Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Olivier Favereau

La place du marché

Texte publié le 14 septembre 2010

Quelle place le marché occupe-t-il et doit-il occuper au sein de la société ? Et comment le penser, d’abord ? On lira ici la réponse du principal animateur de l’Ecole des conventions qui montre ses convergences avec les analyses de Karl Polanyi. Une typologie particulièrement éclairante et bienvenue des différents courants de pensée qui s’affrontent au sein de la science économique permet de bien saisir la spécificité de l’approche polanyienne-conventionnaliste.

(extrait) Les mots ne sont jamais ambigus par hasard. Ainsi de la « place » du « marché ». S’agit-il de l’emplacement ou de l’importance du marché ? Justement le mot français « marché » vient du latin « mercatus », dont il reprend la dualité de sens, le sens générique de « transaction commerciale », et le sens spécifique de « lieu où s’effectuent ces transactions ». La constitution de l’économie politique – dans le siècle qui va de 1720/30 à 1830 - est inséparable d’un long glissement du second sens vers le premier, non sans déformation de l’un et de l’autre : la dualité d’acceptions est devenue l’opposition entre (i) un site (la foire, la localisation du marché) et (ii) un mécanisme (la concurrence qui unifie les prix sur un espace indéterminé). Cantillon (1720/30) utilise « marché » dans le sens (i), tandis que Turgot (1750/70), le premier, combinera les sens (i) et (ii). A partir de Smith (1776), le sens (ii) commence à dominer la pensée économique, et cela deviendra manifeste avec l’avènement du marginalisme dans le dernier tiers du 19e siècle. Or si le marché comme site est nécessairement circonscrit dans le temps et dans l’espace, le marché comme mécanisme peut être utilisé plus ou moins intensivement, dans une société donnée, avec au moins à titre de possibilité logique le cas-limite où le marché occuperait toute la place. La place du marché devient une question économique. Il peut se faire qu’il y ait trop peu de marché – ou qu’il y en ait trop.
Mon propos est de faire l’inventaire des ressources de la théorie économique (en partant du courant dominant) pour aborder cette question...

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NOTES