Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Philippe Chanial

C. Jon Delogu :
Ralph Waldo Emerson, une introduction

Texte publié le 21 avril 2007

Les Perséides, 2006, 151 p.

L’œuvre de celui qui fut le premier public intellectual américain n’est que récemment revenu sur le devant de la scène philosophique. Aux États-Unis, grâce à l’œuvre importante de S. Cavell, et, en France, grâce aux travaux de Sandra Laugier qui ont contribué à nous les faire connaître l’une et l’autre, ou plutôt l’une par l’autre. Avec cet bref ouvrage de C. J. Delogu, le lecteur français dispose désormais d’une introduction raisonnée au transcendentalisme emersonien. Articulant avec une grande fluidité la métaphysique, la morale, la politique et l’esthétique d’Emerson, l’auteur en dévoile toute la cohérence et la radicalité sans jamais faire violence à une œuvre foisonnante, voire erratique, ouvrant ainsi au lecteur une multiplicité de pistes d’interprétation. S’y révèle notamment une philosophie de la vie qui, tout à la fois, appelle à une affirmation de soi – « man is his own star »- , propre à résister à toute forme de conformisme et à un effacement de soi, comme ouverture, confiance et piété envers ce qui est. Et, dans son prolongement, une philosophie de la démocratie qui, à l’instar de celle de ses amis Thoreau et Whitman ou de ses héritiers pragmatistes comme Dewey, conjugue une métaphysique panthéiste privilégiant la continuité, les relations réciproques entre toutes choses – « all things are moral  » - et un individualisme radical, sacralisant le common man. Où l’on mesure toute l’étroitesse du libéralisme américain contemporain … Et toute la proximité de cette œuvre inclassable avec celle de Mauss. Explicite, dans sa conférence « Dons et présents », publiée dans l’excellent recueil La confiance en soi et autres essais (Rivages poche, 2000) : « Le seul présent, le seul don est un fragment de toi même. C’est un peu de ton sang qui tu dois m’offrir (…) Cela est juste et agréable, car la société se trouve ramenée à sa base primitive, lorsque la vie d’un homme s’exprime dans le don qu’il fait ».

NOTES