Entre sciences sociales et philosophie : le paradigme hybride du don, Alain Caillé et la Revue du MAUSS

Nous donnons ici la traduction française de la belle préface donnée par Francesco Fistetti à la traduction partielle, en italien, de Théorie anti-utilitariste de l’action, d’A. Caillé. Elle témoigne d’une compréhension en profondeur des enjeux du paradigme du don et attire avec une grande finesse l’attention sur certains aspects généralement négligés, notamment la question du rapport à l’utilitarisme et celle, complexe et controversée, de la place qu’il convient d’accorder à celui-ci dans l’histoire des idées, en Occident et ailleurs. A.C.
N. B. Il manque quelques références aux publications en français

Traduction suivie du texte original en italien.

À Alfredo Salsano
In memoriam

1. La rupture épistémologique et politique avec l’idéologie de l’homo œconomicus généralisé [1]

Les trois essais d’Alain Caillé que nous présentons iciconstituent une sorte de condensé théorique et méthodologique d’un long parcours de recherche. Initié en compagnie d’économistes, de sociologues, d’anthropologues, il a conduit à la création, en 1981, de La Revue du MAUSS. Cette revue du Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales fut, dès son origine, inspirée principalement par deux figures, celle de Marcel Mauss (1872-1950), héros éponyme de la tradition anthropologique française, et de Karl Polanyi (1886-1964), auteur du célèbre texte La grande transformation [2] dont la pensée est au cœur de la revue grâce, entres autres, aux mérites d’un chercheur italien mort prématurément, Alfredo Salsano [3].
Qu’ont en commun Marcel Mauss, neveu d’Émile Durkheim, et l’économiste Karl Polanyi, partisan d’un « marxisme à visage humain, ou plus précisément, humaniste » [4] ? Anticipons la réponse de Caillé que nous discuterons à la fin de ce texte introductif. L’anthropologue Mauss et l’économiste Polanyi partagent l’idée que l’homme n’a pas toujours été un animal économique, une machine à calculer les coûts et les bénéfices, les plaisirs et les peines qui découlent de son action. L’économie « substantive » n’est pas structurée, comme nous le répète le dogme du libéralisme économique, par le marché à prix variables. Elle a, au contraire, pour fin de satisfaire les besoins matériels et obéit à la logique de la réciprocité - du don et du contre-don - ou à la logique de la redistribution, « i.e. la gestion domestique ou par la gestion étatique des ressources dans le cadre de laquelle et assurée le contrôle des marchés et des prix là où marchés il y a  » [5]. Seule l’économie moderne, en tant qu’économie de marché autorégulée constitue une économie « formelle », dans le sens où elle tend de plus en plus à se présenter comme dissociée (disembedded) de la société et à subordonner hiérarchiquement les relations que les hommes entretiennent entre eux aux relations qu’ils entretiennent avec les choses.
Par conséquent, le geste inaugural de la revue et de ses promoteurs peut être considéré comme un geste de rupture radicale avec le paradigme qui, dans les années 1960 et 70, était devenu hégémonique dans les sciences sociales, politiques et humaines en général, c’est-à-dire avec ce que l’on appelait le modèle économique. Et ce n’est pas un hasard que tous ceux, à commencer par Caillé, qui ont été dès l’origine les animateurs du MAUSS, ont opéré une rupture plus ou moins définitive avec les postulats déterministes et rationalistes du marxisme alors dominants [6]. Il convient de souligner immédiatement que ce geste de rupture, accompli contre l’économisme de la culture contemporaine dans la multiplicité de ses orientations, qu’elles soient marxistes ou libérales, est de nature éminemment politique, en plus qu’épistémologique.
La question qui est sous-entendue en effet est de savoir si le destin de la planète est de devenir une seule et grande société de marché ou s’il est possible de réinventer ou de redéfinir les voies d’un nouvel « embeddedness » de l’économie dans la société de façon à ce que les sociétés humaines puissent exercer des formes de contrôle démocratique sur les dynamiques économiques et financières. Les enjeux ainsi soulevés sont donc à la fois d’ordre scientifique, qu’il s’agisse notamment de reconsidérer le statut disciplinaire de l’économie en l’appelant à se réinscrire dans le giron des sciences morales auxquelles elle appartenait depuis Aristote jusqu’à l’économie politique classique, mais aussi d’ordre politique. Que l’on songe, par exemple, à des thèmes cruciaux comme la qualité de la démocratie, les rapports entre démocratie et capitalisme, les limites du compromis social démocratique, la crise du welfare state, la question de la reconnaissance des cultures subalternes jusqu’à aujourd’hui marginalisées sur la scène internationale, la transformation dans un sens multiculturel des sociétés post-coloniales, la formation d’un société civile mondiale, et surtout, le besoin toujours plus pressant d’une gouvernance pluraliste de caractère supranational face à des défis transnationaux, comme la faim, la sècheresse, les catastrophes écologiques, le terrorisme etc.
Au regard de ces urgences absolument inédites, l’inadéquation du « modèle économique » dominant apparaît toujours plus évidente. Son postulat philosophique de base, destiné à recevoir une audience croissante dans les sciences sociales avec l’École de Chicago et avec l’œuvre de Gary Becker et de Friedrich A. von Hayek, était que la théorie de l’action rationnelle (RAT) n’explique pas seulement ce qui se produit sur les marchés dans l’échange des marchandises et de la monnaie, mais plus encore l’ensemble des comportements humains : amour, criminalité, croyances religieuses, attitudes politique, éducation etc. Cette dilatation démesurée de la science économique, quelles qu’en soient les nombreuses versions dans des horizons intellectuels parfois opposés (il suffit de penser, en sociologie, à deux auteurs comme Pierre Bourdieu et Raymond Boudon), a, selon le MAUSS, précédé l’offensive du néolibéralisme qui a marqué l’entrée dans l’époque de la soi-disant mondialisation au moins jusqu’à la grande crise économique et financière de 2008.
Il est clair que l’hégémonie de l’idéologie de l’homo œconomicus dans les sciences sociales et dans la philosophie morale renvoyait à une conception anthropologique et philosophique sous-jacente qui est celle que nous pouvons résumer par le terme d’utilitarisme. Caillé tend à donner une interprétation originale de cette doctrine qui va bien au-delà du récit canonique qui fait de Jeremy Bentham, dans Principles of Morals and Legislation (1789), ou de John Stuart Mill, dans Utilitarianism (1861), ses pères fondateurs, et des moralistes écossais, D.Hume et A.Smith, ou d’Helvetius et Beccaria, ses précurseurs. Au sens large, l’utilitarisme désigne toutes ces théories qui identifient le plus grand bonheur possible avec l’intérêt individuel (individual self-interest), obtenu au moyen du contrat et du libre marché. Au sens étroit, le terme se réfère à ces positions théoriques qui, comme la figure du roi-philosophe de Platon ou la conception de la législation de Bentham, confient l’obtention du bonheur individuel à l’action rationnelle des gouvernants qui, en manipulant les désirs des gouvernés par des récompenses et des punitions, réalisent ce qu’Élie Halévy appelait « l’harmonisation artificielle des intérêts » [7].
La réflexion de Caillé sur l’utilitarisme aboutit à toute une série de résultats théoriques et historiographiques. En premier lieu, l’auteur montre que la thèse selon laquelle les êtres humains essayent de maximiser leurs plaisirs par le biais d’un calcul rationnel - et que la société juste est celle qui génère un excédent de plaisirs par rapport aux souffrances, ne naît pas du tout avec Bentham. Elle est pour ainsi dire une thèse matricielle puisque, conjointement avec la thèse opposée (anti-utilitarisme), elle est inscrite au coeur de la culture occidentale. Dans la République platonicienne, Caillé affirme que l’argumentation exotérique de Socrate est de nature utilitariste : le bien commun équivaut au maximum de bonheur pour le plus grand nombre et seul le philosophe détient la métrique rationnelle, c’est-à-dire les critères avec lesquels accomplir le juste calcul des plaisirs et des peines pour ainsi imposer les lois à la cité - et cela sans attaquer la doctrine ésotérique réservée aux happy few [8]. De plus, remarque-t-il, cette thèse est également défendue sous la plume de législateurs chinois depuis le IVe siècle avant J.-C., en particulier chez des philosophes comme Mozi et Han Fei Tse, et en Inde auprès du poète Kautylia, le Machiavel indien, auteur du traité politique Artha Shastra. Bentham aurait donc en quelque sorte résumé 2000 ans de philosophie utilitariste et aurait été davantage le dernier que le premier à concevoir que l’utilité puisse se définir sur la base de paramètres objectifs et universels et qu’elle soit calculable de manière cardinale.
Dans l’histoire de la culture occidentale, surtout dans l’histoire de la philosophie, on tend à poser un antagonisme entre utilitarisme et anti-utilitarisme, comme deux tendances structurelles, ayant pour enjeux, depuis l’Antiquité, le lien entre vertu et bonheur, et depuis le Moyen Âge puis l’entrée dans l’âge moderne, entre volonté et raison, puis, avec l’affirmation des démocraties libérales, entre l’intérêt pour soi et l’intérêt pour autrui, ou, comme, nous pourrions aussi dire de façon générale, entre liberté et égalité [9]. Dans le principe benthamien d’utilité [10], Caillé distingue une dimension descriptive et une dimension normative. La première repose sur le constat que chaque individu agit exclusivement en vue de son intérêt personnel élevé au rang d’un principe moral ou d’un principe suprême de conduite. Pour l’individu, cela implique d’obtenir pour soi le plus grand bonheur possible sans se préoccuper des conséquences pour les autres. La deuxième dimension, normative, prescrit que le législateur doit poser comme principe celui du plus grand bonheur du plus grand nombre. Ce qui soude entre elles ces deux dimensions – celle qui est relative à ce qui est et celle qui est relative au à ce qui doit être, c’est ce que Halévy définissait par le terme d’harmonisation artificielle des intérêts. Cette harmonisation est le fait du législateur qui a pour devoir d’augmenter le bonheur du plus grand nombre. Puisque la communauté est un « corps fictif », puisqu’elle n’est autre qu’un agrégat d’« individus considérés comme étant ses membres », l’intérêt de la communauté ne fait qu’un avec la somme des intérêts des différents membres qui la composent [11]. Tout le problème de Bentham est de garantir la cohérence entre l’« intérêt de l’individu » et l’« intérêt de la communauté », entre la « somme totale des plaisirs de l’individu » et la « somme totale des plaisirs » de la communauté [12]. C’est dans l’échec de cette cohérence dont Bentham confiait la responsabilité à un législateur rationnel que Caillé dévoile ce qu’il nomme l’antinomie de la raison utilitaire [13], c’est-à-dire « la tension entre l’affirmation que le seul souverain que les individus puissent entendre est celui de leur intérêt – alias leur bonheur ou leur utilité – et l’affirmation complémentaire que les seules actions justes et souhaitables sont celles qui contribuent au bonheur de tous ou du plus grand nombre » [14]. C’est à partir de là que Bentham oscille entre individualisme méthodologique et holisme, entre le principe self-regarding (principe de l’égoïsme) et principe communautaire, entre intérêt individuel et intérêt collectif, et qu’il est tenté de résoudre cette contradiction en s’appuyant sur une « démocratie de protection » dans laquelle la satisfaction des préférences individuelles peut tolérer une limitation des libertés civiles et politiques, ou le recours à un pouvoir politique autoritaire, comme le craignaient Tocqueville et Constant. « Démocratie de protection » que, plus récemment, un auteur comme Hayek n’a pas hésité à justifier dans le but de sauver la liberté économique ou mieux encore, la liberté de marché [15].

2. Les antinomies de la raison utilitaire. Une approche antirationaliste et antirelativiste


Il faut souligner que l’approche de Bentham par Caillé laisse derrière elle les débats de la littérature récente sur l’utilitarisme, partagée entre les partisans de l’utilitarisme de l’acte (Bentham et Stuart Mill) et ceux de l’utilitarisme de la règle (J. J. Smart, M. Singer, D. Lyons et R. Hare). Alors que les premiers, en mettant l’accent sur l’action individuelle, entendent évaluer l’incidence de l’acte particulier de l’agent sur le rapport total entre bénéfices et inconvénients, les seconds évaluent les conséquences d’une action individuelle à la lumière d’une règle fondée sur la visée de la satisfaction du bien commun [16]. A Caillé entend montrer que l’utilitarisme de Bentham se situe dans le cadre d’une conception de l’utilité qui présente une réalité objective, physique, qui s’oppose au luxe, au superflu, au passionnel, ou pour reprendre un terme cher à Bentham, à ce qui est illusoire, fantastique, car privé de tout référent dans la réalité concrète comme il le soutient dans The Theory of Fictions [17].
Il faut signaler que sur le plan de l’histoire des idées, Caillé prend ses distances avec les positions rationalistes qui, dans leur analyse d’une discipline scientifique déterminée, prétendent raconter l’histoire d’une vérité rationnelle définitive et de son triomphe progressif sur les erreurs et les mensonges qui ont grevé son affirmation. L’auteur ne partage pas pour autant les conceptions historicistes et relativistes suivant lesquelles une œuvre ne reçoit son sens que de la problématique propre à l’époque où elle est née, niant ainsi non seulement l’originalité de son auteur mais aussi le caractère commensurable d’oeuvres appartenant à des cultures et des périodes différentes. En ce sens, l’attitude historico-herméneutique de Caillé se rapproche de la règle historiographique de Léo Strauss et de sa double critique du rationalisme et du relativisme. Ce qui, pour Strauss, est valable pour l’antiquité classique - c’est-à-dire la difficulté que nous rencontrons dans la compréhension des réponses à certaines questions philosophiques (comme celle sur l’ordre politique juste) en raison du fait qu’il s’agit de questions qui découlent d’un style d’interrogation différent du nôtre - vaut également selon Caillé pour les questions relatives au « principe d’utilité » de Bentham et à « l’histoire des effets » de l’utilitarisme benthamien.
Pour comprendre les œuvres, on doit donc en même temps éclairer le rôle joué par le « contexte dans lequel nous les recevons et par celui qui a présidé à leur élaboration » [18]. Appliquée à l’histoire de l’utilitarisme, cette posture méthodologique conduit à écarter toutes les interprétations « révisionnistes » qui ne prennent pas en considération le « contexte » historique dans lequel celui-ci a été élaboré ainsi que sa réception critique de la part de ces contemporains qui ont conduit à renverser totalement l’image d’un Bentham égoïste au profit d’un Bentham mu exclusivement par l’« impératif catégorique » du bonheur public. « Le rôle de l’interprète, explique Caillé, est de savoir quelles pensées sont effectivement activées par un auteur, lesquelles restent chez lui ou récessives, lesquelles sont enfin seulement virtuelles. Disons-le autrement, de façon peut-être plus concrète. Il faut bien, dès lors qu’on s’engage dans l’aventure de la pensée, partir de ce de ce qui semble faire l’évidence. Les évidences initiales différent selon les auteurs. Ce sont elles qui donnent le ton et constituent l’armature. Pour certains l’évidence est celle de l’intérêt, du calcul et de la causalité. Pour d’autres au contraire elle est celle de la spontanéité, de l’émergence de l’immotivé, de l’inconditionné. D’autres encore raisonnent en clé de plaisir et de souverain bien suprême. D’autres enfin ne voient à l’origine de toute expérience humaine que le devoir, l’obligation et la dette. Mais il n’y a de pensée en travail que si, à partir de l’évidence de départ, rencontrant chemin faisant les autres évidences, on sait leur faire droit, et les identifier dans les termes de l’évidence première » [19]. Caillé décrit ici une herméneutique historiographique ou une règle d’interprétation historique vouée à énucléer la dialectique complexe et contradictoire de la formation de concepts au travers desquels une théorie déterminée se structure, d’un côté sur le plan synchronique (l’époque où il s’inscrit ou bien son contexte génétique), et de l’autre sur le plan diachronique (les différents contextes de réception). Ainsi si l’intérêt pour soi est l’« évidence première » de l’utilitarisme, il est tout aussi indéniable, sous peine d’une totale incompréhension, qu’il rencontre, dans la phase de sa formulation et davantage encore tout au long de l’histoire de ses effets (Wirkungsgeschichte), d’autres « évidences  » avec lesquelles il se confronte : par exemple l’« enthousiasme  » de Shaftesbury, l’amour ou la charité médiévale, la sympathie de Smith.
En effet, une pensée vivante est toujours en devenir. Dans le processus difficile de son élaboration, elle peut à un moment donné soutenir une thèse et son contraire sans mesurer pleinement la contradiction qui en naît et sans réussir à la dépasser jusqu’au bout. Voici pourquoi chez des auteurs comme Bentham et Smith, les antinomies de la raison utilitaire, loin d’être un obstacle épistémologique à la construction de la théorie, deviennent, au contraire, un élément fécond de leur pensée. Il serait donc erroné de reconduire les positions de ces auteurs à une « dogmatique de l’intérêt » simpliste. Ainsi Smith associe-t-il à l’intérêt que chaque individu porte à lui-même la tendance à la prospérité de la société, la conscience que « le bonheur et peut-être la conservation de sa propre existence dépendent de sa préservation » [20]. Dès le début de sa Théorie des sentiments moraux (1759), Smith tient à souligner que l’action du sujet est gouvernée non seulement par des raisons égoïstes, mais aussi par d’autres principes de sa nature qui le conduisent à s’intéresser à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaire leur bonheur, quoiqu’il n’en retire rien d’autre que le plaisir de les voir heureux » [21].
Cette même dialectique entre des « évidences » opposées se retrouve chez Bentham, dans la mesure où le principe d’utilité comprend à la fois le self-regarding interest et l’interest of community. Sous cet angle, s’avèrent bien unilatérales et erronées les interprétations du « principe d’utilité » benthamien dans les termes d’un impératif éthique qui prescrirait le bonheur pour le plus grand nombre, au détriment du plus petit nombre ou d’un tiers. Telle est la lecture de Jean-Pierre Dupuy. Celui-ci inscrit le principe benthamien dans la logique sacrificielle du bouc émissaire théorisée par R. Girard : le sacrifice d’un tiers, voire mon propre sacrifice, pourrait être légitimement compensé par l’augmentation des avantages et des bénéfices de la majorité. Cette logique sacrificielle, qui sera dénoncée par Rawls dans sa Théorie de la justice (1971), Dupuy la pointe dans l’ouvrage Utilitarisme de J.S. Mill où l’auteur reconnaît dans la capacité d’auto-sacrifice la plus grande qualité humaine [22], ainsi que dans la Théorie des sentiments moraux quand Smith affirme que l’homme vertueux « veut toujours que son propre intérêt privé soit sacrifié à l’intérêt public de son ordre ou de sa société particulière » [23]. Le problème à ce point n’est pas tant celui, comme le croit Dupuy, de réfuter la lecture que Halévy donne avec une clef de lecture utilitariste de l’économie politique de Smith en l’assimilant à une « dogmatique de l’égoïsme » [24] mais, en revanche, celui de saisir la dynamique historique et épistémologique qui, après Bentham et Smith, a conduit à une divergence radicale entre le self-regarding interest et l’interest of community, entre l’intérêt de l’individu égoïste et le bonheur du plus grand nombre que l’utilitarisme benthamien et l’économie politique s’étaient efforcés jusqu’ alors à décliner ensemble.
C’est avec la soi-disant révolution marginaliste que sera ratifiée la scission entre jugement de fait (science) et jugement de valeur (philosophique). Ainsi, d’un côté, « la science économique standard nous enjoint de devenir des calculateurs égoïste rationnels si nous ne le sommes pas déjà », de l’autre, « la philosophie nous donne l’ordre de nous sacrifier pour le plus grand bien du plus grand nombre » [25]. C’est donc avec l’économie marginaliste des années 1870 que débute la phase ascendante de l’hégémonie de l’utilitarisme entendu comme rationalité pratique élargie. C’est alors que son postulat du sujet égoïste rationnel tendra progressivement à conquérir tous les champs des sciences humaines et sociales ainsi qu’à dominer la philosophie morale et politique jusqu’à la victoire quasi incontestée de la théorie de l’action rationnelle. L’utilitarisme devient ainsi non seulement le système théorique dominant mais l’imaginaire même de la modernité, le miroir fidèle de l’anthropologie de l’homme moderne dans sa réduction à l’homo œconomicus. En d’autres termes, si, comme nous l’explique Hirschman, dans la phase naissante du capitalisme, l’intérêt économique, lié au thème du « doux commerce » de Montesquieu, a pu exercer une fonction civilisatrice en tempérant les passions guerrières et en prédisposant les esprits à la construction pacifique de l’ordre politique au travers d’un accord basé sur un pacte entre les individus [26], à partir de la révolution marginaliste nous assistons en théorie et en pratique au triomphe progressif de l’« utilitarisme généralisé » [27]. Un triomphe qui célèbre ses fastes de nos jours à l’époque de la mondialisation.
Dans cette longue parabole historique s’opère une mutation intellectuelle tout à fait paradoxale, sur laquelle Caillé veut porter l’attention : la généralisation du modèle économique à toutes les sciences humaines et sociales, ainsi qu’à la philosophie politique et morale, qui émerge soudainement dans les années 1960-70 et qui a précédé d’une dizaine d’années la transformation du monde réel en direction de ce que nous avons l’habitude de définir par les termes de « globalisation » et de « mondialisation ». Qu’est-ce en réalité que la globalisation, ce phénomène sans précédent ? « Ce n’est pas seulement, répond Caillé, la dilution des frontières hérités des États-nations, c’est beaucoup plus généralement la subordination de toutes les sphères de l’existence sociale à la seule loi du marché. Et plus précisément et au premier chef, du marché des capitaux spéculatifs. Voilà la vérité fondamentale. Avec cette mondialisation qui s’assujettit toutes les sphères de l’action sociale, qu’il s’agisse de la science, de la technique, du sport, de la culture, etc. tout devient tendanciellement marchandise » [28].

3. Du sujet égoïste rationnel à l’égoïste introspectif de la révolution marginaliste : un parcours historique interne à la métaphysique moderne de la conscience

Puisque le sujet égoïste rationnel est le dernier paramètre de l’utilitarisme généralisé – et comme le précise Caillé, « euphémisé » puisque celui-ci, bien au-delà de la science, informe l’ethos de notre époque – l’individualisme méthodologique, dans la multiplicité de ses variantes, devient l’épistémologie de référence et la tradition de recherche qui prévaut non seulement dans la science économique standard, mais aussi dans toutes les sciences humaines et sociales. [29]. Le sujet égoïste et rationnel est retenu comme seul capable de définir et d’évaluer de façon tout à fait subjective ce qui est bon et donc utile pour lui. Désormais, c’est-à-dire à partir de la révolution marginaliste, « ce n’est plus le législateur rationnel mais le marché qui deviendra l’arbitre exclusif de ce qui est subjectivement désirable. Sera donc à partir de ce moment-là réputé juste uniquement ce qui est subjectivement désirable et donc, en définitive, disponible sur le marché et grâce à l’argent » [30].
On doit rappeler que le triomphe du sujet égoïste rationnel coïncide pour Hannah Arendt avec l’affirmation d’un sujet qui a perdu le monde comme monde commun, qui a fait de l’« introspection » le moyen par lequel il se rapporte à la réalité extérieur. Le principe d’utilité, porté à ses conséquences extrêmes, brise la relation entre l’homme et les objets du monde. Celles-ci ne sont plus considérées dans leur utilité objective mais uniquement comme le résultat plus ou moins hasardeux du processus de production en vue de la « satisfaction » subjective par la consommation. En d’autres termes, alors que l’homo faber était intéressé par le produit final, par sa valeur d’usage autour de laquelle tout le processus de production était finalisé, le principe d’utilité se préoccupe principalement de stimuler la productivité et de réduire la pénibilité. Si bien, comme le dit Arendt, que « le repère ultime, n’est ni l’usage ni l’utile, c’est le « bonheur », c’est l’évaluation de la peine et du plaisir éprouvé dans la production et dans la consommation » [31]. L’utilitarisme généralisé conduit à la victoire de l’homo laborans, cet individu « rejeté, enfermé dans l’intériorité de l’introspection ». « Pour tout contenu, poursuit-elle, il lui resta des appétits et des désirs, les impulsions stupides de son corps, qu’il prit pour des passions et jugea « déraisonnables » parce qu’il s’aperçut qu’il ne pouvait les raisonner, c’est-à-dire leur demander des comptes » [32]. C’est la victoire de la société de consommation, dont l’idéologie dominante vise la promotion du processus vital de l’espèce, l’humanité comme espèce animale (ainsi qu’elle a été décrite, pourrions-nous ajouter, par la figure du « dernier homme » du Zarathoustra de Nietzsche). Le changement opéré par la révolution économique marginaliste consiste donc à poser que tout bien ou service désiré n’est utile qu’à condition de disposer d’un moyen pour le payer. Ce qui décide de l’utilité des choses, c’est seulement la possibilité de les acheter. L’argent devient alors le critère exclusif pour mesurer la richesse et donc le bonheur des individus et des nations [33].
L’« introspection » qu’Arendt, influencée par la critique heideggérienne de la métaphysique du cogito et de la « conception du monde » moderne qui lui est corrélée [34], critiquait vigoureusement, annonçait ainsi le sujet désirant de la société postmoderne de la consommation et du spectacle. C’est un sujet fantasque, hors du réel, sans monde commun et sans limite, en proie à la démesure (hubris) sous toutes ses différentes formes (financières, écologiques, bio-technologiques, criminelles etc.), qui ne connaît aucune obligation envers les autres, étranger à toute réciprocité [35]. Dans cette perspective, les chercheurs réunis autour du MAUSS, malgré leurs inévitables différences, qualifient d’utilitariste « toute conception purement instrumentale de l’existence, qui organise la vie en fonction d’un calcul ou d’une logique systématique des moyens et des fins, pour laquelle l’action est toujours accomplie en vue d’autre chose qu’elle-même et reconduite in fine au seul sujet individuel qui est supposé clos sur lui-même et seul maître, destinataire et bénéficiaire de ses actes. Ou encor, toute doctrine par laquelle les intérêts pour, les passions les émotions sont ou devraient être des intérêts à : des passions utiles » [36].
Face à cette forme « généralisée » d’utilitarisme, définie comme une rationalité pratique hégémonique qui tend à devenir la religion de la modernité [37], les membres du MAUSS soutiennent qu’il est urgent d’élaborer une conception anti-utilitariste de l’existence et, à cette fin, proposent, sous des modalités discursives diverses, de renouer avec la tradition anthropologique française d’Émile Durkheim et de Marcel Mauss, et en particulier de développer le paradigme du don, déjà esquissé par Mauss lui-même dans son célèbre Essai sur le don (1923/24). Mais avant de nous occuper de la façon dont Caillé reconstruit celui-ci, il faut préciser qu’il s’agit d’un paradigme empirique et non spéculatif, loin de tout apriorisme et tout système dogmatique. Il s’agit aussi d’un paradigme hybride au sens où, bien que s’inscrivant dans la grande tradition sociologique et anthropologique européenne et américaine (Marx, Durkheim, Simmel, Weber, Parsons, l’interactionnisme symbolique, l’ethnométhodologie, la théorie des systèmes, etc.), il donne toute sa place et laisse ouvert le questionnement philosophique sur les problèmes les plus fondamentaux : qu’est-ce que la société juste ? Comment doit-on vivre ? Quelles sont nos obligations sociales ? Qu’est-ce que la démocratie ? Qu’est-ce que le bonheur ? Comment définir la richesse ? Etc.
Poser le paradigme du don au centre d’une conception anti-utilitariste de l’existence ne consiste pas pour autant à nier la légitimité des intérêts personnels, et cela même sur le modèle de l’économie politique classique et voire de utilitarisme qui, avec Smith et Bentham, avaient reconnu, outre celles des richesses et du bonheur personnel, l’existence d’autres passions qui poussent l’individu dans la direction de l’intérêt pour autrui, de la compassion et du bien-être de la société. Nous rencontrons ici ce que nous pourrions appeler le postulat de l’ambivalence ou de l’interdépendance structurelle des passions, des émotions et des sentiments humains, qui met en discussion l’irréductibilité originelle de la figure utilitariste de l’ homo œconomicus, et que Caillé met au fondement du bref traité de théorie anti-utilitariste de l’action traduit dans cet ouvrage. La distinction entre intérêt pour (ressentir un intérêt pour les autres ou l’intérêt passionnel pour des activités déterminées et pour des savoirs déterminés : les mathématiques, la littérature, le sport etc.) et l’intérêt à (l’intérêt instrumental à la réalisation d’une carrière professionnelle, l’intérêt stratégique, l’intérêt égoïste pour soi ou bien l’intérêt à obéir passivement à la volonté d’autrui), mais aussi la distinction entre désintéressement (c’est-à-dire l’absence totale d’intérêt dans la mise en oeuvre d’une action) et désintérêt (l’action entreprise au-delà d’un intérêt instrumental et égoïste), tout cela était déjà présent chez Adam Smith, avant même que Sen ne le formalise dans son célèbre article « Rational fools ». Le sujet central de ce texte d’Amartya Sen est profondément marqué par l’influence de Smith et converge avec la conception anti-utilitariste défendue par Caillé : même à l’intérieur d’un schéma de raisonnement conséquentialiste, c’est-à-dire attentif uniquement à évaluer les conséquences d’une action en termes de self-interest, l’exclusion de toute autre composante comme l’engagement (commitment), la sympathie, la générosité etc.. constitue « une limitation tout à fait arbitraire de la notion de rationalité » [38].

4. L’empathie comme noyau de la moralité humaine : la revanche de Hume et de Darwin sur Hobbes

De ce postulat de l’ambivalence ou de l’interdépendance structurelle des passions humaines, Caillé trouve la confirmation dans les recherches les plus avancées en zoologie, en éthologie, en biologie de l’évolution, en psychologie du développement et au sein même des neurosciences. Ce n’est pas un hasard si Frans de Waal, chercheur en primatologie, renoue avec la conviction d’Adam Smith quant à l’universelle capacité humaine à ressentir de la compassion. Ce qu’il montre en propre, par le biais d’observations empiriques, c’est que cette propension a une « origine évolutive » bien définie, vérifiable dans toutes les espèces qui dépendent de la coopération – des éléphants aux loups jusqu’aux hommes. Elle s’est développée dans le contexte d’une vie sociale toujours plus complexe, où l’instinct qui nous pousse à aider les autres s’est étendu des membres de la famille les plus proches aux voisins les plus éloignés [39]. Selon de Waal, la moralité humaine ne marque pas une discontinuité radicale dans l’évolution naturelle et encore moins une innovation artificielle, qui ferait de la morale une sorte de « vernis », sous lequel les êtres humains déguiseraient hypocritement le noyau profondément égoïste et asocial de leur nature [40]. Cette thèse, qui d’ailleurs marque une revanche philosophique du « sens moral » de Hume (et en général, des Lumières écossaises contre Hobbes et Mandeville), fournit à Caillé un support empirique important à sa théorie anti-utilitariste de l’action. Il tire ainsi profit de la découverte scientifique d’un véritable « intérêt pour la communauté  » [41] qui, dans l’espèce humaine, se développe au travers de pressions évolutives et qui représente le « plus grand pas accompli dans l’évolution de la moralité humaine » c’est-à-dire « le passage des relations interpersonnelles à l’identification d’un bien plus grand » [42]. Le sens moral – l’adoption d’une grammaire élémentaire de règles et de jugements moraux – ferait corps avec le sens de la communauté, dont nous pouvons observer les résultats chez les singes anthropomorphes lorsqu’ils interviennent pour résoudre les conflits qui les opposent. Et que signifient cette idée de la moralité comme « l’événement le plus important de l’évolution » et, en particulier, ces tendances à la coopération, sinon que la moralité humaine est indissociable des émotions sociales dont l’empathie constitue le noyau [43] ?
Dans cette perspective néo-darwinienne qui défend la continuité entre processus naturels et rationalité logique - continuité sur laquelle un grand philosophe du XXe siècle comme John Dewey avait mis l’accent -, de Waal ne place pas seulement la moralité « au cœur de la vie émotionnelle de la nature humaine » [44]. Il inflige surtout un coup mortel à la tradition hobbesienne de l’axiomatique de l’intérêt qui a prédominé dans la pensée occidentale moderne, en conjuguant une conception de la nature humaine intrinsèquement antisociale, brutale et égoïste avec une idée de la souveraineté politique comme un ordre artificiel qui, par la force de la loi ou par la terreur, garantit la paix civile et le respect des contrats et de leurs avantages. Il suffit également de penser au postulat de base du matérialisme historique, qui explique le cours de l’histoire par le jeu des intérêts économiques, ou à la psychanalyse elle-même qui, en mêlant libido et pulsion de mort, n’est pas sans lien avec « l’inspiration tragique de Hobbes » [45]. Que la sympathie, l’empathie et la compassion smithienne soient présentes dans le règne animal signifie que l’action humaine ne peut plus être réduite au registre exclusif de l’intérêt égoïste de l’individu, qu’il s’agisse d’intérêts économiques, sexuels, de prestige, de pouvoir etc.
Dans la théorie à tétradimensionnelle de l’action, présentée dans les essais qui composent cet ouvrage, Caillé forge un néologisme, « aimance  », pour traduire cette ouverture et cette sollicitude vers l’autre et souligne qu’elle constitue un pôle de l’action aussi originaire et irréductible que celui de « l’intérêt pour soi », de l’obligation morale et de la liberté. Dans l’« aimance  » se retrouvent notamment l’amitié, la philia, l’agapé la caritas, la piété, la solidarité, l’altruisme, la coopération, l’alliance, l’association. Bref, tous ces comportements qui manifestent de la réciprocité et, dirions-nous, une certaine forme de reconnaissance de l’autre. Si bien, comme le remarque Caillé, que l’aimance, dans la variété de ses manifestations historiques et culturelles, est une « modalité de l’action en parfaite adéquation avec l’empathie ». L’homme est donc à ab origine homo donator. Bref, à la lumière des dernières recherches scientifiques, les comportements coopératifs et solidaires des êtres humains font partie intégrante du monde animal, à côté, bien entendu, des comportements fondés sur la ruse, le mensonge, la réciprocité négative, l’agressivité, la violence, etc.
Pour éviter tout malentendu, il faut ajouter immédiatement que, comme Mauss nous l’a enseigné, l’esprit du don, non seulement dans les sociétés archaïques mais aussi dans les sociétés modernes, ne saurait être identifié au don unilatéral, sans échange en retour, qui, conjugué à l’attitude de supériorité du donateur conduit à l’humiliation du donataire [46]. Ce qu’il importe de mettre en évidence, c’est que le statut irréductible de l’« aimance » permet à Caillé d’entailler le postulat utilitariste de l’homo œconomicus et de fonder la théorie anti-utilitariste de l’action sur le paradigme du don, dans la mesure où les éléments constitutifs de l’action sont les mêmes que ceux qui définissent le don. Don et intérêt s’entrelacent mutuellement dans la pratique ; « intérêt à » et « intérêt pour », montre Caillé « ne constituent pas des mondes opaques et impénétrables l’un à l’autre » [47], ils s’enchevêtrent et se superposent. Un don pur, privé de toute composante d’intérêt (dans l’ambivalence du terme), relève de l’illusion idéaliste. C’est à cette illusion que succombe un philosophe comme Derrida lorsqu’il évoque le statut « impossible » du don, suggérant que le don pour être tel ne devrait pas « apparaître » comme tel ni au donataire ni au donateur, en confondant ainsi « don » et « donation » [48]. Ce que Derrida – en cela proche du thème de l’amour chrétien – ne relève pas, c’est la dialectique entre inconditionnalité et conditionnalité qui est constitutive du don. L’inconditionnalité du don, n’est pas celle de l’amour, elle ne peut durer que si chacun des protagoniste y trouve son compte. Caillé la nomme « inconditionnalité conditionnelle », car elle exclut et la logique du contrat - qui est la logique de la conditionnalité du do ut des -, et la (non) logique de l’amour - qui équivaut à l’inconditionnalité pure de l’oblation. « Si on ne trouve pas son compte dans l’inconditionnalité, explique Caillé, alors on sort du jeu et bascule à nouveau dans le registre de la guerre. » [49]
En outre, il n’est pas indifférent que le circuit des dons et contre-dons, magistralement décrit par Mauss dans son célèbre essai, puisse se retrouver de façon exemplaire chez les chimpanzés et les éléphants. Dans le monde animal, non seulement l’intérêt pour soi existe mais tout autant l’intérêt pour l’autre, on peut donc y trouver à la fois la logique de l’échange d’équivalents et de faveurs, mais aussi celle, embryonnaire, du don agonistique. L’être humain est donc un Janus bifrons : le conflit avec ses semblables peut se résoudre par l’accord pacifique ou déboucher sur le massacre et la violence aveugle. En effet, le don, parce qu’il peut être à la fois positif et négatif, porteur de vie (alliance, pacte, pacification) et porteur de mort (offense, humiliation, mépris), est marqué par une ambivalence fondamentale, que Mauss d’ailleurs pointait dans le mot « Gift  » des langues germaniques, comme dans le mot grec pharmakov signifiant en même temps le don du médecin, le remède qui guérit et le poison qui tue. La même ambivalence sémantique se retrouve dans le terme grec dosis, à la fois ce qui tue et ce qui guérit en fonction des doses administrées [50]. Caillé observe justement que ces significations opposées « renvoient à la polarité entre intérêt pour soi et intérêt pour l’autre, et à l’indissociabilité primitive de ces deux intérêts, à la réversibilité de l’intérêt pour soi et de l’intérêt pour l’autre » [51].

5. Le désir de reconnaissance : Hannah Arendt et Axel Honneth

Dans cette optique, la dimension agonistique du don sur laquelle Mauss met tant l’accent, se révèle essentielle. C’est elle qui permet, en effet, aux êtres humains de sceller une alliance et d’instituer un rapport social véritable, ou comme dirait Hannah Arendt d’ouvrir un « monde commun », l’espace politique au sein duquel le sujet (individuel ou collectif) apparaît aux autres dans sa singularité irréductible. Le désir d’apparaître (la Selbstdarstellung, l’« autoprésentation », l’autoexhibition) est l’essence même du politique, en même temps qu’une tendance que nous remarquons dans tout le monde animal et jusqu’au monde végétal. Arendt, suivant les enseignements de Portman et de Merleau-Ponty, l’avait parfaitement compris. Dans La vie de l’esprit elle mettait en évidence que tous les êtres vivants « hommes et animaux, ne sont pas seulement dans le monde, mais ils sont du monde, et cela justement parce que ils sont en même temps sujets et objets qui perçoivent et sont perçus » [52].
Comme l’a récemment souligné J. Dewitte, s’affirme ici une conception du vivant qui en refuse la réduction à la res extensa et à une quelconque objectivité. Cet auteurs interprète le vivant comme un sujet capable non seulement de réaction mais d’initiative et d’action et, dans certaines limites, doté de liberté [53]. Mais apparaître, pour les êtres humains équivaut à entrer dans l’ordre de la narration dans la mesure où l’action humaine est par définition imprévisible et créatrice de sens. Au travers de l’action humaine, qui brise la chaîne déterministe des causes et des effets en introduisant toujours dans le monde quelque chose de nouveau, l’identité du sujet devient, de l’identité physique qu’elle était, une identité narrative, dotée d’une histoire singulière. À juste titre, Caillé conjugue le concept arendtien d’action et la notion maussienne de don. Tous les deux convergent pour souligner toute l’importance de la dimension du sens, du possible et du nouveau, dans le respect de l’ordre établi et des significations socialement et culturellement consacrés. La valeur du sujet est proportionnelle à ce qu’il donne, ou à la trame de ses actions. Car il existe une multiplicité de manifestations de l’agir : de la gratuité de la donation (que l’on peut trouver dans la beauté ou dans l’inspiration) à la pénibilité et à la peine que coûte, en termes de travail, la production d’un objet ; de l’amour à la charité et à la compassion envers autrui à l’innovation et à la créativité d’une œuvre d’art etc. [54] Et si la question fondamentale pour les êtres humains est celle d’apparaître, c’est-à-dire d’accéder à l’univers symbolique où le sens naît de la mise en acte de dons qui conduisent à la guerre ou à la paix, à l’hostilité ou à l’alliance, alors la question de la reconnaissance de la « valeur » de l’existence (des communautés et/ou des individus) devient cruciale. Le désir d’apparaître, chez les être humains ne fait qu’un avec le désir de reconnaissance au point qu’il est légitime d’affirmer que les hommes aspirent davantage à être reconnus qu’à cumuler des richesses.
Sur ce terrain, les auteurs du MAUSS et Caillé ne pouvaient pas ne pas rencontrer- au delà de la leçon d’Arendt, et avant elle, celle de Smith et des Lumières écossaises - la réflexion d’Axel Honneth, membre de la dernière génération de l’École de Francfort. Honneth a réhabilité le concept de reconnaissance (Annekennung) du jeune Hegel, non pas celui élaboré dans la Phénoménologie de l’esprit mais celui développé dans ses écrits de jeunesse, non encore hypothéqués par la métaphysique spéculative hégélienne. Par ailleurs, il a intégré et enrichi ce concept en s’appuyant sur la psychologie sociale du pragmatiste américain Herbert Mead [55]. L’intégration, récente, du concept de reconnaissance au sein du paradigme du don, n’a pas encore fini de donner tous ses fruits [56]. Il suffira de dire à ce sujet que Caillé en recentrant le paradigme du don sur Arendt et Honneth, le soustrait définitivement à la prise du structuralisme de Claude Lévi-Strauss. Ce dernier, en effet, en hommage à un rationalisme néopositiviste, avait réduit la découverte de Mauss de l’échange des dons à une application de règles issues de la linguistique et à une structure mentale inconsciente régissant les opérations sociales les plus diverses [57]. Il attribuait ainsi au don les caractéristiques d’un système, certes transculturel – l’obligation de donner/recevoir/rendre –, mais à la fois doté d’une certaine indétermination, d’une contingence et d’une historicité concrète. La grande anthropologue Mary Douglas s’était, elle aussi, penchée sur cette question, en remarquant qu’il est inévitable que la distribution des statuts sociaux, inhérents aux différents systèmes de don, varie historiquement [58].

6. Le don comme jeu réglé de reconnaissance et redistribution

Pour revenir au don agonistique, et en forçant le trait de l« Essai sur le don », on pourrait dire que cette analyse permet de fonder contextuellement le politique comme « monde commun » et le logos comme capacité de comprendre et d’interagir avec l’autre, le différent, le non identique. Dans le potlatch de certaines sociétés archaïques, Mauss pointe la clef de voûte qui articule reconnaissance des autorités, du prestige, de l’estime sociale, d’un côté, et circulation et redistribution des biens, de l’autre. Ces deux thèmes, ces deux paradigmes – la reconnaissance, enracinée dans l’ordre de la culture, et la redistribution enracinée dans l’ordre économique – qui, dans le débat philosophique contemporain, tendent à rester dissociés l’un de l’autre [59], peuvent ainsi s’intégrer dans le paradigme du don, grâce au travail théorique de Caillé. Le don est la clé de voûte de la production du lien social qui, au moment où elle transforme le conflit et la guerre en alliance et en association, institue l’espace du politique. « Au nord-ouest américain, souligne Mauss, perdre le prestige, c’est bien perdre l’âme : c’est vraiment la « face », c’est le masque de danse, le droit d’incarner un esprit, de porter un blason, un totem, c’est vraiment la persona, qui sont ainsi mis en jeu, qu’on perd au potlach » [60].
Le potlatch constitue donc la forme archaïque de la lutte à mort pour la reconnaissance, dont parle Hegel dans la Phénoménologie de l’esprit, comme plusieurs auteurs de Georges Bataille à Claude Lefort, sur les traces de Kojève, y ont insisté. Mais à la différence des lectures inspirées de Hobbes, qui mettent l’accent sur les relations d’hostilité qui peuvent déboucher sur la guerre et sur la destruction (la relation ami/ennemi comme dirait C. Schmitt), Caillé souligne que le potlatch se présente comme une lutte de générosités à travers laquelle « on établit, on conquiert, on perd les bases sociales du « respect de soi » » [61]. Cela signifie que la reconnaissance dans les sociétés archaïques est liée à l’obligation du don entendu comme (re)distribution. « Il n’est pas un instant dépassant l’ordinaire, poursuit Mauss, même hors les solennités et rassemblement d’hiver où on ne soit obligé d’inviter ses amis, de leur partager les aubaines de chasse et de cueillette […] où l’on ne soit pas obligé de leur redistribuer tout ce qui vous vient d’un potlatch dont on a été bénéficiaire ; où on ne soit obligé de reconnaître par des dons n’importe quel service, ceux des chefs, ceux des vassaux, ceux des parents ; le tout sous peine, au moins pour les nobles, de violer l’étiquette et de perdre leur rang » [62]. L’institution et la production du pouvoir politique ou, mieux, des formes diverses d’autorité, passent à travers par le potlatch qui est tout à la fois distribution des biens et reconnaissance du rang. « Le potlatch, la distribution des biens, souligne Mauss, c’est l’acte fondamental de la « reconnaissance » militaire, juridique, économique, religieux, dans tous les sens du mot. On « reconnaît » le chef » ou son fils et on lui devient « reconnaissant » » [63]. On peut noter dans ce dernier passage combien ce système de reconnaissance/redistribution porte toujours en lui un élément de reconnaissance ou de gratitude, témoignant du fait que l’autre visage du don aux autres est un endettement collectif (une dette réciproque positive) : au regard de ce que nous sommes et pour ce que nous sommes devenus, combien devons nous à la générosité et aux prestations des autres ?
Ainsi l’obligation de recevoir est un impératif social car, dans les sociétés archaïques, refuser un don signifie manifester la peur de devoir rendre, de ne pas être à la hauteur de l’échange et donc la crainte d’avoir perdu ou de perdre l’estime sociale, le « poids de son nom », d’être anéanti, aplati, dans la lutte pour la reconnaissance. Mauss insiste : accepter un don équivaut à manifester sa capacité à rendre, et donc, à « prouver qu’on n’est pas inégal » [64]. La circulation/redistribution des choses s’identifie à la circulation/reconnaissance des droits, des privilèges, des pouvoirs [65] : ce qui circule, ce qui est échangé, ce sont des objets de reconnaissance et, j’oserai dire, des relations de reconnaissance, dont les relations de pouvoir, les rapports entre gouvernants et gouvernés, sont partie intégrante.
Comme l’a souligné Philippe Chanial, étudier la société en chaussant « les lunettes » du paradigme du don, « c’est penser conjointement, dans un même cadre d’analyse, circulation matérielle et circulation qu’on nommera symbolique. Vue du don, toute relation est en effet médiatisée par des symboles et ce sont bien ces symboles (sumbolon – signes de reconnaissance) qui scellent l’alliance. » [66] C’est cette recomposition entre dimension matérielle et dimension symbolique que nous fait découvrir la grammaire du don à l’œuvre, aussi, à l’intérieur du marché, puisque le marché, comme le souligne Chanial, est un régime de relations sociales qui comme toute les autres modalités d’interaction, ne s’épuise pas dans l’axiomatique de l’intérêt, mais présuppose, à titre fondamental, la norme de l’obligation de donner par rapport à la norme de la réciprocité propre au simple échange (l’obligation de rendre) [67].

7. Le don matrice et opérateur du politique

Ce statut complexe et hybride du don – le fait qu’il est un jeu de redistribution/reconnaissance – fait de lui l’opérateur originaire. Parce que l’enjeu du cycle du donner/recevoir/rendre est la reconnaissance/redistribution des fonctions statutaires d’un système social ou d’une communauté (et des sujets liés à ces fonctions), la théorie maussienne du don permet de laisser derrière soi les subtilités contractuelles de la philosophie politique moderne et les apories des théories fonctionnalistes et systémiques des sciences sociales contemporaines [68].
Le politique est une forme de don, si par cette notion nous désignions le passage de l’hostilité à l’alliance, de la guerre à la paix, de la prédation au commerce, et donc, au jeu entremêlé de la reconnaissance de à la redistribution. Il repose sur la décision de trouver un terrain d’entente, d’accepter de vivre ensemble collectivement, de fonder des institutions grâce auxquelles, comme l’explique Mauss, on pourra « s’opposer sans se massacrer et se donner sans se sacrifier les uns aux autres  » [69]. Dans cette perspective, le politique n’est pas un geste ponctuel qui a lieu une fois pour toutes, mais une geste de fondation, sans cesse renouvelé dans les pratiques quotidiennes, sous la forme d’échanges de dons mais aussi d’échanges de maux, de vengeances, d’humiliations, substituant ainsi au cycle positif du donner/recevoir/rendre le cycle négatif du prendre/refuser/garder. C’est en cela que réside l’ambivalence du don qui ne fait qu’un avec celle des relations humaines. Pour l’éliminer, il ne suffit pas d’inventer des dispositifs ou des procédures universelles et impersonnelles comme ce fut le cas avec la société moderne, avec l’avènement du marché, la formation de l’État, l’imposition de la souveraineté de la loi sur tous les particularités, la rationalité nomologico-déductive de la science expérimentale ou la comptabilité d’entreprise, bref, tous ces aspects de la modernité que Weber a résumé par la notion de « rationalisme occidental ».
Ces institutions, Caillé les rapporte à la domination de la socialité secondaire, où « les fonctions accomplies par les personnes sont moins importantes que leur personnalité », car elles obéissent à l’impératif de l’efficacité [70]. Mais elles ne sauraient effacer ou mettre entre parenthèses les relations propres de la socialité primaire, ces relations qui se forment au sein de la famille, dans le voisinage, dans amitié, dans les petites associations. Dans la socialité primaire, nous restons pris dans le cycle du donner/recevoir/rendre, et dans les « mondes vécus », qui se développent et se reproduisent en elle, alors que les systèmes fonctionnels se fondent et sont gouvernés sur des impératifs d’efficacité et par des codes de communication spécifiques. Or, comme le souligne Caillé, « ces systèmes fonctionnels ne peuvent fonctionner que pour autant qu’ils s’étayent sur les réseaux de relations de personne à personne, sur diverses formes de socialité primaire, héritées ou construites, en mobilisant la loyauté et l’envie de (se) donner des membres de cette société primaire » [71]. À leur tour, les réseaux de la socialité primaire ne peuvent exister qu’englobés dans des ordres plus généraux qui en assurent la reproduction non seulement matérielle, mais symbolique et narrative.
Critique face à la dépolitisation que les sciences sociales ont subis au cours du XXe siècle et convaincu qu’entre la philosophie (ici la philosophie politique) et les sciences sociales doit s’instaurer un cercle vertueux qui redonne aux unes et aux autres les capacités de parler de et à la polis d’aujourd’hui [72], l’auteur suggère de concevoir le politique comme l’« intégrale » des décisions au travers desquelles tous se donnent (ou se refusent) à tous sans se donner à personne en particulier. Le politique apparaît ainsi comme le résultat, historiquement variable, de l’ambivalence du don, de la triple obligation de donner/recevoir/rendre en tant que matrice universelle de toute société humaine, et qui dans l’enchevêtrement entre don positif et don négatif, entre production du sens et redistribution des biens, est commune aux sociétés plus évoluées comme à celles qui le sont moins. La décision de vivre-ensemble, prise par tous et par personne, prend ses racines dans cette ambivalence. Elle provient d’une histoire commune, marquée de conflits et de différends au travers desquels s’institue la divisions entre Nous et Eux - parents et étrangers, amis et ennemis -, dont la reconnaissance passe par le récit à plusieurs voix des sujets (non seulement des individus mais aussi des groupes ethniques, des classes sociales etc.) qui en sont partie intégrante [73].
Plus encore, dans les démocraties contemporaines, marquée par la promesse d’offrir au plus grand nombre la « plus grande puissance de vivre et d’agir » [74] ou, pour faire écho à Sen, des chances égales de développement des capabilities de chacun, la reconnaissance constitue une sorte d’acte fondateur qui doit être renouvelé rétrospectivement, générations après générations. D’autant plus aujourd’hui, dans le contexte de la mondialisation où les société deviennent structurellement multiethniques et multiculturelles, les cultures un temps mises à l’écart et dévalorisées demandent d’être appréciées dans la singularité irréductible de leur façon d’habiter le monde [75]. C’est dans ce processus de reconnaissance récurrent que s’opère le passage de la légalité à la légitimité. Il constitue la forme d’innovation politique la plus importante qui ne saurait se limiter à la simple redéfinition des critères et des contenus de la redistribution dans la « polygamie » de ses formes (marché, État, économie solidaire, etc.) Ce passage – de la légalité à la légitimité – est rendu encore plus nécessaire par l’émergence d’une société-monde virtuelle qui se superpose aux réseaux de la socialité primaire et aux institutions impersonnelles de la société secondaire mais risque d’être remodelé exclusivement par la logique de la marchandisation généralisée [76]. Ici s’ouvre un champ de recherche encore inexploré. Il invite à s’interroger sur les formes que pourrait prendre l’obligation du donner/recevoir/rendre à l’intérieur d’une société planétaire qui se forme dans les interstices des sociétés nationales, non seulement à travers les dynamiques globalisantes du marché, mais aussi par le biais de la construction et de la diffusion des savoirs et des pratiques multiculturelles et interculturelles, où s’entremêlent questions de reconnaissance des peuples et des cultures questions de justice globale [77] .
La grande question qui émerge est de savoir si, et dans quelle mesure, il est possible aujourd’hui, comme le dirait Polanyi, de « réencastrer  » la bête sauvage de l’économie capitaliste au sein d’une gouvernance démocratique, tant sur un plan international que national. Cette question présente naturellement un double aspect. Le premier est strictement économique. Il renvoie à la construction d’une économie plurielle qui permettrait de dépasser la dichotomie classique entre État et marché, en mêlant ces derniers au « peuple du don » (c’est-à-dire, de l’économie sociale et solidaire). Le deuxième aspect, en revanche, est strictement politique dans le sens éminent du terme. Il invite à reconsidérer le projet moderne et ses catégories philosophico-politiques fondamentales : État, nation, souveraineté, volonté populaire, égalité des droits individuels, etc. En un mot, la qualité même d’une démocratie soutenable [78]. Sur ce terrain aussi la conception maussienne du don offre des indications précieuses, à la fois théoriques et normatives, tant la citoyenneté devient le bien premier des sociétés mondialisées, autour desquelles, avec le thème-clef du travail, se polarisent les conflits sociaux et culturels pour la définition d’une société juste.
Donner la citoyenneté à l’autre, tel est l’enjeu des démocraties contemporaines. Pour autant, n’oublions pas que le don est un mixte d’inconditionnalité et conditionnalité, de désintéressement et d’intérêt personnel, de liberté et d’obligation [79]. Et que citoyenneté sociale et citoyenneté politique, citoyenneté politique et statut du travail (reconnaissance de la valeur éthico-sociale des prestations, salaires, protections) ne sont pas sans liens [80]. Comme fil conducteur de ce vaste champ de recherche, autour duquel les chercheurs du MAUSS sont actuellement mobilisés, il faut ici rappeler l’avertissement de Mauss. En conclusion de l’« Essai sur le don », il rappelait la valeur de la Politique, entendue « au sens socratique du terme », c’est-à-dire entendue comme « art suprême » d’une « direction consciente » de la « vie commun  » [81]. Il soulignait ainsi, dans l’enchevêtrement entre intérêt personnel et générosité, entre conflit et association ou alliance, entre redistribution et reconnaissance, le secret de la coexistence humaine à tous les niveaux, y compris au sein de celle régie par le marché mondial et la communauté internationale [82].

Ad Alfredo Salsano
In memoriam

Il paradigma ibrido del dono tra scienze sociali e filosofia. Alain Caillé e la “Revue du MAUSS”


1. La rottura epistemologica e politica con l’ideologia dell’homo oeconomicus generalizzato

I tre saggi di Alain Caillé che qui presentiamo in traduzione italiana costituiscono una sorta di distillazione teorica e metodologica di un lungo cammino di ricerca, iniziato insieme ad economisti, sociologi, antropologi con la fondazione nel 1981 della Revue du MAUSS , la rivista del Movimento anti-utilitarista nella Scienza Sociale, la cui fonte d’ispirazione fondamentale è Marcel Mauss (1872-1950), eroe eponimo della tradizione antropologica francese, insieme con Karl Polanyi (1886-1964), autore del celebre testo La grande trasformazione [83], il cui pensiero viene assunto fin dai primi numeri comme un punto di riferimento centrale della rivista anche per merito di uno studioso italiano prematuramente scomparso, Alfredo Salsano [84]. Che cosa hanno in comune Marcel Mauss, nipote di Émile Durkheim, e l’economista Karl Polanyi, fautore di un “marxismo dal volto umano o, meglio ancora, umanistico” [85] ? Anticipiamo la risposta di Caillé, che discuteremo alla fine di questa nota introduttiva. L’antropologo Mauss e l’economista Polanyi condividono l’idea che l’essere umano non è stato sempre un animale economico, una macchina fatta per calcolare i costi e i benefici, i piaceri e le pene di ogni sua azione. L’economia “sostantiva” non è strutturata, come ripete il dogma del liberalismo economico, dal mercato sulla base della variabilità dei prezzi, ma dalla reciprocità al fine di soddisfare i bisogni materiali ; obbedisce alla logica del dono e del contro-dono, enucleata da Mauss, o alla logica della redistribuzione, “i.e. della gestione familiare o statale delle risorse al cui interno viene assicurato il controllo dei mercati e dei prezzi là dove ci sono i mercati” [86]. Solo l’economia moderna in quanto economia di mercato autoregolata è un’economia “formale”, nel senso che essa tende sempre di più a presentarsi come disocciata/disincastrata (desembedded) dalla società e a subordinare gerarchicamente le relazioni tra i soggetti umani alle relazioni con le cose. Pertanto, il gesto inaugurale della rivista e dei suoi promotori può essere considerato un gesto di rottura radicale con il paradigma che negli anni Sessanta del Novecento era divenuto egemone nelle scienze sociali, politiche ed umane in generale, vale a dire con quello che veniva chiamato il “modello economico”. E non è nemmeno un caso che tutti coloro, a cominciare da Caillé, i quali sono stati fin dall’origine gli animatori del MAUSS hanno operato una rottura, più o meno definitiva, con i postulati deterministici e razionalistici del marxismo allora imperanti [87]. Conviene subito sottolineare che il gesto di rottura, consumato contro l’economicismo della cultura contemporanea nella molteplicità dei suoi orientamenti, marxista o liberale che fosse, è di natura eminentemente politica, oltre che epistemologica. La domanda che vi è sottesa, infatti, è se il destino del pianeta è quello di diventare una grande ed unica società di mercato o se è possibile reinventare e ridefinire le vie di un nuovo “reincastro” (embeddedness) dell’economia nella società in modo che le società umane possano esercitare forme di controllo democratico sulle dinamiche economiche e finanziarie. Si comprende, inoltre, come le poste in gioco di questa domanda siano non solo di ordine scientifico, come la riconsiderazione dello statuto disciplinare dell’economia, che va restituita alle scienze morali a cui pure apparteneva, da Aristotele fino all’economia politica classica, ma anche di ordine politico. Si pensi a temi cruciali come la qualità della democrazia, i rapporti tra democrazia e capitalismo, i limiti del compromesso socialdemocratico, la crisi del welfare State, la questione del riconoscimento delle culture subalterne fino ad oggi emarginate sulla scena internazionale, la trasformazione in senso multiculturale delle società postcoloniali, la formazione di una società civile mondiale, e soprattutto il bisogno sempre più impellente di una governance poliarchica di carattere sovranazionale in ragione dell’insorgere di sfide transnazionali come la fame, le siccità, i disastri naturali, il terrorismo, ecc.
Rispetto a queste emergenze assolutamente inedite la ristrettezza del “modello economico” dominante appariva sempre più evidente. Il suo postulato filosofico di base, destinato a riscuotere una crescente fortuna nelle scienze sociali con la Scuola di Chicago e con l’opera di Gary Becker e di Friedrich A. von Hayek, era che la Teoria dell’Azione Razionale (RAT) non spiega soltanto ciò che accade sul mercato con gli scambi delle merci e della moneta, ma tutte le forme dell’agire umano : amore, criminalità, credenze religiose, comportamenti politici, educazione. Questa dilatazione smisurata della scienza economica, che ha registrato numerose versioni, situate in contesti intellettuali talvolta reciprocamente antitetici (basti pensare a due autori come Pierre Bourdieu e Raymond Boudon), ha preceduto l’offensiva del neoliberismo che ha contrassegnato l’ingresso nell’epoca della cosiddetta globalizzazione, almeno fino alla grave crisi economico-finanziaria del 2008.
E’ chiaro che l’egemonia dell’ideologia dell’homo oeconomicus nelle scienze sociali e nella filosofia morale rinviava ad una concezione antropologica e filosofica sottostante, che è quella che possiamo compendiare nel termine di utilitarismo. Caillé tende a dare un’interpretazione originale di questa dottrina che va ben al di là del racconto canonico che fa di Jeremy Bentham dei Principles of Morals and Legislation (1789) o di John Stuart Mill di Utilitarianism (1861) i padri fondatori, e dei moralisti scozzesi, di D. Hume, di A. Smith di Helvetius e Beccaria gli antesignani. Egli distingue tra un’accezione larga ed una ristretta della dottrina dell’utilitarismo. Inteso in senso lato, l’utilitarismo designa tutte quelle teorie che identificano la più grande felicità possibile con l’interesse individuale (individual self-interest), ottenuta attraverso il contratto e il libero mercato. In senso ristretto, il termine si riferisce a quelle posizioni che, come la teoria del re-filosofo di Platone o la teoria della legislazione di Bentham, affidano il conseguimento della felicità individuale all’azione razionale dei governanti, i quali manipolano i desideri dei governati attraverso ricompense e punizioni, realizzando così quella che É. Halévy ha chiamato l’armonizzazione artificiale degli interessi [88]. La riflessione di Caillé sull’utilitarismo frutta una serie di risultati teorici e al contempo storiografici, in primo luogo la consapevolezza che la tesi secondo cui gli esseri umani cercano di massimizzare i loro piaceri attraverso un calcolo razionale – e che la società giusta è quella che genera un’eccedenza di piaceri rispetto alle sofferenze - non nasce affatto con Bentham. Essa è, per così dire, una tesi matriciale, poiché insieme con la tesi di segno opposto (l’anti-utilitarismo) è inscritta nel grembo originario della cultura occidentale. Nella Repubblica platonica, afferma Caillé, l’argomentazione essoterica di Socrate è di natura utilitaristica : il bene comune equivale al massimo della felicità per il maggior numero e solo il filosofo possiede la metretica razionale, cioè i criteri con cui compiere il giusto calcolo dei piaceri e delle pene e, quindi, può imporre le leggi alla Città. E ciò senza intaccare la dottrina esoterica, riservata agli happy few [89]. Peraltro, è una tesi che ritroviamo presso i legisti cinesi fin dal IV secolo a. C., in particolare in filosofi come Mozi e Han Fei Tse, e in India presso il poeta Kautylia, il Machiavelli indiano, autore del trattato politico Artha Shastra. Bentham, dunque, ha ricapitolato duemila anni di filosofia utilitaristica ed è stato l’ultimo a ritenere che l’utilità si possa definire sulla scorta di parametri oggettivi ed universali e che sia calcolabile in maniera cardinale. Nella storia della cultura occidentale, specialmente nella storia della filosofia, si dà un antagonismo tra utilitarismo ed anti-utilitarismo come due tendenze strutturali, la cui posta in gioco è fin dall’Antichità il nesso tra virtù e felicità, e fin dal Medioevo e con l’ingresso nell’età moderna quello tra volontà e ragione, e via via con l’affermarsi delle democrazie liberali quello tra interesse per sé ed interesse per gli altri o, come anche potremmo dire in generale, tra libertà ed eguaglianza [90]. Nel principio benthamiano di utilità [91] Caillé distingue una dimensione descrittiva ed una normativa. La prima ha a che fare con la constatazione che ogni individuo agisce esclusivamente in vista del suo interesse personale, elevato al rango di un principio morale o di un principio supremo di condotta, e che per il singolo implica l’obbligo di conseguire per sé la maggiore felicità possibile senza curarsi delle conseguenze che ciò ha per tutti gli altri. La seconda prescrive che il legislatore debba porre in atto il principio della più grande felicità per il maggior numero. A saldare tra loro queste due dimensioni – quella relativa a ciò che è e quella relativa al dover essere – interviene quella che Halévy definiva l’armonizzazione artificiale degli interessi, che spetta al legislatore, il cui compito è di accrescere le felicità del maggior numero. Poiché la comunità è un “corpo fittizio”, essendo essa nient’altro che un aggregato di “singole persone, considerate come sue membra”, l’interesse della comunità fa tutt’uno con la “somma degli interessi dei vari membri che la compongono” [92]. Tutto il problema di Bentham è garantire la congruenza tra l’“interesse dell’individuo” e l’“interesse della comunità”, tra la “somma totale dei piaceri dell’individuo” e la “somma totale dei piaceri” della comunità [93]. Ma proprio nel fallimento di questa congruenza, che Bentham affidava all’opera giudiziosa di un legislatore razionale, Caillé scorge l’antinomia della ragione utilitaria [94], cioè, come egli chiarisce, “la tensione tra l’affermazione che l’unico sovrano che gli individui possono seguire è quello del loro interesse – alias la loro felicità o utilità -, e l’affermazione complementare che le azioni giuste ed auspicabili sono solo quelle che contribuiscono alla felicità di tutti o del maggior numero” [95]. Di qui l’oscillazione di Bentham tra individualismo metodologico ed olismo, tra principio self-regarding (o principio dell’egoismo) e principio comunitario, tra interessi individuali e interesse collettivo, che egli è tentato di risolvere ricorrendo ad una “democrazia protetta”, nella quale la soddisfazione delle preferenze individuali può tollerare una limitazione delle libertà civili e politiche o addirittura il ricorso ad un potere politico autoritario, come temevano Tocqueville e Costant, e che al giorno d’oggi un autore come Hayek non ha esitato a giustificare al fine di salvare la libertà economica o, meglio, la libertà di mercato [96].

2. Le antinomie della ragione utilitaria. Un approccio antirazionalistico e antirelativistico

Vale la pena sottolineare che l’approccio di Caillé a Bentham si lascia alle spalle i dibattiti della letteratura recente sull’utilitarismo divisa tra l’”utilitarismo dell’atto” (Bentham e Stuart Mill) e l’”utilitarismo della regola” (J. J. Smart, M. Singer, D. Lyons, R. Hare), dove il primo, mettendo l’accento sull’azione individuale, intende valutare l’incidenza dell’atto particolare dell’agente sul rapporto complessivo tra benefici e svantaggi, mentre il secondo valuta le conseguenze di un’azione individuale alla luce di una regola strutturata in vista del soddisfacimento del bene comune [97]. A Caillé interessa mostrare che l’utilitarismo di Bentham si situa nell’alveo di una concezione dell’utilità che ha una realtà oggettiva, addirittura fisica, che si contrappone al lusso, al superfluo, al passionale o, per riprendere un termine-concetto caro a Bentham, a ciò che è fittizio, illusorio, assurdamente fantastico perché privo di qualsiasi referente nella realtà concreta, come egli sostiene in The Theory of Fictions [98]. Non è nemmeno trascurabile segnalare che sul piano della storia delle idee Caillé prende le distanze sia dalle posizioni angustamente razionalistiche, che relativamente ad una determinata disciplina scientifica pretendono di raccontare la storia di una definitiva verità razionale e del suo progressivo trionfo sugli errori e le menzogne che l’hanno insidiata, sia dalle concezioni ispirate ad uno storicismo relativista secondo cui un’opera o un testo ricevono il proprio senso dalla problematica e dall’epoca in cui sono sorti, negando così non solo l’originalità di un autore, ma anche la commensurabilità tra opere appartenenti a culture ed epoche diverse. A questo proposito, non è di poco conto che l’atteggiamento storico-ermeneutico di Caillé si richiami al canone storiografico di Leo Strauss e alla sua duplice critica del razionalismo e del relativismo. Ciò che secondo Strauss vale per l’antichità classica, cioè la difficoltà che noi incontriamo nel comprendere le risposte a certe domande filosofiche (come quella sull’ordine politico giusto) perché si tratta di domande che discendono da uno stile di interrogazione diverso dal nostro, lo stesso secondo Caillé va detto per le questioni riguardanti il “principio di utilità” di Bentham e la “storia degli effetti” dell’utilitarismo benthamiano. Per comprendere le opere bisogna al contempo chiarire il ruolo giocato dal “contesto nel quale le riceviamo e da quello che ha presieduto alla loro elaborazione” [99]. Applicata alla storia dell’utilitarismo, questa impostazione metodologica comporta il rifiuto di tutte quelle interpretazioni “revisionistiche” che non tengono in nessuna considerazione il “contesto” storico in cui esso è stato elaborato e nemmeno la sua ricezione critica da parte dei contemporanei, e che hanno condotto a rovesciare completamente l’immagine di un Bentham egoista in quella di un Bentham mosso esclusivamente dall’”imperativo categorico” della felicità pubblica. “Il ruolo dell’interprete – spiega Caillé – è di sapere quali pensieri sono effettivamente attivati da un autore, quali restano in lui latenti o recessivi, quali infine sono solo virtuali. Detto altrimenti e in modo più concreto : nel momento in cui ci si immerge nell’avventura del pensiero, occorre prendere le mosse da ciò che sembra essere l’evidenza. Le evidenze iniziali differiscono a seconda degli autori. Esse danno la tonalità e formano l’armatura. Per alcuni l’evidenza è l’interesse, il calcolo e la causalità, mentre per altri è la spontaneità, l’emergenza dell’immotivato e dell’incondizionato. Altri, a loro volta, ragionano in chiave di piacere e di bene supremo. Altri, infine, scorgono all’origine di ogni esperienza umana solo il dovere, l’obbligo e il debito. Ma non c’è pensiero vivente se non a cominciare dall’evidenza di partenza, che cammin facendo incontra le altre evidenze, le si mette a confronto e le si identifica nei termini dell’evidenza iniziale” [100]. Caillé sta qui descrivendo un’ermeneutica storiografica o un canone d’intepretazione storica volto ad enucleare la dialettica complessa e contraddittoria della formazione dei concetti attraverso cui una determinata teoria si struttura sia sul piano sincronico (l’epoca in cui si inscrive o il suo contesto genetico), sia sul piano diacronico (i contesti della ricezione). Così, se l’interesse per sé è l’“evidenza prima” dell’utilitarismo, è altrettanto innegabile, pena la sua totale incomprensione, che esso incontra, nella fase della sua formulazione e ancor più lungo la sua storia degli effetti (Wirkungsgeschichte), altre “evidenze” con le quali si confronta : ad esempio, l’”entusiasmo” di Shaftesbury, l’amore o la carità medievali, la simpatia di Smith. Infatti, un pensiero vivo è sempre in divenire : nel travagliato processo della sua elaborazione, ora può sostenere una tesi e successivamente quella contraria senza misurare a pieno la contraddizione che ne nasce e senza riuscire a superarla fino in fondo. Ecco perché in autori come Bentham e Smith le antinomie della ragione utilitaria, lungi dall’essere un ostacolo epistemologico alla costruzione della teoria, diventano, invece, un elemento fecondo del loro pensiero. Sarebbe sbagliato, quindi, ricondurre le posizioni di questi autori ad una pura e semplice “dogmatica dell’interesse”. Così, Smith associa all’interesse per sé perseguito da ogni individuo la tendenza alla prosperità della società, la consapevolezza che “dalla conservazione di quest’ultima dipende la sua felicità e la sua stessa conservazione” [101]. Anzi, fin dall’esordio della sua Teoria dei sentimenti morali (1759) Smith tiene a sottolineare che l’azione del soggetto è governata non solo da motivi egoistici, ma da altri “principi che lo rendono partecipe delle fortune altrui, e che rendono per lui necessaria l’altrui felicità, nonostante da essa egli non ottenga altro che il piacere di contemplarla” [102]. La stessa dialettica tra opposte “evidenze” troviamo in Bentham, nel momento in cui egli nel “principio di utilità” ricomprende sia il self-regarding interest sia l’interest of community. Sotto questo riguardo, sono da considerarsi unilaterali e perfino sbagliate quelle interpretazioni del benthamiano “principio di utilità” nei termini di un imperativo etico che prescriverebbe la felicità del maggior numero a danno del piccolo numero o, in generale, di un terzo. E’ questa la lettura di Jean-Pierre Dupuy, che inscrive il principio benthamiano nella logica sacrificale del capro espiatorio teorizzata da R. Girard, sicché il sacrificio di un terzo o il mio proprio sacrificio possono essere legittimamente compensati dall’incremento dei vantaggi e dei benefici della maggioranza. Questa logica sacrificale – che verrà denunciata da Rawls in Una teoria della giustizia (1971) - Dupuy la trova ribadita in J. S. Mill di On Utilitarian, là dove Mill ravvisa nella capacità dell’autosacrificio da parte dell’individuo la più grande virtù umana [103], e nello stesso Adam Smith della Teoria dei sentimenti morali, quando egli afferma che l’uomo virtuoso “è sempre animato dalla volontà che il suo interesse privato venga sacrificato all’interesse pubblico del suo particolare ordine o della sua particolare società” [104] . Il problema, a questo punto, non è tanto quello, come crede Dupuy, di confutare la lettura che Halévy dà in chiave utilitaristica dell’economia politica di Smith assimilandola ad una “dogmatica dell’egoismo” [105] quanto, invece, di cogliere la dinamica storica ed epistemologica che dopo Bentham e dopo Smith ha condotto ad una divaricazione radicale tra il self-regarding interest e l’interest of community, tra l’interesse dell’individuo egoista e la felicità della maggioranza, che fino ad allora l’utilitarismo benthamiano e l’economia politica si erano sforzati di declinare insieme. Soprattutto con la cosiddetta rivoluzione marginalista, sarà sancita la scissione tra giudizi di fatto (scienza) e giudizi di valore (filosofia), attraverso cui “la scienza economica standard ci ingiunge di divenire, qualora già non lo fossimo, dei calcolatori egoisti razionali, e la filosofia ci dà l’ordine di sacrificarci per il più grande bene del maggior numero” [106]. Con l’economia marginalista, a partire dagli anni 1870, comincia la parola ascendente dell’egemonia dell’utilitarismo inteso come razionalità pratica allargata, cioè tale che il suo postulato del soggetto egoista razionale tenderà progressivamente a conquistare tutti gli ambiti delle scienze umane e sociali e l’intera filosofia morale e politica fino a giungere al predominio pressocché incontrastato della Teoria dell’Azione Razionale. L’utilitarismo diventa, così, non solo il sistema teorico ed ideologico dominante, ma l’immaginario stesso della modernità, lo specchio fedele dell’antropologia dell’uomo moderno nella sua riduzione ad homo oeconomicus. In altre parole, se, come ha spiegato Hirschman, nella fase del capitalismo nascente l’interesse economico, connesso al “dolce commercio” di Montesquieu, ha una funzione civilizzatrice perché tempera le passioni guerriere e predispone le menti alla costruzione pacifica dell’ordine politico attraverso l’accordo pattizio tra gli individui [107], a partire dalla rivoluzione marginalista assistiamo sia nella teoria che nella pratica al trionfo progressivo dell’”utilitarismo generalizzato” [108] : un trionfo che celebra i suoi fasti nell’epoca odierna della cosiddetta globalizzazione. In questa parabola storica molto lunga si verifica un mutamento intellettuale davvero paradossale, su cui Caillé richiama insistentemente l’attenzione : la generalizzazione del modello economico a tutte le scienze umane e sociali, come pure alla filosofia politica e morale, che sopravviene attorno agli anni Sessanta/Settanta del Novecento, ha preceduto di una diecina d’anni la trasformazione del mondo reale in direzione di ciò che siamo soliti definire come “globalizzazione/mondializzazione”. Che cos’è, in realtà, questo fenomeno senza precedenti che è la globalizzazione ? “Non è solo – risponde Caillé – l’attenuazione delle frontiere ereditate dagli Stati-nazione, è, molto più in generale, la subordinazione di tutte le sfere dell’esistenza sociale alla sola legge del mercato. E più precisamente e in primo luogo del mercato dei capitali speculativi. Ecco la verità fondamentale. Con questa mondializzazione che assoggetta a sé tutte le sfere dell’azione sociale, che si tratti della scienza, della tecnica, dello sport, della cultura, ecc., tutto diviene tendenzialmente merce” [109].

3. Dal soggetto egoista razionale all’egoista introspettivo della rivoluzione marginalista : un percorso storico interno alla metafisica moderna della coscienza


Poiché il soggetto egoista razionale è il parametro ultimo dell’utilitarismo “generalizzato” – e, come precisa Caillé, “eufemizzato”, perché esso ben al di là della scienza informa l’ethos della nostra epoca -, l’individualismo metodologico, nella molteplicità delle sue varianti, diventa l’epistemologia di riferimento e la tradizione di ricerca prevalente non solo della scienza economica standard, ma di tutte le scienze umane e sociali [110]. Il soggetto egoista razionale viene ritenuto l’unico in grado di valutare e di definire, in modo del tutto soggettivo, ciò che è buono e, quindi, utile per lui. Da questo momento in poi, vale a dire a muovere dalla rivoluzione marginalista, “non è più il legislatore razionale ma il mercato che diventerà l’arbitro esclusivo di ciò che è soggettivamente desiderabile”, come pure è da questo momento in poi che “sarà considerato giusto solo ciò che è soggettivamente desiderabile e dunque, in definitiva, disponibile sul mercato e grazie al denaro” [111].
Vale la pena di ricordare, a questo punto, che il trionfo del soggetto egoista razionale coincide per Hannah Arendt con l’affermazione di un soggetto che ha perduto il mondo come mondo comune e ha fatto dell’”introspezione” il medium attraverso cui si rapporta alla realtà esterna. Il principio di utilità, portato alle sue estreme conseguenze, spezza la relazione tra l’uomo e le cose mondane, che non vengono più considerate nella loro utilità oggettiva, ma semplicemente come risultati più o meno casuali del processo di produzione in vista della “soddisfazione” soggettiva mediante il consumo. In altre parole, mentre all’homo faber interessava il prodotto finale con il suo particolare valore d’uso, a cui tutto il processo di produzione era finalizzato, il principio di utilità si preoccupa principalmente di stimolare la produttività e di ridurre la pena. Sicché, commenta Arendt, “la vera unità di misura non è l’utilità né l’uso, ma la « soddisfazione », cioè la quantità di pena e di piacere provati nella produzione o nel consumo delle cose” [112]. L’utilitarismo generalizzato conduce alla vittoria dell’homo laborans, che è l’individuo “proiettato in se stesso, proiettato nella chiusa interiorità dell’introspezione”, i cui “soli contenuti rimastigli furono gli appetiti e i desideri, i bisogni incoscienti del suo corpo che dichiarò passioni e che giudicò « irragionevoli » perché si accorse che non poteva « ragionare », cioè fare i conti, con essi” [113]. E’ la vittoria della società del consumo, la cui ideologia dominante è rivolta a promuovere il processo vitale della specie, l’umanità come specie animale (così come viene descritta, potremmo aggiungere, nella figura dell’”ultimo uomo” dello Zaratustra di Nietzsche). La svolta operata dalla rivoluzione economica marginalista annuncia, dunque, che è utile ogni bene o servizio che viene desiderato purché si abbia un mezzo per pagarlo : a decidere dell’utilità delle cose è solo la capacità di acquistarle (il denaro), che in questo modo diventa il criterio esclusivo per misurare la ricchezza e, quindi, la felicità degli individui e delle nazioni [114]. L’”introspezione” che Arendt, suggestionata dalla critica heideggeriana della metafisica del cogito e della moderna ”immagine del mondo” ad essa correlata [115], criticava vigorosamente, annunciava il soggetto desiderante della società postmoderna dei consumi e dello spettacolo. E’ un soggetto fantasmatico, de-realizzato, privo di mondo comune, e in preda alla logica dell’illimitazione e della dismisura (hubris) nelle sue diverse forme e modalità (finanziarie, ecologiche, biotecnologiche, criminali, ecc.), che non conosce nessun obbligo verso gli altri e nessuna reciprocità [116]. In questa prospettiva, i ricercatori riuniti attorno al MAUSS, pur tra le inevitabili differenze che intercorrono tra loro, qualificheranno come utilitarista “ogni concezione puramente strumentale dell’esistenza, che organizza la vita in funzione di un calcolo o di una logica sistematica dei mezzi e dei fini, per la quale l’azione è sempre compiuta in vista di qualcosa d’altro rispetto a se stessa e ricondotta in fine soltanto al soggetto individuale che viene presupposto come chiuso su se stesso ed unico padrone, destinatario e beneficiario dei suoi atti, oppure ogni dottrina per la quale gli interessi per, le passioni, le emozioni sono o dovrebbero essere degli interessi a : delle passioni utili” [117]. In contrasto con questa forma “generalizzata” di utilitarismo inteso come razionalità pratica onnipervasiva, destinata a diventare l’autentica religione della modernità [118], gli esponenti del MAUSS reputano un compito urgente elaborare una concezione anti-utilitaristica dell’esistenza e a tal fine propongono tutti, con modalità discorsive diverse, di ricollegarsi alla tradizione antropologica francese di Émile Durkheim e di Marcel Mauss e, in particolare, di sviluppare il paradigma del dono, i cui lineamenti sono stati abbozzati da Mauss nel suo celebre Essai sur le don (1923/24). Ma prima di occuparci del modo in cui Caillé lo rielabora, mette conto subito precisare che si tratta di un paradigma empirico e nient’affatto speculativo, lontano da ogni apriorismo e da ogni sistematismo dogmatico, ma anche ibrido nel senso che, pur attraversando diagonalmente la grande tradizione sociologica ed antropologica europea ed americana (Marx, Durkheim, Simmel, Weber, Parsons, l’interazionismo simbolico, l’etnometodologia, la teoria dei sistemi, ecc.) tiene aperta la domanda filosofica originaria sui grandi problemi : che cos’è la società giusta ? Come dobbiamo vivere ? Quali sono i nostri obblighi sociali ? Che cos’è la democrazia ? Che cos’è la felicità ? Come definire la ricchezza ? E via discorrendo. Ora, assumere il paradigma del dono come centro focale di una concezione anti-utilitaristica dell’esistenza non significa affatto negare la legittimità degli interessi propri, e ciò sulla falsariga dell’economia politica classica e dello stesso utilitarismo che con Smith e Bentham avevano ammesso, oltre quelle della ricchezza e della felicità personale, l’esistenza di altre passioni, che spingono l’individuo nella direzione dell’interesse altrui, della compassione e del benessere della società. Incontriamo qui quello che potremmo chiamare il postulato dell’ambivalenza o dell’interdipendenza strutturale delle passioni, delle emozioni e dei sentimenti umani, che mette in discussione l’irriducibilità originaria della figura utilitaristica dell’homo oeconomicus, e che Caillé pone alla base del breve trattato di una teoria anti-utilitaristica dell’azione esposto nei saggi tradotti in questo volume. La distinzione tra interesse per (il provare un interesse per altri o l’interesse passionale per determinate attività e per determinati saperi : per la matematica, la letteratura, lo sport, ecc.) e interesse a (l’interesse strumentale a realizzare una carriera professionale, l’interesse strategico, l’interesse egoistico o per sé oppure l’interesse ad obbedire passivamente alla volontà di altri) ; come pure la distinzione tra disinteressamento (cioè, l’assenza totale di interesse nell’intraprendere un’azione) e disinteresse (un’azione intrapresa al di là di un interesse strumentale ed egoistico) era già in Adam Smith, prima ancora che Sen la stilizzasse nel celebre articolo Rational fools. L’argomento centrale di Amartya Sen è d’intonazione tipicamente smithiana e converge con la concezione anti-utilitaristica di Caillé : anche all’interno di uno schema di ragionamento consequenzialista, cioè attento solo a valutare le conseguenze di un’azione in termini di self-interest, l’esclusione di ogni altra componente come l’impegno (commitment), la simpatia, la generosità, ecc. costituisce “una limitazione del tutto arbitraria della nozione di razionalità” [119].

4. L’empatia come nucleo della moralità umana : la rivincita di Hume e di Darwin contro Hobbes

Peraltro, il postulato dell’ambivalenza o dell’interdipendenza strutturale delle passioni umane Caillé lo trova confermato nelle ricerche più avanzate della zoologia, dell’etologia, della biologia dell’evoluzione, della psicologia dello sviluppo e delle stesse neuroscienze. Non è un caso, infatti, che Frans de Waal, studioso dei comportamenti dei primati, riprenda la convinzione di Adam Smith sull’universale capacità umana di provare compassione per segnalare attraverso le osservazioni empiriche che questa propensione ha un’”origine evolutiva” ben precisa riscontrabile in tutte “le specie che dipendono dalla cooperazione – dagli elefanti ai lupi fino ad arrivare agli uomini” e si è sviluppata nel contesto di una vita sociale sempre più complessa, dove l’istinto ad aiutare gli altri si è esteso via via dai più vicini e familiari ai più lontani ed estranei [120]. La tesi di de Waal, secondo cui la moralità umana non segna una discontinuità radicale nell’evoluzione naturale della specie umana né tanto meno un’innovazione artificiale (che farebbe della moralità una sorta di “patina” esterna degli esseri umani inventata al fine di mascherare attraverso finzioni ed ipocrisie il nucleo profondo egoistico ed asociale della natura umana [121]), questa tesi, che peraltro segna una rivincita filosofica del “senso morale” di Hume (e, in generale, degli illuministi scozzesi contro Hobbes e Mandeville), fornisce a Caillé un supporto empirico importante alla sua teoria anti-utilitaristica dell’azione. Caillé fa tesoro della scoperta scientifica di un vero e proprio “interesse per la comunità [122], che nella specie umana sorge sotto la spinta di pressioni evolutive e che rappresenta il “più grande passo compiuto nell’evoluzione della moralità umana”, vale a dire “il passaggio dalle relazioni interpersonali all’individuazione di un bene più grande” [123]. Il senso morale – l’adozione di una grammatica elementare di regole e di giudizi morali – farebbe tutt’uno con il senso di comunità, i cui rudimenti possiamo scorgere nelle scimmie antropomorfe quando intervengono per appianare i conflitti tra loro. E che cosa significa quest’idea della moralità come il portato più rilevante dell’evoluzione, e in particolare delle tendenze alla cooperazione, se non che “la moralità umana è solidamente ancorata alle emozioni sociali, il cui nucleo è l’empatia” [124] ? In questa impostazione neo-darwiniana, che esalta la continuità tra processi naturali e razionalità logica, una continuità su cui un grande filosofo del XX secolo come John Dewey aveva messo l’accento, non solo colloca la moralità “all’interno dell’essenza emozionale della natura umana” [125], ma soprattutto infligge un colpo mortale alla tradizione hobbesiana dell’assiomatica dell’interesse che ha predominato nel pensiero occidentale moderno coniugando una concezione della natura umana come intrinsecamente antisociale, egoista e brutale con un’idea di sovranità del politico intesa come un ordine artificiale che con la forza della legge o addirittura con il terrore garantisce la pace civile e i vantaggi di ciascuno derivanti dai contratti individuali : basti pensare al postulato di base del materialismo storico che spiega il corso della storia con il ricorso al gioco degli interessi economici, o alla stessa psicanalisi che, combinando libido e pulsione di morte, si rifà all’”ispirazione tragica di Hobbes” [126]. Che la simpatia, l’empatia e la compassione smithiane siano presenti nel regno animale vuol dire che l’azione umana non può essere più riduzionisticamente interpretata sul registro esclusivo dell’interesse egoistico dell’individuo, che si tratti dell’interesse economico, sessuale, di prestigio, di potere, ecc. Nella teoria tetradimensionale dell’azione, presentata nei saggi qui tradotti, Caillé forgia un neologismo, aimance, per indicare l’apertura e la sollecitudine verso l’altro che è un polo dell’azione altrettanto primario ed irriducibile al pari dell’”interesse per sé”, dell’”obbligo” morale e della “libertà”. Nell’”aimance” vanno annoverati l’amicizia, la philia, l’agapè, la caritas, la pietà, la solidarietà, l’altruismo, la cooperazione, l’alleanza, l’associazione : in breve, tutti quei comportamenti ispirati a reciprocità e, diremmo, ad una qualche forma di riconoscimento dell’altro, sicché, come nota Caillé, essa, nella varietà delle sue manifestazioni storiche e culturali, è una “modalità simpatetica dell’empatia”. L’uomo è ab origine homo donator, da intendersi, alla luce delle recenti ricerche scientifiche, nel senso che i comportamenti cooperativi e solidaristici degli esseri umani sono parte integrante del mondo animale, accanto ovviamente a comportamenti di astuzia, menzogna, reciprocità negativa, aggressività, violenza, ecc. E a ciò bisogna aggiungere immediatamente, per evitare malintesi, che, sulla scorta dell’insegnamento di Mauss, non solo nelle società arcaiche ma anche nelle società moderne lo spirito del dono non è per nulla identificabile con il dono unilaterale e senza contraccambio, che, coniugato ad un atteggiamento di superiorità da parte del donatore, risulta umiliante per il donatario (Il modello per eccellenza di questo tipo può essere considerato a livello internazionale il rapporto di dominio e di soggezione che l’Occidente ha mantenuto con i paesi coloniali : un modello che cancella l’identità del ricevente negandogli lo statuto di donatore, di chi a sua volta può donare qualcosa di proprio e di singolare, e viene condannato perciò ad occupare il posto del subalterno eternamente indebitato [127]). Ciò che importa evidenziare è che lo statuto irriducibile dell’”aimance” consente a Caillé di intaccare il postulato utilitarista dell’homo oeconomicus e di fondare la teoria anti-utilitaristica dell’azione sul paradigma del dono, nel senso che gli elementi costitutivi di una teoria anti-utilitaristica dell’azione sono gli stessi di quelli di una teoria del dono. Dono ed interesse si compenetrano a vicenda nella pratica degli uomini ordinari, così come quelli che Caillé ha definito interesse a ed interesse per “non costituiscono mondi opachi e impenetrabili l’uno all’altro” [128], ma si intersecano e si sovrappongono. Un dono puro, privo di ogni componente di interesse (nella duplice accezione del termine) è un’illusione idealistica, in cui incorre un filosofo come Derrida, allorché egli parla dello statuto “impossibile” del dono, nel senso che il dono per essere tale non dovrebbe “apparire” come tale né al donatario né al donatore, confondendo egli in questo modo “dono” e “donazione” [129]. Ciò che Derrida – in ciò vicino al tema dell’amore cristiano – non coglie è la dialettica tra incondizionalità e condizionalità che è costitutiva del dono. L’incondizionalità del dono non è quella dell’amore, può durare solo se ognuno degli intelocutori vi trova un vantaggio : Caillé la chiama “incondizionalità condizionale”, perché esclude sia la logica del contratto (che è la logica della condizionalità del do ut des), sia la (il)logica dell’amore (che equivale all’incondizionalità pura, all’oblazione). “Se non trovo il mio tornaconto nell’incondizionalità, - spiega Caillé – allora non sono più della partita, entro nuovamente nel registro della guerra” [130].
Inoltre, non è per nulla trascurabile che proprio il circuito dei doni e dei contro-doni, magistralmente descritto da Mauss nel suo celebre saggio, e che non si consuma nel presente immediato articolandosi sulla lunga durata, sia una caratteristica peculiare degli scimpanzé e degli elefanti. A dimostrazione del fatto che anche nel mondo animale vige non soltanto l’interesse per sé, ma anche l’interesse per l’altro e, quindi, non solo la logica dello scambio equivalente dei favori, ma anche una logica embrionale del dono agonistico. L’essere umano, dunque, è un Giano bifronte : il conflitto con i suoi simili può risolversi nell’accordo pacifico o sfociare nel massacro e nella violenza cieca. Proprio come il dono che può essere positivo o negativo, portatore di morte (di offesa, umiliazione, disprezzo) o di salvezza (alleanza, patto, pacificazione), un’ambivalenza che Mauss riscontrava nella parola “Gift” delle lingue germaniche, presente a sua volta nel termine greco pharmakov che vuol dire al contempo il dono del medico, la medicina che guarisce e il veleno che uccide. La stessa duplicità semantica la si ritrova nella parola greca dosis, ciò che uccide e ciò che guarisce a seconda della dose [131]. Caillé osserva giustamente che questi due opposti significati “rinviano alla polarità tra interesse per sé e interesse per l’altro, e all’indissociabilità primitiva di questi due interessi, alla reversibilità dell’interesse per sé e dell’interesse per l’altro” [132].

4. Il desiderio di riconoscimento : Hannah Arendt e Axel Honneth

In quest’ottica, la dimensione agonistica del dono, enfatizzata da Mauss, risulta estremamente importante, poiché è essa che consente agli esseri umani di inaugurare un’alleanza e di istituire un rapporto sociale vero e proprio o, come direbbe Hannah Arendt, di dischiudere un “mondo comune”, di aprire lo spazio del politico nel quale il soggetto (individuale o collettivo) appare agli altri nella sua singolarità irripetibile. Il desiderio di apparire (la Selbstdarstellung, l’”autoprésentation”, l’autoesibizione) è l’essenza del politico e, ciò che più conta, è una tendenza riscontrabile in tutto il mondo animale e perfino in quello vegetale. Arendt, sulla scorta di Portmann e di Merleau-Ponty, lo aveva compreso perfettamente, quando in La vita della mente metteva in evidenza che tutti gli esseri viventi “uomini e animali, non soltanto sono nel mondo, ma sono del mondo, e questo proprio perché sono nello stesso tempo soggetti e oggetti, che percepiscono e sono percepiti” [133]. Come di recente ha osservato J. Dewitte, siamo di fronte ad una concezione del vivente che ne rifiuta la riduzione a res extensa e a mera oggettività e lo interpreta come soggetto capace non solo di una semplice reazione, ma di iniziativa e di azione e, entro certi limiti, dotato di libertà [134]. Ma apparire, per gli esseri umani, equivale ad entrare nell’ordine della narratività, dal momento che l’azione umana è per definizione imprevedibile e creatrice di senso : attraverso l’azione umana, che spezza la catena deterministica delle cause e degli effetti introducendo nel mondo sempre qualcosa di nuovo, l’identità del soggetto diviene, da identità fisica che era, un’identità narrativa, dotata di una storia singolare ed irripetibile. A giusta ragione Caillé coniuga insieme, su uno stesso registro discorsivo, il concetto arendtiano di azione e la nozione maussiana del dono. Entrambi convergono nel sottolineare la dimensione del senso, del possibile e del nuovo rispetto all’ordine stabilito e ai significati socialmente e culturalmente consacrati. Il valore del soggetto è proporzionale a ciò che egli “dona” o, ciò che è la stessa cosa, alla trama delle sue azioni, se poniamo mente al fatto che esiste una molteplicità di manifestazioni dell’agire : dalla gratuità della donazione (riscontrabile nella bellezza o nell’ispirazione) alla fatica e alla pena che in termini di lavoro costa la produzione di un oggetto ; dall’amore, la carità e la compassione verso altri all’innovazione e alla creatività di un’opera d’arte [135]. E se la questione fondamentale per gli esseri umani è quella di apparire, vale a dire di accedere all’universo simbolico in cui il senso nasce dalla messa in atto di doni che portano la guerra o la pace, l’ostilità o l’alleanza, allora la questione del riconoscimento del “valore” dell’esistenza (delle comunità e/o dei singoli) diviene cruciale. Il desiderio di apparire, negli esseri umani, è tutt’uno con il desiderio di riconoscimento, al punto che è lecito affermare che gli uomini aspirano più ad esseri riconosciuti che ad accumulare ricchezze. Su questo terreno gli autori del MAUSS e Caillé non potevano non incontrare - oltre che la lezione di Arendt e, prima ancora, quella di Smith e degli illuministi scozzesi - la riflessione di Axel Honneth, esponente dell’ultima generazione della Scuola di Francoforte, il quale ha riabilitato il concetto giovane-hegeliano del riconoscimento (Anerkennung) : non il concetto elaborato nella Fenomenologia dello spirito, ma quello degli scritti jenesi, non ancora ipotecato dalla metafisica speculativa, un concetto che Honneth ha integrato ed arricchito con la psicologia sociale del pragmatista americano Herbert Mead [136]. L’innesto del concetto di riconoscimento all’interno del paradigma del dono non ha ancora finito di produrre i suoi effetti, poiché la discussione ancora in corso non ha terminato di dare i suoi frutti [137]. Basterà dire, a questo proposito, che Caillé, ricentrando il paradigma del dono su Arendt e Honneth, lo sottrae definitivamente alla presa dello strutturalismo di Claude Lévi-strauss, che, in omaggio ad un razionalismo di stampo neopositivistico, aveva ridotto la scoperta di Mauss dello scambio dei doni ad un’applicazione delle regole della linguistica e ad una struttura mentale inconscia che sovrintende ad operazioni sociali tra loro diverse [138], e gli restituisce le caratteristiche di un sistema sì transculturale – l’obbligo di dare/ricevere/ricambiare -, ma dotato di indeterminazione, di contingenza, di storicità concreta. Un’idea questa su cui non aveva mancato di richiamare l’attenzione anche la grande antropologa Mary Douglas, quando rilevava che è inevitabile che la rivalità e la distribuzione degli statuti sociali, inerenti ai diversi sistemi di dono, varino storicamente [139].

6. Il dono come gioco regolato di riconoscimento e redistribuzione


Tornando al dono agonistico, e forzando la lettera dell’Essai sur le don, potremmo dire che esso fonda contestualmente il politico come “mondo comune” e il logos come capacità di comprendere e di inter-agire con l’altro, con il diverso, con il non-identico. Nel potlàc di alcune società arcaiche Mauss individua la chiave di volta che tiene insieme il riconoscimento dell’autorità, del prestigio, della stima sociale da un lato e la circolazione e la redistribuzione dei beni dall’altro. Due temi e due paradigmi – il riconoscimento, radicato nell’ordine della cultura, e la redistribuzione, radicato nell’ordine economico – che nel dibattito filosofico contemporaneo rischiavano di restare dissociati l’uno dall’altro, come accade ancora nel confronto tra Honneth e Nancy Fraser [140], vengono a confluire e a saldarsi nel paradigma del dono, soprattutto grazie al lavoro teorico di Caillé. Il dono è la chiave di volta della produzione del legame sociale e, nel momento in cui trasforma il conflitto e la guerra in alleanza/associazione, istituisce e fonda lo spazio del politico. “Nel Nord-ovest americano (…) – scrive Mauss – perdere il prestigio, è proprio come perdere l’anima : ciò che veramente viene messo in gioco, ciò che si perde al potlac, o al gioco dei doni, così come in guerra o per una colpa rituale, è la « faccia », la maschera di danza, il diritto di incarnare uno spirito, di portare un blasone, un totem, è la persona [141]. Il potlàc, dunque, è la forma arcaica della lotta a morte per il riconoscimento, di cui Hegel parla nella celebre sezione della Fenomenologia dello spirito, su cui vari autori, da George Bataille a Claude Lefort, sulle orme di Kojève, hanno insistito. Ma, a differenza delle letture d’intonazione hobbesiana che mettono l’accento sulla relazione di ostilità che può sfociare nella guerra e nella distruzione (la relazione amico/nemico per dirla con C. Schmitt), Caillé sottolinea che il potlàc si dispiega come una lotta di generosità attraverso cui “si costruiscono, si conquistano e si perdono le basi sociali del « rispetto di sé »” [142]. Ciò vuol dire che il riconoscimento nelle società arcaiche è connesso all’obbligo del dono inteso come (re)distribuzione. “Non c’è un istante – prosegue Mauss – che si distacchi dalla normalità (…) in cui non si sia obbligati a invitare gli amici, a dividere con loro i frutti inaspettati della caccia e della raccolta (…) ; in cui non si sia obbligati a ridistribuire tutto ciò che si è avuto da un potlàc, di cui si è stati beneficiati ; in cui non si sia obbligati a riconoscere, per mezzo di doni, un servizio qualunque dei capi, dei vassalli, dei parenti ; il tutto, sotto pena, almeno per i nobili, di violare l’etichetta e di perdere il rango” [143]. L’istituzione e la riproduzione del potere politico o, meglio, delle diverse forme o dei diversi ordini di autorità passano attraverso il potlàc, che è al contempo distribuzione di beni e riconoscimento del rango. “Il potlàc, la distribuzione dei beni, – chiarisce Mauss – è l’atto fondamentale del « riconoscimento » militare, giuridico, economico, religioso, in tutte le accezioni del termine. Si « riconosce il capo » o il di lui figlio e si diviene a lui « riconoscenti »” [144]. Si noti in quest’ultimo passaggio come il sistema del riconoscimento/redistribuzione porti sempre con sé un elemento di riconoscenza o di gratitudine, a testimonianza del fatto che l’altra faccia del donarsi agli altri è un indebitamento collettivo (un debito reciproco positivo) : in ciò che siamo e per quello che siamo divenuti, quanto dobbiamo alla generosità e alle prestazioni degli altri ? Così pure, l’obbligo di ricevere è altrettanto un imperativo sociale : nelle società arcaiche respingere un dono significa manifestare la paura di dover ricambiare, di non essere all’altezza del contraccambio e, quindi, il timore di aver perduto o perdere la stima sociale, il “peso del proprio nome”, di essere annientati nella lotta per il riconoscimento. Mauss insiste : accettare un dono equivale a mostrare la certezza di poter ricambiare e, quindi, di “poter provare che non si è inferiori” [145]. La circolazione/redistribuzione delle cose si identifica con la circolazione/riconoscimento dei diritti, dei privilegi, dell’autorità [146] : ciò che circola e viene scambiato sono degli oggetti di riconoscimento e, oserei dire, delle relazioni di riconoscimento, di cui sono parte integrante le relazioni di potere, i rapporti tra governanti e governati. Come ha chiarito Philippe Chanial, studiare la società con “gli occhiali” del paradigma del dono comporta come conseguenza “pensare congiuntamente, in uno stesso quadro di analisi, circolazione materiale e circolazione che possiamo definire « simbolica »”, dal momento che “guardata nell’ottica del dono, ogni relazione è mediata da simboli e sono proprio questi simboli ( sumbolon – segni di riconoscimento) – si tratti di una parola, un regalo, una stretta di mano – che sigillano l’alleanza” [147] (E, potremmo aggiungere, che sigillano un rapporto di dominio come sottomissione volontaria o un rapporto di legittimazione del politico nel significato weberiano del termine). E’ questa ricomposizione tra dimensione materiale e dimensione simbolica che consente di scoprire la grammatica del dono all’opera anche dentro il mercato, poiché anche il mercato, come sottolinea Chanial, è un regime di relazioni sociali che, come tutte le altre modalità di interazione, non si esaurisce nell’assiomatica degli interessi, ma presuppone come primaria la norma dell’obbligo di donare rispetto alla norma della reciprocità del ricambiare [148].

7. Il dono matrice ed operatore del politico


Questo statuto complesso ed ibrido del dono – il suo essere un gioco di redistribuzione/riconoscimento – ne fa anche l’operatore politico primario. Proprio perché la posta in gioco del ciclo del donare/ricevere/ricambiare è il riconoscimento/redistribuzione delle funzioni statutarie di un sistema sociale o di una comunità (e dei soggetti connessi a queste funzioni), la teoria maussiana del dono consente di lasciarsi alle spalle le finzioni contrattualistiche della filosofia politica moderna e le aporie delle teorie funzionalistiche e sistemiche delle scienze sociali contemporanee [149]. Il politico è una forma di dono, se con quest’espressione intendiamo il passaggio dall’ostilità all’alleanza, dalla guerra alla pace, dalla predazione al commercio e, dunque, al gioco intrecciato tra riconoscimento e redistribuzione. Ciò comporta la decisione di venire a patti, di vivere collettivamente, di fondare delle istituzioni in cui, come spiega Mauss, ci si potrà contrapporre “senza massacrarsi, e « darsi » senza sacrificarsi l’uno all’altro” [150]. In questa cornice, il politico non è il gesto puntuale che ha luogo una volta per tutte, ma è un gesto fondativo che va, per così dire, rinnovato nella pratica quotidiana delle relazioni sociali, dove, invece di doni, ci si può scambiare anche dei mali, delle vendette, delle umiliazioni, sostituendo così al ciclo positivo dare/ricevere/ricambiare il ciclo negativo del prendere/rifiutare/tenere per sé. Sta in ciò l’ambivalenza del dono che fa tutt’uno con l’ambivalenza delle relazioni umane. Per eliminarla non basta inventare dispositivi, ordini, procedure universali ed impersonali come è avvenuto nella società moderna con l’instaurazione del mercato, la costruzione dello Stato, l’imposizione della sovranità della legge su tutti i particolarismi ascrittivi, la razionalità nomologico-deduttiva della scienza sperimentale o la contabilità dell’impresa : in breve, tutti quegli aspetti della modernità che Weber ha riassunto nella formula del “razionalismo occidentale”. Queste istituzioni, che Caillé riconduce al dominio della socialità secondaria, dove “le funzioni compiute dalle persone sono meno importanti della loro personalità”, perché obbediscono all’imperativo dell’efficienza [151], non possono cancellare o mettere tra parentesi le relazioni della socialità primaria, quelle relazioni che si formano nella famiglia, nel vicinato, nell’amicizia, nell’amore, nelle piccole associazioni. Nella “socialità primaria” noi restiamo vincolati al ciclo del dare/ricevere/ricambiare, e sui “mondi vitali”, che crescono e si riproducono in essa, si fondano i sistemi funzionali governati dagli imperativi dell’efficienza e dai corrispondenti codici comunicativi. Come chiarisce Caillé, i sistemi funzionali non potrebbero essere efficaci se non si appoggiassero “sulle reti di relazione tra persona e persona, su diverse forme di socialità primaria, ereditate o costruite, mobilitando la lealtà e la voglia di donarsi da parte dei membri di questa socialità primaria” [152]. A loro volta, le reti della socialità primaria possono esistere solo se inglobate entro ordini più generali che ne assicurino la riproduzione non solo materiale, ma simbolica e narrativa. Critico nei confronti della de-politicizzazione che le scienze sociali hanno subìto sempre più nel corso del Novecento e convinto che tra la filosofia (in specie, la filosofia politica) e le scienze sociali debba instauratrsi un circolo virtuoso che ridia all’una e alle altre la capacità di parlare della e alla polis odierna [153], egli ritiene che il politico è l’esito o l’”integrale” delle decisioni attraverso cui tutti si danno (o si rifiutano) a tutti, senza darsi a nessuno in particolare. Il politico appare, così, il risultato storicamente variabile dell’ambivalenza del dono, del triplice obbligo del dare/ricevere/ricambiare che è la matrice universale di ogni socialità umana, e che nell’intreccio tra dono positivo e dono negativo, tra produzione del senso e redistruzione dei beni, è comune alle società più evolute e a quelle meno evolute. In questa ambivalenza affonda le sue radici la decisione di vivere-insieme, ancora una volta presa da tutti e da nessuno, che promana da una storia comune, non priva di conflitti e di discordie, attraverso cui si forma la divisione tra Noi e Loro, tra familiari ed estranei, tra amici e nemici , e il cui riconoscimento passa attraverso un racconto a più voci dei soggetti (non solo individui singoli, ma anche gruppi etnici, classi sociali, ecc.) che ne sono parte integrante [154]. Soprattutto nelle democrazie contemporanee, la cui promessa consiste nel fornire al maggior numero la “più grande potenza di vivere e di agire” [155] o, per dirla con Sen, eguali chanches di sviluppare le capabilities di ciascuno, il riconoscimento in questione costituisce una sorta di atto fondativo che va retrospettivamente rinnovato ogni volta, generazione dopo generazione. Tanto più oggi, nell’epoca della globalizzazione, in cui le società diventano strutturalmente multietniche e multiculturali e le culture, un tempo emarginate o svalorizzate, richiedono di essere apprezzate nella singolarità irriducibile del loro modo di abitare il mondo [156]. In questo riconoscimento ricorrente si produce il passaggio dalla legalità alla legittimità come l’atto più importante dell’innovazione politica, che non può non trascinare con sé il riaggiornamento e/o la ridefinizione dei criteri e dei contenuti della redistribuzione nella “poligamia” delle sue forme (mercato, Stato, economia solidale, ecc.). Un passaggio – dalla legalità alla legittimità - che è reso ancor più necessario dall’emergere di una società-mondo virtuale che si sovrappone alle reti della socialità primaria e alle istituzioni impersonali della socialità secondaria, ma che rischia di essere modellata esclusivamente dalla logica della mercificazione generalizzata [157]. Qui si apre un campo di ricerca ancora inesplorato che ruota attorno all’interrogativo di come si articola l’obbligo del dare/ricevere/ricambiare all’interno di una società planetaria che si va formando negli interstizi delle società nazionali non solo attraverso le dinamiche globaliste del mercato, ma anche attraverso la costruzione e la diffusione di saperi e di pratiche multiculturali ed interculturali, dove si intrecciano domande di riconoscimento da parte di popoli e culture e domande di giustizia globale [158] . La grande questione che si staglia su questo sfondo è se e in che misura oggi è possibile, per dirla con Polanyi, “reincastrare” la bestia selvaggia dell’economia capitalistica dentro una governance democratica. Sia sul piano internazionale sia a livello dei singoli paesi. Una questione, beninteso, dal profilo bifronte : il primo è strettamente economico, perché chiama in causa la costruzione di un’economia plurale, tale cioè da oltrepassare la dicotomia classica tra mercato e Stato e da mettere in moto una mescolanza tra questi ultimi e il il polo del dono (vale a dire, dell’economia sociale e di reciprocità come ad esempio il settore “non profit”). Il secondo, invece, è propriamente politico in senso eminente, perché richiede la riconsiderazione del progetto moderno e delle categorie filosofico-politiche in esso incarnate : Stato, nazione, sovranità, volontà popolare, eguaglianza, diritti individuali, ecc. : in una parola, la qualità stessa di una democrazia sostenibile [159]. Anche su questo terreno la concezione maussiana del dono può fornire preziose indicazioni teoriche e normative, se è vero che la cittadinanza diviene il bene primario delle società globalizzate, attorno a cui, insieme con il tema-chiave del lavoro, si polarizzano i conflitti sociali e culturali per la definizione di una società giusta. Donare la cittadinanza all’altro : è questa la posta in gioco delle democrazie contemporanee, sapendo bene che il dono è un mix di incondizionalità e di condizionalità, di disinteresse e di tornaconto proprio, di libertà e di obbligazione (nel senso, per intenderci, che anche nell’etica dell’accoglienza e dell’ospitalità non possono non rientrare i vantaggi materiali da parte di chi accoglie, come pure ostilità e conflitti da risolvere con il compromesso, l’accordo, il negoziato, se è da prendere sul serio l’endiadi tramandataci nelle lingue indoeuropee hospes/hostis). E che tra cittadinanza sociale e cittadinanza politica, tra cittadinanza politica e statuto del lavoro (riconoscimento del valore etico-sociale delle prestazioni, salario, tutele previdenziali, ecc.) esista una corrispondenza biunivoca, non vi è alcun dubbio [160]. Come filo conduttore di questo vasto campo di ricerca, attorno a cui gli studiosi del MAUSS sono attualmente impegnati, può essere richiamato l’avvertimento di Mauss, quando a conclusione del Saggio sul dono ricordava il valore della Politica, intesa “nel senso socratico del termine”, vale a dire intesa come “arte suprema” di una “direzione cosciente” [161] del vivere-insieme. E indicava nell’intreccio tra interesse-proprio e generosità verso gli altri, tra conflitto e associazione/alleanza, tra redistribuzione e riconoscimento il segreto della convivenza a tutti i livelli, compresa, noi possiamo aggiungere, quella scandita dal mercato globale e dalla comunità internazionale [162].

// Article publié le 12 septembre 2012 Pour citer cet article : Francesco Fistetti , « Entre sciences sociales et philosophie : le paradigme hybride du don, Alain Caillé et la Revue du MAUSS », Revue du MAUSS permanente, 12 septembre 2012 [en ligne].
https://journaldumauss.net/./?Entre-sciences-sociales-et
Notes

[1Ce texte est la préface à A. Caillé, Critica del Uomo economic. Per una teoria anri-utilitariste dell’azione,, Il Melangolo, Gênes,, 2009, version italienne de la première partie de Théorie anti-utilitariste de l’action. Fragments d’une sociologie générale, La Découverte/MAUSS, 2009.

[2K. Polanyi, La grande transformation. Aux origines économiques et politiques de notre temps, Gallimard, 1984.

[3La Revue du Mauss a consacré un numéro à Polanyi : Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand, n° 29, 1er semestre 2007. Dans sa « Présentation », Caillé, en plus de revendiquer la complémentarité entre Mauss et Polanyi comme sources d’inspiration du travail de la revue, a rappelé le texte d’A. Salsano, « Polanyi, Braudel et le roi de Dahomey », publié dans le n° 18 du Bulletin du MAUSS, juin 1986. Sur le rapport entre don et marché ou, comme il préférait le dire, sur la « polygamie » des formes d’échange, Salsano avait dirigé une anthologie, Il dono perduto e ritrovato (Le don perdu et retrouvé), Manifestolibri, Roma, 1994, grâce à laquelle il avait fait connaître pour la première fois les travaux du MAUSS en Italie. Ses derniers écrits sur le sujet sont rassemblés in A. Salsano, Il dono nel mondo dell’utile (Le don dans le monde de l’utile), introduction de G. Sapelli, Bollati Boringhieri, Turin, 2008.

[4A. Caillé, « Présentation » Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand, La Revue du Mauss, art. cit., p. 10.

[5ibid., p. 11.

[6C’est ce que soutient le même Caillé dans l’essai « De Marx à Mauss sans passer par Maurras », in M. Valakoulis et J.-M. Vincent (sous la direction de), Marx après les marxismes, t. I, L’Harmattan/Futur antérieur, Paris, 1997. Repris et développé in A. Caillé et S. Dzimira, « De Marx à Mauss … », in La Revue du MAUSS semestrielle n°34, Que faire, que penser de Marx aujourd’hui ?, 2009, 2e trimestre.

[7É. Halevy, La Formation du radicalisme philosophique, trois tomes, Alcan, Paris 1901-1903 (réédition 1995, Les Presses universitaires de France, postface de J.-P. Dupuy).

[8A. Caillé, Don, intérêt et désintéressement. Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres, La Découverte, Paris, 1994 (nouvelle éd. 2005). Sur la conception de l’utilité chez Socrate, voir L.-A. Dorion, « Socrate et l’utilité de l’amitié », in La Revue du MAUSS, n° 27, 1er semestre 2006, De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses, p. 268-288, et L. Strauss, Socrate senofonteo , trad. it. sous la direction de R. De Bartolo, Pensa Multimedia, Lecce 2009. On se rappelle que John Stuart Mill en ouverture de son Utilitarianism affirme que « le jeune Socrate écoutait le vieux Protagoras […] et soutenait contre la morale populaire du Sophiste (comme on disait alors) la thèse utilitariste » (J. S. Mill, Utilitarisme, Champs Flammarion, 1988, p.37.

[9Pour une reconstitution historique précise de la controverse entre utilitarisme et anti-utilitarisme tout au long de l’histoire de la philosophie occidentale, cf. A. Caillé, Ch. Lazzeri et M. Senellart, Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique. Le bonheur et l’utile, La Découverte, Paris, 2001, en particulier l’introduction.

[10« Par principe d’utilité on entend ce principe qui approuve ou désapprouve chaque action selon la tendance qu’elle semble avoir à augmenter ou diminuer le bonheur de la partie dont l’intérêt est en jeu ; ou, ce qui est le même concept en d’autres mots, selon la tendance à promouvoir un tel bonheur ou à le mettre en péril. Je me réfère à quelque action que ce soit, et donc pas seulement chaque action d’un individu privé, mais aussi chaque mesure du gouvernement ») (J. Bentham, Introduzione ai princìpi della morale e della legislazione (Introduction aux principes de la morale et de la législation), sous la direction de E. Lecaldano, trad. et notes de S. Di Pietro, Utet, Turin, 1998, chap. I, 2, p. 90

[11ibid., p. 91 (I, 4).

[12« Ainsi une action peut être définie comme conforme au principe d’utilité, ou, plus brièvement, conforme à l’utilité (entendue respectivement à la communauté en général) quand sa tendance à augmenter le bonheur de la communauté est supérieure à sa tendance à le diminuer » (ibid., p. 91, I, 6 Et encore : « Une mesure du gouvernement (qui n’est rien d’autre qu’un type particulier d’action ou groupe de personnes) peut être définie comme conforme au principe d’utilité ou dicté par lui quand, de la même façon, sa tendance à augmenter le bonheur de la communauté est supérieure à sa tendance à le diminuer ») (ibid., p. 91-92, I, 7 )

[13A. Caillé, La Démission des clercs, La Découverte, Paris, 1993, p. 130 et s..

[14A. Caillé, « Les mystères de l’histoire des idées. Remarques à propos du cas Bentham », in La Revue du MAUSS, n° 6, 2nd semestre 1995, consacré à Qu’est-ce que l’utilitarisme ? Une énigme dans l’histoire des idées, p. 141.

[15Je me réfère au concept de limited democracies proposé par Hayek dans les années 80 du siècle dernier : cf., à ce propos, F. Fistetti, « Il futuro incerto delle democrazie liberali » (« Le futur incertain des démocraties libérales »), préface de l’édition italienne de Y. Ch. Zarka et des Inattuali (Inactuels), Critica delle nuove schiavitù (Critique des nouveaux esclavages), éd. it. sous la direction de F. Fistetti, Pensa Multimedia, Lecce, 2009, p. 7-22. Sur la critique de la « démocratie de protection » de Bentham voir aussi l’« Introduction générale » de A. Caillé, C. Lazzeri et M. Senellart, Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique, op. cit., p. 32.

[16Cf. A. Sen et B. Williams (sous la direction de), Utilitarismo e oltre (Utilitarisme et autres) (1982), trad. it. de Besussi, Net, Milano, 2002.

[17J. Bentham, Teoria delle finzioni (Théorie des fictions), éd. it. sous la direction de R. Petrillo, Cronopio, Napoli, 2001.

[18A. Caillé, « Les mystères de l’histoire des idées. Remarques à propos du cas Bentham », art. cit., p. 131. Sur les apories de l’historicisme, et en particulier sur la contradiction entre la connotation non-historique des réponses philosophiques classiques aux questions comme celle du meilleur ordre politique d’une part, et leur inévitable conditionnement historique d’autre part, cf. L. Strauss, « Filosofia politica e storia » (« Philosophie politique et histoire »), in id., Che cos’è la filosofia politica ? (Qu’est-ce que la philosophie politique ?), éd. it. sous la direction de P. F. Taboni, Argalia Editore, Urbino, 1977, p. 91-115.

[19A. Caillé, « Les mystères de l’histoire des idées. Remarques à propos du cas Bentham », art. cit., p. 134. Sur l’histoire des moments structurels de l’utilitarisme, cf. aussi Caillé, Critique de la raison utilitaire, La découverte, 1989, en particulier les chap. 1-3.

[20A. Smith, Théorie des sentiments moraux, PUF, 1999, partie II, sect. II, chap. III, p.143.

[21ibid., partie I, sect. I, chap. I, 1, p.23.

[22« La morale utilitariste reconnaît à l’être humain le pouvoir de faire, pour le bien des autres, le plus large sacrifice de son bien propre […] La seule renonciation qu’elle approuve, c’est le dévouement au bonheur d’autrui ou à ce qui peut en être la condition, qu’il s’agisse de l’humanité prise collectivement, ou d’individus dans lzq limites imposées par les intérêts collectifs de l’humanité » (J.S. Mill, Utilitarisme, Champs Flammarion, 1988, p. 66).

[23Smith poursuit comme ceci : « Il veut aussi toujours que l’intérêt de cet ordre ou de cette société particulière soit sacrifié à l’intérêt supérieur de l’Etat ou de la souveraineté dont il n’est qu’une partie subordonnée. Il doit donc également vouloir que tous ces intérêts inférieurs soient sacrifiés à l’intérêt supérieur de l’univers, à l’intérêt de cette grande société de tous les êtres sensibles et intelligents dont Dieu lui-même est le directeur et l’administrateur immédiat » (Théorie des sentiments moraux, op. cit., partie VI, sect. II, chap. III, 3, p. 327).

[24Dupuy insiste sur la distinction entre le self-love, qui est le concept central de La richesse des nations (1776), et selfishness. C’est ce dernier terme qui peut être traduit par « égoïsme », alors que le premier terme, l’« amour de soi » n’est rien d’autre qu’une modalité réflexive de la « sympathie », cet état d’esprit qui à travers l’imagination nous permet de nous mettre à la place de l’autre et d’établir réflexivement une correspondance entre les sentiments de l’acteur et ceux du spectateur (J. P. Dupuy, « Postface » de É. Halévy, La Formation du radicalisme philosophique, t. I, op. cit.).

[25A. Caillé, « Mystères de l’histoire des idées. Remarques à propos du cas Bentham », art. cit., p. 145.

[26A. O. Hirschman, Les passions et les intérêts, PUF, 1980..

[27A. Caillé, Critique de la raison utilitaire, op. cit., chap. 2. À propos de la notion d’intérêt, Christian Lazzeri, membre du MAUSS, a critiqué l’interprétation d’Hirschman, de l’intérêt comme simple acquisition de la richesse. Lazzeri souligne qu’une telle notion au XVIIe siècle est soumise à un mouvement de « dématérialisation » qui manifeste par des concepts tels que ceux d’ « intérêt de conscience » (Jean de Silhon), d’« intérêt de réputation » (Saint-Évremond), d’« intérêt d’honneur » (Balthasar Gracián). Dans ce processus, l’intérêt rencontrera les notions théologiques médiévales d’amour de soi (amor sui) et d’amour-propre (amor propius), identifiant le premier au désir centré sur soi-même et sur les bénéfices que l’agent tente de procurer pour lui-même, « mais sans que cela se traduise en une attention exclusive accordée à ces derniers »), et le second à la poursuite d’intérêts personnels absolument incompatibles avec ceux des autres (Ch. Lazzeri, « Introduction » de « La querelle de l’intérêt et de la sympathie. Petite anthologie philosophique des XVIIe et XVIIIe siècles », in La Revue du MAUSS, n° 31, 1er semestre 2008, L’homme est-il un animal sympathique ? Le contr’Hobbes, p. 34-35).

[28A. Caillé, « Le don entre science sociale et psychanalyse. L’héritage de Mauss jusqu’à Lacan », in De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses, La Revue du MAUSS, n° 27, op. cit., p. 63.

[29Nous nous permettons de renvoyer à F. Fistetti, « L’individualisme méthodologique », in La Revue du MAUSS, n° 14, , 2nd semestre 1999, pp. 295-301. Sur l’opposition entre individualisme et holismes méthodologiques et sur leurs apories respectives, cf. A. Caillé, Anthropologie du don, Desclée de Brouwer, 2000.

[30A. Caillé, « Présentation » de De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses, art. cit., p. 27.

[31H. Arendt, La condition de l’homme moderne, Plon, 1986, p.385.

[32ibid., p.399.

[33A. Caillé, « Bonheur, richesse et utilité. L’argent fait-il le bonheur ? », in Dé-penser l’économique. Contre le fatalisme, La Découverte – MAUSS, Paris, 2005, p. 40-41.

[34M. Heidegger, « L’époque des conceptions du monde », in Chemins qui ne mènent nulle part, Gallimard, 2001. « Image du monde, dans le sens essentiel, signifie […], écrit Heidegger, pas une représentation du monde, mais le monde conçu comme image. l’ente dans son ensemble, est vu de telle façon qu’il devient ente puisque cela est posto par l’homme qui représente et produit (herstellent). Le fait de faire naître quelque chose comme l’image du monde ne fait qu’un avec une décision essentielle autour de l’ente dans son ensemble. L’être de l’ ente est cherché et retrouvé dans l’être – représenté par l’ente » (ibid., p. 87-88).

[35A. Caillé, « Quelle autre mondialisation ? », in Dé-penser l’économique. Contre le fatalisme, op. cit., p. 276-286. À juste titre, Elena Pulcini souligne que l’érosion progressive de la sphère publique, qui pour Arendt signe la parabole de la modernité, ne commence pas avec Smith, car les sujets que l’on rencontre sur le marché d’échange sont « des personnes unies par un besoin de reconnaissance et d’un entremêlement d’attentes réciproques au travers desquelles se forme leur identité propre », mais bien plus tard, avec l’affirmation de la société démocratique, dans laquelle, comme l’avait compris Tocqueville, se dissout « tout lien émotif entre les individus » (E. Pulcini, L’individuo senza passioni. Individualismo moderno e perdita del legame sociale, Bollati Boringhieri, Torino, 2001, p. 88).

[36A. Caillé, Présentation du n° 27 de La Revue du MAUSS semestrielle, 2006, 2e semestre, p. 28.

[37C’est la thèse de Serge Latouche « Le Veau d’or est vainqueur de Dieu. Essai de la religion de l’économie », in De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses, La Revue du MAUSS, n° 27, op. cit., p. 307-321. Latouche, le théoricien philosophiquement le plus cohérent de la décroissance, peut être considéré, avec Alain Caillé, comme le représentant le plus connu du MAUSS. Il serait intéressant de reconstruire leur désaccord sur la conception de l’anti-utilitarisme. Il suffira de dire ici que Latouche, à la différence de Caillé, ne sauve rien de la conception de l’utilitarisme classique : progrès, démocratie, technique, rationalité sécularisation, droit de l’homme. Ce sont tous des « idoles » et, on pourrait ajouter avec Bacon, des idoles de la modernité. « Ces idoles sont l’objet d’une dévotion, d’une sacralisation et d’un culte jamais vus, les victimes offertes en sacrifices à ces faux dieux sont très nombreuses, souligne-t-il ». Resurgit ainsi chez Latouche, cantonnée dans registre d’une philosophie de l’histoire d’inspiration catastrophiste et messianique, la thèse girardienne de la logique sacrificielle. Chez Caillé en revanche, plus que des idoles, nous devons parler d’« apories » de la raison utilitaire ou des paradoxes de la dialectique des Lumières. Enfin sur l’utilitarisme comme nouvel imaginaire qui, dans les sociétés modernes, assume les fonctions que les religions exerçaient dans les sociétés traditionnelles, cf. Ch. Laval, « L’utilitarisme comme représentation sociale du lien humain », in La Revue du Mauss permanente, texte publié le 6 juillet 2009, http://www.journaldumauss.net/spip.php?article529.

[38A. K. Sen, « Rational Fools : A Critique of the Behavioural Foundations of Economic Theory », in Collectif, Philosophy and Economic Theory, sous la direction de F. Hahn et M. Hollis, Oxford University Press, New York, 1979, p. 108.

[39F. de Waal, Le singe en nous, Fayard, 2005. La citation de Smith est tirée Théorie des sentiments moraux, op. cit., part. I, sect. I, chap. I, 1, p. 23 : « Aussi égoïste que l’homme puisse être supposé, il y a évidemment certains principes dans sa nature qui le conduisent à s’intéresser à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaire leur bonheur, quoi qu’il n’en retire rien d’autre que le plaisir de les voir heureux ».

[40Selon de Waal, le partisan le plus remarquable de la doctrine selon laquelle les êtres humaines sont essentiellement méchants et égoïstes et que la moralité n’est autre qu’une forme culturelle inventée pour occulter ce noyau profond et immuable de la nature humaine, est le biologiste et philosophe Thomas Henry Huxley (1825-1895).

[41ibid.

[42ibid., p. 78.

[43ibid., p. 81.

[44ibid., p. 83.

[45Cf. Ph. Chanial et A. Caillé, « Présentation » de L’homme est-il un animal sympathique ? Le contr’Hobbes, La Revue du MAUSS, op. cit., p. 7.

[46Le modèle exemplaire de ce type de don, au niveau international, est celui du rapport de domination et d’influence que l’Occident a maintenu avec les pays coloniaux : un modèle qui efface l’identité de celui qui reçoit en lui niant le statut de donateur, de celui qui, à son tour, peut donner quelque chose de personnel et de singulier et se voit condamné à occuper le poste subalterne d’éternel endetté .Cf. J. T. Godbout, « Don, solidarité et subsidiarité », in La Revue du MAUSS permanente, texte publié le 8 mai 2009, http://www.journaldumauss.net/spip.php?article504. J. Remy a insisté avec force sur l’entremêlement structurel entre don et prédation dans le rapport entre colonisateurs et colonisés. Cf. : « La dette en trop. Face à la domination postcoloniale », in La Revue du MAUSS, n° 28, 2nd semestre 2006. Godbout a écrit avec Caillé L’esprit du don, La découverte, 1992. Parmi ses nombreux travaux, on peut mentionner : Le don, la dette et l’identité, La Découverte, 2000, et récemment, Ce qui circule entre nous. Donner, recevoir, rendre, Le Seuil, 2007. Ces deux travaux analysent notamment la « valeur de lien » propre au don et exclue du rapport contractuel et marchand. Si le don libère l’autre de l’obligation contractuelle de rendre et d’échanger, c’est dans la mesure où il est toujours aléatoire car il aurait très bien pu ne pas être.

[47Don, intérêt et désintéressement, La découverte, 1994, p.266. Il poursuit en ces termes : « dans le domaine du jeu, par exemple, le fait qu’il existe un enjeu financier, un enjeu externe à l’enjeu immanent au jeu, le fait que la partie soit, justement, intéressée, toute cette instrumentalité contribue à accroître le plaisir pris au jeu. ET, réciproquement, il est clair qu’une part appréciable de ce qui ressortit en apparence au domaine de l’utilitaire, du fonctionnel, du travail et de l’instrumental, bref à l’intérêt à, relève en fait de l’intérêt pour et du plaisir. A moins que ce soit de l’obligation ou de la spontanéité ».

[48J. Derrida, Donner le temps, Galilée, 1991. « Seule la donation, seule la vie, donne et peut donner sans cause, sans raison et sans calcul. Les dons faits par les humains, au contraire, s’ils visent à reproduire le mouvement de la vie même et à l’enclencher (comme les rites d’initiation imitent l’accouchement), ne parviennent à cette reproduction qu’à travers l’imitation de la donation. Si la vie ne vise à rien d’autre que la vie, le don, lui, vise à la reproduction non pas biologique mais sociologique, à l’établissement et au rétablissement du rapport social » (A. Caillé, Don, intérêt et désintéressement, op. cit., p.270).

[49A. Caillé, « Notes sur le paradigme du don » in Collectif, L’interpretazione dello spirito del dono (L’interprétation de l’esprit du don), sous la direction de P. Grasselli et C. Montesi, Franco Angeli, Milano, 2008, p. 34. Les essais de Pierluigi Grasselli et de Cristina Montesi, contenus dans ce volume, constituent une contribution importante à la connaissance en Italie des problématiques économiques et anthropologiques du MAUSS.

[50M. Mauss « Gift, Gift », in Œuvres 3, Ed. de Miknuit, 1969, p.46-51.

[51A. Caillé, « Notes sur le paradigme du don », art. cit., p. 33.

[52H. Arendt, La vie de l’esprit I, PUF, 1981, p. ?

[53Les auteurs qui ont réhabilité le caractère plausible d’une interprétation téléologique du monde de la nature et auxquels Dewitte se réfère sont Robert Spaemann, Thure von Uexkull, Hans Jonas, Adolf Portmann. Cf. J. Dewitte, « La vie est sans pourquoi. Redécouverte de la question téléologique », in L’homme est-il un animal sympathique ? Le contr’Hobbes, La Revue du MAUSS, op. cit., p. 225-255 (repris in J.Dewitte, La manifestation de soi, La découverte, 2010, chap.5). Au sujet des dessins des ailes du papillon, par exemple, Portmann démontre que seule une part très mince peut jouer un rôle fonctionnel. Ces dessins « manifestent qu’il existe dans la vie quelque chose comme un « pur apparaître » dont la seule raison d’être est l’ « autoprésentation » des êtres vivants » (ibid. , p. 250). Arendt évoque quant à elle le lien entre autoprésentation et reconnaissance, commun aux êtres humains et aux animaux « Et de la même façon que l’acteur dépend, pour son entrée en scène, du plateau, de la compagnie et des spectateurs, jouer son rôle avec eux dépend des spectateurs, pour que son existence soit admise et reconnue ») (La vita della mente (La vie de l’esprit), op. cit., p. 102).

[54A. Caillé, « Présentation » de De la reconnaissance. Don, identité et estime de soi, La Revue du MAUSS, n° 23, 1er semestre 2004, p. 24-25.

[55L’œuvre de Honneth qui a inauguré dans les sciences sociales et la philosophie le débat sur la reconnaissance est La lutte pour la reconnaissance, Cerf, 2000. Sur le paradigme de la reconnaissance d’Honneth, je me permets de renvoyer à mon essai « Il paradima del riconoscimento : verso una nuova teoria critica della società ? » (« Le paradigme de la reconnaissance : vers une nouvelle théorie critique de la société ? »), in Postfilosofie, n° 1, 2005.

[56Parmi les textes importants qui peuvent documenter cette Auseinandersetzung en cours entre de nombreux membres du MAUSS et Honneth sur les rapports entre don, reconnaissance et redistribution, on peut citer le numéro monographique de La Revue du MAUSS De la reconnaissance. Don, identité et estime de soi, op. cit., l’ouvrage collectif La quête de reconnaissance. Nouveau phénomène social total, sous la direction de A. Caillé, La Découverte, Paris, 2007 et l’autre ouvrage collectif La reconnaissance aujourd’hui, sous la direction de A. Caillé et Ch. Lazzeri, CNRS Éditions, Paris, 2009.

[57Voir la fameuse « Introduction » de C. Lévi-Strauss à M. Mauss, Sociologie et anthropologie, PUF , 1989.

[58M. Douglas, « Notre paradigme du don », in De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses, La Revue du MAUSS, op. cit., p. 88-90.

[59Par exemple, dans la comparaison entre les travaux d’Axel Honneth et de Nancy Fraser. Cf. Fraser et Honneth, Redistribution or Recognition ? A Political-Philosophical Exchange, Verso, London – New York, 2003.

[60M. Mauss, « Essai sur le don », op. cit., p.206.

[61A. Caillé et Ch. Lazzeri, « La reconnaissance aujourd’hui », in Postfilosofie, n° 1, 2005, p. 70.

[62M. Mauss, « Essai sur le don », op. cit., p.207-208.

[63ibid., p. 209-210.

[64ibid., p. 211.

[65« Si on donne les choses et les rend, c’est parce qu’on se donne et se rend « desrespects » - nous disons encore « des politesses ». Mais aussi c’est qu’on se donne en donnant, et, si on se donne, c’est qu’on se « doit » - soi et son bien – aux autres » (ibid., p. 227).

[66Ph. Chanial, « Introduction. Ce que le don donne à voir », in Collectif, La société vue du don. Manuel de sociologie anti-utilitariste appliquée (sous la direction de Ph. Chanial), La Découverte, Paris, 2008, p. 33. Et on pourrait ajouter, qu’ils scellent aussi un rapport de domination, comme soumission volontaire, ou un rapport de légitimation politique au sens webernien du terme.

[67Chanial nous explique que : « Sans cette dimension de gratuité – something for nothing – aucune institution et plus généralement aucune relation ne tiendrait. Aucune administration ne fonctionnerait sans un minimum de dévouement à l’esprit du service public, aucune association ne survivrait si ses militants n’étaient là que pour se servir, aucune vie de famille, aucune relation amoureuse ou amicale ne serait viable si chacun ne s’y engageait qu’au vu des bénéfices (matériels, sexuels, affectifs, etc.) qu’elles pourraient procurer » (ibid., p. 29).

[68Caillé consacre une grande place à la discussion critique de ces théories in Théorie anti-utilitariste de l’action. Fragments d’une sociologie générale, La Découverte – MAUSS, Paris, 2009, chap. 7. Il s’agit d’un recueil de textes dont font partie aussi les essais traduits dans le présent volume.

[69M. Mauss, « Essai sur le don », op.cit., p
278-279.

[70A. Caillé, « Le don entre science sociale et psychanalyse. L’héritage de Mauss jusqu’à Lacan », art. cit., p. 74. « Cette socialité secondaire, poursuit Caillé, est régie par une exigence d’impersonnalité, par des lois impersonnelles : la loi du marché, la loi de l’État qui ne fait exception pour personne, les lois scientifiques de la nature, tout cela est fonctionnel, impersonnel » (ibid.).

[71A. Caillé, Théorie anti-utilitariste de l’action. Fragments d’une sociologie générale, op. cit., p. 133.

[72C’est la leçon que Caillé tire de l’œuvre de Claude Lefort. Caillé écrit : « C. Lefort est un des premiers, peut-être le premier, qui après avoir fait l’expérience des sciences sociales, s’est réclamé de la réhabilitation de la philosophie politique qui en réalité incarne le moment de l’unité virtuelle des sciences sociales. Mais il n’y a pas de sens à choisir a priori entre unité et diversité. Revenir aux questions premières de la philosophie politique n’a de sens que si ce retour permet de nourrir à nouveau l’interrogation de discours plus spécialisés. Et vice-versa » (A. Caillé, « Claude Lefort, les sciences sociales et la philosophie politique », in Collectif, La démocratie à l’œuvre. Autour de Claude Lefort (sous la direction de C. Habib et C. Mouchard), Éditions Esprit, Paris, 1993, p. 76. En ce qui concerne la perte de la dimension normative des sciences sociales, voir, de Caillé, La démission des clercs. La crise des sciences sociales et l’oubli du politique, La découverte, 1993, et Splendeurs et misères des sciences sociales, Droz, 1986.

[73A. Caillé, Théorie anti-utilitariste de l’action, op. cit., p. 133.

[74Caillé prend cette formule à Spinoza, cf. « La question du développement durable comme question politique », in id., Dé-penser l’économique, op. cit., p. 249, et « Quelle autre mondialisation ? », art. cit., p. 282.

[75Je me permets de renvoyer à mon livre, Multiculturalismo. Una mappa tra filosofia e scienze sociali (Multiculturalisme. Une carte entre philosophie et sciences sociales), Utet, Torino 2008, et à l’article « Reconnaissance », que j’ai rédigé pour le volume collectif, De Gauche ? (sous la direction de A. Caillé et R. Sue), Fayard, Paris, 2009, p. 271-280.

[76A. Caillé, « Le don entre science sociale et psychanalyse », art. cit., p. 74. Sur la non-coïncidence entre société mondiale et marché globale, cf. G. Berthoud « La globalisation : entre économisme et moralisme », texte publié le 9 juillet 2009, http://www.journaldumauss.net/spip.php?article531.

[77Sur la problématique de la justice globale, qu’on me permette de renvoyer à F. Fistetti, « Justice sociale, justice globale et obligation de donner », in La Revue du MAUSS, n° 30, 2nd semestre 2007, p. 172-193.

[78Se reporter, à ce propos, aux contributions du numéro de La Revue du MAUSS, Une seule solution, l’association ? Socio-économie du fait associatif, n° 11, 2nd semestre 1998, surtout celles de Ph. Chanial, « La délicate essence de la démocratie : solidarité, don et association », de J. T. Godbout, « Liens primaires, association et tiers secteur », de J.-L. Laville, « Fait associatif et espace démocratique » et d’A. Caillé, « Don et association ».

[79Ainsi, par exemple, même dans une éthique de l’accueil et de l’hospitalité, doivent être pris en compte les avantages matériels de celui qui accueille ainsi que l’hostilité et les conflits à résoudre par le compromis et la négociation. En ce sens, il s’agit de faut prendre au sérieux le concept qui nous est transmis dans les langues indo-européennes d’hospes et d’hostis

[80Sur la nécessité d’un revenu minimum inconditionnel, ainsi que sur la nécessité d’une réduction du temps de travail en vue d’une redistribution du travail pour réduire la fracture entre les travailleurs ordinaires et les jeunes cohortes de précaires, cf. A. Caillé, Trenta tesi per la sinistra (Trente thèses pour la gauche), éd. it. sous la direction de C. Grassi, Donzelli, 1997 [« Trente thèses pour contribuer à l’émergence d’une Gauche nouvelle et universalisable », in La Revue du MAUSS semestrielle n°9, Comment peut-on être anti-capitaliste ? 1997, 1er semestre,p 297- 331] Si la citoyenneté sociale consiste à « pouvoir disposer d’un minimum de ressources et de droits indispensables pour s’assurer une certaine indépendance sociale » (R. Castel, « La citoyenneté sociale menacée », in Cités, n° 35, 2008, p. 135), alors la citoyenneté active, qui est l’essence même de la citoyenneté politique, ne peut subsister sans elle.

[81M. Mauss, « Essai sur le don », op. cit., p.279.

[82« Les peuples, les classes, les familles, les individus, pourront s’enrichir, ils ne seront heureux qu quand ils sauront s’asseoir, tels des chevaliers, autour de la richesse commune. Il est inutile d’aller chercher bien quel est le bien et le bonheur. Il est là, dans la paix imposée, dans le travail bien rythmé, en commun et solitaire alternativement, dans la richesse amassée puis redistribuée dans le respect mutuel et la générosité réciproque que l’éducation enseigne » (ibid., p. 279).

[83K. Polanyi, La grande trasformazione. Le origini economiche e politiche della nostra epoca , trad. it. di R. Vigevani, Introduzione di A. Salsano, Einaudi, Torino 1974.

[84A Polanyi la Revue du Mauss ha dedicato il numero monografico “Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand”, n. 29, primo semestre 2007. Nella sua “Présentation” Caillé, oltre a rivendicare la complementarietà tra Mauss e Polanyi come fonti d’ispirazione del lavoro della rivista, ha ricordato il testo di A. Salsano, “Polanyi, Braudel et le roi de Dahomey”, pubblicato nel n. 18 del Bulletin du MAUSS, giugno 1986. Sul rapporto tra dono e mercato o, come meglio amava dire, sulla “poligamia” delle forme di scambio, Salsano aveva curato un’antologia, Il dono perduto e ritrovato, manifestolibri, Roma 1994, con cui faceva conoscere per primo gli esponenti del MAUSS in Italia. I suoi ultimi scritti sull’argomento sono raccolti in A. Salsano, Il dono nel mondo dell’utile, introduzione di G. Sapelli, Bollati Boringhieri, Torino 2008.

[85Caillé, « Présentation » a « Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand », cit., p. 10.

[86Ivi, p. 11.

[87E’ quanto sostiene lo stesso Caillé nel saggio “De Marx à Mauss sans passer par Maurras”, in Michel Valakoulis et Jean-Marie Vincent (sous la direction de), Marx après les marxismes, t. I, L’Harmattan/Futur antérieur, Paris 1997.

[88Élie Halevy, La Formation du radicalisme philosophique, 3 tomes, Alcan, Paris 1901-1903 (réédition 1995, Les Presses universitaires de France, Postface de J.-P. Dupuy).

[89Caillé, Don, intérêt et désintéressement. Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres, La Découverte, Paris 1994 (ripubblicato nel 2005). Sulla concezione dell’utilità in Socrate si veda L.-A. Dorion, “Socrate et l’utilité de l’amitié”, in Revue du MAUSS, n. 27, premier semestre 2006, “De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses”, pp. 268-288, e L. Strauss, Socrate senofonteo, trad. it. e cura di R. De Bartolo, Pensa Multimedia, Lecce 2009. Si rammenti che John Stuart Mill in apertura del suo Utilitarianism afferma che “il giovane Socrate ascoltava il vecchio Protagora e proclamava (…), contro la moralità popolare di quel cosiddetto sofista, la teoria dell’Utilitarismo”(J. S. Mill, Utilitarismo, ed. it. di E. Musacchio, Cappelli, Bologna 1981, p. 51).

[90Per una ricostruzione storicamente accurata della contesa tra utilitarismo ed anti-utilitarismo lungo tutta la storia della filosofia occidentale, cfr. A. Caillé – Ch. Lazzeri – M. Senellart, Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique. Le bonheur et l’utile, La Découverte, Paris 2001, in particolare l’Introduzione.

[91“Per principio di utilità si intende quel principio che approva o disapprova qualunque azione a seconda della tendenza che essa sembra avere ad aumentare o diminuire la felicità della parte il cui interesse è in questione ; o, che è lo stesso concetto in altre parole, a seconda della tendenza a promuovere tale felicità o a contrastarla. Mi riferisco a qualsiasi azione, e perciò non solo ogni azione di un privato individuo, ma anche ogni provvedimento di governo”(J. Bentham, Introduzione ai princìpi della morale e della legislazione, a cura di E. Lecaldano, trad. e note di S. Di Pietro, Utet, Torino 1998, cap. I, 2, p. 90).

[92Ivi, p. 91 (I, 4).

[93“Quindi un’azione si può definire conforme al principio di utilità, o, per brevità, conforme all’utilità (intesa rispetto alla comunità in genere) quando la sua tendenza ad aumentare la felicità della comunità è maggiore della sua tendenza a diminuirla” (ivi, p. 91, I, 6). E ancora :”Un provvedimento di governo (che altro non è che un particolare tipo di azione o gruppo di persone) può essere definito conforme al principio di utilità o da esso dettato quando, allo stesso modo, la sua tendenza ad aumentare la felicità della comunità è maggiore della sua tendenza a diminuirla”(ivi, pp. 91-92, I, 7).

[94Caillé, La Démission de clercs, La Découverte, Paris 1993, p. 130 e ss.

[95Caillé, “Les mystères de l’histoire des idées. Remarques à propos du cas Bentham « , in La Revue du MAUSS, n. 6, 2 semestre 1995, dedicato a »Qu’est-ce que l’utilitarisme ? Une enigme dans l’histoire des idées ", p. 141.

[96Mi riferisco al concetto di limited democracies proposto da Hayek negli anni Ottanta del secolo scorso : cfr., in proposito, F. Fistetti, “Il futuro incerto delle democrazie liberali”, Prefazione all’edizione italiana del libro di Y. Ch. Zarka e gli Inattuali, Critica delle nuove schiavitù, ed. it. a cura di F. Fistetti, Pensa Multimedia, Lecce 2009, pp. 7-22. Sulla critica alla “democrazia protetta” di Bentham si veda anche l’”Introduction générale” a Caillé – Lazzeri – Senellart, Histoire raisonnée de la philosohie morale et politique, cit., p. 32.

[97Cfr. A. Sen e B. Williams (a cura di), Utilitarismo e oltre (1982), trad. it. di Besussi, Net, Milano 2002.

[98Bentham, Teoria delle finzioni, ed. it. a cura di R. Petrillo, Cronopio, Napoli 2001.

[99Caillé, “Les mystères de l’histoire des idées”, cit., p. 131. Sulle aporie dello storicismo, e in particolare sulla contraddizione tra la connotazione non-storica delle risposte filosofiche classiche alle questioni come quella del migliore ordine politico da un canto e la loro inevitabile condizionatezza storica dall’altro, cfr. L. Strauss, “Filosofia politica e storia”, in Id., Che cos’è la filosofia politica ?, ed. it. a cura di P. F. Taboni, Argalia Editore, Urbino 1977, pp. 91-115.

[100Caillé, “Les mystères de l’histoire des idées”, cit., p. 134. Sulla storia dei momenti strutturali dell’utilitarismo, cfr. anche Caillé, Critica della ragione utilitaria, trad. it. di A. Salsano, Bollati Boringhieri 1991, in particolare i capp. 1-3.

[101A. Smith, Teoria dei sentimenti morali, ed. it. a cura di E. Lecaldano, Rizzoli, Milano 1995, parte II, sez. II, cap. III, 6, p. 214. Smith teorizza anche la generosità autentica, attestata dall’”osservatore imparziale” che è dentro di noi, associandola non solo alla stima sociale e alla gratitudine da parte dei beneficiari, ma anche all’approvazione etica da parte dell’intera umanità. “Quando l’uomo ha compiuto un’azione generosa non per un frivolo capriccio, ma per motivi appropriati, guarda verso coloro che hanno ricevuto i suoi sevigi, sente di essere il naturale oggetto del loro amore e della loro gratitudine, e, per simpatia con loro, della stima e dell’approvazione di tutta l’umanità. E quando guarda indietro al motivo per il quale ha agito, e lo esamina sotto la stessa luce in cui lo esaminerebbe lo spettatore indifferente, persiste nel prendervi parte, e plaude se stesso per simpatia con questo immaginato giudice imparziale”(ivi, 4, p. 209).

[102Ivi, parte I, sez. I, cap. I, 1, p. 81.

[103“La morale utilitarista riconosce che l’uomo è capace di fare sacrificio del proprio bene più grande per il bene degli altri (…). L’unica rinuncia di sé che approva, è il dono di sé alla felicità degli altri o a qualche mezzo per ottenere quella felicità ; e questo sia in considerazione dell’umanità presa collettivamente, sia degli individui, ma entro i limiti che gli interessi collettivi dell’umanità impongono”(J. S. Mill, Utilitarismo, cit., p. 68).

[104Smith così prosegue :”Inoltre desidera sempre che l’interesse del suo ordine o della sua società sia sacrificato al più grande interesse dello Stato o del regno, di cui il suo ordine non è una parte subordinata. Perciò desidererà allo stesso modo che tutti quegli interessi inferiori siano sacrificati al più grande interesse dell’universo, all’interesse della grande società di tutti gli esseri sensibili e intelligenti, della quale Dio stesso è il diretto amministratore e governante”(Teoria dei sentimenti morali, cit., parte VI, sez. II, cap. III, 3, p. 463).

[105Dupuy insiste sulla distinzione tra il self-love, che è il concetto centrale di La ricchezza delle nazioni (1776), e selfishness. E’ quest’ultimo termine che può essere tradotto con “egoismo”, mentre il primo termine, l’”amore di sé” non è altro che una modalità riflessiva della “simpatia”, quella disposizione d’animo che attraverso l’immaginazione ci consente di metterci al posto dell’altro e di stabilire riflessivamente una corrispondenza tra i sentimenti dell’attore e quelli dello spettatore (J. P. Dupuy, “Postface” a É. Halévy, La Formation du radicalisme philosophique, t. I, cit.).

[106Caillé, “Mystères de l’histoire des idées”, cit., p. 145.

[107A. O. Hirschman, Le passioni e gli interessi. Argomenti politici in favore del capitalismo prima del suo trionfo, trad. it. di S. Gorresio, Feltrinelli, Milano 1979.

[108Caillé, Critica della ragione utilitaria, cit., cap. 2. A proposito della nozione di interesse, Christian Lazzeri, un autorevole esponente del MAUSS, ha contestato l’interpretazione che ne dà Hirschman come semplice acquisizione della ricchezza. Lazzeri sottolinea che tale nozione nel XVII secolo viene sottoposta ad un movimento di “smaterializzazione” che si registra in concetti come “interesse di coscienza” (Jean de Silhon), “interesse di reputazione” (Saint-Évremond), “interesse d’onore” (Balthasar Gracián). Su questa scia, l’interesse incontrerà le nozioni teologiche medievali di amore di sé (amor sui) e di amor-proprio (amor propius), identificandosi il primo con il desiderio dell’agente centrato su se stesso e sui benefici che egli cerca di procurare a se stesso, “ma senza che ciò si traduca in un’attenzione esclusiva accordata a questi ultimi”, mentre il secondo considera il perseguimento dei propri interessi assolutamente incompatibile con quelli degli altri (Ch. Lazzeri, “Introduction” a “La querelle de l’intérêt et de la sympathie. Petite anthologie philosophique des XVIIe et XVIIIe siècles « , in Revue du MAUSS, n. 31, premier semestre 2008, numero monografico dedicato a »L’homme est-il un animal sympathique ? Le Contr’Hobbes « , pp. 34-35).

[109Caillé, “Le don entre science sociale et psycanalyse. L’héritage de Mauss jusqu’à Lacan », in « De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses », Revue du MAUSS, n. 27, cit., p. 63.

[110Ci permettiamo di rinviare a F. Fistetti, “L’individualisme méthodologique”, in Revue du MAUSS, n. 14, 1999, secondo semestre, pp. 295-301. Sulla contrapposizione tra individualismo ed olismo metodologici e sulle rispettive aporie, cfr. Caillé, “Né olismo né individualismo metodologici. Marcel Mauss e il paradigma del dono”, in Id., Il terzo paradigma. Antropologia filosofica del dono, trad. it. di A. Cinato, Bollati Boringhieri, Torino 1998.

[111Caillé, “ Présentation” a “De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses", cit., p. 27.

[112H. Arendt, Vita activa, trad. it. di S. Finzi, Bompiani, Milano 1997, par. 43, p. 230.

[113Ivi, p. 239.

[114Caillé, “Bonheur, richesse et utilité. L’argent fait-il le bonheur ? », in Id., Dé-penser l’économique. Contre le fatalisme, La Découverte-MAUSS, Paris 2005, pp. 40-41.

[115M. Heidegger, “L’epoca dell’immagine del mondo”, in Id., Sentieri interrotti (Holzwege), ed. it. a cura di P. Chiodi, La Nuova Italia, Firenze 1968. “Immagine del mondo, in senso essenziale, significa (…) – scrive Heidegger – non una raffigurazione del mondo, ma il mondo concepito come immagine. L’ente nel suo insieme è perciò visto in modo tale che diviene ente soltanto in quanto è posto dall’uomo che rappresenta e produce [herstellen]. Il sorgere di qualcosa come l’immagine del mondo fa tutt’uno con una decisione essenziale intorno all’ente nel suo insieme. L’essere dell’ente è cercato e rintracciato nell’essere-rappresentato dell’ente” (ivi, pp. 87-88).

[116Caillé, “Quelle autre mondialisation ?”, in Id., De-penser l’economique. Contre le fatalisme, cit., pp. 276-286. A giusta ragione, Elena Pulcini ha sottolineato che l’erosione progressiva della sfera pubblica, che per Arendt contrassegna la parabola della modernità, non ha inizio con Smith, perché i soggetti che si incontrano sul mercato di scambio sono “persone unite da un bisogno di riconoscimento e da un intreccio di aspettative reciproche attraverso le quali si forma la loro stessa identità”, ma molto più tardi, con l’affermarsi della società democratica, in cui, come aveva compreso Tocqueville, si dissolve “ogni legame emotivo tra gli individui” (E. Pulcini, L’individuo senza passioni. Individualismo moderno e perdita del legame sociale, Bollati Boringhieri, Torino 2001, p. 88).

[117Caillé, « Quelle autre mondialisation ? », cit., p. 28.

[118E’ la tesi di Serge Latouche, “Le Veau d’or est vainqueur de Dieu. Essai de la religion de l’économie”, in Revue du MAUSS, n. 27, cit., pp. 307-321. Latouche, il teorico filosoficamente più coerente della decrescita, può essere considerato, insieme con Alain Caillé, il rappresentante più famoso del MAUSS. Sarebbe interessante ricostruire il dissidio che sulla concezione dell’anti-utilitarismo divide questi due intellettuali. Qui basterà dire che Latouche, a differenza di Caillé, non salva nulla della concezione dell’utilitarismo classico : progresso, democrazia, tecnica, razionalità, secolarizzazione, diritti dell’uomo, ecc. sono tutti “idoli” e, potremmo aggiungere con Bacone, idola della modernità. “Questi idoli sono l’oggetto di una devozione, di una sacralizzazione e di un culto inauditi. Le vittime offerte in sacrificio a questi falsi dei sono innumerevoli”(ivi, p. 315). Riemerge in Latouche, seppure rimaneggiata sul registro di una filosofia della storia d’ispirazione catastrofista e messianica, la tesi girardiana della logica sacrificale. Per Caillé, invece, più che di “idoli”, bisogna problematicamente parlare delle “aporie” della ragione utilitaria o, come anche potremmo dire sulla scia di Horkheimer e Adorno, dei paradossi della dialettica dell’illuminismo. Infine, sull’utilitarismo come nuovo immaginario che nelle società moderne assolve alle funzioni a cui le religioni assolvevano nelle società tradizionali, cfr. Ch. Laval, “L’utilitarisme comme représentation sociale du lien humain”, in Revue du Mauss permanente , testo pubblicato il 6 luglio 2009 (http://www.journaldumauss.net ).

[119A. K. Sen, “Rational Fools : A Critique of the Behavioural Foundations of Economic Theory”, in AA. VV., Philosophy and Economic Theory, ed. by F. Hahn and M. Hollis, Oxford University PressNew York 1979, p. 108.

[120F. de Waal, Primati e filosofi. Evoluzione e moralità, trad. it. di F. Conte, Garzanti, Milano 2008, p. 36. La citazione di Smith è tratta dalla Teoria dei sentimenti morali, cit., parte I, sez. I, cap. I, 1, p. 81 :”Per quanto egoista si possa ritenere l’uomo, sono chiaramente presenti nella sua natura alcuni principi che lo rendono partecipe delle fortune altrui, e che rendono per lui necessaria l’altrui felicità, nonostante da essa non ottenga altro che il piacere di contemplarla. Di questo genere è la pietà o la compassione, l’emozione che proviamo per la miseria altrui, quando la vedioamo, oppure siamo portati a immaginarla in maniera molto vivace”.

[121Secondo de Waal, l’esponente più in vista della dottrina secondo cui gli esseri umani sono essenzialmente cattivi ed egoisti, e la moralità non è altro che un rivestimento culturale inventato per occultare questo nucleo profondo ed immutabile della natura umana, è il biologo e filosofo Thomas Henry Huxley (1825-1895).

[122Ivi, p. 79.

[123Ivi, p. 78.

[124Ivi, p. 81.

[125Ivi, p. 83.

[126Cfr. Ph. Chanial e A. Caillé, « Présentation » a « L’homme est-il un animal sympathique ? Le contr’Hobbes », Revue du MAUSS, n. 31, primo semestre 2008, p. 7.

[127J. T. Godbout, “Don, solidarieté et subsidiarité”, in Revue du MAUSS permanente, 8 mai 2009, leggibile in www.journaldumauss.net . Chi ha insistito con forza sull’intreccio strutturale tra dono e predazione nel rapporto tra colonizzatori e colonizzati è stato J. Remy, “La dette en trop. Face à la domination postcolonial”, in Revue du MAUSS, n. 28, secondo semestre, 2006. Godbout insieme con Caillé è autore di Lo spirito del dono, trad. it. di A. Salsano, Bollati Boringhieri, Torino 1993 ; dei suoi numerosi lavori si vedano soprattutto : Le don, la dette et l’identité, La Découverte-MAUSS, Paris 2000, e il volume recente, Ce qui circule entre nous. Donner, recevoir, rendre, Seuil, Paris 2007. Entrambi questi lavori esplicitano il « valore di legame » che è proprio del dono, un valore che è in linea di principio escluso dal rapporto contrattuale e mercantile. Il dono libera l’altro dall’obbligo contrattuale di restituire e scambiare, ed è tale perché è per essenza aleatorio, perché avrebbe potuto benissimo non esserci.

[128E prosegue :”Nel campo del gioco, per esempio, il fatto che esista una posta in gioco finanziaria, una posta esterna alla posta immanente al gioco, il fatto che la partita sia, per l’appunto, interessata, tutta questa strumentalità contribuisce ad accrescere il piacere provato nel gioco. E, reciprocamente, è chiaro che una parte notevole di ciò che rientra in apparenza nell’ambito dell’utilitario, del funzionale, del lavoro e dello strumentale, in breve nell’interesse a, dipende in realtà dall’interesse per e dal piacere. A meno che non sia dall’obbligo o dalla spontaneità”(Caillé, “Dono, interesse e disinteresse”, in Id., Il terzo paradigma, cit., p. 107).

[129J. Derrida, Donare il tempo. La moneta falsa, trad. it. di G. Berto, Raffaello Cortina, Milano 1996. “Solo la donazione, solo la vita dona e può donare senza causa, senza ragione e senza calcolo. Al contrario, i doni fatti dagli umani, se mirano a riprodurre il movimento della vita stessa (come i riti d’iniziazione imitano il parto), pervengono a questa riproduzione solo attraverso l’imitazione della donazione. Se la vita non mira ad altro che alla vita, il dono, da parte sua, mira alla riproduzione non biologica ma sociologica, a stabilire e ristabilire il rapporto sociale” (Caillé, “Dono, interesse e disinteresse”, cit., p. 110).

[130Caillé, “Note sul paradigma del dono”, in AA.VV., L’interpretazione dello spirito del dono, a cura di P. Grasselli e C. Montesi, Franco Angeli, Milano 2008, p. 34. I saggi di Pierluigi Grasselli e di Cristina Montesi, contenuti in questo volume, costituiscono un contributo importante alla conoscenza in Italia delle problematiche economiche ed antropologiche del MAUSS

[131M. Mauss”Gift, Gift”, in M. Granet – M. Mauss, Il linguaggio dei sentimenti, ed. it. a cura di B. Candian, Adelphi, Milano 1987, pp. 67-72.

[132Caillé, “Note sul paradigma del dono”, cit., p. 33..

[133H. Arendt, La vita della mente, trad. it. di G. Zanetti, il Mulino, Bologna 1987, p. 100.

[134Gli autori che hanno riabilitato la plausibilità di una questione teleologica nel mondo della natura, ai quali Dewitte si riferisce, sono Robert Spaemann, Thure von Uexküll, Hans Jonas, Adolf Portmann : cfr. J. Dewitte, La vie est sans pourquoi. Redécouverte de la question téléologique, in “L’homme est-il un animal sympathique ? Le contr’Hobbes », cit., pp. 225-255. A proposito dei disegni sulle ali della farfalla, ad esempio, Portmann dimostra che solo una minima parte di essi ha un ruolo funzionale e « manifestano che esiste nella vita qualcosa come un « puro apparire » la cui unica ragion d’essere è l’« autoesibizione » degli esseri viventi »(ivi, p. 250). Sul nesso intimo tra l’impulso all’autoesibizione e il riconoscimento da parte degli altri, comune agli esseri umani e agli animali, si sofferma Arendt :”E allo stesso modo in cui l’attore dipende per il suo ingresso in scena dal palcoscenico, dalla compagnia e dagli spettatori, così ogni essere vivente dipende da un mondo che appare quale luogo per la propria apparizione, dai suoi simili per recitare la sua parte con loro, dagli spettatori perché la sua esistenza sia ammessa e riconosciuta”(La vita della mente, cit., p.102).

[135Caillé, “Présentation” a “De la reconnaissance. Don, identité et estime de soi”, cit., pp. 24-25.

[136L’opera di Honneth che ha inaugurato nelle scienze sociali e nella filosofia contemporanee il dibattito sul riconoscimento è Lotta per il riconoscimento. Proposta per un’etica del conflitto (1992), trad. it. di C. Sandrelli, il Saggiatore, Milano 2002. Sul paradigma del riconoscimento di Honneth mi permetto di rinviare al mio saggio, “Il paradima del riconoscimento : verso una nuova teoria critica della società ?”, in Postfilosofie, n. 1, 2005.

[137A documentare questa Auseinandersetzung, tuttora in corso, tra molti esponenti del MAUSS da un lato e Honneth dall’altro sui rapporti tra dono, riconoscimento e redistribuzione, ci sono alcuni testi importanti, tra cui il numero monografico della Revue du MAUSS, “De la reconnaissance. Don, identité et estime de soi”, n. 23, primo semestre 2004 ; il volume di AA.VV., La quête de reconnaissance. Nouveau phénoméne social total, sous la direction de A. Caillé, La Découverte, Paris 2007, e AA.VV., La reconnaissance aujourd’hui, sous la direction de A. Caillé et Ch. Lazzeri, CNRS Éditions, Paris 2009.

[138Si veda l’”Introduzione” di C. Lévi-Strauss a M. Mauss, Teoria generale della magia e altri saggi, cit., pp. XV-LIV.

[139M. Douglas, “Notre paradigme du don”, in “De l’anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses », cit., pp. 88-90.

[140N. Fraser – A. Honneth, Redistribution or Recognition ? A Political-Philosophical Exchange, Verso, London – New York 2003.

[141Mauss, “Saggio sul dono”, in Id., Teoria generale della magia ed altri saggi, cit., p. 219.

[142A. Caillé-Ch. Lazzeri, “Il riconoscimento oggi : le poste in gioco di un concetto”, in Postfilosofie, n. 1, 2005, p. 70.

[143Mauss, “Saggio sul dono”, cit., pp. 219-220.

[144Ivi, p. 222.

[145Ivi, p. 223.

[146“Se le cose vengono date e ricambiate, è perché ci si dà e ci si rende « dei riguardi » - noi diciamo anche « delle cortesie ». Ma è, anche, che ci si dà donando e, se ci si dà, è perché ci si deve – sé e i propri beni – agli altri” (ivi, p. 239).

[147P. Chanial, “Introduction. Ce que le don donne à voir”, in AA.VV., La société vue du don. Manuel de sociologie anti-utilitariste appliquée (sous la direction de Ph. Chanial), La Découverte, Paris 2008, p. 33.

[148Spiega Chanial :”Senza questa dimensione di gratuità – something for nothing - nessuna istituzione e, più in generale, nessuna relazione reggerebbe. Nessuna amministrazione funzionerebbe senza un minimum di devozione allo spirito di servizio pubblico, nessuna associazione sopravvivrebbe se i suoi militanti non badassero ad altro che a se stessi, nessuna vita familiare, nessuna relazione amorosa o amicale sarebbe praticabile, se ciascuno vi si impegnasse solo in vista dei benefici (materiali, sessuali, affettivi, ecc.) che esse potrebbero procurare” (ivi, p. 29).

[149Caillé dedica ampio spazio alla discussione critica di queste teorie in Id., Théorie anti-utilitariste de l’action. Fragments d’une sociologie générale, La Découverte-Mauss, Paris 2009, cap. 7. Si tratta di una raccolta di testi di cui fanno parte anche i saggi tradotti nel presente volume.

[150Mauss, “Saggio sul dono”, cit., p. 291.

[151Caillé, “Le don entre science sociale et psychanalyse”, cit., p. 74. « Questa socialità secondaria – prosegue Caillé - è governata da un’esigenza di impersonalità, da leggi impersonali, la legge del mercato, la legge dello Stato che non fa eccezione per nessuno, le leggi scientifiche della natura : tutto ciò è funzionale, è impersonale” (ibidem).

[152Caillé, Théorie anti-utilitariste de l’action. Fragments d’une sociologie générale, cit., p. 133.

[153E’ questa la lezione che Caillé ricava dall’opera di Claude Lefort. Scrive Caillé :”C. Lefort è uno dei primi, forse il primo, che dopo aver fatto effettivamente esperienza delle scienze sociali, si è richiamato alla riabilitazione della filosofia politica che in realtà incarna il momento dell’unità virtuale delle scienze sociali. Ma non ha senso scegliere a priori tra unità e diversità. Ritornare alle questioni prime della filosofia politica ha un senso solo se questo ritorno consente di fecondare di nuovo l’interrogazione dei discorsi più specializzati. E viceversa” (Caillé, “Claude Lefort, les sciences sociales et la philosophie politique”, in AA.VV., La démocratie à l’œuvre. Autour de Claude Lefort (sous la direction de C. Habib et C. Mouchard), Éditions Esprit, Paris 1993, p. 76. Sulla perdita della dimensione normativa delle scienze sociali, di Caillé si vedano : Il tramonto del politico. Crisi, rinuncia e riscatto delle scienze sociali, trad. it. di F. Versienti, presentazione all’edizione italiana di A. Salsano, Dedalo, Bari 1995, e Mitologia delle scienze sociali, trad. it. di A. Salsano, Bollati Boringhieri, Torino 1988.

[154Caillé, Théorie anti-utilitariste de l’action, cit., p. 133.

[155Caillé ricava questa formula da Spinoza, “La question du développement durable comme question politique”, in Id., Dé-penser l’économique, cit., p. 249, e »Quelle autre mondialisation ?« , cit., p. 282.

[156Mi permetto di rinviare al mio libro, Multiculturalismo. Una mappa tra filosofia e scienze sociali, Utet, Torino 2008, e al lemma “Reconnaissance”, da me redatto per il volume collettaneo, De Gauche ? (sous la direction de A. Caillé et R. Sue), Fayard, Paris 2009, pp. 271-280.

[157Caillé, “Le don entre science sociale et psychanalyse”, cit., p. 74. Sulla non-coincidenza tra società mondiale e mercato globale, cfr. anche G. Berthoud, “La globalisation : entre économisme et moralisme”, testo pubblicato il 9 luglio 2009, leggibile in www.journaldumauss.net

[158Sulla problematica della giustizia globale mi sia consentito di rimandare a Fistetti, “Justice sociale, justice globale et obligation de donner”, in Revue du MAUSS, n. 30, secondo semestre, 2007, pp. 172-193.

[159Si vedano, a questo proposito, i contributi del numero monografico della Revue du MAUSS, “Une seule solution, L’association ? Socio-économie du fait associatif”, n. 11, primo semestre 1998, soprattutto quelli di Ph. Chanial, “La délicate essence de la démocratie : solidarité, don et association”, J. T. Godbout, »Liens primaires , association et tiers secteur « , di J.-L. Laville, »Fait associatif et espace démocratique « e di A. Caillé, »Don et association ".

[160Sulla necessità di un reddito minimo non revocabile, come pure sulla necessità di una riduzione del tempo di lavoro in vista di una redistribuzione regolare dell’impiego per sanare la frattura tra lavoratori ordinari e le giovani leve dei precari, cfr. Caillé, Trenta tesi per la sinistra, ed. it. a cura di C. Grassi, Donzelli 1997. Se la cittadinanza sociale consiste nel “poter disporre di un minimo di risorse e di diritti indispensabili per assicurarsi una certa indipendenza sociale” (R. Castel, “La citoyenneté sociale menacée”, in Cités, n. 35, 2008, p. 135), allora la cittadinanza attiva, che è l’essenza stessa della cittadinanza politica, non può sussistere senza di essa.

[161Mauss, “Saggio sul dono”, cit., p. 192.

[162“I popoli, le classi, le famiglie, gli individui potranno arricchirsi, ma saranno felici solo quando sapranno sedersi, come dei cavalieri, intorno alla ricchezza comune. E’ inutile cercare molto lontano quale sia il bene e la felicità. Essi risiedono nell’imposizione della pace, nel ritmo ordinato del lavoro, volta a volta comune o individuale, nella ricchezza accumulata e poi ridistribuita, nel rispetto e nella generosità reciproca che l’educazione insegna” (ivi, pp. 291-292).

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