Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Un groupe d’intellectuels

Notre-Dame-des-Landes : des clercs en soutien
 aux opposants

Texte publié le 6 décembre 2012

Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération, mercredi 5 décembre 2012 p. 21, « Rebonds »

Dans la manifestation calme et déterminée du 17 novembre à Notre-Dame-des-Landes, une inscription sur un panneau noir de fortune exprimait une tristesse et une inquiétude : « Notre-Dame-des-Landes, la démission des clercs ». Ainsi interpellés, nous voulons par cette déclaration affirmer notre solidarité de « clercs » et notre présence aux côtés de ceux qui opposent une résistance à cet aéroport considéré comme insensé par une part grandissante de la population et par des experts qui ont du mal à cacher leurs doutes. Le déchaînement de la violence contre les personnes et le saccage des terres et des constructions ne sont pas la réponse du droit mais celle d’une force aveugle face à des occupants non violents et désarmés. Nous demandons au gouvernement d’écouter ces autres « mondes », ceux des paysans, des occupants de la zone, des milliers de manifestants, qui ne s’expriment pas au nom de leurs intérêts privés mais au nom d’une conscience nouvelle, d’une responsabilité partagée face à la crise énergétique, à la crise climatique, à la crise alimentaire, à la crise sociale et financière. La résistance à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes n’est pas un « kyste », elle est le symbole d’une crise de civilisation, d’un basculement possible des consciences sur lequel il est nécessaire de s’appuyer plutôt que de le combattre pour avoir quelque chance de mener à bien et de manière démocratique les transitions qui s’imposent.
Si le projet de cet aéroport a été conçu en 1967 dans un monde qui n’est plus, si les forces déployées pour le défendre rappellent quelques tristes moments de notre histoire passée, les alternatives proposées par les occupants dessinent des chemins pour un avenir partagé. Le gel des terres pendant quarante ans a conservé un patrimoine commun, ailleurs détruit, qu’il serait criminel de livrer aux appétits privés.
Nous pensons pour notre part que ce projet doit être abandonné, et nous demandons au gouvernement d’accepter un véritable débat public, qui ne soit pas du semblant, afin de faire de cette zone et de ce problème un laboratoire de tous les débats qu’il va nous falloir mener au plus vite sur toutes les transitions industrielles, énergétiques et agricoles urgentes qui nous attendent.

Premiers signataires :


Geneviève Azam Economiste, université Toulouse­II

Alain Caillé Professeur émérite de sociologie, université Paris­Ouest­Nanterre­ la­Défense
Denis Clerc Fondateur d’« Alternatives économiques »
Thomas Coutrot Economiste

Marc Dufumier Agronome, AgroParisTech
Marie Duru­Bellat Sociologue, Sciences­ Po, Paris
Jean­Pierre Dupuy Professeur, université de Stanford et professeur émérite à l’Ecole polytechnique

Mireille Fanon­Mendès France Experte à l’ONU
Jean Gadrey Professeur honoraire de sciences économiques, université Lille­I
Roland Gori Professeur de psychologie
et de psychopathologie cliniques
Marc Humbert Professeur de sciences économiques, université de Rennes

Susan George Ecrivaine
Florence Jany­Catrice Professeure de sciences économiques, université Lille­I
Christian Laval Professeur de sociologie, université Paris­Ouest­Nanterre­la­Défense Gustave Massiah Economiste
Dominique Méda Professeur de sociologie, université Paris­IX­Dauphine
Alfredo Pena­ Vega Directeur scientifique de l’Institut international de recherches, politique de civilisation (IIRPC), chercheur associé au Centre Edgar Morin
Dominique Plihon Professeur d’économie, Paris­XIII

Roger Sue Professeur de sociologie, université Paris­V­Sorbonne

Henri Sterdyniak Economiste, Sciences­Po, Paris
Jacques Testart Directeur de recherches honoraire à l’Inserm.

La liste des autres signataires peut être consultée sur le site : http://appel­nddl.blogspot.fr/

NOTES