Recension de Barbara Carnevali, 2020, Social Appearances. A Philosophy of Display and Prestige, traduit par Zakiya Hanafi, New York, Columbia University Press. ISBN 9780231187077
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La parution de l’ouvrage « Social Appearances. A Philosophy of Display » (traduit de l’italien par Zakiya Hanafi, New York, Columbia University Press. ISBN 9780231187077) de la chercheuse réputée Barbara Carnevali, aujourd’hui maîtresse de conférence à l’EHESS, constitue un événement. Cette recension critique reprend les échanges qui ont eu lieu entre l’auteure et l’auteur du présent texte lors du colloque « Esthétique & Critique » organisé par Emmanuel Alloa à l’Université de Fribourg, Suisse, les 27 et 28 novembre derniers (2020) par voies virtuelles (pandémie oblige). Ce texte est à lire comme une invitation au dialogue et la reprise de la problématique de l’auteure en lien avec les travaux du MAUSS sur de nombreuses questions, dont la reconnaissance, la subjectivité, la relation, la gratuité, le prestige et bien entendu le don. (FG)
Dans Social Appearances, traduction remaniée d’un opus paru en italien en 2012, Barbara Carnevali, aujourd’hui maîtresse de conférence à l’EHESS, entend ni plus ni moins fonder un nouveau champ disciplinaire, celui de l’esthétique sociale. Venant de la théorie critique et empruntant une voie qui rappelle beaucoup celle, innovante et ici complémentaire, d’Eva Illouz, Carnevali remet en question le cadre essentiellement normatif, a priori, de l’École de Francfort en ce qui a trait à la mode, la publicité, la culture populaire et le « narcissisme » de la culture moderne. Partant du constat de l’importance croissante des apparences dans la culture consumériste et globalisée actuelle, baignée dans les images et tendue dans les flux des médias sociaux, l’auteure avance à juste titre qu’il est important et même urgent pour la philosophie de trouver de nouvelles perspectives pour penser l’aspect esthétique et sensible du Lebensstil consumériste à l’ère digitale.
En effet, la pensée moderne, enracinée dans le dualisme ontologique chrétien (l’ici-bas et l’Au-delà, le corps et l’Esprit), a systématiquement dédaigné les apparences, faisant de ces dernières autant de masques (chap. 2) recouvrant et détournant de la vérité et de la réalité dernière, par exemple l’intériorité et le moi authentique chez Rousseau, philosophe auquel l’auteure a consacré un précédent livre. La forme du présent ouvrage, en trois parties, se joue de l’académisme en avançant sur plusieurs fronts à la fois et en tissant ce qui relève de la discussion critique autant que de l’histoire des idées à travers un flux dynamique et souvent passionnant de chapitres traitant de la profondeur sociale des apparences. Le tout compose un ouvrage vif, complexe, profond et à bien des égards salutaire qui peut se lire de manière décousue ou plus traditionnellement du début à la fin, et dans lequel on ne se lasse jamais.
Carnevali écrit : « The way people appear to one another is the unavoidable medium of their mutual relations that constitutes the shared substance of the social world. Through its appearance, the I addresses another I and connects with it. » (p.5, emphase dans le texte) Comment récuser en effet que le social se compose de l’exposition et de la friction des apparences ? La construction de profils sur les médias sociaux n’est-elle pas l’expression d’une donnée sociologique et anthropologique plus fondamentale par lesquels les êtres humains sont des acteurs sommés de se présenter et de se représenter ?
Pour Carnevali, il faut se déprendre de la « métaphysique des deux mondes » (p.57) qui fait une distinction ontologique et morale entre l’apparence et la réalité, de même qu’il faut se défaire du paradigme romantique qui a procédé, au XIXe siècle, au découpage de la « sphère » de l’esthétique du tout social. Il faut enfin se libérer de « l’anticapitalisme esthétique » issu de Marx et par lequel les apparences sociales ne sont que la manifestation des mécanismes de l’économie de marché et du fétichisme de la marchandise. L’auteure fait remarquer que cette autonomisation romantique de l’esthétique (qui culmine dans le mouvement de « l’art pour l’art ») se fait au moment même où l’économie politique isolait l’économie : à la gratuité et au superflu de l’esthétique s’oppose l’utilité, la nécessité et la non-gratuité de l’économie. Voilà bien la structure épistémique moderne de la création de la valeur.
L’auteure puise dans une riche variété d’auteurs, dont en particulier Georg Simmel, Harmuth Plessner, Hannah Arendt, Erwin Goffman et Pierre Bourdieu. Partant de l’idée selon laquelle « Everything that is social appears sensibly and therefore aesthetically » (p.xvii), Carnevali cherche à faire des sens et du sensible la condition de possibilité du lien social : « Whatever the « intention » behind it, appearance is what creates an intersubjective bond and establishes and represents that bond, making society a complex web of sensible relations. » (p.5) On voit en quoi cette perspective a de quoi intéresser les amis du MAUSS. Disons tout de suite que le pari général fait par Carnevali est réussi, et qu’il ne fait aucun doute qu’il faut revoir le statut du sensible et de l’apparence pour penser la constitution des sociétés et des subjectivités, et on ne peut que recommander la lecture de ce livre et sa prise en compte dans les débats en langue française.
La théorie proposée commence par un « je » redoublé : d’une part, un je réflexif qui se prend lui-même pour objet comme on se regarde dans un miroir, à la suite de Rousseau et surtout de Plessner, et un jeu relationnel d’autre part qui cherche la reconnaissance dans le regard de l’autre. Carnevali dénonce à bon droit la manière dont la question de la reconnaissance par Ricœur et Honneth a été abordée par un biais éthique et cognitif respectivement qui laisse peu de place à une prise en compte du sensible, si ce n’est parfois le sens de la vue. De beaux passages nous amènent à contempler les dispositions tantôt plus objectives tantôt plus subjectives des sens (chap. 12), de la vue à l’ouïe, puis du toucher, de l’odorat et du goût. C’est bien par le sensible que nous prenons conscience des autres et que l’on s’en fait un premier jugement. Nos jugements esthétiques et moraux sont toujours imprégnés d’émotion et d’affect. Ce serait d’ailleurs sur la base d’un sentiment de plaisir ou de déplaisir que se fonde en premier lieu nos jugements moraux selon l’auteure, qui recoupe ici, d’une manière bien surprenante il faut le dire, l’anthropologie binaire de Bentham et de l’utilitarisme (j’y reviendrai).
Carnevali définit plus avant le « désir de plaire » (will to please) aux autres comme à soi-même comme une forme de vanité, une « attitude égocentrique » (p.60). Voilà qui motiverait les sujets à rechercher « des formes d’échanges sociaux de manière ininterrompue, puisque le je qui s’intéresse à son image a besoin de chercher une forme de validation à travers ses réflexions dans le miroir des autres et de s’évaluer, par comparaison, avec d’autres sujets sociaux » [1] (p.60). L’auteure cite Simmel, pour qui la vanité a « besoin des autres afin de les dédaigner », rejoignant par-là Hobbes, La Rochefoucauld et même de Mandeville.
Ces quelques lignes, loin de rendre justice au travail de l’auteur, donnent toutefois un aperçu suffisant pour engager une discussion critique. La définition du sensible comme étant divisible en plaisir ou déplaisir arrive de manière inopinée dans le texte, mais cela s’avère un moment charnière par lequel l’analyse prend une direction utilitariste qui, sans jamais être excessivement manifeste, ne se dément pourtant pas au fil de la lecture. On peut, pour faire court, imputer cette orientation à l’influence de Bourdieu et à l’attrait que De la distinction a eu de manière avouée dans le parcours de l’auteure. La théorie du goût de Bourdieu, pour faire court, et sa sociologie plus largement, est une habile conjonction de Marx, en ce qui concerne les mécanismes de domination présidant à la reproduction sociale, et d’Adam Smith, en ce qui concerne l’individu, que l’on conçoit comme étant essentiellement stratégique, intéressé et maximisateur. Alain Caillé a élaboré une critique étayée de l’œuvre de Bourdieu [2], et je me contenterai donc d’en reprendre les grandes lignes en ce qui concerne les effets à mon avis néfastes de sa pensée sur la constitution d’une esthétique sociale. L’auteure prend ses distances à l’endroit de Bourdieu à quelques reprises, et on ne retrouve pas du tout le diagnostic noir et l’idée d’un processus mécanique et sans issue de reproduction sociale des élites dans ce livre, par exemple. Néanmoins, les éléments essentiels du système de Bourdieu demeurent et constituent en grande partie l’édifice théorique.
Pour Bourdieu, la distinction est toujours synonyme de hiérarchie et ultimement de domination et de pouvoir, et c’est le cas ici. La possibilité d’une distinction sans hiérarchie, sans prise de pouvoir sur l’autre ou d’instrumentalisation n’est pas évoquée comme possible, tandis que la reconnaissance qui est recherchée dans le regard de l’autre vise à satisfaire une forme de vanité qui peut conduire jusqu’au mépris. Il en résulte une structure sociale qui ne peut être que hiérarchisée. De la même manière, le jeu des désirs d’être apprécié et reconnu (la « libido sociale », p.170) « mène à la compétition universelle et la lutte pour la distinction » (p.173).
Carnevali puise encore chez Bourdieu, dans le chapitre 15 joliment intitulé « Prestige and Other Magic Spells » (pp.190 ssq). Elle y critique l’économicisme de Bourdieu, patent dans sa réduction de l’esthétique au « capital social », et insiste plutôt sur l’autonomie des objets et des images, qui ont leurs « propres pouvoirs » (own powers, p.193). Elle préfère parler de prestige plutôt que de capital social, rappelant l’étymologie latine qui évoque le « tour » (de magie), « l’illusion » et le « charme » (spell), significations que le mot prestidigitation rend évidentes. Le prestige devient ainsi un synonyme de charisme : « a force that acts as a social magnet, sparking the active force of belief and desire in the magnetized subject. » (p.199) Le prestige, de surcroît, est interactif, fondé sur une relation intersubjective. Ainsi est-il, comme le capital social de Bourdieu, un tour de magie, « a seductive trickery », illusio, et essentiellement une déception. Le charisme et sa force n’agissent ainsi que comme assujettissement.
Au final, c’est l’entreprise même de Carnevali qui se retourne contre elle-même : cherchant à légitimer l’importance et la profondeur sociale des apparences, le passage par Bourdieu dévoie l’analyse pour retomber sur une grande supercherie qui sert ce qu’il convenait de dépasser, à savoir la domination et la reproduction sociale. [3] Le ton enjoué et la beauté du style de l’auteure, ses clins d’œil au magazine féminin Vanity Fair, ne suffisent pas pour éviter la réduction bourdieusienne à la détermination sociale et l’intérêt pour soi. On ne donne pas tant chair à l’apparence, à la corporéité et au sensible au final qu’on en démontre (et démonte) la fonction de mystification. Les théories du soupçon que l’on avait poussées par la porte reviennent par la fenêtre. Le sujet sensible, sous ses vêtures, est un pervers.
Il n’en faut pourtant pas beaucoup pour remettre l’entreprise sur les rails, une fois écarté Bourdieu. En effet, les réflexions de Carnevali se sont effectuées en parallèle à celles menées au sein du MAUSS. Je pense notamment à celles consacrées à la reconnaissance, à la gratuité, au politique et à la relation. Il est singulier que l’auteure n’ait pas poursuivi son investigation du concept de prestige dans les travaux de Marcel Mauss et les sociétés « archaïques ». Ce que l’auteure écrit au sujet du prestige recoupe largement ce que condense la notion de mana. Le passage par le mana et le prestige archaïque, en jeu notamment dans le don agonistique analysé si finement par Mauss, ne mène pas à la seule domination (sauf dans la lecture erronée qu’en fait justement Bourdieu). Le mana est ambivalent, comme le don : à la fois potentiel vivifiant et mortifère, capacitant et aliénant, subjectivant et obligeant, etc.
Tout l’intérêt de la pensée de Mauss, auquel Carnevali renvoie par ailleurs ici et là, mais jamais sur des points déterminants, est justement son insistance sur la complexité et l’ambivalence. Ainsi, le désir d’être reconnu et d’être aimé ne doit aucunement se réduire à une stratégie qui instrumentalise l’autre dans une lutte de tous contre tous. Comme le montre Mauss, le désir d’être reconnu comme donateur nécessite la reconnaissance de l’autre comme sujet qui compte, ou à tout le moins existe. [4] Abordé sous cet angle, le politique ne se réduit pas à la domination et au pouvoir : il y a aussi, et sans doute avant tout, l’alliance. Comme il ne peut avoir qu’une sociologie de la politique (les jeux de pouvoir) chez Bourdieu et non une sociologie du politique (l’être ensemble et l’instituant du pouvoir), une réelle discussion sur les dimensions politiques du sensible fait défaut ici. Il manque également la dimension, fondamentale il me semble quand on parle d’esthétique, de la gratuité, évacuée par Bourdieu comme figure de l’impossible. [5]
Bien que l’auteure insiste sur le caractère relationnel de la subjectivité, cette relationalité demeure seconde et exogène (comme chez Bourdieu, à nouveau [6]) par rapport au sujet qui, déjà constitué, peut s’observer lui-même et projeter son désir d’apparaître. Or cet « état de nature » a tous les attraits de la fiction, et comme dans les méditations de Rousseau, on part d’un sujet adulte, fut-il couché dans une barque. Il semble utile à rebours de partir de l’enfant, et à ce titre il semble acquis que le développement de la subjectivité soit le produit et non la condition de la relation, avant tout avec « la mère » (et le père, soyons de notre époque !) Autrement dit, la relation est première, et les subjectivités sont au mieux à penser comme étant co-instituées. [7] Abordée ainsi, il apparaît clairement que la reconnaissance, pour y revenir, est une reconnaissance de toutes les parties : celle qui la demande comme celle qui la donne ; les positions étant symétriques, interchangeables et à penser suivant les cycles du don. [8] De la même manière, le risque inhérent à toute relation (serai-je vu ? écouté ? pris au sérieux ? aimé ? refusé ? dénigré ?) apparaît irréductible à la seule instrumentalisation au nom de la vanité.
L’ambition de Carnevali est de fonder le lien social dans le sensible, une proposition forte qui, il me semble, est extrêmement prometteuse et complémentaire aux réflexions au sein du MAUSS. Or l’intérêt et la domination seuls ne font pas société. [9] Il ne peut y avoir de société sans une part d’altruisme, de gratuité, de liberté et d’obligation, le tout à la fois. La voie alternative proposée ici, et qui n’est autre chose qu’une invitation au dialogue, permet de reprendre à nouveaux frais le chantier si brillamment ouvert par notre auteure. Elle permet aussi de recoller des pans de son ouvrage qui demeuraient autrement disloqués, à commencer par ses réflexions sur l’irréductibilité de la sympathie (pp.161-165). Ajoutons celles sur l’importance des concepts de style et de style de vie (lifestyle), qui sont indispensables pour penser la socialité contemporaine.
Lorsque l’auteure écrit que « a lifestyle coincides with a way of being and thus contributes to defining the ontology of the social » (p.189, emphase dans le texte), la formule est d’autant plus juste et d’autant plus ample, il me semble, lorsqu’elle est dégagée de la vision figée et stratifiée du social induite par l’arrimage aux thèses de Bourdieu. De même l’idée suivant laquelle l’esthétique sociale renvoie « à une façon d’apparaître perçue et reconnue par d’autres » (p.189)
n’implique pas tant une lutte pour la reconnaissance qu’une quête universelle, qui peut ou non revêtir des formes de domination et d’instrumentalisation. On mesure alors toute la profondeur de la proposition selon laquelle « the style is the person », et que « the style is the society » (p.189, emphase dans le texte).
On comprend mieux l’absence de certaines références dans l’ouvrage de Carnevali, à commencer par celles de Merleau-Ponty et, peut-être surtout, de Lévinas. L’auteure cite ça et là Merleau-Ponty, il est vrai, mais le choix épistémologique qui est fait de l’utilitarisme, car c’est bien de cela, au fond, qu’il s’agit, empêche de véritablement plonger dans l’œuvre de ce dernier. Idem pour Lévinas, pourtant passage obligé de toute référence sur le sensible et la reconnaissance. Une fois délesté de son utilitarisme, pourtant, le travail de Carnevali ouvre de grandes perspectives dans lesquelles on peut en effet véritablement rencontrer Lévinas. Qu’est-ce que l’intuition de ce dernier si ce n’est l’indépassable gratuité, la constitutive fragilité et l’indétermination qui surgissent de la rencontre avec un autre, que ce soit un sujet ou une image ?
Il y aurait certes d’autres réflexions à faire sur cet ouvrage. Les historiens de l’art et les philosophes de l’esthétique chercheront sûrement à défendre l’irréductibilité de la forme et de l’esthétique contre toute tentative de réduction à des logiques sociales. Mais ici encore, mieux vaut prendre cet ouvrage pour ses qualités et comme une invitation plutôt qu’une entreprise néo-impérialiste. Il y aurait aussi d’autres pistes à ouvrir à partir du paradigme du don, comme la dimension de donation dans le charisme des personnes ou des œuvres (ces fameux « propres pouvoirs » des œuvres). Disons seulement pour finir que d’insister sur l’aspect gratuit du sensible et de l’esthétique comme des relations sociales ne signifie en rien nier la part d’intérêt et de mystification. Comme les auteurs du MAUSS s’évertuent à le dire et le redire depuis des décennies, dans le désert en partie, semble-t-il, le don archaïque de Mauss n’est pas la charité chrétienne. Mais il permet d’entrevoir que la gratuité, et ainsi le beau, le bon et le juste, sont possibles… et pensables ! [10]
[1] Les traductions de l’anglais sont miennes. J’ai toutefois choisi de conserver l’anglais pour l’essentiel, au titre que le propos est probablement compréhensible pour la majorité des lecteurs francophones.
[2] Voir Alain Caillé, « La sociologie de l’intérêt est-elle intéressante ? », dans Splendeurs et misères des sciences sociales (Droz, 1986, pp.99-116) ; Alain Caillé, Don, intérêt et désintéressement. Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres (La Découverte/MAUSS, nouvelle édition augmentée, 2005) ; et Alain Caillé, « Qu’est-ce qui ne va pas avec le don chez Bourdieu ? Le don n’est pas un acte économique mais un opérateur politique », dans Revue du MAUSS semestrielle no.52 (« Anthropologie du don », 2018, pp.74-88).
[3] On retrouve le curieux « anticapitalisme esthétique » de Bourdieu, repris à Marx, auquel se greffe une naturalisation (et donc une légitimation) de l’homo economicus de l’économie politique néoclassique, mouture Gary Becker.
[4] Il n’est pas possible de développer plus avant les arguments qui suivent dans le contexte de cette recension, mais on peut renvoyer aux travaux publiés du MAUSS sur la reconnaissance qui développent les différents aspects de la question, en particulier le numéro 23 (2004) de la Revue du MAUSS semestrielle, « De la reconnaissance. Don, identité et estime de soi », ainsi que Alain Caillé et Christian Lazzeri (dir.), La reconnaissance aujourd’hui (CNRS éditions, 2009) et Alain Caillé (dir.), La quête de reconnaissance. Nouveau phénomène social total (La Découverte/MAUSS, 2007).
[5] Sur la gratuité, voir le numéro 35 (2010) de la Revue du MAUSS semestrielle, « La gratuité. Éloge de l’inestimable ».
[6] Pour être clair, ce n’est pas qu’il faille rejeter Bourdieu en entier, en faire un bouc émissaire du MAUSS et relancer d’inutiles guerres de chapelles, mais plutôt de reconnaître les contradictions et les limites normatives et analytiques de sa pensée. On pourrait se résumer en disant que si Bourdieu a au plus à moitié raison (sur la reproduction sociale, sur le fait que l’intérêt constitue une motivation indépassable), il a au moins à moitié tort, et que cette moitié-là est tout autant indépassable que l’autre, surtout si l’on entend fonder une « esthétique sociale ».
[7] On ne peut trop recommander sur ce sujet la lecture du numéro 47 (2016) de la Revue du MAUSS semestrielle, « Au commencement était la relation… mais après ? ».
[8] Alain Caillé, dans Extension du domaine du don (Actes Sud, 2020) a en effet proposé de comprendre le cycle du don comme comportant quatre moments : demander, donner, recevoir et rendre. Cette proposition semble ici pleinement se justifier.
[9] Comme Durkheim et son École l’ont bien montré.
[10] On renverra pour finir au numéro 51 (2018) de la Revue du MAUSS semestrielle, « Le bon, le juste et le beau. Pour en finir avec la critique critique ».