Israël, 7 octobre : la terreur, la guerre, et l’après

Philippe Velilla est docteur en droit. Il enseigne en Israël et à l’Université européenne des études juives (UNEEJ). Il est régulièrement invité à commenter l’actualité sur i24 News. Il est l’auteur de nombreux articles consacrés à la situation politique en Israël, notamment publiés sur ce site.
blog : velillap.over-blog.com.
Dernier ouvrage paru : La gauche a changé, L’Harmattan, 2023.

Sur une vidéo tournée par les terroristes du 7 octobre en Israël, on voit une jeune fille enlevée sur une moto suppliant ses ravisseurs : « Ne me tuez pas ! ». La veille encore, rien ne laissait penser qu’un grand malheur s’abattrait sur cette Terre promise « où ruisselle le lait et le miel » [1]. Israël s’apprêtait à honorer en même temps le Shabbat et Simhat Thora (La joie de la Thora) clôturant ainsi une saison des fêtes qui, selon la tradition, s’était déroulée dans la joie des retrouvailles familiales et amicales. La température était douce comme souvent en cette saison. L’automne commençait bien. Dès le lendemain matin, avec les alertes signalant des lancers de missiles depuis Gaza, et au fil des informations diffusées par les radios et les télévisions, les Israéliens comprirent que leur pays avait basculé. Plus rien ne serait comme avant.

La terreur

Le 7 octobre, les massacres perpétrés par le Hamas dans le sud d’Israël firent 1 200 morts et 240 prises d’otages - hommes, femmes, enfants, vieillards et jusqu’à des bébés [2]. Jamais depuis la Shoa, on n’avait compté autant de victimes juives en une seule journée [3]. Dans les jours qui suivirent ce Samedi noir (Shabbat Shrora), on découvrit avec horreur l’ampleur du massacre.

L’horreur commence à l’aube

Peu après six heures du matin, par mer, par air et à terre, le Hamas avec ses compères du Djihad islamique et d’autres petits groupes terroristes envahit le Néguev occidental. Des « civils » gazaouis s’engouffrent aussi dans les brèches pour profiter de la razzia.

À quelques kilomètres de la bande de Gaza, des milliers de jeunes participaient à une rave party. En route pour la tuerie, les barbares ne laissèrent pas passer l’occasion. Ils s’en donnèrent à cœur joie pour piller, violer, mutiler, massacrer sans pitié, et prendre en otages des dizaines de personnes dont la jeune fille sur la moto. On dénombra 364 morts sur le site de cette fête Supernova placée sous le signe de l’amour et de la paix. Dans les bases militaires, dans des villes moyennes comme Sdérot ou Ofakim et dans des kibboutzim, l’orgie sanglante dura plusieurs heures. En sus de scander Allah hou Akbar, les terroristes communiquèrent leur joie. Un jeune terroriste appela ses parents : « Papa, maman, soyez fiers. J’ai les mains pleines de sang. Je viens de tuer de mes propres mains 10 Juifs. 10 Juifs, c’est moi qui les ai tués ».

À 7h46, l’État-Major de Tsahal à Tel-Aviv diffusait une première consigne : « Restez chez vous », en confirmant la présence de terroristes ayant « infiltré Israël depuis Gaza ». Les troupes furent acheminées sans tarder, mais elles étaient souvent stationnées bien loin. Notamment en Cisjordanie (à une centaine de kilomètres) où depuis plus d’un an la tension ne cessait de monter. Un nouveau groupe terroriste, La Fosse aux lions, avait multiplié les attentats et entretenu la ferveur de ses admirateurs sur Tik tok puis Telegram (130 000 abonnés au 20 octobre 2022). Le Hamas et le Djihad islamique n’étaient pas en reste, forts d’un véritable soutien populaire, supplantant une Autorité palestinienne (AP) déliquescente, corrompue, discréditée. Le climat de violences était attisé par des colons extrémistes issus de certaines implantations, notamment les quelques 200 « jeunes des collines », provoquant, insultant et se livrant à de multiples exactions à l’égard de Palestiniens [4]. Le ministre Bezalel Smotricht, représentant du parti messianiste au sein du gouvernement israélien, affichait clairement son objectif : un million de Juifs (contre 500 000 aujourd’hui) en « Judée-Samarie ». Pour traquer les terroristes à Djénine et ailleurs, pour protéger les 138 colonies légales ou illégales (une centaine), pour s’interposer entre les deux populations dans les endroits critiques, l’armée dut mobiliser de plus en plus de troupes : 25 bataillons dès le début de l’été, contre 13 auparavant [5]. En renforçant un front, on en dégarnissait un autre. Les habitants du sud du pays payèrent au prix fort cette préférence nationale. Avant et pendant l’intervention de Tsahal, de simples citoyens secoururent avec héroïsme jeunes et moins jeunes sans défense [6]. Dès leur arrivée sur les lieux, les soldats firent preuve de courage et d’abnégation pour sauver les habitants et 318 d’entre eux y laissèrent leur vie. Dès le lendemain, c’est de l’autre côté de la barrière ébréchée, qu’ils devaient livrer une guerre totale.

La fabrique du terrorisme

Le « Mouvement de résistance islamique », ou Hamas (selon son acronyme) a été créée en 1987 dans la bande de Gaza. L’organisation terroriste a commencé à jouer un rôle important lors de la première Intifada (1987-1990) et s’imposa comme un acteur majeur en torpillant le processus de paix israélo-palestinien, et en développant auprès de la population la rhétorique de la révolution islamique.

Le Hamas comprit rapidement que le succès du processus de paix initié par les accords d’Oslo en 1993 aurait signifié sa mort politique. Pour le mettre à bas, l’organisation terroriste sut tirer profit de l’opposition virulente d’extrémistes israéliens. En 1994, un Juif fanatique abattit 29 Palestiniens au Caveau des patriarches à Hébron. Le Hamas, qui n’attendait que cela, engagea immédiatement une série d’attentats très meurtriers (plus de 150 morts en deux ans). L’assassinat d’Itzhak Rabin (1995), la victoire électorale de Binyamin Netanyahou (1996) contribuèrent à la décomposition du processus. Fort de cette victoire politique, le Hamas marginalisa progressivement ses rivaux du Fatah de Yasser Arafat et de son successeur, Mahmoud Abbas (Abou Mazen).

Au sein de la population palestinienne, le Hamas développa la rhétorique classique du jihad : plutôt la Guerre sainte que la conciliation avec les mécréants. Selon sa charte, « La terre de Palestine est une terre islamique ». Le Hamas prône la disparition d’Israël et son remplacement par un État islamique sur tout le territoire de l’ancienne Palestine mandataire. Objectif politique traduit par le slogan « De la mer [Méditerranée] au fleuve [Jourdain] ». Israël évacua colonies et bases militaires de Gaza en 2005. Dans ce territoire désormais sans Juifs, le Hamas emporta les élections de 2006 contre un Fatah ayant usé et abusé de sa position dominante au sein de l’Autorité palestinienne. S’octroyant un pouvoir sans partage dès 2007, le Hamas administra la bande à sa façon, y déployant une infrastructure terroriste d’envergure avec plusieurs dizaines de milliers d’hommes armés, 500 kilomètres de souterrains (le « métro »), tout un système de lance-roquettes dirigé contre le territoire israélien…

La guerre

Le gouvernement israélien traita le problème du Hamas de façon contrastée, combattant le terrorisme lorsqu’il le fallait, tout en espérant que la division des organisations palestiniennes favorise ses vues.

La doctrine Netanyahou

La transformation de la bande en base terroriste conduisit les autorités israéliennes à instaurer des contrôles sévères aux points de passage maritimes et terrestres. Ce « bouclage » ralentissant considérablement la circulation des personnes et des marchandises aggrava le chômage et la pauvreté chez les Gazaouis, permettant au Hamas de développer un autre thème important de sa rhétorique : un discours social prônant la nécessaire solidarité au sein de la « communauté des croyants ». Dans cette « cocotte-minute », cette bande devenue pour ses habitants une « prison à ciel ouvert », le Hamas n’eut aucun mal à endoctriner la jeunesse, à marteler des slogans imputant à « l’ennemi sioniste » tous les maux de la terre. La population de Gaza se montrera d’autant plus réceptive à ce discours qu’elle est composée majoritairement de descendants des réfugiés victimes de la Nakba (catastrophe) de 1948 : des Palestiniens ayant quitté – de gré ou de force – leur ville ou leur village en Israël lors de l’avancée des forces juives pendant la guerre d’Indépendance.

Les autorités israéliennes ne voyaient pas forcément d’un mauvais œil cette progression de l’islamisme, la division des organisations palestiniennes autorisant la partition de la question territoriale : au Hamas, Gaza, à Israël la Cisjordanie où une Autorité palestinienne considérablement affaiblie ne pouvait plus prétendre à rien. Bezalel Smotricht, lors de la campagne pour en vue des élections du 1er novembre 2022, le dit crûment à ses partisans : « L’AP est notre fardeau, le Hamas est notre chance ». L’exemple venait de haut. Binyamin Netanyahou lui-même s’était montré très explicite devant le groupe parlementaire de son parti en mars 2019 : « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et lui envoyer de l’argent. Cela fait partie de notre stratégie visant à isoler les Palestiniens de Gaza de ceux de Judée et de Samarie. » Très concrètement, chaque mois, les autorités israéliennes veillaient à l’arrivée à bon port des millions de dollars (un milliard depuis 2012) envoyés par le Qatar pour aider des familles pauvres de Gaza. Bien entendu, le Hamas prélevait au passage des « frais de dossier » (Gilles Kepel). Jérusalem était persuadé que le Hamas se contenterait de gérer la misère à Gaza en profitant de tous les avantages du pouvoir. Ce modus vivendi entre l’État juif et l’organisation terroriste était régulièrement perturbé par des salves de roquettes meurtrières envoyées par le Hamas et le Djihad islamique sur le territoire israélien auxquelles Tsahal répliquait en bombardant leurs infrastructures avec des dommages collatéraux importants, des centaines de victimes civiles. Au terme de ces mini-guerres, tout rentrait dans l’ordre si l’on peut dire. Business as usual : terrorisme, misère et corruption à Gaza ; lutte contre le terrorisme en Israël, et développement de la présence juive en Cisjordanie. Depuis 2020 et la signature des accords d’Abraham, Binyamin Netanyahou acheva de formuler sa doctrine : le problème palestinien n’en est pas un ; la paix avec le monde arabe est possible sans rien changer à la présence israélienne en Cisjordanie.

Solidement installé à Gaza, soutenu, formé, entraîné et financé par l’Iran, le Qatar et la Turquie, le Hamas ne cessera de gagner en popularité en Cisjordanie et dans la diaspora palestinienne. Plus encore, après le 7 octobre, les massacres commis par l’organisation terroriste étant perçus comme un exploit militaire contre « l’occupant » [7].

Liquider le Hamas, ramener les otages

Le « gouvernement d’urgence nationale » a assigné à l’opération « Glaives de guerre » un objectif majeur : « Liquider le Hamas, mettre à bas ses infrastructures militaires et son pouvoir politique à Gaza ». Dès le 8 octobre, face à l’ennemi absolu, Israël ne lésina pas sur les moyens. Après des bombardements aériens intensifs pendant trois semaines, l’armée de terre entra en action et déploya ses troupes du nord vers le sud. Dans ce territoire de 365 kilomètres carrés comptant plus de 2 millions d’habitants, en ciblant tout bâtiment susceptible d’abriter des terroristes ou leur matériel, l’offensive causa de lourdes pertes au Hamas et à ses chefs, mais aussi à la population civile. Fin novembre, on estimait à 15 000 le nombre de morts, sans qu’il soit possible de distinguer le nombre de terroristes abattus (le chiffre de 5 000 est avancé mais il est invérifiable). Les mises en garde adressées aux Gazaouis par Tsahal pour qu’ils fuient les zones de combat provoquèrent le déplacement de près d’un million d’habitants et une crise humanitaire sans précédent.

Au fil du temps, une autre mission, ramener les otages, devait gagner en importance. Cette évolution ne doit pas surprendre, l’enlèvement d’innocents de tous âges suscitant en Israël l’indignation d’une population qui demande des comptes à son gouvernement. Pendant la dernière semaine de novembre, au fil des jours, un arrêt provisoire des combats fut décrété, permettant la libération de la moitié des captifs. Les scènes de retrouvailles émouvantes entre les otages et leurs familles, le soulagement relatif éprouvé à l’issue de ces libérations, ne pouvaient masquer la question lancinante de la compatibilité entre ces mini-trêves et la poursuite des combats pour « éliminer » le Hamas. À l’heure où ces lignes sont écrites (fin novembre), l’équation devrait être résolue par l’engagement de nouveaux combats. En reprenant son offensive, l’armée israélienne affrontera deux nouvelles difficultés : dans le sud de Gaza, la densité de la population aggravée par la présence des réfugiés du nord, rendra l’intervention militaire malaisée et contestée par les puissances occidentales ; confrontés au « général Hiver », aux pluies intenses qui s’abattront sur la bande, les soldats verront leurs déplacements fréquemment entravés. Cette situation encouragera les appels au cessez-le-feu. En tout état de cause, le gouvernement israélien, à un moment ou à un autre, devra bien décréter la fin de la guerre, qu’il atteigne totalement ses objectifs ou non. On entrera alors dans le jour d’après ou plutôt les jours d’après, cette crise soulevant plusieurs questions d’une acuité rare.

Jours d’après

Les parties auront nombre de difficultés à résoudre. Aux projets sérieux relatifs au statut de Gaza, se mêlent des considérations plus fantaisistes sur le conflit israélo-palestinien dans un climat largement conditionné par le traumatisme du 7 octobre.

Gaza ou comment s’en débarrasser

La guerre a été déclenchée avec l’aide des États-Unis et le soutien implicite d’autres pays occidentaux affirmant qu’« Israël a le droit de se défendre ». Le Président Jo Biden ne s’est pas contenté d’exprimer sa solidarité dans un discours chaleureux. Il a mis à la disposition de l’État juif armements, munitions, et 14,3 milliards de dollars. Deux porte-avions ont été envoyés dans la région pour dissuader l’Iran d’intervenir. L’attitude des Européens fut sensiblement différente, leur soutien politique à l’État juif étant assorti de sérieuses réserves sur l’opération militaire et ses conséquences humanitaires.

Le gouvernement israélien a fixé une ligne rouge : Gaza ne doit pas redevenir une base terroriste mettant en danger la vie des habitants du Néguev occidental. Différents scénarios sont envisagés : la présence dans la bande de forces israéliennes, de troupes de l’Otan, de militaires des pays arabes, de toutes les armées précitées… Cela ne suffira pas. Il faudra aussi reconstruire les villes détruites et permettre aux Gazaouis de se projeter dans l’avenir. Des déclarations de responsables (sic) politiques israéliens pourraient envenimer les discussions entre l’État juif et ses partenaires. Le ministre de l’Agriculture, ancien chef du Service de sécurité générale (le fameux Shin Bet) réputé pour sa connaissance du sujet, Avi Dichter, a osé l’expression : pour les Palestiniens de Gaza, cette guerre aboutirait à une « seconde Nakba ». Deux députés que l’on avait connu mieux inspirés, l’un du Likoud, Dany Danon, et l’autre du parti centriste Yesh Atid (Il y a un avenir), Ram Ben Barak, ont proposé une mesure audacieuse dans une tribune du Wall Street Journal (14 novembre 2023) : les pays occidentaux devraient accueillir les Gazaouis émigrants « volontaires ». Dans leur grande bonté, ces deux élus très imaginatifs entendaient faciliter la tâche des pays d’accueil potentiels en suggérant qu’à raison de 10 000 réfugiés pour chacun des pays représentés à l’ONU (193), le problème de la population de Gaza pourrait être résolu. Il suffisait d’y penser.

Des Israéliens, des Palestiniens et des traumatismes

Dans les chancelleries occidentales, la guerre ressuscite le projet de la « solution à deux États » qui, dans les années quatre-vingt-dix, on l’a vu, fut dynamitée par les extrémistes des deux camps. Signe des temps, les expressions associées à ce beau projet – « processus diplomatique », « processus de paix »… - ont complètement disparu du discours politique en Israël, même pendant les campagnes électorales. Dans les territoires palestiniens aussi, d’autant qu’ils n’ont pas connu d’élection depuis 2006. Les sondages montrent une baisse continue du soutien des deux populations à cette perspective. À tel point que des dirigeants et des intellectuels israéliens et palestiniens envisagent désormais la solution d’un seul État binational. Ceci dans un Moyen Orient où le Liban, la Syrie et l’Irak, qui avaient mis en place des États multiconfessionnels, ont sombré dans la guerre et la dictature. La désespérance n’étant jamais bonne conseillère, on entend ici et là formuler une autre solution plus simple, drastique : un seul État pour un seul peuple ou presque. Du côté juif, Israël annexerait la Cisjordanie, la question du sort de la population palestinienne (3 millions d’habitants en sus de 2 millions d’Arabes israéliens) étant posée. Du côté arabe, un État de Palestine « de la mer au fleuve » aurait à régler la question du statut de 8 millions de Juifs. Sauf à envisager un scénario Exodus, mais dans l’autre sens. On l’aura compris : à ce jour, le conflit israélo-palestinien n’est pas près d’être résolu. D’autant qu’il faudra composer avec les traumatismes du 7 octobre.

Les images des vidéos tournés le 7 octobre par les tueurs et diffusées sur les réseaux sociaux, les récits des victimes, les reportages des journalistes dépêchés sur place continueront longtemps à hanter les jours et les nuits des habitants. Le choc émotionnel n’atteint pas seulement les victimes et leurs proches mais tous les Israéliens. S’y ajoutent deux traumatismes de nature plus politique. Le 7 octobre israélien est à la fois un Onze septembre et un Bataclan. Un Onze septembre, le mythe national de l’inviolabilité des frontières et de l’invincibilité du pays étant désormais mis à mal. Un Bataclan car, dans les localités martyrisées, les terroristes étaient à la porte. Littéralement, en tentant de forcer l’entrée de la pièce sécurisée où adultes et enfants avaient souvent trouvé refuge.

Au sentiment d’insécurité, s’ajoute une incertitude sur l’évolution politique du pays. Le Premier ministre, Binyamin Netanyahou, déclare vouloir rester en place après la guerre en développant deux arguments : le fiasco des services de sécurité le 7 octobre est imputable à l’armée et non au pouvoir politique ; lui et lui seul est en capacité de résister aux pressions des Etats-Unis et des autres grandes puissances en faveur de la création d’un État palestinien. Ces arguments porteront, mais pas forcément au profit d’un Binyamin Netanyahou largement démonétisé, y compris dans son camp et même dans son parti. En net recul dans les sondages, il pourrait même perdre sa « base » la plus solide : cet électorat populaire, composante importante des 200 000 habitants obligés de quitter le Néguev occidental et la Haute Galilée dans un désordre indescriptible imputé à l’incompétence du gouvernement. Le retour de ces « personnes déplacées » dans leurs foyers ne peut être envisagé avant la défaite du Hamas au sud et la mise hors d’état de nuire du Hezbollah au nord. Ce n’est pas demain la veille.

« Sécurité d’abord » sera pour longtemps le thème principal sinon exclusif du débat politique en Israël, favorisant, comme dans tous les pays du monde, la montée de la droite de la droite. On pourra toujours contester – et l’on aura raison - un gouvernement israélien n’ayant su ni prévoir, ni gérer la plus grave crise de l’Histoire du pays. On pourra toujours blâmer – et l’on aura raison – un État d’Israël qui 75 ans après sa création a voulu oublier le problème palestinien. On se gardera toutefois d’imputer aux seuls Israéliens les blocages qui marqueront les jours d’après. Car, quel que soit le gouvernement qui prendra les décisions, il sera composé de Juifs, qui, comme tous leurs concitoyens, sont renvoyés aux périodes les plus noires de leur histoire. Après ce maudit 7 octobre, cette Shoa d’un jour, ils partageront, et pour longtemps, la frayeur de la jeune fille sur la moto : « Ne me tuez pas ! ».

// Article publié le 15 décembre 2023 Pour citer cet article : Philippe Velilla , « Israël, 7 octobre : la terreur, la guerre, et l’après », Revue du MAUSS permanente, 15 décembre 2023 [en ligne].
https://journaldumauss.net/./?Israel-7-octobre-la-terreur-la-guerre-et-l-apres
Notes

[1Exode 3:8. L’expression est reprise plusieurs fois dans le texte biblique.

[2Voir les images diffusées sur les réseaux X et Telegram notamment. Un compte-rendu de la vidéo diffusée à la presse par l’armée israélienne fait l’objet d’une description détaillée dans l’article « Crimes du Hamas, Qu’y-a-t-il dans la vidéo de 48 minutes que montre Tsahal à la presse étrangère ? », Libération, 2 novembre 2023 (personnes sensibles, s’abstenir).

[3En sus des Juifs, on compte également parmi les victimes des Arabes israéliens (notamment 24 Bédouins tués et 7 autres enlevés) et des travailleurs immigrés (32 morts et 27 otages chez les ouvriers agricoles thaïlandais).

[4

Elie Barnavi, « L’attaque du Hamas résulte de la conjonction d’une organisation islamiste fanatique et d’une politique israélienne imbécile », Le Monde, 8 octobre 2023.

[5Selon l’Institut International d’Études Stratégiques (IISS) britannique, l’armée israélienne dispose en permanence de 170 000 soldats sous les drapeaux et de 460 000 réservistes. 360 000 d’entre eux ont été mobilisés depuis l’attaque du Hamas.

[6

Monica Coviello, « En Israël, Yaïr Golan a exfiltré des jeunes de la rave party dans sa voiture », Vanity Fair, 11 Octobre 2023. La presse israélienne a mis en exergue l’action d’un Bédouin arabe israélien, qui utilisa son taxi pour sauver la vie d’une trentaine de jeunes présents à cette même fête.

[7Selon une étude menée par l’université de Bir Zeït, les massacres du 7 octobre furent approuvés par 83 % des Palestiniens de Cisjordanie.

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