacement elles contribuent à la reproduction des conditions matérielles et symboliques de la domination. Ces deux conclusions paradoxales, sans cesse réaffirmées — et qui constituent les deux faces de la sociologie de P. Bourdieu à la fois sociologie de l’intérêt et du soupçon, et sociologie de la domination et de la reproduction, s’appuient sur cinq séries de propositions principales.

Cinq propositions :

1- La dialectique des capitaux. Loin que le capital économique puisse s’accumuler par des voies exclusivement économiques, comme le pense la science économique, il lui faut se convertir sans cesse en capital social (ensemble des relations utiles), en capital culturel, linguistique et scolaire (les diplômes qui légitiment), et, enfin et surtout en capital symbolique, ce capital de prestige qui ne s’accumule, paradoxalement, qu’à coup de ’désintéressement’, de générosité affichée, d’amour de l’art, de la littérature ou de la science, d’autant plus payants en profits de distinction, voire en profits monétaires que le désintéréssement est subjectivement réel. La domination de classe n’est donc pas liée au seul capital économique mais au volume total du capital, considéré sous toutes ses formes.

2 — Le primat du capital économique. Mais dans cette dialectique incessante des capitaux, c’est le capital économique qui joue le rôle déterminant en dernière instance et qui en constitue la vérité objective. Pour pouvoir être subjectivement réellement ’désintéressé’, il faut être, en amont, assuré de sa légitimité sociale, et celle-ci dépend étroitement du niveau de capital total détenu par le lignage dont on est issu. Réciproquement, mais en aval cette fois, c’est la capacité à s’engager sans calcul explicite et conscient dans l’action qui est la condition de son succès. Ainsi s’accumule le capital symbolique qui, à son tour, peut se reconvertir en capital social et, à terme plus ou moins lointain, en capital économique.

3 — L’utilitarisme de l’anti-utilitaire. Puisque tout ce qui est fait sans calcul, de façon désintéressée et non ou anti-utilitaire, aboutit à accroître le capital symbolique, et plus généralement le volume global du capital, on doit en déduire, de façon toute pascalienne et janséniste, qu’aussi pur et désintéressé soit-on subjectivement, on ne peut jamais l’être objectivement. Plus le goût esthétique est affirmé, plus l’amour de la vérité se donne libre cours, et plus se symbolise et se reproduit à la fois la légitimité sociale qui marque l’appartenance au camp des dominants. Reprenant les analyses de Thorstein Veblen [Veblen 1970], P. Bourdieu entend montrer que les goûts, qu’ils soient esthétiques ou alimentaires,’ sont avant tout des dégoûts’ envers les classes dominées, celles dont le capital économique ne leur permet pas de s’affranchir de la ’nécessité matérielle’. Ici encore, on le voit, c’est la nécessité matérielle, l’économique substantiel donc, qui est placé au poste de commandement de la machinerie sociologique.

4 — Reproduction sociale et arbitraire. Quel que soit donc le champ dans lequel l’action sociale s’exerce, qu’il soit économique, culturel, esthétique, sportif, politique, philosophique, scientifique etc. il ne comporte pas d’enjeux intrinsèques, qui vaudraient pour eux-mêmes. On croit aimer l’activité dans laquelle on se lance. Sans doute même l’aime-t-on vraiment subjectivement. Mais objectivement, le seul enjeu est d’empocher dans ce champ, un profit de distinction qui concourt à l’affirmation de sa valeur sociale et à l’accroissement de son capital.

5 — L’habitus. Le système sociologique se boucle par le concept d’habitus qui a pour fonction d’éclairer les déterminants de l’action des acteurs sociaux en rendant compte aussi bien du sentiment de pleine liberté subjective ressenti par les sujets individuels que de la certitude où se trouve le sociologue de la pratique de pouvoir en rendre compte objectivement grâce à la seule connaissance de leur origine de classe. Il suffit pour cela de poser que les sujets ne peuvent pas faire autre chose que de désirer librement les seules choses que leur situation objective de classe les amène nécessairement à désirer. Ainsi, par la méconnaissance obligée de l’intérêt objectif dissimulé sous le désintéressement subjectif, et à travers le jeu des libertés subjectives qui s’affrontent, le système de la domination sociale se reproduit-il, dans un déterminisme absolu et avec une nécessité de fer. Et rien, ni lutte des classes, ni action politique collective ni mobilité sociale, impossible, n’y pourra rien changer. Car pour les dominés, les dés sont toujours pipés, et la partie toujours déjà jouée d’avance et perdue.

d) Dépassement ou dénégation/dilution de la notion d’intérêt ? Le système bourdieusien en impose par son ambition, sa cohérence et sa systématicité. À bien des égards, il représente une sorte d’apothéose de ce qu’on peut appeler l’ ’axiomatique de l’intérêt’, la pensée de l’homo œconomicus poussée jusqu’à ses plus extrêmes conséquences. C’est la raison pour laquelle nous lui avons consacré une place non négligeable, car il pose de la façon la plus aigüe la question de savoir ce qu’il est possible de faire de la notion d’intérêt et de calcul.

Une critique de la sociologie de P. Bourdieu

Bornons-nous aux cinq séries de questions ou remarques suivantes [cf. Caillé, 1994] :

1 — Dans cet incessant travail de conversion des capitaux, on ne voit pas trop qui calcule et spécule. Ni qui paye et qui empoche les bénéfices. Et à quel terme. ’Qui calcule ?’, demande Bourdieu lui-même : le lignage, la famille, le groupe social, l’individu ? On ne sait pas trop, conclut-il. La seule idée qui reste de façon certaine est donc que ’ça calcule’. Ou encore, que l’économique économise.

2 — Tant qu’à faire de parler de capitaux, pourquoi le capital symbolique ne serait-il pas aussi déterminant que l’économique, ou plus ? Les analyses bourdieusiennes de la légitimité sociale devraient conduire dans cette direction. Elles ne peuvent toutefois pas y aboutir parce qu’il faudrait renoncer à toute l’analyse objectiviste du champ des classes sociales qui confère au système son cachet de scientificité objective. Pour que cet objectivisme scientiste tienne, il faut postuler qu’il y a d’abord du réel objectif (et quantifiable) et après seulement de la légitimité, des symboles et de la représentation. Quelque importance qu’on leur accorde, on doit les considérer comme toujours seconds et au bout du compte secondaires.

3 et 4 — Toute l’analyse repose sur une confusion entre ce qu’on pourrait appeler l’intérêt pour — l’intérêt pour les pratiques qui sont à elles-mêmes leur propre fin — et l’intérêt à — ce qu’on fait en vue d’autre chose. L’intérêt final et l’intérêt instrumental. Bien sûr, je ne jouerais pas du piano si je n’y prenais pas plaisir (intérêt pour). Il n’en résulte nullement que je joue uniquement parce que j’ai un intérêt, instrumental, objectif à jouer. De même, poser qu’il ne peut pas y avoir d’action désintéressée, c’est confondre le désintéressement avec le désintérêt, et déduire abusivement que, puisqu’une action est toujours motivée (on n’agit pas par désintérêt), alors elle est toujours ’intéressée’, au sens de l’intéressement.

5 — Enfin, le concept d’habitus a l’avantage de proposer une théorie de la formation sociale des besoins et des préférences, au lieu de se les ’donner’, et de les supposer donc tombés du ciel, comme dans l’économie néoclassique. L’avantage aussi de réinscrire les sujets dans leur environnement social objectif et de ne pas leur prêter une rationalité aussi forte et transparente que systématiquement controuvée. Mais, nous l’avons suggéré en présentant le concept, il a l’inconvénient de ne résoudre les difficultés que de manière largement verbale en accordant aux sujets une liberté parfaitement illusoire.

6— Nous ne pouvons pas suivre ici les évolutions récentes du système de P. Bourdieu. Deux d’entre elles seulement doivent être notées. D’une part, très certainement pour parer au reproche d’utilitarisme, P. Bourdieu a jugé bon depuis [1987, 1994] de se débarrasser du concept d’intérêt si omniprésent dans son système et de le remplacer par le concept d’illusio (ou de libido). Cette illusion qui fait qu’on se prête au jeu, qu’on décide de le jouer et de s’investir dans les divers champs de la pratique. C’est là escamoter le problème. Assurément, on ne jouerait pas le jeu social si on ne s’y investissait pas. Si on n’y éprouvait pas ce que nous appelions à l’instant de l’intérêt pour. Mais si on ne parle plus de l’articulation de l’illusio à l’intérêt matériel de classe, à l’intérêt objectif, à l’intérêt à, alors il ne reste plus rien du système grandiose. On se borne à renvoyer, ici aussi, à la diversité empirique des intérêts [3].

7— D’autre part, contrairement à ses propres préceptes épistémologiques [Bourdieu, 1968], Bourdieu semble maintenant préférer les entretiens non directifs [Bourdieu,1993] au travail de l’objectivation sociologique, et ne rechigne pas, on le sait, à faire servir directement la sociologie à un combat politique. Voilà qui n’est pas pour nous effrayer, quant à nous. Reste à savoir si ce combat est le bon. L’absence dans cette économie générale de la pratique de toute réflexion sur le politique nous incline à penser que non.

On le constate, partis de l’acceptation assez irraisonnée d’un modèle économique plutôt sommaire, tous les grands noms de la sociologie française en sont venus à prendre peu à peu leurs distances avec l’utilisation des notions de rationalité et d’intérêt. À la rationalité R. Boudon aura substitué les ’bonnes raisons’ et à l’intérêt P. Bourdieu l’illusio. Mais, pour employer le langage de P. Bourdieu, il y a là plus une euphémisation de la notion d’intérêt qu’un véritable dépassement critique et réfléchi. L’unanimité se fait désormais pour considérer qu’il y a autant d’intérêts divers que de situations [Friedberg, 1993], qu’il est indéfiniment pluriel [Lahire, 1998], toujours ’formaté’ de manière spécifique [Callon, Latour, 1997]. On abandonne l’Intérêt et la Rationalité pour les intérêts et les rationalités contextuelles. Mais ce qui reste ininterrogé c’est le statut d’une conception instrumentale (et donc utilitariste) de l’action. Si l’’intérêt’ n’est plus nulle part en particulier, n’est-ce pas parce que, à coups de pseudo-déconstructions, il est désormais partout ?

Conclusion. Le problème de la sociologie individualiste rationaliste.

{{}}P. Bourdieu croit se situer aux antipodes de l’individualisme méthodologique. On pourrait montrer qu’il en est sans doute beaucoup moins éloigné qu’il ne le croit [Brochier, 1997]. Comme les sociologies d’inspiration économique et comme les économistes, il semble penser que les individus et les collectifs se déterminent d’abord dans la ’réalité’ — que ce soit la réalité des besoins, des préférences, de la raison ou de la nécessité matérielle — et après seulement dans l’ordre symbolique.

Quoi qu’il en soit, il ne sera pas inutile, pour conclure ce chapitre, de sortir de France et de donner la parole à celui qui est aux États-Unis le principal représentant de la très influente école sociologique qui place tous ses espoirs dans la généralisation de la RAT (rational action theory), James S. Coleman. Dans son introduction au recueil qu’il a dirigé avec Thomas J. Fararo, il écrit que ’pour avoir une théorie sociologique parfaitement satisfaisante, il faudrait satisfaire à trois séries d’exigences [Coleman et Fararo,1992, ,p. IX] :

1 - Ce dont la théorie doit rendre compte, c’est du comportement des systèmes sociaux (grands ou petits), et non de celui des individus.

2- L’explication du comportement des systèmes sociaux doit être énoncée en termes d’explication du comportement des acteurs individuels, ce qui implique :

a) une théorie des transitions entre le niveau du système social et celui des acteurs individuels, problème qui est souvent désigné comme le problème micro/macro.

b) une théorie psychologique, ou encore un modèle des sources de l’action individuelle’.

Cette formulation a le mérite de la brièveté et de la clarté. Un rapide commentaire permettra de pointer ce qu’elle laisse dans l’ombre. On observera que le propos est au fond très dénégateur. Contrairement à ce que laisse entendre l’affirmation n°1, tout converge vers l’idée que ce qu’il s’agit d’expliquer c’est en fait l’action individuelle. La sociologie débouche donc sur l’appel à une psychologie. De même on notera que le problème qualifié de micro/macro n’est perçu que dans un seul sens, celui du passage du micro au macro, et que le sens inverse est totalement ignoré. S’agit-il par ailleurs d’expliquer ou d’interpréter les sources de l’action individuelle ? Ce qui est ici totalement perdu de vue c’est la perception de la nature symbolique aussi bien de la totalité sociale que de la psyché individuelle, qui fait qu’entre les eux il n’y a pas tant rapport de ’détermination’ que de traduction.

De cet examen de certains pans de la sociologie contemporaine, nous conclurons donc de façon quelque peu désabusée que, malgré des progrès analytiques évidents et en dépit de nombre d’analyses passionnantes, la sociologie contemporaine, considérée dans ses courant dominants, i.e. individualistes et utilitaristes, est très en retrait par rapport au niveau de formulation des problèmes théoriques qui avait été atteint par la sociologie classique dans la première moitié du siècle. Une des raisons principales en est qu’elle a oublié que la sociologie n’avait pris sens jusqu’à présent qu’en tentant d’élucider son rapport critique à la science économique et à l’utilitarisme. Dès lors que ceux-ci sont pris seulement comme moyen d’explication et non, aussi, comme ce qui doit être expliqué, l’inspiration sociologique se tarit.

P.S. 2015. Depuis les années 1990-2000, la sociologie et les sciences sociales en général semblent s’être écartées de l’axiomatique de l’intérêt pour basculer dans ce qu’il est tentant d’appeler un constructivisme-déconstructionniste généralisé. C’est la nouvelle vulgate. Quel que soit l’objet d’étude choisi il n’est pas une thèse de sociologie qui ne se croit obligée de montrer que les institutions, les pratiques ou les faits sociaux étudiés sont des construits, arbitraires ou contingents, que l’on pourrait donc, voire que l’on devrait déconstruire. On pourrait montrer comment ce nouveau paradigme de la science sociale est l’aboutissement logique de l’utilitarisme et de l’axiomatique de l’intérêt. Et comment il est en parfaite consonance avec la domination mondiale d’un capitalisme rentier et spéculatif pour lequel tout doit pouvoir en effet à tout moment être déconstruit ou reconstruit selon les perspectives de rendement offertes.

// Article publié le 14 décembre 2015 Pour citer cet article : Alain Caillé , « Introduction à la science sociale – Première partie – Chapitre II », Revue du MAUSS permanente, 14 décembre 2015 [en ligne].
https://journaldumauss.net/./?Introduction-a-la-science-sociale-1272
Notes

[1Étant donné la décrépitude de l’université française, cette proposition est devenue totalement caduque aujourd’hui (2015)

[2À partir des années 2000 R. Boudon a mené un important et intéressant travail de réhabilitation et d’explicitation du concert de rationalité axiologique, i.e. de rationalité par rapport aux valeurs (Wertrationalität) de Max Weber, d’où il ressort qu’on peut être considéré comme rationnel non seulement en suivant son intérêt instrumental mais en obéissant à des valeurs auxquelles il semble important de sacrifier son intérêt personnel immédiat. On ne peut qu’être d’accord, mais il convient d’observer qu’en allant dans cette direction et en la prenant au sérieux, on s’éloigne nécessairement de l’individualisme méthodologique puisque les valeurs en question ne trouvent pas leur origine chez les individus mais dans la société ou dans la culture qui les leur proposent.

[3Dans le sillage revendiqué de Pierre Bourdieu, un Frédéric Lordon, tient au contraire fermement sur le concept d’intérêt dans lequel il croit trouver la clé universelle de toutes les pratiques, retombant ainsi dans les tautologies propres au modèle économique néoclassique dont il critique pourtant par ailleurs avec virulence les conclusions politiques. . Cf. F. Lordon, L’intérêt souverain, La Découverte. (2015)

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