Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Bernard Perret (et Alain Caillé)

Au-delà et en deçà des politiques de l’offre ou de la demande 
Vers une politique de démarchandisation

Texte publié le 22 novembre 2015

Abrégé du livre de Bernard Perret, Au-delà du Marché. Les nouvelles voies de la démarchandisation, Les Petits matins, 29015, composé par Alain Caillé

Tout le débat politique courant est structuré par l’opposition entre partisans des politiques de l’offre (baisse des coûts) et de la demande (relance de la consommation par augmentation es coûts ou endettement). Il ya là de vrais enjeux. Cf. la situation de la Grèce. Néanmoins tous ces débats sont polarisés par une même question : comment accroître le PIB ? Or la question la plus importante n’est peut-être pas tant celle là que celle de savoir comment vivre mieux à niveau de PIB, i. e, de revenu monétaire moyen constant. Prospérité sans croissance. L’essentiel de la réponse passe par une politique de démarchandisation (i.e. de réeencastrement de l’économie). Les grandes lignes d’une telle politique sont parfaitement définies par Bernard. Perret dans son livre Au-delà du Marché. Les nouvelles voies de la démarchandisation, Les Petits matins, 2015. Elles s’organisent en 8 grands axes :

Limiter les besoins monétaires

L’idée générale serait de réduire les besoins monétaires à la source en agissant sur la durée de vie et l’usage réel des biens, l’offre de services collectifs et la capacité des gens à coopérer dans leur intérêt mutuel.

En bref, lutter contre l’obsolescence programmée et pour l’allongement de la durée de vie des biens

Sur le vrai prix d’usage (avec coûts d’entretiens etc.) à la fois pour le consommateur individuel et pour la communauté

Cette mesure aurait pour double avantage de pénaliser la surconsommation et de réduire les dépenses des ménages à faible revenu.

Par exemple, L’interdiction de la publicité à domicile non sollicitée

S’appuyer sur le secteur public

L’approche par les coûts complets (incluant les externalités) devrait prévaloir le plus en amont possible dans les processus de décision et dans l’organisation des services publics.

Développer un service civique et un service public collaboratif

Comme on l’a observé plus haut, la cohérence globale d’une stratégie de démarchandisation suppose de pouvoir répondre aux besoins collectifs par d’autres moyens que la création d’emplois dans la fonction publique. Les mesures suivantes peuvent y contribuer.

Démocratie participative et gouvernance des communs

Envisager par exemple la création de nouvelles formes d’organisations coopératives d’intérêt général [1])

Une politique du temps au service de la pluralisation de l’activité

Les pistes qui restent à explorer sont celles qui exploitent au mieux les potentiels de synergie entre la réduction du temps de travail et d’autres pratiques et processus de démarchandisation.

Cette piste de réforme se combine de manière évidente avec l’idée de service public collaboratif. Sa mise en œuvre supposerait toutefois une gestion personnalisée et contractualisée des droits sociaux que la société française n’est peut-être pas prête à accepter.

Prendre en compte le non monétaire dans les processus de décision et de négociation

En 2015, prétendre organiser le commerce mondial en oubliant le climat est une absurdité.

Les pouvoirs publics doivent leur faciliter la tâche à travers l’étiquetage environnemental obligatoire, la réglementation de la signalétique et le contrôle des allégations sociales et environnementales de la part des producteurs.


Utiliser le levier de l’éducation

Cela passe notamment par :

Limiter le pouvoir évaluateur et prescripteur de la finance

Conclusion 
Il me semble (A.C.) que l’ensemble de ces mesures dessine une politique cohérente, assez aisément opérationnalisable. Ce n’est pas un catalogue de niakas, mais tout serait assez aisément transposable en textes de loi, décrets ou règlements. Pourrait servir à une politique de labellisation convivialiste.

NOTES

[1Voir les propositions de Hugues Sibille (Labo de l’ESS) : « Les collectivités territoriales se rapprochent de l’ESS, pour inventer de nouvelles coopérations d’intérêt général, telles que les société coopératives d’intérêt collectif (SCIC) qui se développent maintenant à grande vitesse ». Http ://www.lelabo-ess.org.