Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Sylvain Dzimira

G. Dostaler, Keynes par-delà l’économie. C. Laval, Marx au combat

Texte publié le 3 novembre 2009

Chrisitan Laval, Marx au combat, coll. Troisième culture, Ed. Thierry Magnier, 2009, 149 p. 8,90€.
Gilles Dostaler, Keynes par-delà l’économie, coll. Troisième culture, Ed. Thierry Magnier, 2009, 153 p. , 8,90€.

Conçue pour « rendre accessibles les sciences humaines et sociales à un large public novice, et particulièrement aux lycéens et jeunes adultes », la collection Troisième Culture (Edition Thierry Magnier), dirigée par Guy Dreux, tient toutes ses promesses. Il faut dire qu’il sait choisir ses auteurs. Chrisitian Laval, avec son Marx au Combat et Gilles Dostaler, avec son Keynes, par-delà l’économie, mettent toute leur érudition et leur talent au service de ces deux illustres figures des sciences économiques et sociales effectivement rendues accessibles à un très large public. Mais ils intéresseront aussi les lecteurs plus férus de sciences sociales parce que C. Laval et G. Dostaler ne se contentent pas de proposer une énième présentation de Marx et de Keynes. Ils leur posent des questions originales qui font de leurs ouvrages bien plus que des petits manuels.

Christian Laval interroge ainsi sans concession l’actualité de la pensée de Marx, qu’il voit moins dans sa théorie – dont il souligne quelques écueils – que dans le sens de la vie et de l’œuvre de Marx : celui d’un combat contre une « forme sociale d’oppression dont il a cherché à penser la disparition » [p. 139]. Pour C. Laval, l’intérêt de Marx aujourd’hui réside finalement moins dans les éclairages forcément datés qu’il apporterait sur notre société et la crise qu’elle traverse, que dans les questions qu’il nous pose : que faisons-nous aujourd’hui pour comprendre les nouvelles formes d’oppression que nous connaissons, et pour les combattre ? Le lecteur curieux et motivé pourra prolonger utilement l’ouvrage de C. Laval par la lecture de son article récemment publié dans La Revue du MAUSS semestrielle n°35, Que faire, que penser de Marx aujourd’hui ?, article intitulé « Le progressisme de Marx et la politique athée. Quatre rapports possibles à Marx ».

Gilles Dostaler, l’un des meilleurs connaisseurs de Keynes au monde, interroge quant à lui l’économiste anglais dans ses rapports à l’économie. Les lycéens de la filière ES (notamment) et les étudiants en sciences économiques découvriront un Keynes qui ne leur est pas enseigné. Non pas que les idées économiques de Keynes ne soient pas présentées. Elles le sont, et d’une manière à ce point limpide que la trentaine de pages consacrées à l’économie suffisent à elles seules à justifier la lecture de cet ouvrage. Mais on y découvrira un Keynes autrement plus étoffé que celui habituellement présenté. Un Keynes féru de psychologie, de psychanalyse freudienne, de philosophie, d’arts, qui donnent à ses analyses économiques leurs fondements et à ses prescriptions leur sens. Fondements et sens d’une œuvre qui sont donc à rechercher en deça et « par-delà l’économie ». Le lecteur curieux et motivé pourra encore prolonger la lecture de ce petit livre par celle de son ouvrage paru en 2005 : Keynes et ses combats (Albin Michel). Dostaler concluait cette somme en soulignant que la vision du monde de Keynes est « fondamentalement anti-utilitariste, anti-matérialiste et anti-économiciste » [p. 457]. Ce qui n’était pas pour nous déplaire… avoir un tel allié ! Mais à vrai dire, l’anti-utilitarisme de Keynes ne nous était pas paru toujours évident (faute peut-être d’une définition de ce que Dostaler entend par utilitarisme). Ce gros livre, Keynes et ses combats, gagne à être lu sous l’éclairage de Keynes par-delà l’économie, qui en constitue, en quelque sorte, une excellente introduction.

Une belle livraison de cette jeune collection, consacrée à deux auteurs qui ont assumé les implications normatives de leurs découvertes scientifiques. Un choix qui nous convient bien...

NOTES