Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Jérôme Maucourant

Nouvelle économie institutionnelle ou socioéconomie des institutions ?

Texte publié le 20 mars 2013

Dès qu’il s’agit de s’opposer au « modèle économique standard » (pour employer l’expression de l’économiste Olivier Favereau) généralisé, nombre d’économistes, de sociologues, de political scientists etc. se réclament de l’institutionnalisme. Mais cette référence est elle-même troublante et trompeuse puisque ce qui se présente sous l’étiquette du néo-institutionnalisme, à la suite des travaux d’O. Williamson et D. North, est en réalité plus proche du modèle économique standard que de l’institutionnalisme des Veblen, Commons ou Polanyi. Certes, ces derniers temps ce néo-institutionnalisme a mis un peu de vin culturaliste dans son eau néo-classique, mais c’est pour redécouvrir des banalités et des évidences. Etait-il bien utile d’accomplir tout ce trajet ? Assurément non, plaide ici Jérôme Maucourant, qui rappelle la supériorité de la démarche de Karl Polanyi, dont il est un des meilleurs connaisseurs et défenseurs.
Nous remercions Pierre Bonin de nous voir autorisés à reprendre cet article, originellement publié dans la Revue d’histoire des facultés de droit et de la culture juridique, du monde des juristes et du livre juridique (n° 32, 2012, p. 407-424). A.C.

À bien des égards, la notion d’institution est polymorphe ; dans le domaine des sciences sociales, c’est assurément en droit, en histoire et en anthropologie qu’elle a été le plus utilisée. En revanche, en économie, la référence à l’institution est plus incertaine. Certes, un courant de pensée, presque dominant, aux Etats-Unis, durant l’entre deux guerre - l’école « institutionnaliste » - avait tenté de faire de cette notion un concept central de son approche. Mais, le déclin rapide de cette école, après la Seconde Guerre mondiale, a fait que, pendant quatre décennies, a été rejetée dans l’ombre la référence à l’institution. Durant cette période, l’on est passé, par ailleurs, de l’« économie politique » à la « science économique », les progrès de la formalisation ayant rendu progressivement inutile – semblait-il – de mobiliser des notions constitutives d’autres disciplines. La scientificité de l’économie s’est ainsi construite sur l’éradication des vecteurs d’historicité : ceux-ci étaient pensés comme antagoniques avec le nouvel idéal d’une discipline colonisée par le physicalisme. Les « vieux institutionnalistes » avaient eu, toutefois, le mérite de tenter de jeter quelque base de l’action publique en économie, mais le keynésianisme semblait être un outil bien plus puissant. Enfin, le déclin du marxisme et de l’importance accordée à la dimension historique a renforcé la démarche d’une « économie pure », bientôt impériale vis-à-vis des autres savoirs.

Dans ces conditions, l’émergence et l’affirmation, dans les années 1970-80, d’une « nouvelle économie institutionnelle », branche de l’économie dominante, peut sembler paradoxale. Voilà près de trente ans que prolifère ce mot d’ « institution » dans la littérature professionnelle des économistes. Le présent article se veut une contribution à l’éclaircissement de ce problème, qui conduit à une conclusion négative : le traitement de la question institutionnelle que nous propose l’économie orthodoxe est un échec. Cette façon de poser la question des institutions, en effet, n’est que la conséquence, pour l’essentiel, d’une offensive visant à annexer les autres savoirs, tout en tentant de combler les contradictions interne de l’économie dominante. Comme tout empire, l’empire économique tente de masquer et de dépasser ce qui le mine par une extension déraisonnable de ses prétentions. Mais, que ce soit en ses marches ou en son cœur, cet empire a développé tant de difficultés, voire d’apories, qu’il est souhaitable de renouer avec l’idéal de l’économie politique comme une science empirique, riche des autres développements disciplinaires. En ce sens la socio-économie des institutions, comme logique propre d’une économie politique du XXIe siècle, serait une façon de dépasser le néoinstitutionnalisme et ses équivoques. En bref, les questions posées par North pourraient être déplacées avantageusement grâce aux problématiques de Marx, Weber et Polanyi, repensées pour le monde d’après 2008, d’après la première grande crise de ce siècle neuf.

Nous tenterons [1], dans une première partie, de poser quelques termes de la singulière invention de la question institutionnelle en économie par North. Dans une deuxième partie, nous montrerons que son néo-institutionnalisme tombe dans une impasse culturaliste. Nous pourrons dès lors exposer les lignes majeures d’une approche alternative, c’est-à-dire une économie politique renouvelée qui doit comporter, aujourd’hui, une socio-économie des institutions. Le travail de Polanyi sera considéré comme une référence utile pour cette alternative émergente.

Une invention de la question institutionnelle en économie

L’autonomisation progressive de l’économie comme savoir s’est construite sur l’occultation délibérée de toutes sortes de fondements extra-économiques. La quête de tels fondements, dans l’intention d’asseoir la connaissance, a pu être jugée superfétatoire pour une discipline qui ne se voulait plus être l’étude d’un domaine de la réalité mais d’un champ de relations, c’est-à-dire la compréhension rationnelle du «  comportement humain en tant que relation entre des fins et des moyens rares à usages alternatifs  » [2]. Néanmoins, le programme central de recherches des économistes – la théorie de l’équilibre général - a rencontré, dans les années 1970, de graves difficultés : on ne cessait de faire comme si les fluctuations des variables économiques étaient censées s’expliquer en vertu du travail équilibrant des « forces du marché », alors qu’on n’avait nullement démontré, formellement, que celles-ci pussent normalement produire un équilibre. À cet égard, l’« impérialisme de l’économie » a permis de masquer une grave fêlure interne à la discipline. On s’est plu ainsi, grâce aux travaux de l’école de Chicago, à étendre sans fin le champ de l’analyse économique, au crime, à la famille, à la politique, etc. On a qualifié d’inventivité ce qui était, avant tout, un système de simulacres selon lequel les comportements humains pouvaient être compris comme s’ils étaient régis par le marché. À défaut d’évidence de marchés, on a donc joué ostensiblement au marché. Tout devenait « marché » dès lors qu’il y avait de simples formes d’accord ou des transactions.

C’est dans de contexte de crise latente de la science économique qu’il faut replacer l’introduction du concept d’institution. Les économistes, acquis aux thèses néo-institutionnalistes, admettaient que si l’économie réellement existante était constituée de marchés libres fonctionnant sans « coûts de transaction », nous serions dans le meilleur des mondes qui ferait l’économie de la question institutionnelle. Mais il importe de noter que l’idéal constitutif et normatif demeurait celui des marchés libres, ouverts et concurrentiels, et, in fine, autorégulateurs. Ainsi, Williamson, un grand promoteur de l’analyse en termes de coûts de transaction, avança l’hypothèse - par simple commodité précisa-t-il - selon laquelle « au commencement étaient les marchés ». Mais, cette commodité résulte, en réalité, d’une démarche apologétique visant à démontrer que c’est non la contrainte mais l’efficience, qui est à l’origine des « institutions » du capitalisme (les institutions renvoyant, ici, aux complexes hiérarchiques que constituent les firmes).

Mais, cette hypothèse séduisante implique des difficultés. Imaginons d’abord que les agents économiques « choisissent délibérément les marchés en lieu et place de la hiérarchie, le capitalisme en lieu et place du féodalisme (…) en faisant le calcul de leur efficacité respective » [3] . Il s’ensuit une conception aporétique du marché : « Si l’on suppose que les marchés précédaient les choix, personne ne les aurait historiquement choisi pour leur efficacité (c’est-à-dire que le principe du marché ne peut être expliqué du point de vue de l’efficacité). Par ailleurs, si l’on conçoit que les marchés sont le fruit d’un choix délibéré, les marchés ne peuvent être compris comme le résultat « spontané » de l’évolution (…) Williamson tente de résoudre ces dilemmes en leur échappant  ». Il est peu surprenant qu’il suppose alors, d’une façon discutable et discutée, que « la microrationalité capitaliste est un trait universel du genre humain, même en l’absence de prix et de marché  » [4].

L’existence de ce problème de logique n’a pas empêché North, promoteur de l’hypothèse des coûts de transaction en histoire, d’étendre ce type de raisonnement grâce à un coup de force : « Il est raisonnable de supposer que les forces qui poussent au remplacement de ces firmes par des marchés peuvent aujourd’hui également nous aider à expliquer la diversité des formes d’organisations économiques des sociétés anciennes », les firmes étant, alors, des « institutions visant à maximiser la richesse qui remplacent les marchés créateurs de prix  » [5]. Ceci est à la base de la « nouvelle histoire économique » qui a été un vecteur décisif de la constitution de cette première forme de néo-institutionnalisme en histoire. Les « institutions » ont été alors redéfinies : « Les institutions sont des accords contractuels entre principaux et agents en vue de maximiser leur richesse, ceci en réalisant les gains issus de l’échange en tant que résultat de la spécialisation (qui inclut la spécialisation dans la violence et la coercition  » [6]. Les gains issus de l’« échange », entendu en ce sens étendu et fort singulier, restaient ainsi au cœur de l’analyse néoinstitutionnelle. Plus encore, une certaine conception de l’évolutionnisme rendait les « institutions » comparables aux biens et services pris dans un marché de concurrence.

Dans la conception de North, les rapports sociaux étaient pensés à l’image du contrat  : la question des rapports de force, de l’expropriation et de l’exploitation était délibérément occultée au profit de l’idée selon laquelle il aurait existé des « arrangements institutionnels  », minimisant les « coûts de transaction  ». À cela, Sidney Pollard objecta : « Dans l’histoire véritable, cependant, les institutions sont l’expression de relations de pouvoir, et les formes qu’elles prennent ne sont pas déterminées par les intérêts de tous les membres de la société participant à des négociations, mais par les intérêts du seul groupe en position de force » [7]. Cette réécriture de l’histoire, liquidant les irréductibles et permanents conflits d’intérêt au nom de l’hypothèse d’un optimum social, permettait, in fine, de faire une peinture singulière du capitalisme moderne. Celui-ci devenait un aboutissement historique sanctionnant l’émergence d’un système de marchés efficaces, tandis que le fait même du Capital, rapport social fondé sur la séparation, parfois violente, du producteur de ses moyens de production, disparaissait du récit. Telle était la conséquence d’une théorie effaçant les conditions réelles de la production au profit de la prise en compte exclusive de l’échange ou de son avatar : la « transaction ». Weber avait pourtant précisé, s’agissant du « travail libre  » comme condition d’un « calcul rationnel du capital  », que celui-ci devait être compris comme « formellement libre  », car les travailleurs sont « contraints par l’aiguillon de la faim  » [8]. Marx ne fut pas ainsi le seul opposant la « liberté formelle » à la « liberté réelle » ! À l’histoire du monde réel, qui avait tenté Marx et Weber, s’opposait donc une histoire formelle du monde à la North.

Cette histoire, fondée sur un certain évolutionnisme, était alors relativement optimiste. Le progrès vers le meilleur des mondes était garanti, parce que les forces du marché et la mécanique de changement institutionnel ont un ressort analogue : la rationalité utilitaire et maximisatrice. Il aurait, ainsi, existé une « main invisible des institutions » tendant à construire, finalement, un monde à l’image du capitalisme anglo-saxon. Le travail de l’économiste était de comprendre les raisons qui empêchent, aujourd’hui comme hier, certaines sociétés de tendre vers ce meilleur des mondes. La téléologie de l’approche restait implicite : le passé n’était qu’une déclinaison imparfaite de l’avenir radieux façonné par un système de marchés régulateurs. Le rôle de l’histoire était, alors, d’illustrer une démarche issue de l’idéalisation du capitalisme américain. Ce discours a eu une efficacité certaine : des historiens, qui se désolaient de ne pas constituer leur discipline en « science » véritable, se sont jetés dans les bras du né-oinstitutionnalisme : la science économique pouvait encore passer, à cette époque, comme le type même de l’accomplissement de l’idéal scientifique pour ce qui est des sciences sociales. D’ailleurs, North n’affirmait pas, même hypothétiquement, à la différence de Williamson dont la boîte à outils lui fut pourtant fort utile, que les marchés eussent constitué une donnée première de la vie économique [9].

Par la suite, North a tenté de gommer une caractéristique qui gouverna longtemps ses écrits, un fonctionnalisme empreint de téléologie. Il a modifié, à nouveau, le sens du mot « institution » : « Les institutions sont des contraintes conçues par l’homme qui modèlent l’interaction humaine. Elles sont constituées de contraintes formelles (…) informelles, et des spécifications quant à leur mise en application  » [10]. Les institutions peuvent, alors, ne pas être efficaces : « Celles-ci, ou du moins les institutions formelles, ont été créées pour servir les intérêts de ceux qui ont le pouvoir de négocier l’institution de règles nouvelles » . Cette autre redéfinition était nécessaire, parce que le travers de la téléologie est généralement rédhibitoire d’un point de vue historien. Pourtant, les déclarations de principes ne signifient pas nécessairement qu’une rupture épistémologique soit accomplie. Désertant l’enquête historique stricto sensu pour des considérations sur la méthode, North, certes, a tenté de s’éloigner des conceptions naïves de l’efficience et de la connaissance, courantes chez les économistes. Néanmoins, le passage de ce premier néo-institutionnalisme, que nous venons s’esquisser trop brièvement, à un néo-institutionnalisme tardif, tel qu’il prend forme finalement dans les années 2000, permet-il de surmonter les anciens problèmes ou ne fait-il que les déplacer ?

Quelques impasses du néo-institutionnalisme selon North

En 2005, North critique ouvertement la « théorie néoclassique  », qui fait l’impasse sur la question essentielle de l’origine des perceptions des individus, car on ne peut pas supposer que « les gens savent ce qu’ils font  ». Dès que des choix complexes sont en jeu, « on ne dispose que d’informations incomplètes, interprétées à l’aide de modèles subjectifs  » [11]. La science économique ne peut plus seulement être une théorie des choix, elle doit aussi être une théorie de l’échafaudage [12], conçu par l’espèce humaine, qui est en deçà des choix. Il précise que l’échafaudage renvoie au « contexte culturel  », qui « encadre les interactions humaines  » [13]. Ce faisant, il serait possible d’expliquer le « processus du changement économique  », ce que « la théorie économique ne prétend pas expliquer  » [14], et de rendre compte de ce que l’histoire économique soit, trop souvent, une histoire malheureuse [15].

Mais, ce tournant rompt-il avec son économisme originel ? Pour une part, ce n’est assurément pas le cas. Il s’agit, en fait, de prolonger l’édifice néoclassique en l’habillant de considérations issues de la psychologie évolutionniste et des sciences cognitives. Que ce prolongement soit jugé « très substantiel  » [16] par North lui-même est une affaire de goût : en aucune façon, ses travaux des années 1970 ne sont niés, car il s’agit simplement de comprendre pourquoi les « structures incitatives  » [17], jugés responsables de « l’essor du monde occidental  », n’ont pas été adoptées par d’autres mondes. L’affaire, très banale, est de comprendre pourquoi l’Occident aurait eu le privilège de la création de « marchés efficients  » [18]. À cet égard, ce sont les cultures qui seraient des facteurs cruciaux permettant de comprendre les modalités ou l’échec du développement économique [19].

De ce point de vue, il faut resituer la critique que North a pu produire de ces « économistes néo-classiques  », naïvement attachés à un laissez faire intégral, c’est-à-dire à un laissez faire pouvant s’exercer en dehors du cadre habituel des institutions typiques de l’Occident. Les difficultés de la transition vers le capitalisme, dans la Russie des années 1990, le prouveraient, selon lui, à l’envi [20]. La critique de cette naïveté des néoclassiques repose, néanmoins, sur quelque chose d’assez élémentaire : les bonnes institutions ne s’imposent pas si aisément et si facilement, dans un laps de temps aussi court et compte tenu du poids du passé récent. Il est curieux que ces remarques, qui combinent aussi bien le simple bon sens que la croyance discutable en la centralité du marché, aient laissé penser qu’un changement théorique majeur se produise en économie, croyance d’ailleurs assez forte chez certains sociologues ou historiens.

C’est à propos de la question islamique que la curieuse inflexion de la pensée de North se dévoile vraiment : il souligne que les « systèmes de croyances religieux comme le fondamentalisme islamique ont joué et jouent un rôle majeur dans l’orientation du développement social  » [21] (souligné par nous). Le « monde islamique  » n’aurait pas élaboré les institutions permettant de favoriser les « échanges impersonnels  », qui seraient des conditions nécessaires de la croissance à long terme [22]. On pourrait, en effet, ouvrir ici un débat sur le rapport des différentes civilisations à leur structure économique, mais ce que vise North, ici, n’est pas tant l’islam comme civilisation que comme religion. Il n’affirme pas, certes, que la compréhension des expériences religieuses est suffisante pour expliquer le rapport des sociétés à la croissance, parce que le « contexte géographique/économique/institutionnel  » compte [23]. Mais, il en vient à affirmer que la singularité occidentale est fondée sur la spécificité chrétienne, parce que « la structure de croyance au dogme chrétien était, malgré quelques exemples contraires bien connus, toute prête à évoluer dans des directions qui la rendait favorable à la croissance économique » [24]. Une raison en serait que « les croyances chrétiennes ont graduellement engendré l’idée que la nature devait servir l’humanité et qu’il était donc possible et souhaitable de maîtriser l’univers dans un but économique  » [25].

Dans ces conditions, North estime que Weber a raison de mettre en avant le rôle de l’éthique protestante dans l’essor de l’Occident, mais que celui-ci n’a pas démontré ce qu’il fallait démontrer précisément : la relation entre comportements et institutions [26]. North fait-il, toutefois, ce que Weber n’aurait pas fait ? À supposer que l’impersonnalité des échanges soit l’ingrédient critique du développement, il n’est nulle part démontré, rigoureusement par North, que la théologie musulmane eût constitué un obstacle [27]. Il faudrait, ainsi, bien plus de travail pour démontrer que la sociologie des religions, via le prisme économique, soit une nouvelle carte du néo-institutionnalisme. L’efficacité de la rhétorique de North tient sans doute à cette confusion entre l’islam comme politique – ce fait récent qu’il prétend ancien et qu’il qualifie de « fondamentalisme islamique » - et l’islam comme civilisation.

On peut avoir de bonnes raisons de penser que l’islam politique est une construction idéologique peu favorable au développement : en Iran, par exemple, cette idéologie justifie le pouvoir d’une bourgeoisie militaire, pièce maîtresse d’un « capitalisme politique  » dont la logique est essentiellement rentière et qui repose sur un Etat néopatrimonial [28]. Mais, dans d’autres parties du « monde musulman  », à supposer que cet ensemble soit pertinent pour l’investigation économique, l’islam politique joue un rôle différent dans la dynamique sociale : il s’agit plus d’un produit d’une crise de la modernisation qu’une raison première de cette crise. Ce signifiant labile - « islam » - dont on ne sait trop si cela décrit une réalité politique, culturelle ou civilisationnelle, est utilisé comme pièce d’un curieux discours que North nous adresse en conclusion d’un ouvrage : « Et l’agitation du monde musulman (à la fois à l’intérieur de ce monde et de ses frontières), jette une ombre épaisse sur les perspectives de l’humanité  » [29]. Les impérialismes n’auraient-il pas, pourtant, quelque responsabilité décisive dans cette « agitation » qui menacerait l’humanité même ? Et, si l’humanité est menacée, en tant que telle, ne serait-ce pas plus en raison de l’interaction létale entre l’écosystème et l’économie capitaliste, tant vantée par North et ses épigones, qu’en raison des trajectoires sociopolitiques de certaines parties de ce conglomérat problématique, le « monde musulman  » ?

À ce stade de son raisonnement, la réflexion de North sur l’idéologie constitue elle-même une dérive idéologique peu soucieuse, voire ignorante, de certaines réalités élémentaires. L’occultation des dynamiques historiques et concrètes par lesquelles le capitalisme s’est constitué et se reproduit encore n’est pas étrangère à cette dérive. Néanmoins, la reconnaissance de l’importance de l’idéologie ou des croyances ne peut-être négligée pour ce qui est de la dynamique sociale : ce qui est en question, ici, c’est le traitement singulier qu’en fait le néoinstitutionnalisme tardif, c’est-à-dire un traitement qui isole les contenus idéels du monde matériel, monde irrigué par des multiples rapports des forces.

Il eût fallu sans doute prendre au sérieux les mots mêmes adoptés par North pour comprendre que le néo-institutionnalisme, même tardif, reste marqué par l’impérialisme de l’économie. North invente ainsi un bien curieux syntagme : le « marché économique  » [30]. Ce marché est présenté comme le modèle d’intellection du « marché politique  » dont les nombreux biais expliqueraient difficultés économiques et désordres sociaux. Ces biais seraient éclairés par l’analyse en terme de « coûts de transaction  » : nul hasard à ce que North juge « relativement bas  » de tels coûts, relatifs au « Congrès des Etats-Unis  » [31]. Mais, est-il si évident que la structure institutionnelle américaine « facilite les engagements sur longue période et rend(e) possible des engagements crédibles  » ? N’est-ce pas une lecture aussi rapide qu’apologétique de l’histoire politique américaine ? D’ailleurs, les « économies politiques » [32], qui sont au coeur de son analyse du développement, ne désignent que les logiques de l’organisation politique des sociétés ; l’économie politique est à comprendre comme l’économie du politique, c’est-à-dire une analyse des faits politique selon la mentalité de marché. Quant à l’« efficience », elle renvoie à un état techno-économique où «  le marché présente les coûts de productions et de transaction les plus bas possibles  » [33] : le lien est donc total entre « marché » et « efficience » dans ce texte de 2005.

Mais, North signifiait, et continue de signifier, que certains contextes institutionnels sont, en réalités, des obstacles qui empêchent l’économie d’atteindre l’optimum de la société de marché. La centralité logique et la supériorité intrinsèque de l’échange, précisément de l’échange tel que le met en forme le modèle des marchés ouverts et concurrentiels [34], structure donc le néo-institutionnalisme. La question typique de cette approche est : comment se sont créés les « marchés à coûts de transaction faibles  » [35] et pourquoi ne sont-ils pas la norme ? Il est ainsi peu étonnant qu’une approche téléologique de cette nature n’ait pas permis aux « économistes du politique » de comprendre que les mécanismes du marché dit « libre » ne pouvaient pas assurer une protection sociale efficace, notamment pour ce qui est de l’assurance-maladie [36]

On pourrait objecter que la dernière grande contribution de North, qui s’inscrit dans un récent livre interdisciplinaire, combinant science économique, science politique et histoire, constituerait, sans doute, une rupture plus décisive que son inflexion théorique des années 1990. Se pourrait-il, à cet égard, comme se demandent les postfaciers de cet ouvrage, que « reprenant le fil d’Adam Smith, Karl Marx, Max Weber  », North et ses co-auteurs contribuent à « renouer avec l’économie politique  », ce qui signifie replacer « le fait politique au centre du développement des sociétés  ». [37] A n’en pas douter, l’heureuse contrainte interdisciplinaire réduit la dérive économiste, immanente au néo-institutionnalisme, et participe d’un débat assurément plus fécond. Mais, l’opposition centrale du livre, qui est faite entre les « Etats naturels  » [38], où la création de rente stabilise la société, et la « société d’accès ouvert  », fondée sur l’impersonnalité des règles, nous renvoie à la fructueuse (mais insuffisante) opposition que Weber fit entre « capitalisme politique  » et « capitalisme rationnel  », et sur la littérature classique relative au patrimonialisme et au néopatrimonialisme. Fallait-il en passer par le néo-institutionnalisme, ses équivoques et ses impasses pour en arriver là ?

Une approche socio-économique de l’institution


Une relecture des thèses institutionnalistes, à la fois antérieures et extérieures au courant dominant de l’économie, a donc quelque légitimité en ces moments de crise de la pensée économique. Bien des penseurs pourraient être ici l’objet d’une telle relecture ; nous avons choisi de présenter quelques éléments d’une variante de l’institutionnalisme, le « substantivisme » tel que l’a conçu et développé Polanyi et son école dans les années 1940-1950, et qui a connu, depuis quelques décennies, une renaissance. La crise des années 1930 et le second effondrement de la civilisation européenne, en 1933, est à l’origine de la réflexion de Polanyi. L’auteur veut situer son analyse à un niveau très général, celui des rapports changeant entre économie et société. Cette tentative se veut même être un « récit  » écrit du point de vue des « institutions humaines  » [39]. L’histoire est ainsi comprise du point de vue des grands principes qui déterminent l’organisation des sociétés.

La spécificité des sciences sociales et la nécessité de leur caractère institutionnel s’affirme : les institutions rendent possible la connaissance des faits sociaux en même temps qu’elles sont objet de la connaissance elle-même. En effet, si l’action humaine était absolument libre de détermination, l’idée de savoir serait vaine. Les institutions sont ainsi l’expression même du processus de socialisation des comportements qui assurent une prévisibilité essentielle à l’action humaine et à la connaissance de la société. Comprendre, par ailleurs, les institutions comme des médiations entre les parties et le tout permet de dépasser les débats caractérisés par l’opposition entre holisme et individualisme, qui ont trop structuré les sciences sociales. Polanyi assigne ainsi à l’histoire économique l’étude du dépassement des points de vue opposant choix individuels et nécessité sociale, ces points de vue trahissant des a priori idéologiques stériles [40]. L’« analyse institutionnelle » peut alors montrer comment se dénoue concrètement la tension entre le tout et les parties [41].

Ce n’est donc pas le concept d’équilibre qui est le fondement de la connaissance, croyance commune à tous les économistes orthodoxes, mais bien le concept d’institution que partage Polanyi avec les approches issues des travaux de Veblen, Commons et Mitchell. Ceci conduit Polanyi à revenir sur la définition même de l’économie, qui ne peut être la formalisation, comme le voulait Robbins (cf. supra) du processus mental d’économisation via un ajustement rationnel entre des moyens rares et des fins alternatives. Cette définition qu’il qualifie de « formelle  » est, en réalité, une rationalisation des motivations qui gouvernent le monde capitaliste, celui de la rareté généralisée où les marchés mettent en forme les choix des agents économiques. En effet : « La coutume et la tradition, en général, éliminent le choix et, si choix il y a, il n’a pas besoin d’être causé par les effets limitant d’une quelconque rareté des moyens  » [42]. De ce point de vue, l’économie comme « science des choix » ne fait que projeter sur toutes les activités humaines, présentes ou passées, le fonctionnement des institutions du capitalisme. Polanyi devéloppe donc une conception « substantive  » de l’économie, qui « tire son origine de la dépendance de l’homme par rapport à la nature et ses semblables pour assurer sa survie  » [43].

L’économie substantive doit être aussi conçue comme un processus, comme une configuration de mouvements dont la nature est double : changements de lieux ou de propriétaires ; ces deux types de mouvements « épuisent à eux seuls les possibilités contenues dans le procès économique en tant que phénomène naturel et social  » [44]. Et, sans le concept d’institution, la compréhension du processus économique, entendu comme une combinaison d’éléments physiques et sociaux, serait limitée. Il serait quasi-impossible de comprendre la récurrence des mouvements sur lesquels reposent l’unité et la stabilité du processus économique ; la série d’interaction de ces éléments techniques, sociaux et écologiques ne possède de « réalité globale  » que s’ils sont institués, c’est-à-dire mis en forme selon certains rapports sociaux. Étudier les institutions, dans ce cadre, révèle le sens d’un projet spécifiquement humain, c’est-à-dire une culture et des valeurs. Finalement, « L’institutionnalisation du procès économique confère à celui-ci unité et stabilité ; elle crée une structure ayant une fonction déterminée dans la société  » [45]. C’est ainsi que la survie de l’homme échappe à la contingence inhérente aux échanges avec la nature et aux interactions sociales. Ceci implique de préciser ce qui permet l’unité et la stabilité du processus économique : les « principes de comportement  » [46] ou « formes d’intégration  » [47], c’est-à-dire la réciprocité, la redistribution et l’échange (implicitement marchand), lesquels s’appuient sur les « modèles  » ou « supports institutionnels  » que sont la symétrie, la centralité et le marché.

Les institutions sont porteuses d’histoire et leur temporalité n’est pas celle des comportements individuels. Elles font système et leur cohérence réside dans leur complémentarité. De simples pratiques d’échange n’engendrent pas, par conséquent, un système marchand ; le marché donne stabilité à ce qui ne serait, dans le cas contraire, que de simples actes d’échanges occasionnels. C’est pourquoi le marché est une institution, comportant un « mécanisme offre-demande-prix  » où le mouvement de biens est contrôlé par les prix. Le fait que les prix de marché soient « fluctuant ou changeant  » et de « caractère concurrentiel  » est évidemment décisif [48]. Dans de telles conditions, dont nous ne pouvons examiner ici les fondements sociaux, juridiques, politiques et culturels, l’institution du marché produit des effets systémiques, c’est-à-dire des effets de régulation, que Polanyi recouvre par le syntagme d’« échange intégratif  » : « Même les marchés créateurs de prix ne sont intégratifs que s’ils sont reliés en un système tendant à étendre l’effet des prix à des marchés autres que ceux qui sont directement affectés  » [49]. Ce point de méthode est d’importance pour l’étude des formes de marchés, parce que les échangse doivent avoir un minimum de cohérence et de stabilité [50]. L’existence de transactions entre individus impliquant des rapports d’échange n’équivaut ainsi pas à l’existence d’une institution cohérente de marché. Il n’est donc pas possible, de tirer argument des seules pratiques de marchandage pour arriver à des conclusions hâtives sur l’existence d’un système de marchés [51].

Revenons à la conception générale du processus économique que suggère Polanyi : c’est un système de relations sociales, de règles partagées et de croyances communes qui recèlent une certaine stabilité dans le temps et qui impose aux individus des contraintes mais leur ouvre aussi des opportunités. Les institutions économiques doivent être comprises comme des entités socialement construites où les processus économiques sont codifiés. En ce sens, il n’y a pas lieu d’opposer les marchés aux institutions, à l’image de certains néo-institutionnalistes, puisque les marchés sont des activités institutionnalisées de façon spécifique. Ceci implique de comprendre la spécificité de la culture de marché, quand elle existe. Il a existé des modalités variables d’inscription des pratiques de marché dans l’histoire, selon des nécessités écologique, technique et culturelle, sans compter l’existence de sociétés sans marchés. Il convient, par surcroît, de distinguer l’institution du marché de celle de la monnaie car la mesure des obligations inhérentes aux interactions sociales n’implique en rien que ces obligations soit de nature économique [52]. Polanyi affirme même que l’erreur répandue des années 1930 était d’occulter la nature politique de l’institution de l’étalon-or qui est, en réalité, un ensemble de règles visant à reproduire une structure hiérarchique entre classes sociales et entre nations [53]. Le déni de la nature sociale de cette institution était l’expression de cette idéologie libérale qui croit possible d’autonomiser, dans les faits et le savoir, la sphère économique.

Polanyi propose, alors, une hypothèse essentielle : la société de marché est fondée sur une utopie. L’idée d’autorégulation des marchés est, en effet, une fiction, qui implique des résistances sociales spontanées, des « contre-mouvements  » codifiant socialement les marchés [54]. La création de domaines toujours croissants de la vie sociale soumis aux mécanismes marchands, sous l’égide d’une intervention publique, est donc à l’origine d’un « double mouvement  » d’institution des marchés et de résistances sociales. Mais, cette dialectique peut être létale, en ce que les contre-mouvements, la plupart du temps nécessaires à la simple continuation de la vie sociale et par-là même à la pérennité des marchés, peuvent détruire le tissu de ce qui fait l’humanité du lien social, voire le lien social lui-même. Si le New Deal est, par exemple, une expression même d’un contre-mouvement encastrant de façon démocratique l’économie, le fascisme allemand renvoie l’humanité à une posthistoire où l’aliénation est absolue [55]. Par conséquent, les institutions qui intéressent l’économiste, comme la monnaie ou les marchés, se révèlent à l’examen être des institutions construites socialement. Lorsque sont évoquées, dès lors, des « institutions économiques  », cela résulte simplement de ce que certaines institutions contiennent « une concentration de telles activités (économiques)  » [56].

Afin d’échapper à toute interprétation fallacieuse de la problématique de Polanyi, il importe de préciser que, si l’idée d’autorégulation des marchés est fictive, il n’en demeure pas moins que cette fiction contribue à orienter le comportement des individus et à transformer en profondeur la société. Polanyi met en évidence, qu’au début du XIXe siècle, s’est instaurée une société de marché, d’abord en Grande-Bretagne, puis dans le reste du monde occidental, cette société radicalement nouvelle est en discontinuité avec les sociétés antérieures, qu’elles soient primitives ou archaïques. Le marché n’y est plus « encastré  » dans les rapports sociaux traditionnels (religieux, de parenté, etc.). Bien au contraire, il enveloppe dans sa logique toutes les autres formes sociales. Cette singularité rend la société occidentale du XIXe siècle inédite par rapport à celles qui l’ont précédée : c’est une société où dominent un système de marché et une croyance en ses capacités régulatrices, laquelle contribue à façonner la réalité. L’économie en vient à se « désencastrer  », c’est-à-dire à se s’autonomiser des rapports sociaux traditionnels et à imposer à la vie sociale la contrainte de sa forme d’organisation et de son développement.

La société de marché repose sur des dispositions politico-juridiques particulières. Sans les interventions systématiques et continues de l’État, le système de marchés n’aurait jamais pu se développer au XIXe siècle. Mais répétons le, jamais, pour Polanyi, le marché ne s’est matérialisé dans sa forme utopique tel qu’envisagée par les économistes classiques et plus tard par les économistes néoclassiques. Dans cette perspective, le « désencastrement » apparaît comme une forme particulière d’« encastrement » où les pouvoirs publics en viennent à promouvoir les pratiques relevant d’une représentation exclusivement marchande de l’économie. S’il y a désencastrement, c’est une nouvelle organisation sociale qui le rend possible. Considéré sous cet angle, le désencastrement, comme représentation marchande du monde social, est une représentation utopique et destructrice dont l’impossible aboutissement est dangereux pour la société. Cette représentation et cette politique de « libération » des marchés est pourtant de retour sur le devant de la scène, depuis les années 1980, et a trouvé son accomplissement avec la première grande crise du XXIe siècle, en octobre 2008.

Conclusion : sur la concurrence des approches institutionnelles de l’économie

Revenons sur le postulat implicite de la perspective néo-institutionnaliste : au commencement était la rareté. Il s’agit d’une des caractéristiques de l’approche de North qui n’a jamais varié et met en exergue l’idée de concurrence. La division du travail qui s’établit entre les hommes, spontanément à la recherche des gains que peut comporter l’échange, serait la raison du développement des marchés. In fine : « La clé du changement institutionnel [serait] l’interaction permanente entre les institutions et les organisations dans la répartition économique de la rareté, donc de la concurrence  » [57]. A contrario, l’approche de Polanyi repose fondamentalement sur une tension entre l’historicité des institutions et l’universalité de la subsistance de l’homme. La société ne dispose pas de structures sociales différenciables à l’infini pour organiser sa subsistance. En revanche, il se peut fort bien qu’existent des variations institutionnelles autour de quelques schémas fondamentaux. Il s’agit, ainsi, de comprendre l’articulation de structures sociales complémentaires historiquement situées dont l’étude est fondée sur des types idéaux que sont la redistribution, la réciprocité et l’échange marchand.

Bien que le courant néo-institutionnaliste et l’approche polanyienne constituent toutes deux des constructions faisant grand cas des institutions, ces deux perspectives sont fondamentalement divergentes : concevoir, à la manière de Polanyi, l’économie comme un processus institutionnalisé est un fait irréductiblement pluriel, ce qui contredit la croyance en la naturalité et l’universalité asociale et anhistorique du marché. Cette croyance, commune aux approches économiques conventionnelles, ne permet pas de déterminer la substance institutionnelle du marché en tant que telle, c’est-à-dire dans son historicité et sa socialité. En effet, la croyance en un marché, conçu comme un phénomène spontané et essentiellement autorégulateur, occulte la nature profondément institutionnelle du marché, qui doit être comprise dans son contexte historique et social. Ainsi, à suivre Polanyi, les marchés ne sont pas des instances libres et autorégulées, mais requièrent un ensemble d’arrangements institutionnels afin de permettre un fonctionnement apparemment libre. En bref, sans interventions de l’État, les marchés ne peuvent émerger, se développer et survivre. La société de marché repose sur des dispositions idéologiques, politiques et juridiques particulières qui sont les conditions sociales même permettant d’appréhender le marché en tant qu’institution.

Jérôme Maucourant est maître de conférences-HDR, Université Jean Monnet, « Triangle » (UMR 5206 et ENS de Lyon).
Correspondance : maucourant.jerome@wanadoo.fr

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NOTES

[1Les traductions de l’anglais, dans ce texte, sont les nôtres, à l’exception de celles déjà publiées par ailleurs.

[2Robbins (1932, p. 16).

[3Ankarloo, Palermo (2004, p. 418).

[4Ibid. p. 419.

[5North (1977, p. 60).

[6North (1984, p. 8).

[7Pollard (1984, p. 19).

[8Weber (1923, p. 298).

[9Il reconnaissait, en effet, que les observations de Polanyi, quant à la place que l’on doit accorder généralement au marché, étaient pertinentes, et proposait que la tâche de la science moderne fût simplement d’expliquer économiquement les fameuses « formes d’intégration » que sont la réciprocité, l’échange marchand et la redistribution. Cf. North (1977).

[10North (1994, p. 360)

[11North (2005, p. 92).

[12Ibid., p. 15.

[13Ibid., p. 74.

[14Ibid., p. 13.

[15Ibid p. 184.

[16Ibid., p. 14.

[17Ibid.

[18Ibid., p. 165.

[19Ibid., p. 15. Les « explications surnaturelles – en bref les religions » seraient « inscrites dans la structure d’inférence sous-jacente de tous les humains » : elles exprimeraient donc une « composante génétique » qu’on devrait distinguer de l’« héritage culturel ». Mais, dans la suite de son raisonnement, la distinction entre religion et culture n’est pas claire : une équivalence de fait est posée. Cf. ibid., p. 37.

[20Ibid., p. 108-109.

[21Ibid. North pense que les croyances expriment des « contraintes démographiques/et de ressources » . Cf. p. 175.

[22Ibid.

[23Ibid., p. 176.

[24Ibid.

[25Ibid.

[26Ibid., p. 174.

[27North, évoquant favorablement le travail de Weber, estime que « l’origine religieuse de ces valeurs », qui fondent les codes commerciaux, est essentielle à étudier, et il affirme que les règles morales qu’Adam Smith pose comme condition de la croissance (« frugalité, industrie, honnêteté et fidélité ») ont été respectées, par exemple, par les Japonais. Comment ne pas penser, qu’à ce ne niveau de généralité, l’étude des croyances religieuses peut tout démontrer, c’est-à-dire rien, sur l’islam en particulier. Cf. Ibid., p. 84.

[28Maucourant (2010).

[29North, (2005) p. 216.

[30Ibid., p. 33, n. 2.

[31Ibid. p. 79.

[32Ibid., p. 216.

[33Ibid., p. 33, n.2.

[34Ibid., p. 33, n.2 : « Bien que, sur les marchés économiques, l’efficience doive correspondre à une augmentation du bien être matériel, ceci est plus ambigu sur les marchés politiques ».

[35Ibid. p. 34.

[36L’évolution de Krugman depuis une vingtaine d’années est remarquable. Voir P. Krugman (2007, p. 284-285) pour une critique de l’inefficacité d’une assurance-maladie fondée sur le marché et sa défense du modèle français, tel qu’il existe à ce jour.

[37Meisel, Ould Aoudia, dans North, Wallis, Weinglast, (2009, p. 412 et 415).

[38North, Wallis, Weinglast, (2009, p. 13-14 et p. 391).

[39Polanyi (1944, p. 23).

[40Polanyi (1977), p. xli

[41Commons (1934, p. 69), un autre grand institutionnaliste de la « vieille école » que Polanyi se plaît à citer, soutient que l’institution est « l’action collective contrôlant l’action individuelle », d’où découle (p. 73) : « une libération de l’action individuelle par rapport à la coercition, la contrainte, la discrimination ou la concurrence déloyale, par le moyen d’entraves imposées à d’autres individus ».

[42Polanyi (1977, p. 27).

[43Polanyi (1957a, p. 53).

[44Polanyi (1957a, p. 57).

[45Ibid., p. 59.

[46Polanyi (1944, p. 76).

[47Polanyi (1957a, p. 60).

[48Polanyi (1977).

[49Polanyi (1957a, p. 63) : « Les actes d’échanges au niveau personnel ne créent des prix que s’ils ont lieu dans un système de marché créateur de prix, structure institutionnelle qui n’est en aucun cas engendrée par de simples actes fortuits d’échanges ».

[50Polanyi (1957a, p. 60).

[51Bien d’autres traits distinctifs doivent être mis en évidence. Voir Maucourant (2005, p. 65 sq., p. 80 et p. 120).

[52Polanyi (1957b, p. 239).

[53Polanyi (1944, p. 42 et p. 296 sq.).

[54Ibid., p. 53 et p. 298.

[55Polanyi (1935, p. 391 sq.).

[56Polanyi (1957a, p. 58).

[57North (2005, p. 86).