Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

RDMP

Cengiz Aktar :
L’Appel au pardon. Des Turcs s’adressent aux Arméniens

Texte publié le 10 mars 2010

CNRS Editions, 2009.

« Ma conscience ne peut accepter que l’on reste indifférent à la Grande Catastrophe que les Arméniens ottomans ont subie en 1915, et qu’on la nie. Je rejette cette injustice et, pour ma part, je partage les sentiments et les peines de mes sœurs et frères arméniens et je leur demande pardon »

Istanbul, 15 décembre 2008
www.ozurdiliyoruz.com

OUVERTURE

Un appel sans précédent en Turquie et même peut-être ailleurs, fut lancé le 15 décembre 2008, à Istanbul. Des citoyens décidèrent, sur Internet, de demander pardon aux Arméniens pour la Grande Catastrophe de 1915* et l’oubli dont on a voulu la recouvrir depuis. Cette initiative citoyenne, relevant de la conscience individuelle, est devenue, avec le nombre croissant de signatures, un acte de mémoire collective. Adressée d’abord aux Turcs pour être mieux destinée aux Arméniens, elle a marqué un tournant irrévocable.

Cet appel a renversé les idées reçues. Il a montré que de nombreux citoyens ne sont pas dupes de la redoutable propagande négationniste à laquelle s’adonne leur Etat.

Cet appel a ouvert une brèche dans le mur de la négation que l’on ne pourra pas refermer. Ses quelques 30000 signataires ont brisé un tabou séculaire. Désormais, tout débat portant sur le génocide devra compter avec ces citoyens de Turquie, soucieux avant tout de la vérité.

Cet appel a été entendu. Il n’est pas allé, comme l’on pouvait s’y attendre, sans provoquer de très nombreuses réactions en Turquie et par delà, l’accueil positif qu’il a reçu dépassant de loin les inévitables polémiques qu’il a déclenchées.

Cet appel est gage d’avenir. L’instauration d’une politique de mémoire en Turquie, l’amorce d’une prise de langue entre les deux peuples, dans lequel la Diaspora arménienne devra prendre toute sa part, figureront certainement parmi ses retombées les plus durables.

En voici le récit.

* Le génocide arménien, le premier du XXe siècle commença en avril 1915. Au cours des déportations et massacres de masse planifiés par le gouvernement ottoman des Jeunes Turcs, ce peuple historique de l’Anatolie s’en est trouvé presque entièrement annihilé. (N.D.E.)

NOTES