Introduction
Les ouvrages spécialisés sur Durkheim établissent que son travail suscita de nombreuses controverses de son vivant comme après sa mort. Son œuvre n’a jamais cessé d’être débattue dans le monde, pour ne rien dire des éclipses qu’elle a traversées (Besnard, 2003). On trouve aussi bien des articles savants qui étudient les positions critiques de Durkheim à l’égard des théories et méthodologies des autres disciplines [17] que de nombreuses présentations des controverses qu’il a dû affronter [18].
Je voudrais étudier ici [19] la manière dont les débats suscitées par cette œuvre sont traités dans la plupart des ouvrages d’introduction à la sociologie (notésODISpar la suite) français disponibles sur le marché [20]. Cette littérature secondaire est disposée à entretenir un rapport prudent, pour ne pas dire déférent, avec le « père fondateur », plutôt que de le soumettre à une discussion serrée –celle à laquelle il a été confronté au cours de sa carrière et après sa mort. Yves Alpe (2005), l’un des rares auteurs qui ait essayé de livrer une réflexion didactique sur la sociologie, évoque les « concepts sanctuarisés » qui ne sont pas mis en débat. Il a constaté que les manuels du secondaire privilégient le « paradigme durkheimien ». Selon lui, le postulat durkheimien (« traiter les faits sociaux comme des choses ») est présenté sans discussion, notamment par l’intermédiaire de l’usage de la statistique. Il ajoute que « le caractère didactique d’une analyse déterministe est beaucoup plus facile à expliciter qu’une posture interactionniste » [21].
L’image d’un « savoir sanctuarisé » est intéressante ; il convient d’éprouver jusqu’à quel point elle résiste à l’épreuve de la vérification quand on ouvre les ouvrages du supérieur [22].
Dans cet article, je vais étudier comment les ODIS traitent cet auteur classique, plus précisément la manière dont ils s’y prennent pour restituer les discussions suscitées par son œuvre, en son temps et après sa mort. Ce travail sera l’occasion de mettre à plat certaines des critiques qui ont été faites à Durkheim.
Matière à réflexion sera donnée pour émettre quelques remarques sur cette opération de « vulgarisation » ou de « transposition didactique », consistant à écrire, concevoir et adresser une histoire de la discipline à un public qui la découvre. Cet article vise aussi à mettre à disposition du matériau pour améliorer la réflexivité des sociologues sur l’écriture de l’histoire de leur discipline, y compris (et surtout ?) au stade propédeutique. Quelle place doit être réservée à la restitution des controverses soulevées par les grands auteurs (et à leur propos) ? N’est-il pas salutaire, quand on vise la juste compréhension des auteurs, l’assimilation de leurs thèses par les étudiants, de donner à lire les débats provoqués par ces classiques ? N’est-ce pas préférable aussi quand, d’un point de vue scientifique, on sait que les controverses accompagnent la marche des idées ? Nous reviendrons sur ces interrogations en conclusion.
J’insisterai sur la comparaison de la première réception telle qu’elle est restituée dans ces ouvrages savants [23] avec ce qu’on en sait grâce aux ouvrages et travaux du « troisième marché » (schéma 1). L’introduction à l’histoire de la sociologie est une opération de transformation : des « faits historiques » (la première réception) sont sélectionnés et mis en récit par des auteurs contemporains [24], chargés de les restituer à un public élargi. Il faudra donc caractériser le travail de « polissage » lié à lavulgarisationopérée par lesODIS, littérature diffusée, pratiquée et pratiquement jamais étudiée elle-même [25] ; donner à voir les éléments de la « doxa » diffusée sur le classique de la sociologie française. Ladéperditionest nette. Il reste surtout à déterminer dans quelle mesure on peut l’apprécier et sur quels aspects elle porte.
Ce travail s’insère dans une recherche sur les manuels universitaires, domaine très peu étudié en France. Seuls quelques chercheurs en sciences du langage [26] et en histoire (sur les manuels républicains par exemple) se sont emparés de la question ; leur lecture m’a aidé à ajuster mon angle, sachant qu’ils privilégient l’analyse de la littérature (leur propre discipline [27]) et de son histoire ou les ouvrages du primaire. Ils se rejoignent sur une dimension importante : la mise en récit de l’histoire des disciplines universitaires n’est jamais neutre et passe toujours par des sélections, à interroger. En ce sens, cette étude est une contribution historiographique concernant l’écriture de notre discipline.
Le corpus (Tableau 1)
Ces ouvrages ont tous en commun de viser un public assez large : les meilleurs élèves des lycées français (de Première et Terminale ES) [28], les étudiants de sociologie [29], les étudiants d’autres disciplines soucieux de s’initier à la sociologie. Sont également concernés les enseignants du secondaire [30]et du supérieur [31]. Le marché potentiel est donc numériquement important. Les éditeurs ne s’y trompent pas, qui ont multiplié les ouvrages d’initiation, souvent en poche, à des prix raisonnables, qui ont su solliciter des auteurs pour des travaux de commande.
On voit dans le tableau 1 que les ventes sont importantes et vont bien au-delà de la moyenne des ventes d’un ouvrage de sciences sociales (estimées à 600 [32]) eta fortioripour les ouvrages et revues spécialisés (moins d’une centaine d’exemplaires). Ce public se retrouve sur une motivation (ou une obligation universitaire) : connaître l’œuvre de Durkheim (entre autres) dans ses « grandes lignes ». Il s’agit d’ouvrages de « vulgarisation », par opposition aux ouvrages « savants » (schéma 1). En sciences du langage, on oppose les « savoirs savants » aux « savoirs didactiques », les « discours sources » aux « discours seconds » [33]. On pourrait aussi parler d’ouvrages « semi savants », ou « demi savants » [34]. Peu importe : ce qu’il faut retenir, c’est qu’il existe des segments de marchés éditoriaux : l’un s’adresse à quelques spécialistes, ils sont peu diffusés et très érudits, ils visent l’exhaustivité, l’approfondissement et sont très analytiques ; l’autre s’adresse à des généralistes, il est conçu pour une plus grande échelle et des lecteurs qui ont des intérêts diversifiés ; son contenu est nécessairement différent : superficiel, sélectif et plutôt synthétique [35]. C’est à ce second segment que nous nous attachons ici.

La frontière n’est pas toujours étanche entre ces segments de marché éditoriaux, du moins pour certains ouvrages qui campent aux frontières. Le cas du « Aron » (1967) l’illustre bien : l’auteur consacre plus de cent pages à la présentation des ouvrages et même de certains articles de Durkheim, qui sont selon lui importants ; cette quantité et cette qualité d’analyse font qu’il ne rentre pas vraiment dans le cadre des « ouvrages d’introduction » (certains se contentent de présenter le classique en quelques pages). Mais son caractère « incontournable » [36]permet malgré tout de l’introduire dans les monographies « de base » sur Durkheim ou du moins dans les histoires de la pensée (c’est ainsi qu’il se présente) qui seraient destinées à un assez grand public.
Concernant le choix des ouvrages du corpus, il n’est pas exhaustif et sans doute discutable. Je m’en suis tenu à ceux qui me paraissaient les plus utilisés. Le lecteur pourra rajouter mentalement les ouvrages de sa bibliothèque personnelle qui auraient été oubliés et chercher à vérifier si les tendances repérées correspondent à ce qu’il y trouve.
Chronologiquement, la série des ouvrages débute avec le « Duvignaud » (1965) dans la mesure où il inaugure une collection de poche (aux PUF) d’introduction aux « classiques » (« philosophes ») [37]. Avant lui, il n’existait aucune introduction à Durkheim en langue française [38]. J’aurais pu le laisser de côté, puisque sans doute mal vendu, il n’a jamais été réédité et reste donc peu connu. C’était l’occasion de remettre à la lumière cette première monographie de poche consacrée à Durkheim qui mérite mieux que cet injuste oubli. [39]
Symétriquement, et cela participe de la définition relative proposée ici, les ouvrages « savants » de langue française (marché 2) sont faiblement diffusés [40]. Dans cette catégorie, le dernier paru est celui de Marcel Fournier (2007), ouvrage de 900 pages, fruit d’un travail de plus de dix ans, qui vient compléter sonMauss(1994). Il est le premier ouvrage exhaustif sur Durkheim en langue française et il vient occuper une place de référence après celui de Lukes (1973), jamais traduit. A côté de ces monographies, on a des ouvrages collectifs édités, suite à des colloques qui ont réuni des spécialistes internationaux (Cuin, Borlandi, Cherkaoui…) ou des ouvrages qui réunissent des articles de tel ou tel durkheimologue (Berthelot, 1995 ;Besnard, 2003 ;Mucchielli, 2004 ;Karady, 2006).On trouve aussi des thèses réécrites (Marcel,2001 ; Mucchielli, 1998) et bien sûr une multitude d’articles savants parus dans les revues de sociologie (Boudon 1998 ; Marcel, 2004 ; Steiner 2009, etc.) ou parfois réédités sous formes de recueils (Boudon 2000, Besnard 2003, Steiner 2005, Karsenti). Ces publications sont bien moins lues, bien moins connues et bien moins diffusées [41]- presqu’aucune ne passe en poche- alors qu’elles contiennent des éléments indispensables sur toute une série d’aspects concernant l’œuvre de Durkheim et sa réception.
Je serai toujours amené à comparer ce qu’on trouve dans une main, les ODIS, avec ce qu’on trouve dans une autre, les ouvrages savants.
Considérations générales sur les débats suscités par l’œuvre de Durkheim (Tableau 2)
Les ODIS se différencient par leur propension variable à restituer les arguments qui furent opposés à Durkheim. On peut tenter de la mesurer en construisant un indice synthétique, afin de dépasser la simple impression de lecture. Il s’agit d’agréger une série de critères qui traduisent chacun à leur manière la part qui est réservée à la restitution des débats. Pris isolément, aucun de ces critères ne serait suffisant ; mis ensemble, ils permettent d’atteindre un certain niveau de complétude.
Les cinq critères retenus sont les suivants : la quantité de critiques reformulées (on les retrouve dans les tableaux 3 et 4) ; le nombre d’auteurs mobilisés qui « portent » ces critiques [42](tableaux 7 et 10) ; la variété des registres mobilisés (tableau 4) ; la variété des domaines évoqués (tableau 6) ;le nombre d’ouvrages de Durkheim passés au crible de la discussion (tableau 5).Au total, on aboutit à un indice compris entre 0 et 5. Pour atteindre l’indice théorique maximal (5), il faudrait obtenir pour chaque critère le score le plus élevé (par exemple avoir mobilisé tous les auteurs cités par tous les ouvrages du corpus) [43].
Ce critère de classification amène à distinguer trois catégories d’ODIS(tableau 2 :
- Un premier groupe se détache avec un indice proche de 2 (de Aron à Steiner, en passant par Lallement, Beitone et Riutort, Simon et Jonas), qui inclut les auteurs soucieux de restituer les discussions suscitées par l’œuvre du classique, ou les plus envieux de la discuter eux-mêmes. Notons cependant qu’à l’intérieur de ce groupe, l’impression de lecture n’est pas uniforme, pour une raison simple : les critiques sont adressées par des instances différentes. Certains auteurs parlent en leur nom - c’est le cas de Aron, Simon ou Jonas qui s’expriment au style direct, tandis que d’autres optent pour le discours rapporté, plus conventionnel et plus attendu dans des ouvrages didactiques et historiques (Steiner, Lallement, Beitone…).
- A l’autre extrémité, on trouve desODISqui éliminent les discussions qui eurent lieu à propos du classique. Cela concerne tout de même un quart de l’échantillon ! LeQue Sais-Je ?de « Pradès » est archétypal [44].Sociologie contemporainede Durand et Weil, pourtant épais, pratique de la même façon, mais pour d’autres raisons : manque de place [45], souci didactique [46]et contexte intellectuel au moment de la rédaction des ouvrages. [47]
- Un troisième groupe, intermédiaire (du « Valade » au Dictionnaire Larousse), concerne les ouvrages qui restent très souvent allusifs au sujet des débats suscités par l’œuvre du classique ; ils les évoquent, sans s’y attarder.
Manières de rendre compte du climat difficile de la première réception de Durkheim
Le second point concerne la présentation de la première réception de l’œuvre. Une majorité d’ODIS signale comme un fait bien connu qu’elle fut difficile. Ils relayent l’information qui est historiquement avérée, faisant même parfois l’effort de différencier les ouvrages de Durkheim car ils n’ont pas tous eu le même accueil.
Aron (1967), bien que très peu soucieux de restituer des éléments du contexte intellectuel de la première réception, écrit que « le caractère philosophique de la sociologie durkheimienne explique la violence des passions soulevées il y a un peu plus d’un demi-siècle par cette sociologie » [48]. Il confirme que ce fut difficile pour Durkheim, sans toutefois préciser ce qu’il entend par là…
Dans son Que Sais-Je ?, Berthelot [49]évoque l’ « hostilité généralisée » qui accompagna la réception des Règles, sans restituer cependant une seule des critiques - par manque de place sans aucun doute.
Durand et Weil (1989) s’en tiennent pour leur part à une remarque générale sur « la polémique soulevée par la volonté de rupture et d’inauguration d’une science nouvelle dont le caractère apparemment matérialiste –en réalité naturaliste- heurtait un courant de renouveau spiritualiste et religieux » [50] ; mais ils restent muets, eux aussi, et sur le contenu, et sur les protagonistes de la critique anti-durkheimienne (ils disposaient pourtant de plus de place) [51].
Cuin et Gresle (1992), aussi allusifs que leurs collègues, écrivent qu’il fut « parmi les grands universitaires de l’époque, certainement l’un de ceux qui suscitèrent le plus de passion » [52]. Ils ajoutent, plus précis (mais toujours aussi mystérieux !), que laDivision du travaila essuyé de « sévères critiques de la part de philosophes, comme Halévy [53], qui pourtant ne lui étaient pas hostilesa priori [54]. Les Règles« ont fait grand bruit lors de leur parution » (…) « Le Suicideexpose une thèse osée qui suscite des réticences jusque dans les rangs durkheimiens [55], certains discutant son sociologisme étroit (Bouglé) quand d’autres contestent un recours immodéré à des statistiques peu fiables (Simiand) » [56].
Lallement, de son côté, évoque aussi les « sérieuses réserves » émises par Bouglé sur la méthode durkheimienne (sans préciser lesquelles) et, fait notable, il consacre un encadré [57] aux critiques qui viennent de tous les bords : « les juristes qui n’apprécient pas l’enseignement de cette science sceptique, les philosophes qui se sentent menacés, et des politiques ou polémistes, comme Sorel, Massis, Péguy ou le fils de Tarde, qui sont très acerbes ». Bien qu’elliptique, Lallement est l’un des seuls à faire mention de critiques à caractère politique.
Steiner (1994) écrit de son côté qu’il y eût un « intense débat contradictoire » autour de son œuvre (premier paragraphe du livre) ; il en donnera quelques exemples dans des encadrés, lui aussi.
Riutort rappelle à son tour que « la parution des Règles suscite par le radicalisme des thèses présentées un vif débat parmi ses collaborateurs, dont Bouglé [58](…) Seignobos refuse radicalement le projet intellectuel de la sociologie durkheimienne » [59].
Philippe Besnard (Dictionnaire Larousse) écrit que lesRègles« rencontrent un accueil réservé, voire hostile, notamment chez les philosophes que Durkheim voulait convaincre » [60]. Le même texte est repris dans le dictionnaire PUF (2005), mais on n’en saura toujours pas davantage, alors que cette partie de la notice est rédigée par le durkheimologue le plus informé sur la question.
Les autres ODIS ne font pas mention de cette première réception difficile ou, exceptionnellement, la nient [61]. Duvignaud (1965) n’a pas jugé utile d’en rendre compte, il ne s’est intéressé qu’à deux critiques posthumes : celle de Kroeber (années trente) et celle de Gurvitch (années cinquante) [62]. Il n’évoque aucun des auteurs de la première réception. Aron (1967), excepté la petite phrase citée plus haut, fait mine d’initier lui-même toutes les controverses sur Durkheim - un procédé que personne n’oserait plus suivre de nos jours ! Quand on connaît les textes et le contexte de la première réception, on mesure que son commentaire s’en est largement inspiré. Mais il a choisi de ne mentionner aucun des contradicteurs contemporains de Durkheim [63], à une exception : Tarde - et encore, en le reléguant en note de fin de chapitre [64].
Qui étaient les adversaires contemporains de Durkheim ? (tableau 7)
Huit ODIS seulement évoquent quelques-uns des premiers contradicteurs de Durkheim, presque toujours de manière allusive. Au total, ils signalent une dizaine d’auteurs contemporains qui se sont à un moment ou un autre confrontés publiquement à lui. Ce résultatest maigre si l’on veut bien considérer qu’il y eut au moins une centaine d’auteurs qui ont controversé avec Durkheim de 1893 à sa mort [65]. On arrive donc à ces deux résultats : huit ouvrages sur vingt deux (un tiers) prennent la peine de nommer au moins un auteur qui a échangé des arguments contradictoires avec le classique ; moins de 10% des « discutants historiques » sont signalés par les ODIS.
Parmi la dizaine d’ « adversaires » contemporains du classique signalés par ces ouvrages, Tarde n’est pas le mieux servi (trois fois sur dix neuf occurrences cumulées). On aurait pu croire que ce serait le cas, étant donnée la place que lui réservent certains durkheimologues [66]. Valade lui-même, qui le présente longuement dans son ouvrage d’histoire des sciences sociales, ne rend pas compte de la controverse avec Durkheim ; il a choisi de les présenter côte à côte plutôt que face à face [67]. Cette polémique bénéficie par conséquent d’un statut paradoxal : on la présente ici comme étant « bien connue » [68]-y compris aux candidats à l’agrégation de sciences sociales qui doivent s’attendre à tomber sur ce sujet à l’oral de la Leçon ! – alors que les ODIS qui en font mention ne sont que trois…
Autre fait étonnant, le discutant contemporain le plus souvent repris par les ODIS est un faux ! Max Weber est présenté le plus fréquemment comme son principal interlocuteur alors qu’il n’a jamais écrit une ligne sur Durkheim (et réciproquement), contrairement à ce que certains manuels laissent entendre. Cinq auteurs le mobilisent pourtant contre le classique, Aron le premier, qui n’eût de cesse d’opposer la tradition allemande des sciences sociales à la tradition française, et qui fut sans doute le plus habile propagateur de cette idée aujourd’hui remise en cause par quelques historiens, selon laquelle la sociologie compréhensive de l’allemand s’opposait au « sociologisme » du français [69]. Dès sa soutenance de thèse en 1938 [70], non sans un certain courage, Aron mobilisa Weber contre les « durkheimiens historiques » qu’il avait pourtant face à lui dans son jury. Cette présentation antagonique fut diffusée dans les années soixante par Boudon, qui n’a jamais cessé de critiquer le holisme de Durkheim [71], ni d’exagérer l’individualisme méthodologique de Weber, tout en s’ingéniant à faire passer le classique français pour un utilisateur (inconscient [72]) de la sociologie compréhensive. Cette dernière idée est relayée dans les nombreux dictionnaires qu’il a coordonnés (le Larousse, les PUF) ; on la retrouve aussi dans le manuel de Dellas et Milly (1997). Notons que cette opposition entre les classiques, sans doute en raison de son caractère spectaculaire (le combat des Titans), correspond à une véritabledoxadans de nombreux ouvrages français consacrés à Weber. Il y aurait fort à parier que la présentation symétrique de Weber dans lesODISse structure aussi autour de cette opposition à Durkheim.
On peut encore signaler que la coprésence au rang 2 de Sorel et de Deploige est surprenante, compte tenu du caractère marginal de ces auteurs dans le champ de l’histoire de la sociologie et de la nature peu sociologique de leurs arguments : ils adoptèrent tous les deux le registre politique et (donc ?) polémique. L’étonnement persiste quand on constate que deux autres auteurs (ce qui fait quand même au total 4/9 ou 5/10 si l’on ajoute Pareto qui piocha également dans ce registre) furent aussi des opposants politiques (Massis et Péguy)… Il y a bien une survalorisation du « registre politique » de la controverse, qui laisse entendre que la réception historique a été difficile en raison de son caractère politique. Cette idée a l’avantage, sans doute, d’atténuer la crédibilité de cette réception difficile. On sait pourtant que tel ne fut pas le cas : la critique a été très d’abord universitaire, scientifique, et marginalement politique.
Au final, près de la moitié des ouvrages ayant présenté des auteurs qui ont discuté le classique (6/14) ne signalent aucun de ses adversaires contemporains. L’autre moitié leur donne des noms [73]. Le cas du Simon est intéressant puisqu’il fait partie des plus critiques (au discours indirect) mais ne mobilise aucun contemporain de Durkheim. Riutort, manuel de la dernière génération, ne fait quasiment pas référence aux adversaires contemporains non plus, ni par conséquent aux contextes intellectuels. Il renoue donc avec la tradition que l’on croyait dépassée du Aron d’une histoire de la pensée décontextualisée, en contradiction avec les avertissements méthodologiques de l’auteur lui-même [74].
Les ODIS sont donc majoritaires (12/22) à considérer que la première réception, dans sa dimension controversée, n’est pas un phénomène digne d’être relayé ou approfondi « à ce niveau » d’initiation. Ni Duvignaud (1965), ni Ferréol et Noreck (1990), ni Simon (1991) qui choisit de signaler des détracteurs jamais nommés ; ni Pradès (1990) [75], ni Dellas et Milly (1997), ni Beitone (1998). De la critique, oui, mais anonyme. L’ « arène » de la controverse (pour reprendre l’expression des sociologues des controverses) est présentée aux lecteurs sans que ne soient nommés les contradicteurs ou, sinon, en livrant certains noms, mais sans prendre la peine 1) de les identifier dans le champ intellectuel 2) de développer leurs arguments [76].
Ajoutons que les ODIS qui se signalent par leur effort pour rendre compte du climat difficile en restent à l’évocation de ce fait ; ils se contentent de nommer des contemporains de Durkheim, sans les citer, ni restituer leurs arguments. Le mode choisi est celui de l’allusion. C’est un point du clivage très net entre les ODIS et les ouvrages érudits : ces derniers prennent la peine de présenter les arguments des adversaires, de les situer dans les champs intellectuel et universitaire. Fournier est celui qui se donne le plus cette peine et c’est sa force. Dans les ODIS, on ne trouve que des « isolats critiques » (Lallement 1993 ; Steiner 1994 ; Zalio 2001),formalisés par le dispositif des encadrés. Ces ouvrages introduisent, par touches, des moments, des acteurs, des arguments, qui donnent un peu plus qu’une impression fugitive sur la réception difficile de l’œuvre.
Le dernier carré pour présenter des éléments de débats : les notes et les encadrés
Certains ODIS parviennent à restituer des arguments énoncés contre Durkheim parce qu’ils intègrent dans leur format éditorial des « dispositifs de rattrapage », comme la note [77] et/ou l’encadré.
Les encadrés
Beaucoup de collections utilisent les encadrés : les Repères (La Découverte), les Circa (Nathan), les Prismes (Hachette) et les Cursus (Colin). Il est clair que ce dispositif est très utile pour accueillir et transmettre un peu d’érudition, d’histoire et de références bibliographiques. Steiner (Repères), Cuin et Gresle (Repères) s’en emparent, ainsi que Lallement (Circa) : c’est dans ces espaces circonscrits qu’on trouve une grande partie des discussions des ouvrages de Durkheim. Au lecteur de décider de s’y reporter [78]. L’encadré offre la possibilité aux auteurs de faire un point sur le contexte social, universitaire, intellectuel ou bibliographique ; c’est une sorte de « grande note de pleine page » : un « gros plan » sur les universités dans les années 1880 ; les problèmes de l’édition des sciences humaines à l’époque ; les collaborateurs deL’Année sociologique ;la biographie de Durkheim [79]. C’est aussi le lieu où l’on donne la parole à d’autres auteurs que l’on peut citerin extenso(PrismesetCirca). L’encadré de Lallement intitulé « l’analyse durkheimienne du suicide : des controverses méthodologiques au renouveau des débats » [80] présente un grand nombre d’arguments qui furent opposés à l’ouvrage. De même, l’encadré « Genèse du durkheimisme » [81] revient sur « la percée difficile » de ses idées, sur son « succès tardif », deux éléments qui remettent les pendules à l’heure. C’est aussi dans ces encadrés que Steiner développe des critiques adressées au classique.
A quoi sert- il donc de relayer l’information qu’il y eut une première réception difficile, sans jamais prendre la peine de descendre dans l’arène des débats ? On peut supposer – c’est une de nos hypothèses - que cette information générale est assez bien relayée dans ces introductions à l’histoire parce qu’elle participe de la construction du « Durkheim mythologique » [82] : un auteur est d’autant plus « Grand » qu’il a triomphé des forces hostiles rencontrées sur son chemin (schéma que l’on retrouve dans l’analyse structurale des contes). D’incompris, il a finalement accédé au statut de « classique » qu’on lui connaît aujourd’hui. Lesgatekeepers(ses contemporaines, qui eux ont été rejetés dans les marges de l’histoire) n’avaient pas perçu l’importance du fondateur ; il s’en fallut même de peu qu’ils l’étouffent avant qu’il n’accède à la postérité et parvienne jusqu’à nous. [83]
Familles, domaines et registres des controverses
L’analyse de contenu nous apprend beaucoup sur ce qu’on nous donne à lire sur le classique [84]. Pour explorer cette piste, une question devra être posée : existe-t-il une « doxa critique » ? Par « doxa », il faut entendre qu’on nous « resservirait » toujours les mêmes arguments contre Durkheim.
Les « familles » de critiques (tableau 3)
En guise de première approche, on peut chercher à savoir si ce sont toujours les mêmes « familles de critiques » qui reviennent « ad nauseum » comme l’écrivent certains auteurs écœurés à l’avance par l’idée de reprendre les mêmes motifs et de chanter la même rengaine. [85]
Le tableau3 propose un premier tri par « famille », en spécifiant dans la dernière colonne leur occurrence, afin de mettre en évidence une éventuelle « doxa ». Par « familled’arguments », j’entends ici ceux qui abordent les mêmes problèmes en les prenant par des aspects différents ; ils ont un « air de famille » comme dirait Wittgenstein [86].
La formule « les faits sociaux sont des choses », on s’en doutait un peu à force de fréquenter ces ouvrages, est la plus fréquemment reprise. Elle est associée à une série de critiques « apparentées » (de la même famille) : celle qui évoque son « spiritualisme » ou s’en prennent à sa notion de « conscience collective » (huit fois), à sa vision hypostasiée du social. On la retrouve également dans la critique de la notion de « courant suicidogène » proposée dans le Suicide. Dans cette « famille » d’arguments (lignes 1 à 10 du tableau3), on retrouve quand même 42 occurrences, soit presque la moitié du corpus ! La réponse à notre question vient donc rapidement : oui, Durkheim est discuté dans les ODIS le plus souvent à propos de cette conception « holiste » de la société et de tout ce qui peut y être associé : sociologisme, hypostasie du social, objectivisme, positivisme... cela est repris à chaque fois, comme une sorte de « service minimum ».
En revanche, quand on poursuit la lecture du tableau 3, il devient rapidement difficile de faire des recoupements par « famille », les idées deviennent très diversifiées. On a bien encore une « famille » autour de la confusion entre le Durkheim normatif et le Durkheim descriptif, une autre sur les questions de définition du religieux (lignes 16, 18 et 19), mais le reste est vraiment dispersé : critique de sa définition de l’égoïsme (ligne 32), de ses explications hasardeuses du suicide des femmes (ligne 22) et des juifs (ligne 29)... Comme si chaque auteur d’ODIS passait d’abord sur la discussion obligatoire de la méthodologie holiste pour y aller ensuite de sa « petite musique » personnelle.
Les « registres » des controverses (tableau 4)
Il existe une manière plus satisfaisante de regrouper les arguments opposés à Durkheim, qui consiste à repérer les « registres », en distinguant les arguments d’ordre épistémologique, théorique, méthodologique, empirique, politique, morale et idéologique [87]. Il s’agit parfois de frontières incertaines [88], car une critique n’est jamais exclusivement – par exemple- ou méthodologique ou politique [89]. Cependant, au-delà des limites inhérentes à toute classification, cela permet d’y voir nettement plus clair sur le traitement réservé à Durkheim dans lesODISet sur la manière dont on écrit l’histoire de la sociologie, à ce stade.
Grâce à ce nouvel ordonnancement, on établit sans peine que les ODIS proposent de restituer en premier lieu les débats méthodologiques et épistémologiques (47% environ), ce qui renvoie à une certaine réalité historique, si on en croit les spécialistes de la première réception. Viennent ensuite les débats sur ses théories, plus sectorielles (22%), sur les techniques (principalement sur la statistique) (19% environ), c’est à dire sur les modalités du recueil des faits, de leur classification et de leur interprétation. Finalement, on trouve peu de critiques idéologiques, politiques et morales (15%). Au-delà de cette comptabilisation, il convient de rentrer davantage dans le détail de chaque registre.
Les critiques épistémologiques et méthodologiques
Il s’agit là du caractère le plus général, qui renvoie à la querelle des méthodes (expliquer/comprendre), à la démarche scientifique, aux modalités de l’expérimentation en sciences sociales, aux formes de l’administration de la preuve, à la construction de l’objet, au rapport à l’objet... Dans notre corpus, presque 50% des critiques restituées rentrent dans ce registre. Il existe donc bien une orientation à dominante épistémologique dans la restitution des débats, avec des arguments récurrents ; ce constat vient confirmer ce qu’écrivait Besnard sur ce qui fait un « classique » :
Le Suicide a été redécouvert par des théoriciens [Parsons, Merton, Benoit-Smullyan, Mayo], des généralistes, et non par des spécialistes travaillant sur un problème social (…) Le processus d’innovation est venu de jeunes théoriciens lisant les auteurs européens dans le texte et non d’un secteur particulier relevant de la sociologie appliquée. C’est d’ailleurs la meilleure manière d’acquérir le statut de ‘classique’. [90]
Ces questions concernent la thématique principale des RMS, l’ouvrage qui est logiquement le premier visé par tous ces commentaires. Le tableau5 montre clairement qu’il est le plus repris par les ODIS : dix sept ouvrages sur vingt-deux le signalent, davantage encore (17/19) si l’on élimine les trois ODIS qui ne restituent aucun des débats. Le score est moins élevé pour les autres ouvrages (respectivement 12, 11 et 12). En termes d’occurrence (3e colonne du tableau), le résultat est également très net : 44 éléments critiques renvoient aux Règles, qui se distinguent des autres ouvrages : près d’un tiers [91] des occurrences, deux fois plus que chacun des autres.
Remarquons en passant que tous les auteurs d’ODIS n’ont pas la même propension à reprendre ces aspects. Les philosophes de formation, comme Aron et Jonas, ont tendance à privilégier les discussions sur les RMS : ils aiment s’attarder sur les principes généraux, sur « la philosophie de Durkheim », comme le dit Aron lui-même. Jonas propose des débats très philosophiques qui l’éloignent des critiques empiriques qu’on pourra retrouver ailleurs (chez Lallement, par exemple, qui est un sociologue contemporain bien plus empiriste). Quand les « philosophes » évoquentLe suicide, c’est pour le reprendre sur des questions épistémologiques et/ou théoriques : la notion « d’âme collective », le « réalisme social », etc.
Les critiques théoriques, notionnelles, conceptuelles
Quand la discussion porte sur un domaine –l’éducation, la famille, la densité sociale, le changement social, les conflits), sur une explication générale (l’origine des croyances religieuses, les courants suicidogènes), sur une notion (la conscience collective, le totémisme, l’anomie, etc.), on peut considérer qu’elle est « théorique ». Dans ce « registre », on comptabilise une vingtaine de critiques (tableau4, colonne 3), soit deux fois moins que dans le précédent. L’éventail des questions est plus large, les ouvrages ne sont pas toujours spécifiés. Cette fois, onze auteurs sont concernés.
Les critiques empiriques
Ce domaine est essentiel en sociologie, science empirique s’il en est, qui se différencie de la philosophie en partie sur cet aspect. On peut s’attendre à ce qu’il nous soit donné à lire beaucoup d’arguments dans ce registre. Pourtant, seuls une dizaine d’auteurs sur la vingtaine d’ouvrages du corpus se rapportent à lui.
En outre, les discussions empiriques rapportées se focalisent sur Le Suicide(5/8), exceptionnellement sur les autres (une pour la DTS, une autre pour les FEVR), cela sans raison objective : tous les ouvrages de Durkheim furent soucieux des faits et donc susceptibles d’accueillir des discussions de ce type ; qu’il s’agisse de faits juridiques dans la Division, de faits ethnologiques dans les Formes, ou de faits historiques dans L’évolution pédagogique en France. Tous auraient pu relever d’une critique empirique, au moins potentiellement. Ces débats rapportés ne portent jamais sur ces domaines sociaux qui ont été abordés par Durkheim : l’éducation, qui occupa une partie essentielle de son œuvre ; la morale, qu’il liait à la sociologie et à l’éducation ; la famille enfin, qu’il étudia avec le plus grand soin dès 1888 [92].
Enfin, troisième enseignement, ces objections sont redondantes : sur les cinq formulées à propos duSuicide, celle qui porte sur l’absence d’analyse critique des statistiques revient quatre fois (Aron, Cuin, Beitone, Riutort) et elle fait toujours allusion à Douglas (1967) - sans jamais préciser d’ailleurs cette référence (l’auteur n’est jamais cité directement) ; deux autres portent sur la question de la définition problématique du suicide (le sacrifice est-il un suicide ?) et se réfèrent cette fois à Halbwachs (1930).
Critiques politiques et idéologiques
Les ODIS reprennent assez peu les critiques idéologiques et politiques [93]. On peut considérer que seulement cinq d’entre eux y font allusion. Il faudrait donc les lire tous les cinq pour avoir un aperçu de l’ensemble des points de vue exprimés. Tous les autres ont choisi de laisser de côté la posture politique de Durkheim (qui put provoquer des réactions, fort logiquement), le contexte idéologique de la production et de la réception de ses ouvrages, alors même que les aspects théoriques de sa sociologie entrent souvent en résonance avec les débats politiques de son époque. N’était-ce pas cet auteur qui s’engagea dans la sociologie pour des motivations politiques ?(Filloux 1977 ; Lacroix 1981).N’était-ce pas lui qui insistait sur l’utilité de la sociologie pour la société ? Certes,{{}}son œuvre scientifique se voulait politiquement neutre et se présentait comme telle. Certes, il avait choisi de n’adhérer à aucun parti, même s’il comptait Jaurès parmi ses amis. Certes, il n’avait pas l’âme d’un militant comme son neveu à qui il reprochait de se disperser dans cette activité chronophage. Mais on sait quand même qu’il était républicain fervent et socialiste [94], qu’il était anti-libéral et anti-utilitariste (il le défendait explicitement y compris dans sa thèse de 1893, qui est très engagée sur ce point). Son engagement public dans l’affaire Dreyfus et ses réseaux socialistes étaient connus de tous. Quand on consulte les thèmes des articles publiés ailleurs que dansl’Année sociologiqueà partir de 1898 [95], on constate qu’il prit position sur de nombreux aspects politiques du moment : laïcité, éducation, séparation de l’Eglise et de l’Etat, lois sur le divorce, éducation sexuelle, criminalité, patriotisme, antisémitisme, etc. On ne peut donc pas faire comme s’il n’avait pas eu d’engagement politique ; et en contrepartie, on peut s’attendre à ce qu’il ait essuyé des répliques.
Deux ODIS (Simon 1991 et Riutort 2004) font de courtes allusions à des penseurs communistes qui lui ont reproché son « conformisme bourgeois ». Mais les deux auteurs viennent après sa mort (Mannheim 1929 et Nizan 1932). Ces critiques ne sont pas forcément anodines, si l’on veut bien considérer que les théories sociologiques peuvent être en affinité avec les options politiques : sa doctrine de l’obéissance, son « apologie du consensus », son « obsession de la cohésion », qui lui sont parfois reprochés, renvoient à la question de savoir si Durkheim est un théoricien du consensus ou du conflit [96]. La question est controversée [97], et elle est importante pour la sociologie. Il est important de savoir que le conflit social est conçu par Durkheim comme une « pathologie » à laquelle il consacre peu de temps et de place [98]. Ses écrits sur le socialisme n’insistent pas sur la lutte des classes. La critique de Sorel, l’une des plus anciennes, contemporaine de Durkheim, portait sur cet aspect [99].
Il y eut également, symétriquement, des critiques émanant de la droite conservatrice, voire de l’extrême droite catholique. Elles furent autrement plus dures, cinglantes et sans doute déstabilisantes pour Durkheim, qui découvrit à cette occasion la violence de la politique - d’autant qu’elles purent être inspirées par l’antisémitisme [100] (également représenté à gauchede l’échiquier politique, il ne faut pas le perdre de vue…). L’une d’entre elles est reprise par Aron, qui lui-même l’emprunte à Pareto, selon lequel il y a une véritable « irresponsabilité » ou une « inconséquence » à divulguer des savoirs sur l’ordre social, au motif qu’on risque d’encourager le relativisme, pour ne pas dire le nihilisme et donc de déliter cet ordre. C’est une critique très importante qui a été opposée à plusieurs reprises à Durkheim, qu’on retrouve dans certains textes de Tarde à propos du crime (un phénomène soi-disant « normal ») ou dans des discussions à propos de l’analyse sociologique de la religion : en décortiquant les fondements de la croyance religieuse, ne risque-t-on pas de saper la croyance religieuse et toutes ses fonctions sociales ? Pour reprendre le vocabulaire wébérien, c’est une critique qui renvoie à « l’éthique de responsabilité » du savant [101], à la question des effets sociaux de la divulgation du savoir. Philippe Steiner rappelle que le problème était sérieux et fut soulevé à propos dessavoirs économiques [102].Cependant, cette critique adressée à Durkheim n’est reprise que chez Aron, que l’on sait soucieux des questions de responsabilité du chercheur, de son inscription dans son temps (idée qui le rapprocha d’emblée de Weber). Deploige a pu aussi porter cette critique, à sa manière. Il n’est repris qu’une seule fois dans Zalio avec un extrait de texte. Cuin et Gresle (1992) y font une allusion sans citer qui que ce soit ni dire pourquoi. Lallement tourne autour du problème dans un encadré, en reprenant le juriste Hauriou selon lequel l’enseignement de la sociologie risquait de rendre les esprits sceptiques et relativistes [103]. C’est une critique de droite, a priori inspirée par le conservatisme et le souci de l’ordre social indiscuté (la famille, l’autorité, la religion, l’obéissance) ; mais aussi inspirée par le libéralisme qui refuse de suivre le classique quand il prescrit d’aimer la société (ce qui devient la « sociolâtrie » dans le langage de Deploige), le groupe, au détriment de l’individu. L’argument est restitué par Simon (1991), qui reprend Deploige. Certains auteurs ont pu insister sur les conséquences désastreuses de cette « idolâtrie » en pensant au fascisme (même si la critique est très présentiste et anachronique). Mauss eut conscience de cette erreur, qui vécut l’entre deux guerres et la montée des fascismes européens.
Les « domaines » des controverses (tableau 6)
Un regroupement des arguments par « domaines » [104], enfin, permet de confirmer définitivement les analyses précédentes, sans qu’il soit utile de s’y attarder. D’un côté, on abien une concentration sur les points méthodologiques et épistémologiques, ce qui caractérise sans doute le traitement réservé aux « classiques », et de l’autre une dispersion des domaines, avec des silences étonnants : rien ou presque sur la famille (deux occurrences), l’éducation (une occurrence), la morale (quatre), qui furent des questions qui passionnèrent Durkheim toute sa vie. Les auteurs d’ouvrages généraux répugnent à sortir des « autoroutes » ; peu d’entre eux estiment que la présentation introductive à la sociologie et à Durkheim valent pour autre chose que des débats généraux sur le holisme. Il est rare de trouver les réflexions de Durkheim sur les secteurs spécialisés qui l’occupèrent. Il est encore plus rare,a fortiori, de tomber sur les discussions suscitées par ces travaux à l’intérieur de ces spécialités.
On a là une réponse à notre questionnement initial sur les modalités du traitement d’un classique dans les ouvrages d’introduction : peu d’intérêt pour ses études spécialisées, pour les discussions qu’elles soulevèrent, et peu d’excursion en dehors des quatre ouvrages : rien sur les cours posthumes ni sur les nombreux articles. Un certain conformisme est de mise pour le gros bataillon desODIS. Le traitement d’un classique appelle ce conformisme, et j’ajouterai : le traitement parODISredouble cet appel. Pour tourner le problème dans un autre sens, le conformisme est peut-être le symptôme de l’existence d’un classique, comme la sanction est le symptôme du crime ?
La préférence marquée pour les controverses post-mortem
Les auteurs mobilisés (Tableau 10)
Si l’on consulte des auteurs qui sont mobilisés pour porter les arguments contre Durkheim, force est de constater que la plupart desODISpréfèrent ceux qui n’étaient pas ses contemporains : on en trouve quatre fois plus. QuatorzeODISsur vingt deux évoquent des controverses issues d’auteurs venus après la mort de Durkheim, s’appuyant sur trente sept auteurs (cinquante sept occurrences cumulées). Ce fait n’est peut-être pas injustifié si l’on veut bien admettre que les discussionspost-mortemont sans doute été plus abondantes [105].
Qui sont ces auteurs ? Le tableau10 permet de constater que certains « discutants » de Durkheim sont plus utilisés que d’autres [106].
Jules Monnerot remporte « la palme », sans doute grâce au titre si bien choisi de son ouvrage de 1946. Cet essai, notons-le en passant, n’est jamais présenté ni analysé par aucun ouvrage. Il y aurait beaucoup à en dire, pourtant, à la fois sur le contexte historique et intellectuel de sa parution, sur ses arguments et sur la trajectoire de l’auteur [107]. Halbwachs (1930) et Douglas (1967) arrivent en second, avec quatre occurrences chacun, tous les deux à propos de la méthodologie duSuicide. Arrivent ensuite Lévi-Strauss et Evans-Pritchard, pour le versantanthropologique et religieux de l’œuvre, qui se sont positionnés contre la théorie totémique de Durkheim et qui ont contesté le primat du social sur le symbolique ainsi que sa définition du religieux.
Il est notable que de nombreux auteurs utilisés sont issus de l’interactionnisme symbolique ou de l’ethnométhodologie : Berger et Luckmann, Schutz, Becker, ou Douglas. On peut dire que toutes ces références sont un peu anachroniques [108] car elles opposent à Durkheim des courants de pensée qu’il n’a pu connaître, sans vraiment prendre les précautions d’usage pour signaler que ces auteurs n’ont parfois jamais écrit quoi que ce soit à propos de Durkheim ! [109] On oppose alors des points de vue académiquement cristallisés plutôt que des adversaires qui se seraient affrontésmano a mano. [110] On veut bien comprendre que dans un manuel d’histoire de la pensée puissent s’affronter des auteurs qui ne se sont jamais connus ni adressés directement la parole, c’est une règle étonnante- encore faut-il prendre la peine de présenter les chronologies et les contextes.
Notons aussi que le taux de concentration des auteurs utilisés pour porter des critiques est assez faible : un seul est repris cinq fois, deux le sont quatre fois, quatre le sont trois fois et quatre autres le sont deux fois. Près de la moitié (26/58) sont mobilisés une seule fois. La critique a donc un caractère éclectique et dispersé (ce point est vérifié sur un plan thématique, on l’a vu plus haut avec les « familles » d’arguments). Cette variété des auteurs est plutôt un signe de pluralisme.
Les débats rapportés : presque toujours anciens
Pourtant, contrairement à ce que pouvait nous laisser croire l’analyse de la répartition des auteurs, la plupart des débats évoqués sont anciens. Ainsi, si les auteurs de la première réception sont pour la plupart abandonnés « à la critique rongeuse des souris » comme disait Marx à propos de certains de ses manuscrits, les arguments qui ont été opposés à Durkheim dans lesODISpar des « modernes » sont souvent les mêmes que ceux qu’il dut affronter de son vivant ; ils ont seulement été repris par des auteurs plus proches de nous. La plupart des critiques qui nous sont données à lire (au moins 4 / 5) auraient pu être exprimées sous leur forme originelle et portées par un contemporain du classique. Tout se passe comme si les auteurs d’ODISavaient préféré que les arguments anciens soient prononcés par des « modernes ». Ils ont ainsi occulté les écrits d’un Simiand, d’un Bouglé, d’un Adler ou d’un Herr à propos de « l’objectivisme réaliste » de Durkheim, et de l’autre repris le titre de l’ouvrage de Monnerot (années quarante), les étiquettes de Piaget (années cinquante et soixante) ou les charges contre le « holisme » de Boudon et Bourricaud (années quatre-vingt). La question reste en suspens : est-ce pour rendre ces discussions plus actuelles et moins « dépassées » ? Est-ce par ignorance des débats anciens ? Est-ce par désintérêt pour l’histoire des idées ?
Au final, parmi les débats qui sont restitués, il en existe peu qui soient vraiment « modernes ». Cela risque de contribuer à produire un double contresens dans l’esprit des lecteurs novices : en laissant penser d’une part que les discussions qui eurent lieu du temps de Durkheim furent vives (Cf la réception difficile) mais pauvres (la preuve : on n’en propose aucune restitution). En négligeant d’autre part les critiques post durkheimiennes qui ont été nombreuses.
Prenons deux ou trois exemples.
Quand il décide de restituer deux critiques faites à Durkheim, Duvignaud (1965) cite explicitement ses deux sources, qui sont alors assez proches de lui : celle de Gurvitch (1950) dans son long exposé afférant au problème du concept de conscience collective chez Durkheim ; celle de Kroeber (1935) qui s’en prenait àl’armchair sociology(la critique des ethnologues sans terrain) [111]. Duvignaud estimait alors inutile de remonter plus loin dans le temps, sous entendant que personne n’avait jamais formulé ces critiques avant eux. Pourtant, Gurvitch avait des antécédents et il aurait pu s’avérer très instructif, après tout, de les mettre en évidence. Si on se reporte à son texte de 1950 [112], on voit qu’il s’appuie notamment sur les idées d’Halbwachs qui critiquait la notion durkheimienne de conscience collectiveau singulier, lui substituant celle de mémoiresau pluriel. Cette objection (ou théorie alternative, en l’occurrence) n’est pourtant jamais reprise dans aucunODIS, bien qu’elle soit évidemment beaucoup plus intéressante (et sociologique) que celles qui dénoncent « l’hypostasie du social », la « substantivation » de la société ou le « holisme » du classique sans autres développements. Cet exemple montre que l’on pourrait parfois tirer un grand profit à reconstituer la chaîne des controverses. On partirait de Halbwachs (1925) [113], on passerait par Gurvitch (1950), on aboutirait à Duvignaud (1965). Au lieu de cela, on retrouve des formulations de cette critique dans lesODISà l’état de « traces ». On peut affirmer, en ce sens, qu’il y a bien unedéperditionde la qualité de la critique, qui s’use ou s’effiloche au fil du temps.
Prenons un second exemple. Certains prêtent à Durkheim un travers : il aurait été un adepte de la méthode compréhensive alors qu’il la condamnait dans ses écrits méthodologiques ; il n’aurait pas été aussi « objectiviste » qu’il voulait le faire croire. Il n’aurait pas été « en règle » avec sa propre doctrine. On retrouve cette idée dans Dellas et Milly (1997) qui se l’approprient au style direct sans prendre la peine de reporter le lecteur à des antécédents. On sait pourtant que cette critique avait été faite par Boudon bien avant eux, qui avait tenté de démontrer que Durkheim pratiquait l’individualisme méthodologique [114], reconnaissant toutefois avoir « poussé le bouchon un peu loin » (pour reprendre sa propre expression) [115]. Cuin avait repris l’argumentation de Boudon dans le colloque qu’il organisa à Bordeaux pour le centenaire desRègles de la méthodeen 1995 [116]. La liste est longue des auteurs qui relayent l’argument, trop heureux de tenir une belle contradiction au cœur de la doctrine du classique [117]. On apprend cependant parLukes [118] ou Fournier [119] que, dès 1913, Malinowski avait fait plus qu’évoquer le problème en recensant lesFormes : il avait reproché à Durkheim de verser dans la méthode compréhensive et psychologique alors qu’il se prétendait objectiviste. N’aurait-il pas été plus intéressant de revenir sur la critique initiale de Malinowski ?
Dernier exemple : Valade (1996) insiste sur « le sociologisme », la propension au « réalisme totalitaire » de Durkheim. [120] Quelle est sa référence ? Il se reporte seulement auDictionnaire critiquede Boudon et Bourricaud (qui date de 1982), qu’il cite à plusieurs reprises [121]. Avouons que le référent est à faible portée : la critique du sociologisme était contemporaine de Durkheim ! Il est intéressant de retracer la chaîne et l’histoire de cette critique, d’en passer par certaines des sources intermédiaires de Boudon et Bourricaud eux-mêmes [122]. On pense à Piaget (1955) qui fut à l’origine des expressions de « réalisme totalitaire » et de « sociocentrisme ». Ce qui est plus cocasse, c’est que la critique du « spiritualisme » provient aussi de Gurvitch (1950) [123]comme on l’a montré plus haut ; mais cette référence est masquée, sans doute parce qu’elle est un peu encombrante. Cet auteur n’est plus franchement en odeur de sainteté. Lui-même ne disait pas vraiment qu’il avait peut-être déjà trouvée certaines de ses idées dans sa lecture de Parsons (1937) qui voyait dans le dernier Durkheim les défauts de l’idéalisme le plus caricatural ? [124]
Que reste-t-il des critiques « actuelles » de Durkheim ?
En fin de compte, une partie infime des controverses qui nous sont restituées concerne celles d’entre elles qui sont émises par nos contemporains, et qui n’ont pu émerger qu’à la faveur des développements (pour ne pas dire : des progrès !) de la sociologie. [125]
Au plan théorique, par exemple, les sociologues s’interrogent depuis Parsons (1937) sur la « bonne » théorie de l’action. Les conceptions durkheimiennes de la socialisation ont été abondamment discutées depuis ; elles ont servi de base pour une série d’auteurs. En outre, certaines notions ont pu être retravaillées : la religion définie par l’opposition sacré/profane n’est plus guère utilisée ; l’importance donnée par Durkheim aux recherches sur le totémisme a été relativisée (c’est un euphémisme) ; la notion d’anomie a été suivie dans ses méandres par Besnard qui aurait souhaité qu’on y renonce –mais il n’empêche : elle n’a pas cessé d’être utilisée [126].{{}}
Sur un plan empirique, les problèmes posés par le recueil des données statistiques ont été largement analysés depuis un siècle. Le travail critique des sources, déjà soulevé par Simiand (1897) et Halbwachs (1930) en leur temps, a été théorisé notamment par les ethnométhodologues dans les années soixante. Depuis, aucun étudiant sérieux ne peut méconnaître les avertissements méthodologiques sur les « données ».
Enfin, dans le registre épistémologique, la position du chercheur, sa posture objectiviste, les problèmes de réflexivité, de neutralité, de rapport aux valeurs, toutes ces questions parfois abordées à son époque mais en Allemagne ne purent lui être opposées avec la même vigueur qu’aujourd’hui. Le contexte intellectuel a changé. La culture allemande s’est diffusée et imposée dans notre fond culturel sociologique élémentaire.
CONCLUSION
Une question historiographique
Il est important de se demander comment on présente l’histoire de la sociologie à partir des « pères fondateurs » dans les ouvrages d’introduction. Quelle place réserve-t-on à la connaissance (historique) des débats soulevés par leurs œuvres, jusqu’à quel point est-il important d’en restituer les contenus, jusqu’où il est possible d’aller dans leur effacement ? Cette question historiographique n’a jamais été posée, me semble-t-il, ni au plan de l’écriture de l’histoire de la sociologie (Jones, 1977), ni de celui de la transposition didactique [127]. Elle soulève pourtant un pan de réflexion dont la sociologie ne peut plus faire l’économie si elle veut avancer, inventer de nouvelles voies et sortir des sentiers battus, qui laissent quand même insatisfaits ici.
Un problème didactique
A côté de la question des modalités de l’écriture de l’histoire de la sociologie il y a celle de la didactique de la sociologie, totalement absente des recherches actuelles [128], hormis quelques articles dans la revueDEES(devenueIDEES) qui s’adressent aux enseignants du secondaire(Beitone, 2006, Pinet 1996), un peu plus soucieux de la question. Il n’existe aucune réflexion sur la question de savoir « Comment écrire l’histoire de la sociologie ? » (Boudon), qui appelle une réponse à la fois descriptive (traitée ici) et normative. Il est pourtant bien établi maintenant (Latour, Raynaud 2004, Coser et Larsen 1976, etc.) que les débats et controverses sont au coeur de la fabrication des faits scientifiques et que la science n’est jamais « faite », mais toujours « en train de se faire ». Pourquoi ne pas en tirer les conséquences quand on écrit l’histoire de cette discipline, qui a été la première à mettre en évidence cette découverte ? Pourquoi ne pas mettre en scène, dès les ouvrages d’initiation, certains débats et certaines controverses historiques ? Je suis convaincu, sans doute avec quelques-uns, que l’exposé des débats et des échanges d’arguments est le plus sûr moyen de comprendre (comme dans un jeu de rôles les tenants et aboutissants des théories, des auteurs importants, leurs points aveugles et leurs points forts. Au final, n’est-ce pas la voie la mieux assurée pour s’approprier un savoir qui n’est jamais définitif, qui est et a toujours été en discussion ? Il est peut-être paradoxal de commencer par la discussion des « pères fondateurs ». Mais un fait est historique : Durkheim a toujours été débattu, de son vivant et après sa mort. Un classique en sociologie se reconnaît peut-être en cela qu’il est plus commenté et discuté que les autres. Cela est peut être plus vrai encore en sciences sociales qu’en sciences de la nature. Il faut assumer cette spécificité, une de plus, et en tenir compte, jusque dans les introductions à l’histoire de la sociologie.
Annexes
Tableau 1 : les ouvrages du corpus (ordre chronologique)
Auteurs | Titres | Editeurs(et collections) | Nombre d’édition(s), 1re et dernière édition | Exemplairesvendus [129] |
Duvignaud , Jean | Durkheim. Sa vie, son œuvre avec un exposé de sa philosophie | PUF(philosophes) | 1 (1965) | < 3000 |
Grawitz , Madeleine | Méthodes des sciences sociales | Dalloz | 1965 ; 1986 (7) ; | |
Aron, Raymond | Les Etapes de la pensée sociologique | Gallimard(Tel) | 1967 | |
Mendras, Henri | Eléments de sociologie | Colin(U2) | 1975 | |
Boudon Raymond et Bourricaud François | Dictionnaire critique de la sociologie | PUF | 1982, 1986 | |
Durand & Weil | Sociologie contemporaine | Vigot(essentiel) | 31989,2006 | 20 000 [130] |
Boudon, Besnard, Cherkaoui, Lécuyer (dir.) | Dictionnaire de sociologie | Larousse(les référents) | 1989… 1999 | |
Férréol Gilles et Noreck Jean-Pierre | Introduction à la sociologie | Colin(Cursus) | 1990 | |
Pradès José | Durkheim | PUf(QSJ ?) | 1990 | |
Berthelot Jean-Michel | La construction de la sociologie | PUF(QSJ ?) | 1991, 1993 (2) | > 10 000 [131] ??? (vérifier) |
Jonas Freidrich | Histoire de la sociologie des Lumières à nos jours | Larousse | 1991 (éd. française)1965 (éd. Allemande) | |
Simon Pierre-Jean | Histoire de la sociologie | PUF(quadrige) | 19912002 | |
Cuin Charles-Henri & Gresle | Histoire de la sociologie | La Découverte (repères) | 1992 | |
Lallement Michel | Histoire des idées sociologiques | Nathan(Circa) | 31993, 2007 | 15 000 [132] |
Dubois Michel | Les Fondateurs de la pensée sociologique | Ellipses | 1993 | <5000 |
Steiner Philippe | La sociologie de Durkheim | La Découverte (repères) | 1994 | |
Valade Michel | Introduction aux sciences sociales | PUF(Premier cycle) | 1996 | |
Etienne et Mendras | 1996 | |||
Delas et Milly | Histoire des pensées sociologiques | Sirey(Synthèses +) | 31997, 2005, 2009 | 10 000 |
Beitone Alain | Sciences sociales | Sirey(Aide-mémoire) | 61998, 2009 | 20 000 [133] |
Zalio, Pierre-Paul | Durkheim | Hachette (Prismes) | 12001 | |
Riutort Philippe | Précis de sociologie | PÜF(Major) | 2004 | |
Borlandi Massimo, Boudon Raymond, Cherkaoui Mohamed, Valade Bernard (al), | Dictionnaire de la pensée sociologique | PUF(quadrige Dicos poche) | 2005 | |
Coenen-Huther | Comprendre Durkheim | PUF | 2010 |
Tableau 2 – indice critiques des ODIS
Ouvrages(ordre de l’indice synthétique) | Nombre de critiques formulées [134](Max =51) |
Nombre d’auteurs mobilisés [135](Max=57) |
Nombre de registres abordés [136](max=5) |
Nombre de domaines abordés [137](max=10) |
Nombre d’ouvrages critiqués(Max=5) [138] | Indice synthétique [139]Max=5 |
Aron | 9 | 8 | 4 | 6 | 5 | 2,71 |
Lallement | 9 | 11 | 4 | 5 | 5 | 2,66 |
Beitone [140] | 10 | 2 | 3 | 7 | 5 | 2,52 |
Riutort | 8 | 13 | 4 | 5 | 4 | 2,47 |
Jonas [141] | 10 | 7 | 2 | 3 | 5 | 2,01 |
Férréol et Noreck | 6 | / | 4 | 5 | 3 | 2.01 |
Simon | 8 | 6 | 4 | 3 | 3 | 1,93 |
Steiner | 7 | 6 | 2 | 4 | 4 | 1.83 |
Valade | 4 | 4 | 2 | 4 | 4 | 1.74 |
Zalio | 7 | 5 | 3 | 4 | 3 | 1,69 |
Cuin & Gresle | 4 | 2 | 3 | 3 | 3 | 1.6 |
Duvignaud | 5 | 2 | 3 | 4 | 2 | 1.52 |
Boudon & Bourricaud | 3 | 2 | 2 | 2 | 4 | 1.48 |
Delas et Milly | 3 | 3 | 2 | 3 | 3 | 1.4 |
Grawitz | 4 | 3 | 2 | 2 | 1 | 1,13 |
Larousse | 2 | 5 | 2 | 2 | 2 | 1,12 |
Dubois | 3 | 1 | 2 | 2 | 2 | 1,08 |
Pradès | 2 | 1 | 1 | 1 | 1 | 0.56 |
Durand & Weil | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 0,53 |
Berthelot | 0 | |||||
Mendras | 0 | |||||
Borlandi (al), | 0 |
Tableau 3- Les « familles » de controverses
numéro [142] |
Critiques | Auteurs |
occurrences |
Famille 1 | Objectivisme, sociologisme, réalisme… | 44 | |
1 | « Les faits sociaux sont des choses » ; méthodologie objectiviste, point de vue surplombant qui en découle | Duvignaud, Aron ; Simon, Jonas ; Steiner ; Dubois ; Cuin ; Beitone ; Riutort | 10 |
2 | Spiritualisme (conscience collective, société, âme collective), sociologisme, hypostase du social | Duvignaud, Grawitz ; Jonas ; Simon, Boudon et Bourricaud ; Durand et Weil ; Cuin et Gresle ; Zalio | 8 |
3 | Les faits sociaux sont contraignants | Duvignaud ; Jonas ; Steiner ; Zalio | 4 |
4 | « Courant suicidogène » ; « réalisme social » ; « réalisme sociologique » ; « réalisme totalitaire » ; finalisme (donner des intentions à « la société ») | Aron ; Boudon-Bourricaud, Dellas et Milly, Ferréol et Noreck | 4 |
5 | méthodologie holiste | Dubois ; Valade ; Riutort | 3 |
6 | La « société » comme entité indifférenciée | Boudon et Bourricaud ; Valade | 2 |
7 | Comment communiquent les individus ? (problème de la théorie de la conscience collective) | Lallement (via Gurvitch) | 1 |
8 | Présence/absence des conflits (notamment de classes), des luttes de classes, conservatisme qui en découle, apologie du consensus | Aron ; Zalio ; Ferréol et Noreck ; Simon, Riutort | 5 |
9 | L’adoration de la société, « sociolâtrie », idéalisation de la société | Simon ; Zalio , Grawitz | 3 |
10 | L’individu comme support de normes et de valeurs ; représentation déterministe de la socialisation | Boudon et Bourricaud ; Beitone, ; Jonas ; Lallement | 4 |
Famille 2 | Morale ou science ? | 15 | |
11 | La confusion entre morale et science, le rapport entre science et action, apologie de la morale officielle | Jonas ; Steiner ; Riutort ; Beitone ; Simon ; Cuin | 6 |
12 | La distinction incertaine et intenable entre normal et pathologique ; neutralité axiologique ? | Steiner ; Riutort ; Beitone | 3 |
13 | Danger de la sociologie pour l’ordre moral | Cuin et Gresle ; Lallement ; Dubois | 3 |
14 | Définition du crime comme phénomène « normal » ; théorie de la déviance | Aron, Steiner, Riutort | 3 |
Autres familles | |||
15 | Evolutionnisme en général ou par rapport à la famille, à la religion… | Duvignaud ; Riutort ; Beitone | 3 |
16 | Doute sur la pertinence de la dichotomie sacré/profane | Steiner (via Evans-Pritchard), Riutort ; Beitone | 3 |
17 | Statistiques du suicides peu fiables et non contrôlées | Cuin, Riutort, Beitone | 3 |
18 | La centralité problématique du concept de sacré dans la définition des phénomènes religieux | Steiner, Riutort | 2 |
19 | Flou et obscurité des concepts d’anomie, d’égoïsme | Valade (via Boudon et Bourricaud) | 2 |
20 | Théorie du changement social par la densité non avérée | Noreck, Beitone (via Konig) | 2 |
21 | Sociologue/ethnologue sans terrain | Duvignaud, Simon | 2 |
22 | Mauvaise explication du suicide des femmes | Steiner ; Zalio | 2 |
23 | Cadre théorique (sans précision) | Larousse | 1 |
24 | Une seule expérience (cruciale) ne vaut pas.Illustrer n’est pas prouver. | Jonas | 1 |
25 | La sociologie n’est pas la science de la société mais des associations | Zalio (via Tarde et Latour) | 1 |
26 | Causes de la conscience collective ? contrainte ou effervescence ? | Lallement (via Evans-Pritchard) | 1 |
27 | Impérialisme sociologique | Simon | 1 |
28 | Quid du suicide stratégique ? | Lallement (via Baechler) | 1 |
29 | Mauvaise argumentation pour le suicide des Juifs | Dellas et Milly | 1 |
30 | Définition du suicide | Larousse | 1 |
31 | Et le suicide comme phénomène d’imitation ? | Lallement | 1 |
32 | Problème de définition et de mauvaise distinction entre égoïsme et individualisme | Ferréol et Noreck | 1 |
33 | Typologie des formes de solidarité non validée par le droit | Ferréol et Noreck | 1 |
34 | La morale fondée sur la raison = illusion | Aron | 1 |
35 | La responsabilité des sociologues ? | Aron | 1 |
36 | Méthodologie inductive | Ferréol et Noreck | 1 |
37 | Dualisme dépassé | Jonas | 1 |
38 | La mauvaise conception du but de l’organisation sociale | Aron | 1 |
39 | La religion comme expérience hallucinatoire | Aron | 1 |
40 | Caractère anhistorique des fait sociaux | Jonas | 1 |
41 | Vision statique de la nature humaine | Jonas | 1 |
42 | La causalité du social n’est pas démontrée | Jonas | 1 |
43 | L’assimilation des religions au totémisme | Aron | 1 |
44 | Excessive opposition individu/société | Riutort (via Elias) | 1 |
45 | Critique de la théorie de l’acteur | Beitone (via Touraine) | 1 |
46 | Méthodologie compréhensive masquée | Dellas et Milly | 1 |
47 | Vision fonctionnaliste de l’éducation | Beitone | 1 |
48 | Primat du social sur le logique | Riutort (via Lévi-Strauss) | 1 |
49 | Contraction de la famille | Beitone | 1 |
50 | Système de parenté complexe (et non simple) des aborigènes | Valade (via Lloyd Warner, 1937) | 1 |
51 | La sociologie n’est pas une science naturelle | Zalio (via Passeron 1991) | 1 |
52 | Durkheim irreligieux | Pradès | 1 |
Total | 101 |
Tableau 4 - Les « registres » des controverses
Ouvrages (ordre chronologique) | Critiques épistémo-méthodologiques | Critiques théoriques etconceptuelles | Critiques empirico-méthodologiques | Critiques morales (au sens philosophique) | CritiquesIdéologiques (au sens politique) [143] | Total [144] |
---|---|---|---|---|---|---|
Duvignaud | -Evolutionnisme (et hypothèse totémique) | -La conscience collective idéalisée (Gurvitch 1950) = spiritualisme-Les faits sociaux sont définis comme contraignants : quid de l’imprévisible ? | « arrmchair sociology » (Kroeber 1935) | |||
1 | 2 | 1 | 4 | |||
Aron | -le « chosisme » -la notion de contrainte-ses définitions extrinsèques des phénomènes sociaux qui le conduisent à des assimilations fausses (religion totémique et religions du salut). Il assimile les religions du salut avec le totémisme-mauvaise définition de la démocratie-les concepts pris pour la réalité.-holisme et anti individualisme méthodologique | -Définition du crime, de la sanction et relativisme qui en découle.-Le conflit des interprétations sociologie/psychologie sur le suicide. (Cf le concept de « courant suicidogène ») Le « réalisme social » qui s’en suit | -La valeur des statistiques des suicides.-La validité des corrélations. -Difficulté d’isoler tel ou tel facteur. (=Halbwachs, 1930) | -La morale peut être fondée sur la raison et la science.-penser que les individus « hallucinent » = dégradation de l’expérience humaine.- sur le socialisme : l’insatisfaction des hommes n’est-elle pas le propre de tous les temps ? La sociologie doit-elle servir la morale qui limiterait cette insatisfaction ? Naïveté de ce point de vue | Irresponsabilité qui consiste à divulguer des savoirs sur l’ordre social (=Pareto, 1917)relativisme et inconséquence de la divulgation de ce point de vue. | |
6 | 2 | 3 | 3 | 1 | 15 | |
Mendras | ||||||
0 | ||||||
Boudon & Bourricaud | « réalisme totalitaire » | -Théorie de la socialisation. L’individu comme support de normes et valeurs (des structures)le sujet n’est pas agissant- théorie de « la société » « comme un tout indifférencié » | ||||
1 | 2 | 3 | ||||
Grawitz1986 [145] | -Réification voire déification de la société-Comme Aron le soulignait, tendance à confondre concept et réalité-Dogmatisme et moralisme (1976, Mc Lung Lee) | -Critique de Kroeber : répugnance à voyager pour enquêter | ||||
3 | 1 | 4 | ||||
Durand & Weil(1989) | Le concept de « conscience collective » | |||||
1 | 1 | |||||
Larousse(1989) | Le « cadre théorique » (sans autre précision !) | Définition du suicide (quid du sacrifice ?) | ||||
1 | 1 | 2 | ||||
Ferréol et Noreck(1990) | Le finalisme (les états d’âme collectifs, les intentions de la société)La méthode inductive | -Sa mauvaise opposition entre individualisme et égoïsme - les équilibres sont plus importants que les déséquilibres, le consensus que les conflits | -Sa typologie des formes de solidarités ne correspond pas aux observations comparées du droit-Sa théorie de la densité qui accroît la division n’est pas observée | |||
1 | 2 | 2 | 5 | |||
Pradès(1990) | Irréligiosité de Durkheim | |||||
1 | 1 | |||||
Berthelot (1991) | ||||||
0 | ||||||
Jonas (1991/1965) | -Dogmatisme -retour à la scolastique, métaphysique. -Confond hypothèses et vérité | théorie dualiste (âme et corps) inacceptable | -Une expérience cruciale vaudrait pour tout-Illustrer n’est pas prouver. | |||
3 | 1 | 2 | 5 | |||
Simon(1991) | -Hypostase du concept de société-difficile conciliation entre science (neutralité) et action (engagement)-prosélytisme sociologique, qui vire à « l’impérialisme sociologiste »- « chosisme » et objectivisme | -Armchair sociologist | -Aimer la société conduit au totalitarisme-Conservatisme » (Mannheim)Apologie du consensus, obsession de la cohésionChien de garde (Nizan) | |||
4 | 1 | 2 | 7 | |||
Cuin & Gresle(1992) | -« chosisme sociologique »-« sociologisme étroit » | -Statistiques peu fiables | Caractère pernicieux de sa pensée qui pouvait ruiner l’unité morale de la nation | |||
2 | 1 | 1 | 4 | |||
Lallement (1993) | -Les faits sociaux sont ils des choses ?-Réserves sur la méthode (Bouglé) | -Conscience collective : contrainte ou effervescence ? (Evans Pritchard)-Comment les individus communiquent entre eux ?-Son déterminisme-Le suicide comme acte stratégique (Baechler) | -Les définitions du suicide sont variables (Douglas). -Le suicide comme phénomène d’imitation (Philipps et Bollen) | La sociologie sape l’ordre public (Hauriou), qui rend les esprits sceptiques et relativistes | ||
2 | 4 | 2 | 1 | 7 | ||
Dubois1993 | - Divination de la société- Insistance sur l’irrationnel dans le comportement humain au détriment du rationnel et de la volonté (Nisbet) | « Dangereux révolutionnaire » selon les milieux conservateurs | ||||
2 | 1 | 3 | ||||
Steiner (1994) | -distinction du normal et du pathologique qui ne lui permet pas de suspendre les jugements de valeur. Pas de neutralité axiologique. « Méthode idéologique »-définition du fait social par la contrainte-Les faits sociaux sont-ils des choses ?-Explication biologique du suicide des femmes | Théorie du sacré | Définition controversée du crime comme « normal » | |||
4 | 1 | 1 | 6 | |||
Valade(1996) | -Imprécision, obscurité des concepts (anomie, égoïsme)-Transcendance de la conscience collective. Spiritualisme de cette conception de la société-Holisme méthodologique= erreur | Le système soi disant élémentaire de parenté des aborigènes est en réalité complexe (Lloyd Warner, 1937) | ||||
3 | 1 | 4 | ||||
Delas et Milly(1997) | -Méthode compréhensive et non objectiviste (pour le suicide et les Formes)-Réalisme totalitaire (Piaget) | Les contorsions pour expliquer le faible suicide des Juifs, pour des raisons qui fonctionneraient aussi avec les protestants | ||||
2 | 1 | 3 | ||||
Beitone( 1998) | -objectivisme-Ambiguïté sur la distinction entre normal et pathologique (Cf phénomène du suicide)-évolutionnisme (famille)-Théorie (évolutionniste) du totémisme (Lévi-Strauss) | -théorie de l’acteur qui est aussi transparent que le système (Touraine)-Critique de la théorie du changement social (et uni causalité) : la densité-définition de la religion (sans précision)-perspective fonctionnaliste de l’éducation [146] | -Usages des statistiques institutionnelles sans regard critique-théorie de la contraction de la famille [147] | |||
4 | 4 | 2 | 7 | |||
Zalio2001 | -Contre l’idée d’âme collective (Sorel) et l’absence d’une théorie des classes, des luttes qui en découlent ; -La sociologie n’est pas une science naturelle (Passeron 1991)-Définition problématique des faits sociaux ;-La conception de la société (et non des associations) Latour-Théorie datée du désir sexuel masculin/féminin | Deploige contre Durkheim qui veut faire des hommes des adorateurs de la société, des « sociolâtres » | Sorel et sa critique du réformisme, d’un penseur bourgeois hostile au socialisme, qui ne voit pas les conflits [148] | |||
5 | 1 | 1 | 7 | |||
Riutort(2004) | -Contre le holisme (Becker)-Opposition individu/collectif excessive (Elias)-Critique du holisme (Dubet)-point de vue surplombant (Schutz)-Confusion morale/science | -Théorie de la déviance (Becker) et de la norme (surestimée)-L’importance trop faible donnée aux catégories logiques (Lévi-Strauss) | Douglas (1967) et l’absence de regard critique sur les données | Nizan 1932Mannheim 1929 doctrine d’obéissance et conformisme, positivisme bourgeois | ||
5 | 2 | 1 | 1 | 9 | ||
Besnard et Cherkaoui, dans Borlandi (al),2005 | ||||||
Total | 47 | 22 | 19 | 7 | 8 | 103/97 |
Tableau 5- Ouvrages visés par les controverses [149]
Ouvrages(ordonnés en fonction de leur occurrence) | Auteurs (ordre chronologique)(entre parenthèses, les occurrences) [150] | Total des occurrences pour chaque ouvrage [151] |
Les Règles de la méthode sociologique(1894-95) | Duvignaud (3) ; Aron (1) : Boudon et Bourricaud (3) ; Jonas (5) ; Simon (4) ; Larousse (1) ; Ferréol et Noreck (1) ; Durand et Weil (1) ; Cuin et Gresle (2) ; Lallement (1) ; Dubois (1) Steiner (4) ; Valade (2) ; Dellas et Milly (1) ; Beitone (5) ; Riutort (5) ; Zalio (4) | |
total | 17 | 44 |
Le Suicide(1897) | Aron (1) ; Jonas (1) ; Boudon et Bourricaud (2) ; Larousse (1) ; Ferréol et Noreck (2) ; Cuin et Gresle (1) ; Lallement (2) ; Steiner (1) ; Valade (2) ; Dellas et Milly (3) ; Beitone (1) ; Riutort (3) | |
total | 12 | 20 |
Les Formes élémentaires de la vie religieuse(1912) | Duvignaud (2) ; Aron (2) ; Jonas (2) ; Simon (3) ; Boudon et Bourricaud (1) ; Lallement (1) ; Steiner (2) ; Valade (2) ; Dellas et Milly (1) ; Beitone (1) ; Riutort (2) | |
total | 11 | 19 |
La Division sociale du travail(1893) | Aron (2) ; Jonas(1) ; Simon (1) ; Boudon et Bourricaud (1) ; Ferréol et Noreck (3) ; Steiner (1) ; Lallement (1) ; Dubois (1) Valade (1) ; Beitone (1) ; Riutort (3) ; Zalio (1) | |
total | 12 | 17 |
Autres [152] | Aron (3), Jonas (3) ; Cuin et Gresle (1) ; Lallement (1) ; Beitone (2) ; Zalio (1) | |
Total | 6 | 11 |
moyenne | 11 | 22 |
Total général | 132 |
Tableau 6- Les « domaines » des controverses
Ouvrages (ordre chronologique) | Méthodologieépistémologie | Théorie générale | Famille | Religion | Criminalitésuicide | Education | Morale | Conflitsclasses | Changementsocial | solidarité | total |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Duvignaud (1965) | 1 | 1 | 1 | 1 | 4 | ||||||
Aron (1967) | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 6 | ||||
Mendras (1975) | |||||||||||
Boudon & Bourricaud (1982) | 1 | 1 | 2 | ||||||||
Grawitz )1986) /1965) | 1 | 1 | 2 | ||||||||
Durand & Weil (1989) | 1 | 1 | |||||||||
Larousse (1989) | 1 | 1 | 2 | ||||||||
Férréol et Noreck (1990) | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 5 | |||||
Pradès (1990) | 1 | 1 | |||||||||
Berthelot (1991) | |||||||||||
Jonas (1991/1996) | 1 | 1 | 1 | 3 | |||||||
Simon (1991) | 1 | 1 | 1 | 3 | |||||||
Cuin & Gresle(1992) | 1 | 1 | 1 | 3 | |||||||
Lallement (1993) | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 5 | |||||
Dubois (1993) | 1 | 1 | 2 | ||||||||
Steiner (1994) | 1 | 1 | 1 | 1 | 4 | ||||||
Valade (1996) | 1 | 1 | 1 | 1 | 4 | ||||||
Delas et Milly (1997) | 1 | 1 | 1 | 3 | |||||||
Beitone (1998) | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 7 | |||
Zalio | 1 | 1 | 1 | 1 | 4 | ||||||
Riutort | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 5 | |||||
Borlandi (al),2005 | |||||||||||
total | 15 | 18 | 2 | 8 | 8 | 1 | 4 | 6 | 2 | 2 | 66 |
Tableau 7 – identification des discutants contemporains de Durkheim
Auteurs contemporains de Durkheim l’ayant critiquéréférencés dans les ODIS | ODIS s’y référant |
occurrence |
Weber | 4 | |
Sorel (1895) | Lallement (sans référence) ; Jonas ; Zalio (avec le texte de 1895) | 3 |
Tarde | Aron, Jonas, Pradès | 3 |
Déploige (Le conflit de la morale et de la sociologie, 1911) | Jonas ; Zalio (avec un texte) | 2 |
Bouglé (recension des RMS), 1895 | Cuin et Gresle ; Lallement | 2 |
Belot | Steiner | 1 |
Simiand (recension du Suicide), 1898 | Cuin et Gresle | 1 |
Péguy | Lallement | 1 |
Agathon (Massis et le fils de Tarde) | Lallement | 1 |
Pareto | Aron | 1 |
Sous total = 10 | Sous total = 9 | 19 |
Tableau 8- part des contemporains de Durkheim dans les « discutants »
Proportion d’auteurs contemporains de Durkheim dans les auteurs mobilisés | ODIS concernés |
100 | Cuin et Gresle (2/2) ; Pradès (1/1) |
50 | Boudon et Bourricaud (2/4) |
42 | Jonas (3/7) ; Lallement (5/12) |
40 | Zalio (2/5) |
37 | Aron (3/8) |
33 | Dellas et Milly (1/3) |
16 | Steiner (1/6) |
0 | Duvignaud (0/2) ; Durand et Weil (0/1) ; Simon (0/’6) ; Valade (0/4) ; Beitone (0/2) ; Riutort (1/13) |
Tableau 9 – Notes et encadrés dans les ODIS
Ouvrages(ordre de l’indice synthétique) | Notes de bas de page | Notes de fin de chapitre (end notes) | Bibliographie sur Durkheim | Encadrés | Référenciation dans le texte |
---|---|---|---|---|---|
Duvignaud(1965) | Oui (<10, pour des référenciations) | Oui (10 références) | oui | ||
Aron(1967) | Oui (12) | Oui (10) | |||
Mendras1975 | |||||
Boudon & Bourricaud (1982) | Oui | oui | |||
Larousse(1989) | |||||
Férréol et Noreck(1990) | Oui | ||||
Simon(1991) | Oui (pour références et des commentaires) | ||||
Durand & Weil(1989) | Oui (rares, pour des références) | oui | oui | ||
Pradès(1990) | Oui (petits commentaires, ajustement) | Oui | oui | ||
Berthelot(1991) | oui | ||||
Jonas(1991/1965) | oui | oui | |||
Cuin & Gresle(1992) | oui | oui | oui | ||
Lallement(1993) | oui | oui | |||
Steiner(1994) | Oui (références) | oui | oui | ||
Valade(1996) | |||||
Delas et Milly(1997) | Oui (rares, pour des références) | oui | oui | ||
Beitone(1998) [153] | oui | ||||
Zalio2001 | Oui (précisions) | oui | |||
Riutort(2004) | Oui (avec commentaires) | oui | |||
Borlandi (al),2005 |
Tableau 10- discutants post mortem de Durkheim dans les ODIS
Auteurs postérieurs à la mort de Durkheim ayant discuté son œuvre , repris par les ODIS (classés par occurrence [154]) | Occurrences | ODIS s’y référant |
---|---|---|
Monnerot, Les Faits sociaux ne sont pas des choses, 1946 | 5 | Aron ; Jonas ; Simon, Lallement ; Steiner |
Douglas, The social meaning of suicide, 1967 | 4 | Aron ; Larousse (Besnard) ; Lallement ; Riutort |
Halbwachs, Les Causes du suicide, 1930 | 4 | Aron ; Larousse (Besnard) ; Jonas ; Lallement |
Lévi-Strauss Le totémisme aujourd’hui, 1962 (pour Aron) | 3 | Aron ; Riutort ; Beitone |
Boudon/Bourricaud (1982) | 3 | Durand et Weil ;Valade ; Dellas et Milly |
Evans-Pritchard, La religion des primitifs à travers les théorie anthropologiques (Payot 1965) | 3 | Lallement ; Steiner ; Riutort |
Baechler, Les Suicides, 1975 | 3 | Boudon et Bourricaud ; Larousse (Besnard) ; Lallement |
Nizan, Les Chiens de garde, 1932 | 3 | Simon ; Cuin ; Riutort |
Mannheim, Idéologie et utopie, 1929 | 2 | Simon ; Riutort |
Piaget | 2 | Boudon/Bourricaud ; Dellas et Milly |
Besnard, Revue française de sociologie, 1976 sur l’explication biologique du suicide des femmes | 2 | Steiner ; Zalio |
Gurvitch, 1950 | 2 | Duvignaud ; Grawitz |
Kroeber 1935 | 1 | Duvignaud |
Lloyd Warner, A black civilization : a social study of an australian tribe, 1937 | 1 | Valade |
Aron 1938 | 1 | Larousse |
Mauss, 1939 | 1 | Simon |
Sartre, Situation I, 1947 | 1 | Simon |
Benoit-Smullyan, « T sociologism of Durkheim and his school », dans Barnes H, An introduction to the history of sociology, 1948 | 1 | Jonas |
Hauriou | 1 | Lallement |
Weil, Philosophie politique, 1956 | 1 | Aron |
Merton 1957 | 1 | Valade |
Selvin, 1958, AJS | 1 | Jonas |
Schutz | 1 | Riutort |
Becker, Outsiders, 1963 (1984) | 1 | Riutort |
Aron 1967 | 1 | Grawitz |
Berger et Luckmann (1967) | 1 | Steiner |
Chazel 1967 (sur l’anomie) | 1 | Valade |
Nisbet 1966/74 The sociology of Durkheim | 1 | Dubois |
Mac Lung-Lee (American sociolgical review, 1976, 41, sociology for whom ? ») | 1 | Grawitz |
Atkinson 1978 | 1 | Riutort |
Elias, Qu’est-ce que la sociologie ? | 1 | Riutort |
Tiryakan, in Bottomore et Nisbet, 1979, An history of sociological tradition | 1 | Simon |
Philipps et Bollen, 1982 (sur le suicide imité) | 1 | Lallement |
Willaime | 1 | Riutort |
Héran | 1 | Riutort |
Pickering 1984 | 1 | Steiner |
Isambert | 1 | Riutort |
Dubet | 1 | Riutort |
Konig | 1 | Beitone |
Latour | 1 | Zalio |
Passeron 1991 | 1 | Zalio |
SOUS TOTAL= 39 auteurs | 59 | 16 |
Tableau 11 - Renseignements sur les auteurs des ODIS [155]
Ouvrages(ordre de l’indice synthétique) | Age (lors de la 1ère éd) | Situation institutionnelle au moment de la parution de la 1ère éd. |
formation | Indice de spécialisation sur Durkheim (année de la publication) |
Duvignaud | 44 | Professeur à l’université de Tunis(thèse la même année avec Gurvitch) | ? | non |
Aron | 62 | Professeur de sociologie à la Sorbonne | ENSAgrégation philosophieDr philosophie de l’histoire 1938 | non |
Mendras | 48 | Professeur à l’IEP de Paris | IEP Paris | non |
Boudon (1934) & Bourricaud (1922) | 50 | Professeur à la Sorbonne | Boudon : ENSAgrégation philosophieDr sociologie 1967 | oui |
Larousse (Philippe Besnard) | Dr de recherche CNRS | IEP ParisEtudes de sociologie à l’université | Oui | |
Ferréol et Noreck [156] | Professeur agrégé du secondaire (prépa) | ? | non | |
Simon | ? | non | ||
Durand (1948) & Weil (1941) [157] | 41 et 48 ans | PR sociologie à RouenMCF à Rouen | ENS philosophie pour Weil | non |
Pradès | ? | Oui [158] | ||
Berthelot | 45 | ENSAgrégation philosophique | non [159] | |
Jonas | ? | non | ||
Cuin & Gresle | ? | ? | non | |
Lallement (1962) | MCF Paris X | ? | non | |
Steiner | 39 | MCF en économie à dauphine Paris 10 | ENS, agrégation sciences sociales 79Thèse économie | Oui [160] |
Valade (1942) | ? | non | ||
Delas (1950) et Milly [161] (1971) | Agrégés en classes prépa pour Delas et prof agrégé allocataire moniteur pour Milly | ? | non | |
Beitone [162] | ? | non | ||
Zalio (1966) | 35 | MCF | ENS Agrégation sciences sociales | non |
Riutort | PRAG ( ?) | Agrégation sciences sociales | non | |
Borlandi (al), | ? |