Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Bernard Saladin d’Anglure

Les Inuit à l’école de Rabelais, de Descartes ou de Lévi-Strauss ? Regard anthropologique sur l’éducation interculturelle

Texte publié le 14 mai 2012

Cet article est extrait de l’ouvrage Pluralisme et école, dirigé par F. Ouellet, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1988, 617 pages. Remis à jour et corrigé par l’auteur en avril 2012.

Introduction

On parle beaucoup, dans certains États-Nations industriels, du besoin d’instaurer un système d’éducation interculturelle pour répondre à la montée du pluralisme ethnique ; qu’elle corresponde à la plus grande visibilité démographique, politique et sociale des peuples autochtones assujettis, ou qu’elle résulte de l’afflux d’immigrants allochtones, fuyant guerre, famine ou pauvreté et attirés par la perspective de meilleures conditions de vie. Les premiers, vivant le plus souvent aux marges de l’œkoumène développé, les seconds aux marges internes ou externes des zones urbanisées. Mais pour qu’une éducation puisse devenir interculturelle, encore faudrait-il qu’elle fût culturelle ? Or, telle que progressivement institutionnalisée et développée en Occident depuis la fin du dix-huitième siècle, l’éducation, sous sa forme scolaire, ne peut être qualifiée de culturelle que dans l’acception la plus restreinte donnée au terme culture c’est à dire une culture bourgeoise, filtrée par la raison ; cette Raison qui fût érigée en culte, au siècle des Lumières. On doit à Descartes, le « fondateur de la science moderne » , l’affirmation du primat ontologique de la pensée rationnelle, devenu après lui, le principe de base du développement et de la transmission du savoir. Ce primat constitue dans l’histoire des idées une véritable révolution épistémologique avec comme effet l’expansion du rationalisme et du positivisme scientifique qui se généraliseront plus tard à travers la scolarisation obligatoire. C’est le triomphe de la pensée sur le corps, de la logique mathématique sur l’analogie et la logique du sensible, de la raison sur la vie. Jamais la pensée occidentale n’a tant dominé le monde, jamais ses productions imprimées, audio-visuelles et électroniques n’ont été aussi nombreuses.
Il est pourtant des intellectuels-moralistes ‘désenchantés’ pour pleurer sur la ‘défaite de la pensée’, pour s’inquiéter du ‘malaise dans la culture’, pour dénoncer à l’avance toute ‘pédagogie de la relativité’ qui viendrait briser « la continuité culturelle de l’humanité dans l’unique et noble dessein de favoriser le rapprochement entre les hommes… » (A. Finfielkraut, 1987 : 122) ; ils prennent spécieusement argument de la récupération, à des fins partisanes, du concept anthropologique de ‘relativisme culturel’ par une Nouvelle Droite nationaliste et xénophobe, pour accuser l’anthropologie de porter atteinte, avec son relativisme, à la culture universelle. N’en déplaise à Alain Finkielkraut, la pensée se porte plutôt bien dans la monde occidental contemporain, c’est la vie qui pose tragiquement problème et une logique de la vie qui fait surtout défaut.

À l’école de Rabelais

Pour illustrer cette logique de la vie, celle qui prévalait avant Descartes, j’évoquerai l’œuvre de Rabelais ; elle exprime, en effet, de façon exemplaire, ce qu’était alors l’école du peuple, l’école de la vie, c’est à dire la tradition populaire, la culture, au sens le plus extensif du terme. Dans cette œuvre, axée sur la dynamique de la vie, l’enfant occupe une place de choix ; le corps aussi dont les flux sont constamment pris en compte, qu’il s’agisse de la digestion, des souffles corporels ou de la procréation. Bakhtine (1970:35) a su brillamment faire ressortir l’importance du corps chez Rabelais :

À la différence des canons modernes, le corps grotesque n’est pas démarqué du restant du monde, n’est pas enfermé, achevé ni tout prêt, mais il se dépasse lui-même, franchit ses propres limites. L’accent est mis sur les parties du corps où celui-ci est soit ouvert au monde extérieur, c’est à dire où le monde pénètre en lui ou en sort, soit sort lui-même dans le monde, c’est à dire aux orifices, aux protubérances, à toutes les ramifications et excroissances : bouche bée, organes génitaux, seins, phallus, gros ventre, nez. Le corps ne révèle son essence,comme principe grandissant et franchissant ses limites, que dans des actes tels que l’accouplement, la grossesse, l’accouchement, l’agonie, le manger, le boire, la satisfaction des besoins naturels.


Le grotesque y relativise les points de vue, les systèmes de valeur et les rapports de force ; le relativisme, est également introduit par les variations d’échelle qui vont du microscopique (échelle des nains, des enfants et des petits animaux) au macroscopique (échelle des géants et des forces cosmiques) en passant par l’échelle humaine, référence du discours. N’y a-t-il pas là une véritable pédagogie, qui m’autorise à parler d’une École de Rabelais, où le ventre constitue un axe permettant toutes les inversions, toutes les relations, entre vie et pensée. « Victor Hugo, qui a exprimé la compréhension la plus complète et la plus profonde de Rabelais » (Bakhtine, 1970:130), le qualifie de grand poète du ventre, ventre qui représente le centre de sa topographie. Pédagogie aussi où le rire fait figure de principal outil qui ébranle toute certitude et rend possible toute solidarité en abolissant les barrières entre les hommes. « C’est dans l’œuvre de Rabelais que le rire du Moyen Age a trouvé son expression suprême » écrit fort justement Bakhtine (1970:105), qui souligne « le rapport essentiel du rire de fête avec le temps et l’alternance des saisons » (p.89). Cet analyste critique d’ailleurs judicieusement l’étude de Lucien Febvre (1942:138-139) sur Rabelais :

… Febvre ignore l’aspect comique du monde à qui il a fallu des siècles et des millénaires pour s’organiser dans les multiples formes de la culture comique populaire (et avant tout dans celle des rites et spectacles). Analysant certaines plaisanteries cléricales /…/ il ne voit pas qu’il s’agit là de parcelles d’un tout immense et unique : la sensation du monde populaire et carnavalesque, l’aspect comique universel du monde. /…/ Son attention est exclusivement braquée sur les phénomènes ‘sérieux’ (dans l’esprit du XIXe siècle) de la culture et de la pensée. Par exemple, analysant Érasme et son influence sur Rabelais, il laisse de côté L’Éloge de la folie, qui justement offre le plus de points communs avec le monde de Rabelais. Seul Érasme sérieux, l’intéresse. /…/ L’aspect comique est universel, il se propage dans toute chose. Febvre ne voit justement pas cet universalisme, cette valeur de conception du monde du rire, sa vérité particulière. Pour lui la vérité ne peut que prophétiser. Il ne discerne pas non plus le caractère ambivalent du rire…

L’école de Rabelais est, en effet, caractérisée par une perspective holiste présentant une image globale de la société dans une dynamique spatio-temporelle ; approche synthétique et interdisciplinaire, elle prend en considération tant la logique que l’analogique, la raison que l’intuition, la logique de l’esprit que la logique du corps et des sens, elle combine hasard et nécessité, heurs et malheurs, guerre et paix, accidents et régularités… La relation maître/élève y est souvent inversée à travers les changements d’échelle et les retournements de situations ; logique de l’excès et de la démesure, elle donne la mesure et trace les frontières, tout en conceptualisant la transgression et le paradoxe dans une véritable théorie de la relativité. Contemporain de la découverte le l’Amérique, des routes des Indes et du Canada, Rabelais s’est identifié au courant humaniste, considérant Erasme comme son père spirituel et même comme sa mère spirituelle :

… Je t’ai nommé un père : je te nommerais une mère si ton indulgence m’y autorisait. Nous voyons qu’il arrive chaque jour aux femmes enceintes de nourrir et de protéger de l’air extérieur un germe qu’elles n’ont jamais vu. Voilà exactement ce qui t’est arrivé, ô toi qui m’as élevé, moi dont tu ignorais le visage, dont le nom t’était inconnu, tu m’as nourri aux très pures mamelles de ta divine doctrine, à tel point que, si je ne reconnaissais que c’est à toi seul que je dois ce que je suis et ce que je vaux, je serai le plus ingrat des hommes d’aujourd’hui…

écrit-il à Érasme le 30 novembre 1532, dans la seule lettre adressée au ‘Prince de l’humanisme’ que l’on connaisse de lui ; il est frappant de retrouver dans cette lettre, où il se fait fœtus puis nouveau-né porté et allaité par son ‘maître’, les effets de style de son Gargantua, où foisonnent les images du corps et de la reproduction de la vie. Ces images ne sont pas fortuites de la part d’un clerc-médecin qui connut la paternité avec la même joie ambiguë que celle exprimée dans son œuvre, à la naissance de Pantagruel ; clerc, qui s’adresse à un autre clerc, enseignant lui aussi, dont la naissance fut marquée au coin de l’ambiguïté et à qui l’histoire n’attribue pas d’enfant. Il faudrait évoquer aussi l’importance du thème de l’androgynie au Moyen-Âge pour illustrer la figure du Christ transmettant sa doctrine comme le lait de ses mamelles, à travers le culte de ‘Jésus-notre-mère’ (cf. M.C. Pouchelle, 1986).
Érasme eut néanmoins un filleul, le fils de Froben, son éditeur bâlois, Johannes Erasmus Froben, pour qui il compléta ses « Colloques » qu’il lui dédia en 1522, alors que l’enfant n’avait que six ans. Cet ouvrage dont le sous-titre Propos élaborés non seulement dans le but d’améliorer la connaissance du latin chez les enfants, mais surtout de les élever en fonction de la vie témoigne de l’intérêt d’Erasme pour l’éducation des enfants et connut un vif succès en Europe. Il contient une série de dialogues qui traitent avec une grande liberté de tous les thèmes importants de la vie, y compris la sexualité. Tout en s’inspirant des œuvres des grands humanistes de son temps comme l’Éloge de la folie d’Érasme (1511) ou l’Utopie de More (1516), Rabelais ira plus loin en renouant non seulement avec les textes classiques gréco-romains, mais aussi avec le très vieux fonds de traditions orales populaires européen ; en donnant à l’imagination, au rêve, à la transe et à la folie un statut comparable à celui de la connaissance rationnelle, dans une ‘anthropologie des gouffres’ très ‘bastidienne’ (cf .R. Bastide 1972 et F.Morin,1975), qui s’exprime à travers le grotesque, le burlesque et le carnavalesque. La vie de Rabelais fut traversée par la grande crise religieuse qui secoua l’Europe au XVIe siècle avec la Réforme, la Contre-Réforme et les guerres de religion. Formé à l’étude des langues, des sciences et de la scolastique, il apprit les arts militaires et fut attiré par la ‘nouvelle médecine’ de Paracelse qui remettait à l’honneur Hippocrate et l’homéopathie ; il devint médecin, enseignant (à Montpellier où la théorie d’Hippocrate sur les vertus curatives du rire étaient particulièrement prisées, cf. Bakhtine, 1970 :77) et praticien. Cette formation, cette expérience et cette orientation marqueront toute son œuvre.
En 1530, François Ier avait concrétisé son appui à l’humanisme en créant pour sa diffusion un collège qui allait devenir le Collège de France : pour instruire la jeunesse… pas seulement française, mais de toute la chrétienté (cf. Belleforest, in Rabelais, 1973), hors du contrôle de la Sorbonne, dominée alors par la pensée scolastique rigide et étroite. La magistrale pédagogie qui transpire des livres de Rabelais eut tôt fait d’inquiéter la traditionnelle Sorbonne qui les condamna les uns après les autres, comme elle inquiétera encore après sa mort les esprits dévots ; c’est ainsi qu’en 1563 l’Ambassadeur d’Espagne à la Cour de France critiquera l’éducation donnée au jeune Charles IX dans les termes suivants :… On lui fait la lecture d’un livre de bouffonneries qu’on nomme Pantagruel, fait par un anabaptiste et plein de mille plaisanteries sur la religion (cf. Rabelais, 1973).
Retenons donc, à l’école de Rabelais, cette vision holiste de la vie dans l’espace-temps cosmique qu’exprimait la culture populaire de son temps. Retenons la centralité du ventre comme lieu du corps par où passent toutes les dynamiques, les relations hommes/femmes, les relations humains/ressources naturelles et les relations ontologiques avec le destin à travers les changements d’échelle : utérus paradisiaque des premiers temps de la vie, ou gouffre infernal qui attend les damnés (cf. M.C. Pouchelle, 1986). Retenons aussi la force du rire et du grotesque qui ponctue le cycle calendaire ; le souci de persuasion plus que d’autorité ; la place accordée à la socialisation de l’enfant, à son intégration rapide dans le monde des adultes ; enfin la valorisation du ‘voyage’ comme quête du savoir et de la réalisation de soi, voyage circulaire au bout du monde connu, aux portes du Paradis et de l’Enfer.

L’éducation inuit

Si je me suis ainsi attardé dans l’univers de Rabelais c’est qu’il présente de remarquables points de comparaison avec l’univers inuit ou du moins avec ce qui, dans la culture inuit, constituait la toile de fonds de l’éducation traditionnelle, avant l’instauration dans l’Arctique du système scolaire canadien. Cette éducation était prise en charge aussi bien par la famille restreinte que par la famille étendue, et même par le groupe entier. L’accoucheur ou l’accoucheuse, qui avait présidé à la naissance d’un enfant et lui avait noué le cordon ombilical, jouait un rôle de tuteur dans son éducation, notamment lors de ses premières performances. Les personnes âgées, dépositaires du savoir et du système de valeurs, assuraient la supervision. Elles étaient appelées à se prononcer sur les performances et les comportements des enfants et recevaient en contrepartie les cadeaux et parts de gibiers distribués lors d’actions réussies pour la première fois. L’enfant progressait ainsi à son rythme, sous le regard encourageant, critique et complice des générations ascendantes.
Il est intéressant de remarquer qu’en raison des pratiques anthroponymiques les enfants avaient presque toujours des noms d’ascendants décédés, parfois de sexe différent du leur ; cela déterminait leur identité et l’on s’adressait à eux comme s’ils étaient les ancêtres morts ; on pouvait aussi les travestir en hommage à leurs éponymes. Mais surtout, certains d’entre eux étaient socialisés comme s’ils étaient de l’autre sexe, soit que leur nom provienne de quelqu’un (de l’autre sexe) très proche et très cher, soit que l’on ait besoin dans leur famille d’un enfant de l’autre sexe pour seconder l’un des parents dans ses tâches. Ce chevauchement de la frontière des sexes, ou des genres, n’était pas sans conséquences sur le destin des jeunes travestis qui très souvent étaient appelés, plus tard, à remplir des fonctions chamaniques (cf. B. Saladin d’Anglure, 1984, 1985, 1986). À l’adolescence ils devaient apprendre les tâches correspondant à leur sexe biologique mais restaient toute leur vie marqués par cette éducation.
Parallèlement au fait pour un enfant d’être considéré comme un ascendant, on le célébrait, lorsqu’il attrapait ses premiers petits gibiers, comme s’il avait pris de gros gibiers ; ainsi le moineau capturé devenait-il une oie, le scorpion de mer un morse etc…, opérations qui consistaient en fait à transposer l’enfant, son statut, ses produits et ses actes, à une échelle supérieure à la sienne afin de l’ évaluer comme s’il était un adulte, et partant, de le sécuriser. L’apprentissage des rôles liés à la division sexuelle des tâches se faisait essentiellement sur le terrain, dés l’âge de six ou sept ans, auprès de la mère et des femmes âgées pour les filles, auprès des chasseurs pour les garçons. Quant aux travestis, qui représentaient environ quinze pour cent des enfants, on les socialisait dans leur nouveau sexe social ou genre. En raison de l’éducation, somme toute très individualisée, qu’il recevait on réprimandait très rarement un enfant avant qu’il n’atteigne l’adolescence ; mais, alors, une autorité très forte s’exerçait sur lui, de la part des aînés et des ascendants. D’une identité fantasmatique privilégiant l’épanouissement individuel avec la complicité de tout le groupe, il entrait dans des rôles sociaux de production ou de reproduction entièrement contrôlés par le groupe qui lui assignait, tâches et obligations tout en lui garantissant aide et partage sur une base de réciprocité.

C’est à l’aune de la vie qu’il faut évaluer l’univers culturel inuit, qui se structurait et prenait sens dans le grand procès collectif de reproduction de la vie, véritable espace-temps circulaire où les défunts comme les nouveau-nés sont à la fois devant et derrière, où l’identité est flexible et souvent multiple et où les frontières symboliques peuvent se chevaucher à commencer par la frontière des sexes, comme aussi celle entre les humains et les animaux, celle entre les vivant et les défunts, celle du monde visible et du monde invisible, du rêve, de la transe et du mythe, en particulier dans le chamanisme. Cet univers est en fait conçu comme un vaste système de transformation où les relations homme / femme, humain / gibier, vivant / défunt, entretiennent des rapports analogiques, et les différentes échelles du cosmos des relations d’homologie : ainsi l’iglou est-il conçu comme un macrocosme de l’utérus, et un microcosme de la voûte céleste ; ainsi le lemming est-il un pou pour le géant et un caribou pour le nain, comme le renard est un ours blanc pour le nain et un lemming pour le géant (cf. B.S.A. 1978, 1980a, 1980b, 1986). Cette capacité de changer d’échelle va de pair avec une vision holiste de l’univers et une vision holographique de ses composantes. Un axe apparaît dans cette vaste construction, il part de la frontière des genres où il s’exprime, au niveau utérin par la croyance que certains bébés peuvent changer de sexe en naissant ; il traverse le niveau domestique avec le chevauchement des rôles sexuels résultant de la socialisation inversée et du travestissement ; il débouche enfin sur le niveau cosmique où chamanes et grands esprits chevauchent la frontière des genres comme aussi toutes les autres frontières. Cet axe, qui met en rapport ‘troisième genre’ et chamanisme est celui de la médiation, de la gestion des crises et de l’imprévu ; il joue un rôle essentiel dans la reproduction sociale du groupe et constitue en quelque sorte la clef de la logique inuit de la vie.
Dans ce système de transformation les éléments, objets ou individus, sont considérés non pas en raison de leurs positions mais de leurs possibilités qui s’expriment selon les circonstances (cf. J. Briggs 1983). C’est ainsi que l’artiste tente de découvrir la forme qui se cache dans la pierre qu’il veut sculpter ; c’est ainsi également que la famille tente de découvrir quelle âme de défunt a pris place dans le corps du nouveau-né… Dans le monde des objets, la différence entre un traîneau et un kayak est faible quand on sait que dans certaines régions de l’arctique on transformait le kayak en traineau, à la fin de l’été, pour revenir des territoires de chasse au caribou, au moment des premières chutes de neige. Les formes que prennent les objets, les animaux et les humains ne sont que des apparences derrière lesquelles se cache une réalité plus profonde. Réalité du mythe du rêve et de la transe chamanique, où l’espace se courbe et le temps s’aplatît.

Individualisme et liberté, pour l’enfant, étaient donc de mise jusqu’à la puberté, jusqu’à l’adolescence. Alors s’opérait un véritable renversement d’attitude et le groupe des adultes en accueillant ses nouveaux membres productifs leur signifiait la totale soumission aux règles sociales dans laquelle ils allaient dorénavant devoir vivre. Des fêtes saisonnières venaient périodiquement renforcer le primat de la solidarité et du partage dont la plus célèbre porte, à Igloolik, le nom de tivajuut. Cette fête, encadrée par les chamanes se tenait ordinairement au moment du solstice d’hiver. Elle donnait lieu à des mascarades, à des jeux de force et à des repas collectifs entrecoupés de scènes grotesques et d’épreuves de rire qui s’achevaient ordinairement par le réappariement, pour une nuit, des couples présents. On traduisait ainsi la grande inquiétude collective suscitée par l’absence des migrateurs et des animaux hibernants, et par la disparition du soleil. L’épreuve du rire constituait le point fort de cette fête lorsque deux chamanes masqués - l’un d’eux étant travesti en femme - cherchaient à provoquer, par leur facéties grotesques, le rire des femmes. Cette épreuve serait à rapprocher de celle que subissaient les chamanes lorsqu’ils se rendaient dans la lune, alors qu’une femme grotesque tentait de les faire rire pour les réduire à l’état d’âmes-mortes. Cette femme mythique dénommée à Igloolik Ululijarnaq est désignée au Groënland par le nom de Nalikateq ; on la représente dans cette région sous une forme humaine androgyne portant une culotte phallique et un couteau d’homme qui lui sert à battre son tambour. Dans cet univers, qui n’est pas sans rappeler le monde carnavalesque et grotesque, de la culture populaire du Moyen-Âge si bien illustré par l’œuvre de Rabelais, le partage des conjoints, le partage de la nourriture et le partage des enfants (avec l’adoption) semblaient relever d’une même logique sociale visant à déposséder chaque individu de certains de ses biens pour mieux assurer sa survie et celle du groupe.

À l’école de Descartes

Avec la Contre-Réforme, conduite principalement par les Jésuites, on assista à la mise sur pied du formidable instrument de contrôle et de formation de la pensée, que constituèrent les collèges d’enseignement des Jésuites. Combinant la scolastique, les mathématiques et les auteurs classiques gréco-romains, remis à l’honneur par l’Humanisme, avec une discipline d’inspiration militaire, ces collèges allaient former une grande partie des nouvelles élites européennes, car dans une époque de plus en plus troublée par les antagonismes idéologiques qui créaient des clivages jusqu’à l’intérieur des familles, ils se présentaient comme les nouveaux défenseurs de l’ordre social, auréolés de la séduction du savoir et de la pensée :

Dès les dernières années du XVIe siècle… [ils] avaient perçu l’évolution qui se manifestait autour d’eux dans le domaine du savoir et entrepris de réorganiser le cursus de leurs collèges… Ce projet se concrétisa en 1599 dans un texte important /…/ qui donnait une large place à l’enseignement des disciplines mathématiques… (P. Thuillier, 1988 : 89-90).

C’est dans l’un de ces collèges que René Descartes, profitant de la bienveillante protection d’un parent, put épanouir son goût pour les mathématiques et pour la réflexion philosophique, tout en échappant par faveur aux rigueurs de la discipline. Ce cheminement, et la remise en cause de l’enseignement de ses maîtres, devaient le conduire au grand bouleversement de la pensée que constitue son ‘discours de la Méthode’ :

… sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la Physique, et que commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusqu’où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent… elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature…

Avec Descartes, la pensée devient sérieuse et raisonnable, dans ce XVIIe siècle marqué par la monarchie absolue, l’esthétique du classicisme et la philosophie rationaliste (cf. Bakhtine, 1970 : 108) :

Dans cette nouvelle culture officielle, les tendances à la stabilité et au parachèvement des mœurs, au caractère sérieux unilatéral et monocorde des images est prédominant. L’ambivalence du grotesque devient inadmissible.

Et pourtant, un regard critique sur la vie de René Descartes fait vite apparaître l’importance de l’imaginaire et de l’irrationnel, de l’émotion et de l’analogique dans l’expression même de son rationalisme. La description qui nous est restée de quelques songes mémorables (notamment ceux du 10 novembre 1619 ne laisse planer aucun doute sur ses états de transe onirique au cours desquels il se crut investi d’une mission unificatrice des savoirs. Karl Stern, à la suite d’autres auteurs, fait par ailleurs ressortir la relation paradoxale qu’entretint Descartes avec les femmes :

Les célèbres amitiés féminines de Descartes sont élevées intellectuellement et platoniques… la seule femme avec qui nous lui connaissions une liaison… semble avoir été une servante… nous constatons dans la vie de Descartes une séparation apparemment absolue entre l’image charnelle et l’image spirituelle de la femme… ce n’est pas l’aventure sexuelle qui le met en danger, mais bien l’amie platonique… Toutes les amies intellectuelles de Descartes… sont fort ambivalentes dans leurs rapports avec lui. C’est chez mademoiselle de Schurman et chez la reine Christine que cette ambivalence ressort le plus clairement… de fait la reine Christine sera pour Descartes la femme fatale au sens littéral… (K. Stern, 1969 : 82-83).

On sait que Descartes perdit sa mère à l’âge d’un an et qu’il fut élevé par une nourrice. Cette séparation prématurée peut expliquer selon Stern, la scission de l’image de la femme en deux images contradictoires. Mais, il n’est pas sans intérêt de signaler l’éducation masculine reçue par la reine Christine de Suède, chez qui mourût Descartes. Son père avait tellement souhaité avoir un fils, qu’il l’éduqua comme un garçon. Ne sommes-nous pas proche ici du modèle inuit avec son ‘troisième genre’ ? Si tel était le cas, il faudrait alors se livrer à une réévaluation complète de l’œuvre de Descartes en y intégrant et ses transes oniriques et son chevauchement de la frontière des genres, habilement occulté par un rationalisme que seul a retenu l’histoire. Il faudrait voir en lui un médiateur, plus qu’un fondateur, et dans son œuvre, un repère pour la pensée, plus qu’une nouvelle vérité, à une époque où l’élargissement fantastique du savoir résultant des grandes découvertes, et la dramatique crise religieuse qui mettait à sang l’Europe, sapaient les fondements de l’Ordre établi. Au lieu de cela, le XVIIIe siècle avec sa philosophie des lumières verra la généralisation du rationalisme et l’adoption du nouveau modèle newtonien d’intelligibilité du Monde ; il verra aussi se durcir la discipline dans les écoles, d’où la culture populaire sera progressivement évacuée :

Dans cette nouvelle culture officielle, les tendances à la stabilité et au parachèvement des mœurs, au caractère sérieux unilatéral et monocorde des images est predominant. L’ambivalence du grotesque devient inadmissible (Bakhtine, 1970 : 108).

Edgar Morin (1987), dans son brillant essai sur l’Europe fait lui aussi un jugement sévère sur les excès du rationalisme :

Le rationalisme est assuré que le Monde, obéissant à un Ordre rationnel, est totalement perméable à la Raison : tout ce qui existe est intelligible et a sa raison d’être. Ce rationalisme s’articule sur l’Humanisme, qui justifie la souveraineté rationnelle d’Homo Sapiens et s’appuie sur la Science, qui dévoile les Lois rationnelles de l’Univers. La Raison devient ainsi le guide unificateur du savoir, de l’éthique et de la politique : l’homme peut et doit agir rationnellement ; la société peut et doit être rationnellement organisée et dirigée… En fait, cette Raison était aveugle là où elle croyait élucider. Elle était aveugle en retirant toute substance et consistance aux mythes et à la religion dénoncés comme erreurs, superstitions, supercheries. C’est cet aveuglement à l’égard des mythes extérieurs qui va produire ses mythes intérieurs, dont celui de l’Ordre rationnel ; c’est parce que la Raison se croit Toute-Vérité qu’elle va s’auto-déifier : et c’est en s’auto-déifiant que la Raison va devenir folle (E. Morin, 1987 : 98-99).

La suppression de l’Ordre des Jésuites en France (1762) puis à Rome (1773) entraîna certes une remise en cause du principe d’autorité et de la discipline corporelle comme fondement de l’éducation, il n’en reste pas moins que l’accent mis depuis Descartes sur la raison et la pensée au détriment du corps, de la sexualité, du rire et du grotesque, va progressivement isoler l’enfant de la ‘vie’, de la culture populaire et de la réalité sociale. Le libertinage, c’est pour les adultes et pour les riches. On assiste donc, avec le développement de la scolarisation, à un véritable processus d’infantilisation (cf. P. Ariès, 1973) qui, à l’inverse du processus inuit traditionnel, dévalue l’enfant en accentuant ses incapacités et en l’isolant du monde des adultes. Au sein même des écoles, l’apparition des classes et des matières scolaires entraîne un découpage accru selon l’âge et la discipline. La pensée triomphante découpe, divise, analyse et valide sans cesse le mythe sur lequel elle s’appuie, le ‘développement’ illimité de l’emprise technique sur la nature (cette critique rejoint évidemment celle de G. Rist,1988). Cette emprise va s’étendre des villes sur les campagnes, des territoires nationaux sur les colonies et par le jeu du pouvoir renforcé par le savoir acquis grâce à l’école, des classes privilégiées sur les classes pauvres, des ethnies dominantes sur les ethnies dominées.

Du romantisme philosophique à la pensée désenchantée

Dans le vide laissé par la suppression de l’Ordre des Jésuites qui dominait le système d’éducation européen, les idées de J.J. Rousseau sur l’éducation apparurent dans toute leur nouveauté et connurent un grand succès ; avec lui, un nouveau courant d’idées s’annonçait, véritable néo-humanisme :

Déjà… la voix contraire de Rousseau s’était élevée. C’était la protestation du sentiment contre l’abstraction rationaliste. C’était surtout la conscience renversante de l’insuffisante rationalité du Rationalisme puisque le progrès partout salué, devait être considéré aussi comme perte des vertus naturelles. Et dés 1770 le Sturm und Drang allemand annonce l’étape nouvelle où le Romantisme répondra aux Lumières (E. Morin, 1987 : 99-100).

Mais l’image de l’enfant véhiculée par l’Emile de Rousseau est fort éloignée de celle que l’on trouve chez les auteurs de la Renaissance comme Rabelais et surtout Érasme dans ses « Colloques » où l’enfant est systématiquement initié au monde des adultes et aux problèmes de la vie. L’enfant chez Rousseau doit au contraire rester le plus longtemps possible dans l’ignorance de la sexualité, c’est un enfant « asexuel » qui vit dans l’heureuse innocence résultant de l’ignorance. Idée qui va renforcer le jugement négatif porté sur la sexualité depuis le XVIIe siècle et qui se traduit par l’épuration des livres mis à la portée des enfants. L’influence de Rousseau va renforcer la nouvelle définition de l’enfant apparue aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ariès (1973) n’hésite même pas à parler de la ‘naissance de l’enfant’ c’est à dire d’un allongement marqué de l’état d’enfance qui ne dépassait pas auparavant l’âge de six ou sept ans. La pédagogie de Rousseau qui s’exprime à travers ses autres œuvres n’en est pas moins nouvelle et enrichissante en ce qu’elle préconise une redécouverte de la nature, la décentration du Moi (hypertrophié depuis le « cogito » de Descartes) et la connaissance des autres cultures :

Toute la terre est couverte de nations dont nous ne connaissons que les noms, et nous nous mêlons de juger le genre humain ! Supposons un Montesquieu, un Buffon, un Diderot…, ou des hommes de cette trempe, voyageant pour instruire leurs compatriotes, observant et décrivant comme ils savent le faire… Supposons que ces nouveaux Hercules, de retour de ces courses mémorables, fissent ensuite à loisir l’histoire naturelle, morale et politique de ce qu’ils auroient vu, nous verrions nous-mêmes sortir un monde nouveau de dessous leur plume, et nous apprendrions ainsi à connaître le nôtre. (.J.J. Rousseau )

Pensée avant-gardiste que celle de J.J. Rousseau dont l’expression s’enracine dans une expérience d’illumination métaphysique, véritable transe qui n’est pas sans rappeler les songes de Descartes ; ce jour d’octobre 1749 alors qu’il allait rendre visite à Diderot, à la prison de Vincennes, après avoir lu dans le Mercure de France la question mise à concours par l’Académie de Dijon : Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs ?

À l’instant de cette lecture - nous dit-il dans ses Confessions - je vis un autre univers et je devins un autre homme« . Il fut comme ébloui de mille lumières, des foules d’idées se pressèrent dans son esprit, il sentit »sa tête prise par un étourdissement semblable à l’ivresse (cf. B. Gagnebin, 1972 : 474).

Expérience d’où émaneront les œuvres majeures de Rousseau, écrites au cours des quinze années suivantes, préfiguration des Sciences humaines et de l’anthropologie (cf. C. Lévi-Strauss, 1973). Avec le Romantisme qui va suivre on assiste aussi à une remise à l’honneur du grotesque et des grands auteurs de la Renaissance, cependant :

À la différence du grotesque du Moyen Âge et de la Renaissance, directement lié à la culture populaire et empreint d’un caractère universel et public, le grotesque romantique est un grotesque de chambre, une manière de carnaval que l’individu vit dans la solitude… Bien sûr le rire subsiste [mais] dans le grotesque romantique le rire est diminué, il prend la forme de l’humour, de l’ironie, du sarcasme. Il cesse d’être joyeux et allègre… Le grotesque, rattaché à la culture populaire, rapproche le monde de l’homme, lui fait prendre corps, l’apparente par l’intermédiaire du corps à la vie corporelle (à la différence de l’appropriation romantique, abstraite et spirituelle). Dans le grotesque romantique, les images de la vie matérielle et corporelle : boire, manger, satisfaction des besoins naturels, accouplement, accouchement, perdent presqu’entièrement leur signification régénératrice et se transforment en « vie inférieure » (Bakhtine, 1970 : 47-48).

La Révolution française avec le projet de Condorcet (1792) allait pour la première fois jeter les bases d’une ‘instruction publique’ accessible à tous et gratuite, à l’aide d’un véritable système scolaire comportant un enseignement primaire, secondaire et universitaire ; mais il faudra près d’un siècle pour que la scolarisation devienne laïque, gratuite et obligatoire en France (1882). Le XIXe siècle marque donc l’avènement de l’école comme système, au bénéfice, surtout, de la bourgeoisie ; les collèges privés connurent eux aussi de nouveaux développement avec la restauration des Jésuites et les activités éducatives d’autres ordres religieux. L’ordre, la morale et l’idéologie de cette bourgeoisie montante constitueront le cadre de référence du système scolaire qui restera néanmoins très marqué par la tradition des siècles précédents. Le contenu des programmes et les manuels scolaires seront influencés par les développement des sciences et des techniques, mais aussi par celui des nouvelles aspirations nationalistes et colonialistes, avec leurs conséquences comme l’intolérance raciale et religieuse. Le romantisme politique qui fleurira d’abord en Allemagne, en réaction contre l’hégémonie française des ‘Lumières’, trouvera de nombreux supporters en France, en réaction contre l’impérialisme allemand de la seconde moitié du siècle. Dans le même temps et parallèlement, se constitueront les sciences humaines, la sociologie et l’anthropologie. Et tandis que la notion de culture commençait à être utilisée par ces nouvelles sciences pour décrire le mode de pensée, la langue et les traditions des divers peuples, l’Occident profitant de sa supériorité industrielle et militaire imposait sa culture dans les diverses régions du monde qu’il contrôlait, et y développait ses écoles pour asseoir son autorité et ‘élever’ les peuples qu’il dominait.
Qu’à la suite des bouleversements issus des deux conflits mondiaux et des crises économiques et politiques du XXe siècle, de grands mouvements de population soient venus modifier en profondeur la composition ethnique des grands États-nations occidentaux, c’est un fait évident ; qu’à la suite des terribles excès survenus pendant ces mêmes guerres les États du monde aient voulu, à travers les instances internationales, redéfinir leurs droits et leurs obligations, cela paraît justifié. Qu’on assiste un peu partout dans le monde à l’émergence de nouvelles identités ethniques s’appuyant sur des données culturelles pour se définir et revendiquer des droits, pourquoi s’en effrayer ? Que certains leaders d’anciennes colonies ou de groupes ethniques dominés tiennent un langage où transparaît un refus de l’Occident, de sa culture, de son histoire, de sa pensée et pourquoi pas, de sa science, qu’y a-t-il là de surprenant ? Mais qu’un intellectuel-moraliste comme A. Finkielkraut, désenchanté par le monde contemporain où l’Occident n’a plus le monopole du discours, des valeurs et du savoir, vienne s’en prendre au ‘relativisme culturel’ de l’anthropologie et à la ‘pédagogie de la relativité’ mise de l’avant pour animer l’enseignement de l’avenir, et étale son sanglot sur la ‘défaite de la pensée’ (universelle), cela dépasse l’entendement, pour quiconque est sorti de son hexagone, de son ‘cogito’, pour quiconque a voyagé au pays de l’‘autre’, pour quiconque a réfléchi sur les périls qui guettent actuellement l’Occident et qui concernent bien plus la vie ou la survie, que la pensée ; pour quiconque enfin a visité une école d’un million de dollars dans un petit village inuit de huit cents personnes, où les jeunes qui n’ont pas ‘décroché’, choisissent de se ‘défoncer’ quand ce n’est pas de se suicider, alors que les quelques finissants, coupés du savoir de leurs ascendants, n’ont d’autre choix que le chômage, s’ils veulent continuer à vivre dans le pays de leurs ancêtres.

Les Inuit à l’école : décrochage, « défonçage » ou chômage ?

Les problèmes posés par l’école, ou que cherche à solutionner l’école, ne sont pas simples en milieu inuit. J’en tracerai les grandes lignes à partir de l’exemple d’Igloolik qui exprime assez bien la situation générale de l’éducation dans l’Arctique canadien et peut servir à illustrer la complexité inhérente à toute tentative d’instauration d’un système d’éducation dans un contexte multiculturel. Lorsque dans les années 1950 les Eglises missionnaires assumaient seules la responsabilité de donner une instruction scolaire et religieuse aux enfants inuit elles avaient à faire face à la dispersion des groupes, à leur mobilité saisonnière et au fait qu’il était plus difficile de rejoindre les garçons que les filles parce ceux-ci devaient accompagner les chasseurs afin de leur apporter de l’aide et de s’initier aux tâches masculines. Pour les enfants qui néanmoins réussissaient à suivre l’équivalent d’un cycle primaire se posait alors un nouveau problème, celui de la poursuite de leurs études qui ne pouvait se faire que dans un pensionnat religieux, installé en milieu inuit, à des centaines de kilomètres au sud d’Igloolik. Plusieurs dizaines d’enfants furent ainsi envoyés à Chesterfield Inlet où ils durent s’initier à des conditions toutes nouvelles de vie : nouvelle alimentation, nouveaux horaires, nouveaux vêtements, utilisation constante d’une autre langue, l’anglais ; et vie de pensionnaires coupés de leurs famille, encadrés par des religieuses et astreints à un code moral plus proche de la vie monastique que de la tradition inuit. Ce déracinement drastique et cette immersion dans une autre culture a produit une génération de métis culturels qui, paradoxalement, pour une région restée très traditionnelle par rapport au reste de l’Arctique, a fourni de nombreux leaders aux divers organismes inuit mis sur pied dans la période subséquente. On compte aussi parmi eux beaucoup de déracinés qui éprouvent de grandes difficultés à définir leur identité. Durant les années 1960 l’instauration d’écoles publiques dans la plupart des villages inuit avec des normes d’éducation canadiennes, c’est à dire une scolarisation obligatoire, entraîna un bouleversement dans la vie du nord et une sédentarisation croissante de la population qui bientôt s’aggloméra autour des missions, des magasins et des écoles. Seuls les hommes partaient encore sur les terrains de chasse et pêche, durant l’automne et l’hiver. Au retour du printemps, par contre, les villages se vidaient et un grand nombre de familles repartaient pour plusieurs mois dans leurs camps traditionnels ; ce qui n’était pas sans poser problème au personnel enseignant. Dés la création des nouvelles écoles on assista à une baisse généralisée du niveau scolaire des enfants, car auparavant, à l’école du Missionnaire, l’instruction se donnait dans la langue inuit alors que les nouveaux enseignants fraîchement arrivés du sud ne parlaient que l’anglais. Après plus de vingt années d’expérience scolaire laïque à Igloolik quel bilan peut-on maintenant dresser ? Jusqu’à récemment l’école du village, n’assurait qu’une partie du secondaire et les étudiants devaient, pour continuer leur scolarité, se rendre à Iqaluit, capitale de la région, où, séjournant dans des pensionnat laïcs, ils étaient exposés à tous les problèmes d’une ville surpeuplée, par rapport aux villages traditionnels, et comptant près de cinquante pour cent de travailleurs blancs venus du sud. Abus d’alcool, usage de drogues, criminalité, suicides, y étaient monnaie courante, au point que nombre de familles préférèrent garder leurs enfants avec eux plutôt que de les exposer à de tels risques. Au cours des années 1970 des investissement scolaires de plus d’un million de dollars furent réalisés à Igloolik ce qui permit d’augmenter le nombre de classes et de doter l’école d’une infrastructure ultra-moderne, notamment d’un grand gymnase, d’une bibliothèque et d’un appareillage audio-visuel sophistiqué. Une partie du personnel enseignant, venu du sud, s’était établi dans le village pour une longue durée, avait appris la langue inuit et pouvait avec l’aide de professeurs assistants inuit prodiguer un enseignement dans la langue inuit pour les premières années du primaire. Cette expérience, réussie au primaire, n’est que partiellement poursuivie au niveau secondaire ce qui laisse entier le problème de la communication linguistique à l’école où l’anglais domine.

L’incompatibilité des « espace-temps » inuit et canadien constitue certainement le second grand problème auquel doit faire face l’école en milieu inuit. Le calendrier du sommeil et des activités inuit était en effet traditionnellement réglé sur le cycle de l’éclairement, du climat et des mouvements du gibier ; il comportait deux grandes périodes de six mois chacune, la première commençait à l’équinoxe d’automne, c’est à dire à la pleine lune de septembre et s’achevait à la lune de mars, à l’équinoxe de printemps. Durant ce temps, comme l’ont bien vu Boas (1888) et Mauss (1906), la vie sociale et religieuse battait son plein, repas collectifs, tournois de lutte et de chants, séances chamaniques, étaient fréquents. C’était aussi le temps où les prescriptions et les prohibitions étaient les plus nombreuses et les plus sévères. Au centre de cette période, les fêtes de Tivajuut, évoquées plus haut dans cet article, visaient à resserrer la solidarité du groupe face à la menace de l’obscurité totale, de l’absence des migrateurs et de la non reproduction de la vie. Il s’agissait donc d’une période clé dans la transmission sociale du savoir collectif et dans la ritualisation de la reproduction sociale du groupe, à travers le rire, le grotesque, la mascarade, l’échange des conjoints et la transe chamanique. À l’inverse, la seconde période, allant de la lune de mars à celle de septembre culminait à la lune de juin, lune des œufs, de l’éclairement absolu, du retour de tous les migrateurs et de leur reproduction ; période qui n’était pas exempte de fêtes, mais qui donnait lieu à la plus grande dispersion, à l’assouplissement maximal des tabous, aux activités productives les plus longues et les plus intenses. Il est étrange de constater que l’assiduité scolaire la plus régulière correspond à la première période, et l’absentéisme généralisé à la seconde. Or les programmes scolaires établis dans le sud par des fonctionnaires ne tiennent aucun compte de cette réalité culturelle et écologique. Il faudrait ajouter aussi que l’assiduité scolaire pose problème aux familles qui ont décidé de retourner vivre sur leurs anciens terrains de chasse car elles doivent choisir entre se couper de leurs enfants d’âge scolaire, les priver d’école ou tenter d’improviser une instruction scolaire de substitution à domicile.

Les difficultés d’apprentissage, telles que définies selon les critères du sud, semblent affecter un nombre très important d’enfants inuit, qu’il s’agisse de la vision ou de l’audition. Mais quand on connait les méthodes traditionnelles inuit de transmission du savoir, telles que décrites plus haut, à savoir l’inversion des rôles, la pédagogie imitative, analogique et homéopathique, les changements d’échelle et le suivi individuel par des ‘tuteurs’ comme l’accoucheuse et les personnes âgées, on peut se demander si ce sont les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage, ou les méthodes d’apprentissage qui présentent des difficultés d’adaptation au contexte inuit ? Les cours de ‘culture’ posent aussi problème, en raison du manque d’outils didactiques et de l’utilisation de ressources humaines extra-scolaires. Il semble en effet que les écoliers aient du mal à respecter la discipline lorsqu’on introduit dans un cours des non-professionnels de l’enseignement, en l’occurrence des anciens du village, hommes ou femmes . C’est pour répondre aux inquiétudes des parents inuit devant l’ignorance de leurs enfants, à propos de la culture inuit, que des cours de culture ont été introduits dans les programmes scolaires et sont dispensés par quelques inuit connus pour leur savoir. Il semble très artificiel de vouloir insérer la « culture inuit » dans un système aussi fermé que le système scolaire, du moins de cette façon là ; c’est ramener la culture au folklore, à l’exotisme et au passé, c’est vouloir transmettre aux petits Inuit l’image de la culture inuit que nous Occidentaux avons construite. Mais les problèmes ne concernent pas seulement les horaires, l’assiduité, les programes ou la disciplines, comme le prouvent deux incidents survenus à l’école d’Igloolik au cours des dernières années ; incidents qui en disent long sur la distance séparant les deux cultures. Le premier concerne une fillette de douze ans qui se vit interdire, un jour, l’accès aux toilettes des garçons par son institutrice. Pendant plus d’une année cette dernière avait cru avoir affaire à un garçon en raison de la coupe de cheveux, de l’habillement, de l’allure et des jeux très masculins de l’enfant qui de surcroit utilisait de façon courante les toilettes des garçons. Ayant eu à compiler les dossiers individuels des enfants, l’institutrice abasourdie découvrit sa méprise et décida de sévir envers ce qui lui apparaissait un signe de perversité chez l’enfant. Devant le refus d’obtempérer de cette dernière, l’institutrice convoqua la mère qui lui répondit à peu près en ces termes : « Ma fille est un garçon et ce n’est pas vous qui affirmerez le contraire ! », puis décontenancée devant l’incompréhension du professeur, la mère saisit le conseil des parents d’élèves de l’affaire. Ebranlée, l’institutrice demanda, et obtint son rapatriement dans le sud. La fillette appartenait en fait à ce que nous avons décrit plus haut, comme un ‘troisième genre’ ; c’est à dire qu’ayant reçu à la naissance le nom et l’identité d’un parent défunt, de sexe masculin, elle avait été travestie et socialisée comme un garçon. Évidemment le dualisme rigide qui prévaut en Occident à propos des catégories de sexe-genre, dualisme fortement exprimé par l’éducation scolaire entrait en contradiction flagrante avec l’approche inuit beaucoup plus subtile des catégories sociales de genre. Dix ans plus tard, dans la même école, une jeune fille de quatorze ans, vêtue et socialisée comme un garçon décida d’abandonner l’école car elle était en butte aux critiques de ses professeurs et aux moqueries des autres élèves qui tentaient de la convaincre que cette coutume était ridicule. Ancrée dans son identité et forte de ses capacités de chasseur, la jeune fille rejoignit ses parents dans leur camp de chasse et, depuis, est la principale assistante de son père pour la chasse, la pêche et les voyages.
À l’école du Blanc, il faut être un garçon ou une fille, en accord avec l’État civil, il n’y a pas de place pour l’ambigüité. Il faut suivre le règlement, être à l’heure et progresser dans l’apprentissage… comme il faut avoir un nom de famille (coutume que n’avaient pas les Inuit) et un prénom stables, une identité définie ; à l’école du Blanc les jours et les lieux sont découpés de façon telle qu’ils se ressemblent tous, quelque soit le temps qu’il fait dehors, quelque soit la saison, quelque soit la vie de la communauté, la vie de l’individu… Lors d’une rencontre portant sur la culture inuit, dans le village de Povungnituk, entre des délégués des divers villages du Québec arctique, et du Ministre québécois des Affaires culturelles, les notables du village présentèrent au Ministre une pétition réclamant son support pour la creation d’une école autonome . Poli, le Ministre répondit qu’il transmettrait le document à son collègue de l’éducation. « Non rétorquèrent les Inuit, si nous étions des Blancs, nous irions voir votre collègue, mais pour nous, Inuit, l’éducation est une affaire de culture, ce sont notre langue, nos techniques et nos traditions culturelles qui sont en jeu, c’est la capacité pour nos enfants de survivre dans le pays de leurs ancêtres… » penaud, devant cette magistrale leçon de politique, le Ministre promit de prendre en considération la requête…
L’école pose problème dans l’Arctique, comme elle pose problème partout dans le monde lorsqu’elle sert les intérêts d’une culture au détriment d’une autre ou des autres. Mais avant de chercher à inventer une ‘éducation interculturelle’, c’est à une réflexion sur la nature de notre système d’éducation scolaire qu’appellent les exemples cités plus haut, c’est à une réflexion aussi sur le mode de connaissance que nous privilégions en Occident, après quatre siècles de mouvement des idées, et après l’exclusion progressive d’autres modes de connaissance qui firent pourtant partie de notre expérience historique.

À l’école de Lévi-Strauss ?

Un peu plus de quatre cent cinquante ans après sa fondation en plein Humanisme, le Collège de France élaborait, en 1985, des Propositions pour l’enseignement de l’avenir destinées à guider l’école de demain. Visiblement influencées par l’anthropologie (notamment celle de C. Lévi-Strauss et P. Bourdieu) enseignée dans cette Institution de prestige, qui reconnaît l’unité de la science et la pluralité des cultures, ces propositions s’appuient sur un certain nombre de principes dont le premier se lit comme suit :

Un enseignement harmonieux doit pouvoir concilier l’universalisme inhérent à la pensée scientifique et le relativisme qu’enseignent les sciences humaines attentives à la pluralité des modes de vie, des sagesses, des sensibilités culturelles. (Collège de France 1985 : 4).

C. Lévi-Strauss (1973 : 322) voit dans l’anthropologie moderne un nouvel humanisme, à la fois universel et démocratique, qu’il oppose à l’humanisme exotique et bourgeois du XIXe siècle et à l’humanisme classique et aristocratique de la Renaissance, en lui faisant réunir dans un même creuset « le moi et l’autre, ma société et les autres sociétés, la nature et la culture, le sensible et le rationnel, l’humanité et la vie » (Ibid.p.56), comme l’avait préconisé J.J. Rousseau, deux siècles auparavant. Déjà dans la ‘finale’ de L’Homme nu (1971) Lévi-Strauss en appelait à l’unification des différents modes de connaissance et des différents types de pensée développés dans les siècles précédents :

Commence à entrevoir que la pensée du présent siècle et du prochain pourrait moins s’opposer aux siècles Le relativisme culturel serait un enfantillage si, pour concéder la richesse des civilisation différentes de la nôtre /…/ il se croyait obligé de traiter avec condescendance /…/ le savoir scientifique qui, quels que soient les maux qu’ont entraînés ses applications et ceux plus accablants encore qui s’annoncent, n’en constitue pas moins un mode de connaissance dont on ne saurait contester l’absolue supériorité. /…/. C’est seulement depuis quelques années que la science prend une autre tournure. En s’aventurant dans des domaines plus proches de la sensibilité, nouveaux pour elle mais qu’en fait elle redécouvre, elle prouve que le savoir ne progresse désormais qu’en s’élargissant pour comprendre d’autres savoirs /…/ la pensée abstraite et le savoir théorique, allant de l’avant s’aperçoivent qu’ils retrouvent en même temps, /…/ les leçons inépuisables d’un monde sensible qu’ils avaient d’abord cru devoir récuser./…/Car s’il est vrai que, pour devenir scientifique, la pensée du XVIIe siècle s’est opposée à celle du Moyen Age et de la Renaissance, on à entrevoir que la pensée du present siècle et du prochain pourrait moins s’opposer aux siècles immédiatement antérieurs qu’accomplir la synthèse de leur pensée et de celle - dont on découvre que la problématique n’était pas entièrement dénués de sens - des siècles qui les ont précédés. (C. Lévi-Strauss, 1971 : 569).

Dans le sillage de cette pensée il semble que l’on puisse espérer construire une éducation interculturelle en s’appuyant sur une pédagogie de la relativité, inspirée de celle de Rabelais comme de celle des Inuit. Pédagogie qui redonnerait au grotesque, au rire et au corps la place qu’ils ont perdu au cours des siècles passés ; dans une relation personnalisée et individualisée, comme l’avait aussi souhaité J.J. Rousseau, mais en désinfantilisant l’enfant, en lui redonnant accès à la vie, au monde des adultes. Pédagogie qui introduirait, à côté de l’approche analytique, une approche synthétique qui développerait chez l’élève le sens de la globalité. Pédagogie enfin qui, à côté du rationnel, saurait faire place au rêve, à l’imaginaire, et pourquoi pas à la transe. Alors peut-être le dialogue avec les autres cultures, avec les autres peuples se ferait-il plus aisément, peut-être aussi l’Occident réapprendrait-il à vivre, à reproduire la vie, afin de voir à nouveau la pensée s’épanouir.

Bernard Saladin d’Anglure, professeur émérite, Université Laval, Québec

Ouvrages cités

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NOTES