Lutter contre la démesure suppose d’abord de comprendre ce qui nous attire comme irrésistiblement en elle. Son moteur le plus puissant en Europe a sans doute été l’idéal prométhéen, dont F. Flahault retrace en introduction la généalogie et montre le rapport étroit qu’il entretient avec le nihilisme et l’idéal de destruction – « seule véritable expérience de l’infini (au sens littéral d’illimité) qui soit accessible à l’humanité », écrit-il page 26 en commentant Netchaïev, archétype de l’homme de la destruction. Si l’homme doit tout construire, tout produire – à commencer par lui-même –, c’est parce que « naturellement », ontologiquement, il est supposé n’être rien. Mais « si l’homme n’est rien, on ne voit pas comment il pourrait par lui-même s’arracher à ce rien » [p. 44].
Alain Caillé