Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Fabrice Flipo

Economisme et rationalité écologique

Texte publié le 23 avril 2008

Pas de décroissance sans démocratie. Pas de démocratie sans prise en compte des multiples « rationalités », sans organisation du conflit entre les différentes interprétations du monde. F. Flipo condamne ici sans détour les tentations autoritaires - pour ne pas dire totalitaires - d’un certain écologisme.

A de petites nuances près, les écosocialistes semblent penser qu’écologie et exclusion pourraient être conciliées par des politiques publiques écologiques et riches en emploi, accompagnées d’une dose débattue de RTT, le tout générant une croissance dont le contenu aurait changé et serait désormais compatible avec l’écologie planétaire [1]. Ils s’accordent presque avec les écologistes keynésiens comme Lester Brown [2], ne différant que sur le degré de planification de l’économie.

La simplicité de la solution séduit. À ce degré de généralité et d’abstraction, difficile de lui opposer des arguments consistants. Les choses commencent à se dégrader lorsqu’on en vient aux travaux pratiques, ancrés dans le réel de la société. La simplicité se dégrade alors en simplisme, voire en oxymore. Cet article tente de mettre en évidence les différents éléments de la rationalité écologiste qui résistent à l’économisme, et donc aux totalisations économistes, en soulignant les divergences et les convergences possibles ou réelles d’avec d’autres rationalités. Cela nous amène à montrer la proximité de l’approche écologiste avec le Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales, le MAUSS. L’écologie politique s’en rapproche mais le renouvelle. La « décroissance », affirmant la nécessité d’une sortie de l’économie, ne voit pas uniquement les enjeux « sociaux » (démocratiques etc.) que le MAUSS poursuit depuis ses débuts. Elle avance une rationalité spécifique.

La vacuité du débat sur le contenu de la croissance

Qu’entend-t-on par « croissance durable » ? Au-delà de vagues principes sur la nécessaire protection de l’environnement et la nécessaire croissance économique, difficile de le savoir. L’une des thèses les plus courantes est qu’une telle croissance pourrait être obtenue par la croissance des emplois « de service » [3]. Le problème est que tout service s’accompagne d’une infrastructure de biens matériels. Aucun échange ni aucune information d’aucune sorte ne se passe de support matériel [4]. L’exemple de l’infrastructure numérique dont la contribution aux dégâts écologiques devient un enjeu majeur, consommant 5 à 10% de la facture électrique nationale et produisant des millions de tonnes de déchets, le montre bien [5]. Plus de professeurs ou d’assistantes maternelle dans une société productiviste donne plus de professeurs et d’assistantes maternelle avec plus de voitures et habitant des maisons plus grandes dans des banlieues pavillonnaires plus étendues. Les chiffres écologiques sont clairs : des sociétés fortement « tertiarisées » comme la Suisse n’ont connu nulle décroissance de leur empreinte écologique, seulement des effets de substitution d’une consommation à l’autre et un certain ralentissement de la croissance de leur empreinte [6]. Le rapport de la New Economics Foundation [7] est aussi clair que le rapport de Stefan Bringezu pour la Commission Européenne : le poids écologique de nos sociétés continue d’augmenter. Il n’y a pas d’exemple de pays ayant un fort PIB et une petite empreinte écologique : voilà une donnée majeure sur laquelle il faudrait s’interroger avant d’affirmer que les services, en droit, autorisent une croissance « légère ».

Le problème tient pour partie aux définitions utilisées par l’économie. La définition des services provient de l’ouvrage de Jean Fourastié. Il a nommé « tertiaire » l’ensemble des services dont la productivité ne peut pas être augmentée [8]. Le problème, c’est que les métiers inclus dans cette catégorie à l’époque de Fourastié ont évolué. Leur productivité a bel et bien augmenté, au moins sur le plan financier : les « automates » ont remplacé les guichetiers dans les banques et dans les postes. Ils produisent plus de « biens » et de « services » pour une même unité de temps. La cause est exactement la même que dans les autres secteurs : c’est toujours l’automatisation, c’est-à-dire la discipline dans la mégamachine et l’usage de l’énergie, qui permet d’augmenter les rendements financiers – du moins tant que l’énergie est peu chère. Le but est le même : augmenter la production. La conséquence écologique est identique : augmenter l’empreinte écologique. Les métiers sont inégalement touchés, certes. Mais même le métier de coiffeur, que Fourastié donnait en exemple, utilise désormais un grand nombre d’outils électriques, à durée de vie limitée, et c’est en voiture que l’on vient voir les coiffeurs.

Une autre partie du problème tient au caractère relatif de la dématérialisation. La tertiarisation repose en partie sur la délocalisation des usines polluantes, dont les produits sont tout de même consommés chez nous. Nous devenons des pays qui hébergent les holdings et les dirigeants, et la valeur ajoutée, ayant les autres pays pour atelier, dont nous utilisons les produits. Les pollutions globales remplacent les pollutions locales [9]. Non seulement les « gains de productivité » sont obtenus par des coûts sociaux et écologiques croissants, mais ils le sont aussi au prix d’inégalités mondiales croissantes. La thèse de la croissance durable ne répond pas à ces enjeux.

Ajoutons que sur le plan strictement économique l’addition des chiffres de nouveaux marchés ne conduit pas à établir la preuve qu’une croissance durable est possible sans contrevenir au développement durable. En effet ces nouveaux marchés vont se substituer aux autres. Brown n’imagine pas ajouter le marché des éoliennes à celui du pétrole mais remplacer le second par le premier. L’investissement, réorienté, ne va pas forcément augmenter en somme absolue. Aucune preuve, en somme globale, ne vient étayer l’idée que la croissance continuerait. La « croissance protectrice de l’environnement » ressemble fort à un oxymore… mais masque efficacement les débats sous-jacents à une éventuelle remise en cause de l’économisme sur le plan écologique.

En réalité « l’appareil productif » est aussi « l’appareil destructif », sur le plan écologique comme sur d’autres plans. Pour s’inscrire dans une démarche progressiste, il faudrait donc séparer les « gains de productivité » de ce qu’on pourrait appeler les « gains de destructivité » - sans cela le pouvoir d’achat est financé par l’endettement et la dégradation générale de la situation. Cela vaut dans le domaine écologique mais aussi dans le domaine social. On ne peut donc pas conclure, comme le fait Michel Husson [10], qu’une hausse des revenus conduit automatiquement à une meilleure satisfaction des besoins sociaux. L’objection n’est donc pas une mince objection. Elle a trait au positionnement des économistes dans la définition collective des besoins, des droits et du bien commun. Les mouvements écologistes voient l’extension des routes et des trajets non pas comme un bénéfice mais comme un coût – ce sont des « maux » et non des « biens ». Leur comptabilité est différente. Les modes de mobilisation aussi, comme le montre Michelle Dobré [11]. En additionnant aveuglément toutes sortes de productions, toutes sortes de « biens », sans jamais identifier de production de « maux », nos auteurs s’inscrivent pour eux dans une position « productiviste » qui aborde le capital technique comme quelque chose d’intrinsèquement positif, même s’ils divergent ensuite sur l’équité de sa répartition.

L’écoefficacité

Le tabou pesant sur la question de la croissance conduit à s’en tenir à l’écoefficacité : « toujours plus, mais mieux sur le plan écologique ».
Il est vrai que de ce côté-là les marges de progression sont énormes, du moins sur le plan technique : on parle de « Facteur 4 », c’est-à-dire deux fois plus de services pour deux fois moins d’impact écologique [12], voire de « Facteur 10 » [13]. Le scénario négawatt montre que nous pouvons obtenir le niveau de vie actuel avec deux fois moins d’énergie, en divisant par cinq nos émissions de gaz à effet de serre et en sortant du nucléaire [14].

L’écoefficacité repose sur de nouvelles comptabilités qui visent à établir le caractère plus ou moins « impactant » des objets mis sur le marché. Elles ne comptent plus en monnaie mais en kilogrammes de CO2, de déchets nucléaires ou de métaux toxiques. Une « analyse de cycle de vie » (« ACV » ou « écobilan » en langage courant) est « un bilan quantifié des flux de matière et d’énergie entrant et sortant aux frontières d’un système représentatif du cycle de vie d’un produit ou d’un service » [15]. Du point de vue de l’éco-efficacité, il suffirait alors de généraliser les solutions les plus efficaces pour pouvoir continuer de consommer sans remettre en cause les orientations du progrès.

Mais si l’on analyse un cas particulier, l’évidence de ces solutions s’obscurcit. Quand le Wuppertal Institut montre par exemple que le téléchargement est moins « impactant » que l’achat de CD [16], a-t-on là une solution qu’il suffirait de généraliser ? Rien n’est moins sûr : le bilan écologique flatteur n’est là que si l’usager n’utilise pas son graveur pour obtenir son CD. L’enjeu doit donc être reformulé : il n’y a pas lieu de choisir entre la solution « propre » et la solution « sale », comme si les deux étaient équivalentes, mais de choisir entre le téléchargement à volonté avec interdiction de graver les CD ou l’achat rationné de CD en magasin – la seconde solution ayant la possibilité d’être décentralisée et fortement modulable en fonction des conditions socio-écologiques. De la même manière, la simplicité apparente des énergies renouvelables se heurte au désir de contrôle d’EDF, grand monopole national héritier d’un intérêt général certes issu du Conseil National de la Résistance mais qui s’est quelque peu sclérosé depuis, et des syndicats qui préfèrent les grandes entreprises aux petites, en raison de la plus grande facilité à organiser le contre-pouvoir ouvrier.

Les ACV ont d’autres faiblesses bien connues. Elles basent leurs comparaisons sur des « unités fonctionnelles » qui se conservent, ainsi la fonction « écouter de la musique » dans le cas de l’étude citée plus haut. L’enjeu du social apparaît de manière plus évidente lorsque l’analyse porte sur une comparaison entre travail et télétravail, et qu’il s’avère que les bénéfices écologiques ne sont pas toujours évidents mais que les télétravailleurs sont bien plus sujets au surtravail que les autres [17]. Les ACV ne donnent pas non plus de possibilité de débattre du poids des impacts les uns par rapport aux autres – ici l’omission des déchets radioactifs, là les impacts sont noyés dans des « écopoints » dont l’arbitrage est opaque et technocratique [18]. Les ACV sont très coûteuses, une obligation d’y recourir équivaudrait à une élimination des petits acteurs, incapables de fournir les indications demandées. Les ACV peuvent donc fonctionner comme des barrières à l’entrée des marchés, renforçant les positions dominantes, et allongeant les détours de production qui sont justement à l’origine de la pollution grandissante… au contraire de l’objectif initial. Enfin les comparaisons sont généralement établies à « détour de production » [19] similaire alors que des différences bien plus grandes peuvent être observées en modifiant les détours de production eux-mêmes, comme l’indiquent les résultats de la comparaison des trois scénarios ci-dessous (hypermarché, supermarché de proximité et supermarché avec commande par internet).

On mesure les enjeux socioéconomiques d’un choix entre un détour de production et un autre…

L’enjeu est donc socio-écologique, jamais purement écologique. Les faiblesses des ACV sont connues mais elles sont très peu documentées du point de vue des sciences humaines. L’enjeu est pourtant des plus importants : comme pour le PIB et tant d’autres indicateurs, c’est au cours de leur construction que la démocratie doit être présente. Lorsqu’ils sont en place, le débat est quasiment clos. L’écologie pourrait déboucher sur une technocratie semblable à la technocratie économique, sans que les populations ne s’en aperçoivent.

L’enjeu de la sobriété

Les scénarios « écoefficaces » sont basés sur deux stratégies : déplacer les consommations vers les potentiels renouvelables non utilisés (exemple : énergies) et améliorer l’efficacité avec laquelle le service est rendu. Ils sont aveugles sur un point, que les économistes appellent « l’effet rebond » : les économies réalisées ici se traduisent là par de nouvelles dépenses. Les voitures consomment moins mais elles roulent davantage, les maisons consomment moins par mètre carré mais elles sont plus grandes etc. et dans l’absolu l’empreinte écologique continue de croître.

Seule la sobriété peut répondre à l’effet rebond. Pour elle, consommer mieux signifie consommer moins. Sans ce volet, l’efficacité revient à « augmenter moins vite la pollution », pas à la réduire. L’enjeu de la sobriété est donc un enjeu majeur, tant du point de vue écologique que démocratique car sans sobriété nous nous mettrons rapidement dans une situation proche de l’état d’urgence dans lequel l’exercice de la démocratie est suspendue.

Le scénario négawatt, entre autres, insiste bien sur ce point : sans sobriété il n’y aura pas de division par cinq des émissions de gaz à effet de serre en cohérence avec les objectifs plus généraux du développement durable [20]. Tous les autres scénarios sacrifient un ou plusieurs objectifs du développement durable : soit ils ne tiendront pas les engagements internationaux pris par notre pays, soit ils sacrifient la démocratie (exemple du recours au nucléaire [21]), soit ils s’en remettent aux utopies technologiques parfois surnommées « RANAP » (« recherches appliquées non applicables ») comme la séquestration de carbone, la transmutation des déchets nucléaires, les nanotechnologies, les biotechnologies, l’hydrogène etc.

Comment obtiendrons-nous la sobriété ? Seul J.-M. Harribey nous dit quelque chose d’explicite à ce sujet. Pour cet auteur, l’enjeu est de réhabiliter le principe d’économie. Distinguant, à la suite d’Aristote, l’oikonima de la chrématistique, il affirme que la première est une économie économe organisée par le « principe d’économie » et la seconde une économie dispendieuse dominée par le profit. Ce « principe d’économie » « est à la base même de ce que en langage familier on appelle la loi du moindre effort et que l’on peut étendre à l’utilisation des ressources de la planète » [22]. Cela revient finalement à appliquer ce qu’on appelle « l’efficacité » au sens économique du terme c’est-à-dire la « capacité à produire le maximum de résultats avec le minimum d’effort, de dépense » [23].

Harribey commet là un contre-sens qui brouille les pistes. Aristote, quand il distingue l’oikonomia de la chrématistique, ne cherche pas à savoir si la dépense est efficace : il sépare l’économie de la maisonnée, l’économie domestique [24], du commerce avec les étrangers ou puissances éloignées [25]. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est la hiérarchie relative entre souveraineté et commerce : voulons-nous d’abord être autonomes, même s’il faut être plus pauvres pour cela, ou avant tout tirer parti du commerce international, même « équitable », au risque de continuer à mettre le monde sur la route de la guerre et de la destruction ? Il s’agit de discuter du poids relatif de deux droits de l’homme.

La sobriété ne met pas en cause l’efficacité mais la question des résultats : Aristote demande si nous voulons produire pour étendre la division du travail ou pour jouir d’une certaine indépendance économique. La question posée est celle des finalités. Ce n’est qu’ensuite, quand les finalités ont été discutées, que l’on peut se poser la question de l’efficacité avec laquelle elles peuvent être atteintes.

En affirmant avec force que la question posée est une question économique, J.-M. Harribey contribue à ce que le débat reste ancré dans l’efficacité des moyens et non dans la discussion des finalités. Cela conduit l’auteur à défendre en creux sa propre conception des finalités. En effet l’autonomie économique des communautés est assimilée à leur fermeture, et aucune autre position ne semble possible qui ne soit d’extrême-droite [26]. Voilà qui ne permet guère d’aborder le débat de manière sereine !

Ce rejet radical de la question de l’autonomie économique de la communauté est problématique. Tout d’abord, cela revient à rejeter d’un côté ce qui a été avancé comme fondement de la sobriété de l’autre. Ensuite, ce rejet radical est aussi celui d’un des droits de l’homme [27]. Enfin, ce sont les fondements mêmes de la démocratie qui sont touchés : où est le demos désormais ? Peut-on avoir un discours crédible sur les services publics quand le « public » reste indifférencié, sans visage ? Cela vaut dans l’espace mondial : la Charte des Nations-Unies ne commence pas par « nous, le Peuple » mais par « nous, les peuples ». Comment faire dialoguer les peuples et les cultures si on commence par nier leur existence ? Quelle est la différence entre cette attitude et l’impérialisme français [28] ? L’enjeu de la gouvernance mondiale ne peut pas être abordé dans ces conditions.

La controverse autour du numéro du GRECE sur la décroissance est significative de la difficulté des économistes à admettre une rationalité différente de la leur [29]. Parler d’identité, ce serait être d’extrême-droite ? La cohérence voudrait alors que les programmes d’histoire français soient dénoncés comme ethnocentriques ! Si « le citoyen » doit reprendre en main son destin sur les lois de l’économie, c’est bien en tant que membre d’une cité ancrée dans un lieu. En ramenant toute discussion sur l’identité à sa dérive extrémiste, Brown et Harribey reprennent l’argument néolibéral selon lequel l’échange monétaire est le fondement du dialogue entre les peuples et du lien social.

Il y a urgence au contraire à ouvrir cette question et à ne plus confondre le « commerce » avec le mercantilisme. L’auto-suffisance économique ne doit pas être confondue avec la fermeture des esprits. La souveraineté alimentaire défendue par Via Campesina, par exemple, n’empêche nullement les paysans de pratiquer d’intenses échanges de pratiques.

Heureusement d’autres courants de pensée sont plus ouverts. Certains écosocialistes reconnaissent que le « narodnisme » ou écologisme des pauvres est bien des leurs [30], alors qu’il est basé sur la défense des ressources communautaires, y compris au Nord [31]. La décroissance peut aussi être assimilée à un libéralisme politique, tout comme le programme économique des Verts.

Actualité d’Aristote

Aristote ne s’en tient pas là. Il avance deux autres raisons pour expliquer pourquoi la chrématistique échappe à la « juste mesure » de l’oikonoima.

La première est la monnaie : à la différence des aliments ou des bâtiments, elle peut se thésauriser, s’accumuler et ainsi produire une illusion de pérennité et d’infinitude. Cette illusion est bien exprimée par Pierre Manent, dans sa discussion de la clause lockéenne [32] : « […] supposons que je trouve un moyen d’éviter ce gaspillage, en convenant avec mes semblables d’un équivalent incorruptible des biens naturels corruptibles, par exemple l’or ou l’argent, alors l’accumulation pourra être sans limites puisqu’elle n’impliquera plus de gaspillage. Partant, en m’appropriant une portion de terre par mon travail, loin d’enlever au bien commun de l’humanité, je lui ajoute » [33].

La seconde est que les personnes qui se livrent à la chrématistique le font parce qu’ils se contentent de vivre, et non de vivre bien, et comme l’appétit de vivre est illimité, ils désirent également des moyens de satisfaire illimités [34]. Le désir de vivre bien, au contraire, est réglé par le souci de juste mesure, d’équilibre, qui ne peut pas, en droit, admettre qu’une croissance illimitée puisse être bonne.

Ces deux critiques sont reprises à leur compte par la critique écologiste. La critique de la monnaie, tout d’abord, motive de nombreuses initiatives visant à montrer l’enjeu écologique, et non pas seulement économique, de l’échange : c’est toute la critique illichienne des « détours de production » et de la contre-productivité, et le mot d’E.F. Schumacher selon lequel notre organisation économique est la plus inefficace que l’humanité ait jamais inventée car les résultats en termes de « vivre bien » sont à peine plus élevés que des sociétés non industrialisées mais ils sont atteints au prix de dépenses sans précédent dans l’histoire de l’humanité [35] ! Les écologistes critiquent les indicateurs monétaires et cherchent à les remplacer par des indicateurs écologiques et plus largement par de nouveaux indicateurs de richesse. C. Ramaux montre par exemple que la science de « l’allocation optimale des ressources » pourrait être utilisée non pas pour produire davantage mais pour donner du travail à tous et à toutes, si le résultat visé était l’emploi et non le profit. De nombreuses études montrent aussi qu’à coûts constants les politiques d’énergie renouvelables ont un contenu en emploi supérieur aux politiques d’énergie fossile ou nucléaire [36].

La critique des moyens, ensuite, se matérialise par la très forte critique de la société de consommation, afin de briser le mimétisme consumériste qui n’est jamais mieux illustré que par l’acharnement des jeunes en difficulté à acquérir des vêtements « de marque ». En mettant la « croissance durable » ou « l’économie économe » au centre de leurs revendications, écokeynésiens et écosocialistes marquent leur volonté de rester dans le domaine des moyens, dans le « vivre » et non dans le « vivre bien ». L’approche par l’éco-efficacité conforte au contraire l’idée que nous pourrions avoir la même chose qu’avant, et même davantage, tout en étant « écolos ». Elle ne conduit pas à une remise en cause de notre style de vie. Elle permet au contraire d’éviter une critique de la consommation. Il y a pourtant quelque chose d’intrinsèquement contradictoire à affirmer que nous aurons une société écologique, dont la clé est la sobriété, en consommant davantage.

Or si l’évocation de mesures écologiques fortes est suicidaire sur le plan politique, c’est parce que l’écrasante majorité de nos concitoyens adhère à la société consumériste. Un seul exemple : la campagne ADEME visant à limiter l’envoi de catalogues publicitaires dans les boîtes aux lettres a échoué entre autres parce que 83% des Français souhaitent recevoir de la publicité à domicile [37] ! Changer les gouvernants ou le système de propriété permettrait peut-être de changer la répartition du gâteau mais n’aurait guère de conséquences sur sa composition. Les exemples historiques le montrent bien. J.-M. Harribey et G. Duval passent donc tout deux directement à la case « comment ? » sans passer par la case « pourquoi ? ». C’est un saut dans l’abstrait qui est dénué de réalisme politique. Les écologistes qui travaillent sur les dossiers de terrain connaissent cela par cœur : il n’y a pas encore de consensus politique permettant aux politiques de disposer de leviers à actionner pour faciliter des changements de grande ampleur. Michelle Dobré [38] montre toute la difficulté de la « résistance ordinaire » des écologistes. Dans le système productiviste, il suffisait aux revendications de vouloir plus – aujourd’hui il faut vouloir autre chose.

Or que veulent les écologistes ? Ils veulent protéger le climat, et cela parce que c’est une richesse. Ils veulent utiliser le vélo. Ils veulent protéger la nature. Mais voilà que « le respect de la nature » est assimilé par J.-M. Harribey à quelque chose de dangereux, d’obscurantiste, d’aveugle à la Raison [39].

En refusant le registre écologiste, nos économistes se coupent des rationalités nouvelles qui pourraient, en dessous, au-dessus et en dedans, modifier les flux de biens et de service qu’ils observent. Aucun des deux n’encourage la construction de nouvelles médiations entre l’homme et la nature dans les sociétés. Pour eux, la seule discussion importante est celle des moyens, et non des fins. La raison reste inscrite dans le plan de l’économie et ne peut en sortir, prisonnière.

Le risque de l’autoritarisme

L’efficacité va permettre de retarder les échéances, pas de changer de direction. L. Brown J.-M. Harribey rejettent ou ignorent les arguments classiques sur les limites à la dévoration du monde, et ils ajournent la discussion publique sur les fins. Dès lors, n’ayant plus de force sociale sur laquelle s’appuyer, ils ont tendance à recourir à l’Etat comme à une entité toute-puissante capable d’obtenir les résultats souhaités sans avoir besoin de s’appuyer sur les rationalités à l’œuvre dans la société. Leur formation en économie renforce cela puisque cette discipline considère l’Etat comme un facteur exogène, un « régulateur » qui vient modifier les conditions de marché. Les écosocialistes fournissent une explication simpliste selon laquelle tous les blocages viendraient « des capitalistes » qui sont une population qui n’est jamais bien identifiée. Les écokeynésiens en viennent à diagnostiquer la nécessité de nous mettre dans une situation d’exception analogue à une entrée en guerre [40] – mais en guerre contre qui, contre quoi ? Quelle sorte de guerre va mobiliser la société ? La démocratie entendue comme les conditions égalitaires de l’exercice collectif de la régulation ne va-t-elle pas trépasser au passage ? La question n’est guère prise en compte.

Un gouvernement écologiste, convaincu de représenter les intérêts du peuple, serait forcément amené à prendre des mesures autoritaires. Il pourrait s’en prendre aux plus gros pollueurs, certes, mais il agirait aussi contre les écologistes, censurés pour « obscurantisme », et contre les mouvements ouvriers, qui ne sont pas écologistes. La réduction de la pollution des plus gros pollueurs serait significative mais pas suffisante pour réduire l’empreinte écologique française, car, si on admet que le revenu est approximativement proportionnel à l’empreinte écologique, le SMIC représente tout de même 50% de l’empreinte moyenne française, qui s’établit à l’équivalent de trois planètes. Il reproduirait les erreurs des systèmes soviétiques qui voulaient faire le bonheur des gens à leur place. La métaphore de la composition musicale utilisée par Harribey est très parlante : Mozart crée l’harmonie avec une économie de notes, certes, mais cela suppose un planificateur parfait (Mozart) et des personnes totalement obéissantes (les notes disposées sur la partition).

Il ne suffira donc pas de « remplacer une micro rationalité du profit par une macro rationalité sociale et écologique » [41]. Pour que la macro rationalité des écosocialistes arrivant au pouvoir soit autre chose qu’un despotisme, elle doit forcément être portée par une micro rationalité dont elle ne serait que l’agrégation. C’est là qu’il faut accepter d’entrer un peu dans le concret des luttes écologistes.

La sempiternelle critique adressée aux écologistes, qui n’auraient que des solutions individuelles à proposer et rien de collectif, qui osent « culpabiliser » les gens dans leur temps « libre », outre qu’elle est profondément injuste avec la réalité [42], méconnaît les difficultés concrètes de la construction sociale d’une rationalité écologiste, et ne favorise guère la convergence entre écologie et social. Les « petits gestes » peuvent être assimilés à un début de politisation, tout comme l’ouvrier qui accepte de signer sa première pétition. Les syndicats sont bien placés pour savoir qu’aujourd’hui l’engagement dans les grandes structures est plus difficile qu’autrefois, que les gens souhaitent pouvoir participer et agir sans « prendre leur carte ». Les « petits gestes » leur offrent cette possibilité, dans le domaine écologique. Est-il efficace, du point de vue de l’action collective, d’aller apostropher les travailleurs d’une société de service en se moquant de leur peu d’action collective, de leur incapacité à faire grève ? Non, au contraire, c’est contre-productif. La problématique est identique dans le domaine de l’écologie. Et ceci est à replacer dans un contexte dans lequel les partis et même les syndicats ont largement renoncé au travail lent et patient d’éducation populaire, pour se cantonner à la politique politicienne. Cette demande insatisfaite de compréhension est d’ailleurs peut-être l’une des clés du succès foudroyant d’Attac.

On pourra bien sûr argumenter en disant que l’analyse du « pourquoi ? » a déjà été faite et bien faite. Sur le plan théorique, oui, peut-être. Mais cette analyse est loin d’être faite sur le plan sociétal. Si les gens ne passent pas par le « pourquoi ? », ils se contentent au mieux de dénoncer les méfaits du grand capital, sans être prêts à incarner un changement. Et tant qu’un nombre significatif de personnes n’est pas prêt à incarner le changement, « prendre le pouvoir » n’est pas la clé car l’Etat n’a ni le pouvoir ni la légitimité pour transformer la société à lui seul. De plus si on prend au sérieux ce travail du sens, du « pourquoi ? », il devient évident que le programme qui sortira de la société ne peut être écrit par aucun théoricien. Il s’agira d’un effort collectif de la société en tant qu’instance instituante, au sens de Castoriadis [43], une création radicale qu’aucune science n’est capable d’écrire à l’avance. L’éducation populaire que nous évoquons ici est donc aussi différente de la théorie marxiste des Avant-Garde, fondée sur le matérialisme historique, que de la théorie néo-libérale des « lois du marché ». Il s’agit plutôt d’abattre les naturalismes illégitimes, à commencer par l’idéologie du progrès. Nous devons « décoloniser notre imaginaire » [44] pour que du nouveau puisse sortir des ruines des cadres anciens. En ce sens « la crise » est à prendre en son sens premier : un moment charnière qui brise la normalité et ouvre la porte à de nouvelles opportunités.

Le débat anthropologique

Penser l’alternative exige de passer par le plan anthropologique, c’est-à-dire à nouveau par la case « pourquoi ? ». Marcel Mauss a montré que l’échange n’est pas régi par le principe d’économie mais le principe de dépense, autrement dit par le don [45]. La question de savoir à qui donner (au voisin, à l’entreprise, à soi-même) est au centre des débats. Si le temps de ce que nous appelons « travail » n’a jamais été aussi court que dans les sociétés abusivement qualifiées de « primitives » [46], c’est parce qu’elles se dépensaient dans d’autres activités que la division du travail en vue d’augmenter la production matérielle [47]. Travailler moins pour produire ne signifie pas pour autant réduire sa qualité de vie, cela signifie au contraire investir d’autres activités.

Constater cela, ce n’est pas idéaliser les sociétés « primitives ». Un excès de dépenses non économiques peut provoquer des conséquences dramatiques, que l’on pense par exemple à l’Ile de Pâques ou plus simplement à l’excès de palabres dans certaines régions africaines, conduisant à des situations de quasi-famine une partie de l’année.

L’esprit du capitalisme, c’est de dépenser de manière productive, sur le plan économique, pour accumuler des biens matériels. Le capitaliste doit se contraindre aujourd’hui pour avoir davantage plus tard. Le dispositif moral sous-jacent, qui est d’ordre religieux, a été démonté par Max Weber [48]. L’esprit consumériste n’est pas différent : nous dépensons de manière productive pour accumuler toutes sortes d’objets comme si nous devions demain nous retrouver seuls sur une île déserte. Tant que la passion consumériste emportera la majorité des gens, il n’y aura pas d’équilibre écologique : la peur de « manquer », attisée par la publicité et les revendications de pouvoir d’achat, motivera le souci d’accumuler.

Faire de l’accumulation matérielle le moteur de nos sociétés, c’est ça « l’économisme ». Chaque consommateur est un petit capitaliste. Le Capitaliste avec une majuscule n’est qu’un consommateur qui a réussi. Affirmer que l’on a « assez », déterminer collectivement ce qui est « assez », vouloir d’autres types de richesse, aller du « vivre » au « vivre-bien », c’est ça « sortir de l’économie ». Sortir de l’économie suppose de renforcer d’autres passions, d’autres intérêts, d’autres formes de raison que l’économie.

Ces analyses sont classiques. L’important ici est qu’elles permettent d’affirmer que c’est une erreur politique majeure que de penser que l’enjeu est d’abord et avant tout la possession des moyens de production. En effet les moyens de production ne sont pas, à eux seuls, des moyens de définition des besoins. Les outils ne sont pas neutres : leur configuration est le résultat de la recherche d’une efficacité à poursuivre des buts donnés. Si les buts changent, les outils ne peuvent pas être les mêmes. Les débats autour du contenu du terme « service public » (recherche, énergie etc.) illustrent bien cet état des choses. L’enjeu c’est la bataille pour l’instauration du bien commun, qui ne peut se limiter à l’autogestion des usines ou à la prise de l’Etat.

Dans le domaine de l’écologie, sortir de l’économie consiste par exemple accorder une valeur à la nature, aux animaux. C’est reconnaître leur existence, leur laisser une place, défendre les parcs naturels, les jardins etc. Ces mesures participent de mon « bien-vivre », même si cela limite ma consommation. Je ne le fais pas par contrition mais par jouissance. La défense de la nature, en modifiant la structure de la consommation, établit des limites concrètes, dans le quotidien, et, par agrégation, dans les sociétés industrialisées. Les mouvements écologistes sont passés maîtres dans l’art de relocaliser les enjeux globaux tels que les changements climatiques en mettant en place une comptabilité écologique partant des gestes les plus simples de la vie quotidienne [49] ou en favorisant une rencontre avec la nature qui ne soit plus celle de l’exploiteur à l’exploité [50].

Est-ce « irrationnel » ? Est-ce « plus rationnel » de traiter les animaux comme des machines ou d’aimer les courses de Formule 1 plutôt que la beauté de montagnes laissées à elles-mêmes ? La sociologie montre que non [51], l’homo ecologicus décrit par les théoriciens de l’économie écologique est aussi rationnel [52], mais d’une raison qui ne se confond plus avec ses rationalisations et ses rêves de puissance technoscientifique [53]. Il ne voit plus la nature comme un terrain de conquête. Cela choque tous les courants qui se sont construits sur la « domination de la nature ». Mais certains courants écosocialistes ont fait le deuil : ils se réfèrent bel et bien à un « équilibre naturel » [54]. D’autres ont même conscience que nous avons là affaire à un enjeu culturel, et pas simplement politique [55]. Fait-on bouger le culturel comme on fait bouger les rapports de force dans le domaine politique ? Certainement pas : le culturel n’évolue que si l’on accepte de sortir de la question des moyens pour entrer dans la question du sens, c’est-à-dire la question de l’interprétation du monde, et finalement de la spiritualité. Certains écosocialistes, comme Joel Kovel, l’ont reconnu car ils ont vu cette parenté inévitable de tout engagement écologiste sincère avec la « deep ecology » [56]. C’est aussi le cas de libéraux (politiques) tels que Serge Latouche ou Yves Cochet, partisans de la décroissance.

Bien sûr, toute nouvelle rationalité peut dériver en surrationalisme, comme l’a montré D. Janicaud [57]. Mais il n’y a là aucune nécessité. L’écologisme s’appuie sur l’écologie, qui est bien une volonté de rendre raison (logos) d’une classe de phénomènes structurant notre monde. Cette volonté peut être tentée de naturaliser les écosystèmes, comme le dénonce Joel Kovel avec les dérives de la « deep ecology ». L’écologisme s’appuie aussi sur un rapport avec les animaux comme à des êtres sensibles, ce qui peut dériver jusqu’à faire des animaux l’égal de l’homme. Mais ne faire que dénoncer les dérives possibles d’une rationalité émergente peut aussi être profondément conservateur. La porte des possibles reste fermée, seul le réel est rationnel – « There Is No Alternative » [58]. Les quelques écologistes qui ont choisi de vivre sous des tipis représentent-ils un risque réel de dérive collective ?… Bien sûr que non ! Et quand bien même une société entière déciderait de vivre sous des tipis, quel crime aurait-elle commis ? La dérive mortifère de toutes celles et ceux qui souhaitent prendre l’avion à volonté pour passer quelques jours au soleil est bien plus inquiétante. La dénonciation des dérives des rationalités nouvelles ne peut-elle être suspectée d’éviter en creux de mettre en lumière les dérives du réel dominant ? De protéger l’idolâtrie de la machine et du « progrès technique » et de ses performances édifiantes ? Cela est-il sans lien avec le mépris de l’écologie et de l’égalité, quand on sait que ces exploits sont obtenus à un prix tel qu’aucune généralisation n’est envisageable ? C’est tout l’effort d’Illich d’avoir essayé de dessiller les yeux de nos contemporains sur cet enjeu.

La sociologie des forces écologistes défie les critères marxistes et, plus largement, la micro-économie. J.-M. Harribey reconnaît d’ailleurs qu’une « difficulté majeure reste à résoudre pour l’avancée d’un paradigme écologique marxien : quelles forces sociales sont susceptibles de porter un projet majoritaire démocratique de transformation de la société pour aller dans le sens d’une meilleure justice vis-à-vis des classes les plus démunies et des générations à venir ? » [59] L’intérêt écologiste ne s’organise pas en fonction des rapports de production : voilà un mystère sociologique qui devrait conduire à une révision des théories marxistes, révision qui, à notre connaissance, n’existe que de manière très marginale, tout comme dans les forces sociales sur lesquelles ces analyses s’appuient. L’écologie « n’ignore » pas les déterminations sociales de la nature : elle est engagée dans des luttes qui sont incompréhensibles et donc invisibles pour les marxistes comme pour les keynésiens – et même, dans une large mesure, par les écologistes eux-mêmes.

L’enjeu c’est bien de faire travailler les différentes rationalités en acte, à différents niveaux de gouvernance, et pas d’entériner la séparation entre économie et autres intérêts, ces derniers étant réputés « irrationnels », immunisant ainsi la rationalité économique contre les critiques. L’une des forces de la rationalité économique est d’ailleurs d’arriver à s’attribuer tous les mérites. Quand l’OCDE [60] et l’OMC [61] s’extasient devant l’efficacité croissante de l’utilisation des ressources par les économies industrielles [62], outre les biais évoqués plus haut, ont-ils examiné la part qui revient à l’action opiniâtre de la rationalité écologiste ? Non. Quand un écosocialiste comme Victor Wallis affirme que les écologistes n’ont « rien gagné » [63], il est bien généreux avec le capitalisme ! C’est un peu comme si les écologistes affirmaient que la démocratie est un acquis irréversible qui ne nécessite plus aucun effort pour être maintenue…

Aborder les vrais enjeux

Les objections posées par J.-M. Harribey et G. Duval ne sont pas sans fondements. Bien sûr, la protection de la nature peut aller à l’encontre des pauvres : les parcs naturels sont plus faciles à établir dans les pays du Sud, en expulsant des populations qui ne peuvent guère se défendre. L’éco-colonialisme est déjà une réalité. Mais si tel est l’enjeu, alors abordons-le entièrement : si les parcs naturels au Sud sont un scandale, défendons les parcs naturels au Nord. Mais les déboires de l’ourse Cannelle n’émeuvent guère nos économistes…

Bien sûr, critiquer l’accumulation quand une partie de la population manque du nécessaire pour accéder aux droits fondamentaux risque de faire le jeu de ceux qui ne souhaitent pas partager. Mais là encore prenons le sujet dans toute son étendue. De quelle richesse parlons-nous ? Cela vaut-il la peine de ne défendre que les « gains de productivité » ? Ne vaut-il pas mieux défendre des politiques où l’on tient aussi compte des gains de destructivité ? Il n’est pas certain que les stratégies des écokeynésiens et des écosocialistes soient les meilleures pour réduire la pauvreté à l’échelle mondiale, loin de là. Laisser la politique actuelle de croissance des pays riches indemne de toute critique qui puisse sérieusement l’inquiéter, c’est encourager l’appauvrissement des plus pauvres de cette planète. Les risques d’apartheid « vert » ne sont pas une raison pour assimiler toute protection de la nature à une forme de ségrégation s’exerçant à l’encontre des pauvres, comme semble le faire W. Pelletier [64], c’est là jouer le jeu des adversaires de l’écologie. Nous devrions plutôt chercher des convergences, unir nos forces et nos savoir-faire. Il faudrait par exemple réfléchir avec les syndicats à une « juste transition » [65]. Il y a urgence à relier social et écologie, plutôt que de les opposer, sans cela les deux sont perdants.

Les tentatives de convergence viennent de plus en plus des mouvements écologistes. Quand une étude montre que pour le prix d’un EPR, on a cinq fois plus d’emplois dans les énergies renouvelables et l’efficacité, aboutissant à, cerise sur le gâteau, deux fois plus d’électricité produite [66], quand des études allemandes indiquent même que la politique renouvelables et efficacité énergétique sont compatibles avec 2% de croissance d’ici 2050 [67], de telles mesures devraient susciter un énorme engouement chez nos « écosocialistes », non ? De nombreuses études montrent ainsi qu’à coûts constants les politiques d’énergie renouvelables ont un contenu en emploi supérieur aux politiques d’énergie fossile ou nucléaire [68]. Curieusement aucun n’a relevé l’intérêt d’une telle démarche, à la fois écologique et sociale. L’initiative est poussée par les organisations écologistes. L’Alliance pour la Planète [69] va étudier l’effet sur l’emploi de toutes ses propositions – on aimerait que toutes les propositions portant sur l’emploi étudient leur effet sur l’écologie… cela rendrait les convergences concrètes lisibles et possibles, sans attendre la prise de pouvoir ou le grand soir, qui risquent de se faire attendre, d’être inefficaces, et de finir par devenir autoritaires, comme on l’a vu plus haut. Ici comme en matière de changements climatiques, l’attente a un coût [70].

Au-delà de l’écologie, l’économie doit accepter de se laisser guider par les rationalités nouvelles à l’œuvre dans la société plutôt que l’inverse. La diversité des rationalités n’est autre que la diversité des interprétations du monde, autour du souci d’envisager les enjeux communs, à long terme, de manière globale. Il ne s’agit pas de ne plus recourir du tout à l’économie. Bien sûr, les échanges monétaires et marchands vont occuper une part significative de l’activité humaine et par conséquent devront être documentés et analysés. Il s’agit plutôt de mettre l’économie et les économistes au service de problèmes définis par d’autres, de les ouvrir aux nouvelles forces sociales. Du point de vue de l’exclusion et de l’emploi, par exemple, nous devons envisager la RTT, mais pas seulement. Egalement important est de décider de politiques publiques riches en emploi, comme le rappelle C. Ramaux [71].

Mais il faut aller plus loin. Le travail apporte aussi la reconnaissance sociale. Le rapport Ferry-Pisani passe cet enjeu totalement sous silence. Faisant état de difficultés de recrutement, il n’en étaie guère les raisons [72], et cela alors que la majorité des Français estiment que les conditions de travail se sont détériorées et que les salaires n’augmentent presque pas [73]. Pourtant la domesticité rénovée sous l’étiquette des « services à la personne » est un travail dégradant. Les travaux manuels sont méprisés. Comment continuer d’exalter les métiers « intellectuels » comme l’informatique sans transformer les autres métiers en repoussoirs ?

Par ailleurs, plus les travailleurs prennent conscience de l’insoutenabilité de notre « développement », plus ils ont envie de s’orienter vers des secteurs ayant davantage de sens, davantage d’avenir, d’utilité sociale : énergies renouvelables etc. L’enjeu d’un monde soutenable passe aussi par là. Les secteurs qui contribuent aux gains de destructivité vivent mal leur inutilité sociale. Un travail de qualité, c’est un travail qui contribue à améliorer nos conditions de vie. Cet élément n’est pas appréhendé dans les discussions sur l’emploi. Là où le « principe d’économie » ne nous dit rien, l’anthropologie de Mauss nous permet de comprendre qu’il y a là une opportunité importante de convergence écolo-sociale : les gens ne réclament pas de l’assistance ou des emplois, ils veulent que leur activité soit reconnue comme facteur de richesse collective.

Aurons-nous un jour des organisations de salariés disposées à discuter de l’orientation de « leur » « instrument de travail » avec les organisations écologistes ? Les progrès marginaux réalisés par la CGT et les Amis de la Terre sur REACH par exemple sont encourageants mais insuffisants. La difficulté, du point de vue syndical, est sans doute d’avoir à prendre parti – pour une partie des adhérents (ex : les ouvriers de la construction de voitures) contre une autre (ex : les ouvriers de la construction de trains). Pour des raisons d’unité interne, les syndicats ont été productivistes, en bloquant le débat sur l’utilité respective de telle ou telle branche d’activité par rapport à telle autre. En cela ils se sont alignés de manière corporatiste sur les organisations patronales. Voilà une difficulté qui devrait être affrontée or au lieu de cela on voit des déclarations angéliques sur l’unité de la classe ouvrière d’un côté ou des programmes inspirés de « l’entrée en guerre des Etats-Unis » de l’autre.

Aurons-nous un jour des dirigeants d’entreprise disposés à discuter de l’orientation de « leur » « instrument de travail » avec les organisations écologistes ? Les progrès marginaux réalisés avec entre Greenpeace et le WBCSD par exemple sont encourageants mais insuffisants. La difficulté, du point de vue des dirigeants d’entreprise, qu’elles soient en autogestion ou pas, en concurrence ou pas, est peut-être d’avoir peur de perdre, de se braquer contre une société qui n’est envisagée que comme un ensemble de clients qu’il à tout prix faut contrôler – ce qui justifie l’occupation de l’espace public (publicité), l’oligopole, le corporatisme etc. La coopération entre producteurs et clients ne peut pas être directe, elle doit être médiatisée par des marchés plus ou moins planifiés. Il appartient aux entreprises d’être les moteurs du changement ou au contraire le frein. Cela passe par une réorganisation profonde des marchés, avec la disparition de certains d’entre eux, comme les marchés du pétrole ou du nucléaire, pour faire de la place à de nouveaux marchés, comme l’éolienne ou le solaire. Les dirigeants de l’entreprise citoyenne sont ceux qui acceptent le réencastrement dans la société, pour reprendre les termes bien connus de Polanyi. Ceux qui ne sont pas citoyens sont ceux qui se comportent comme un corps étranger, étanche à toute critique, concentrée sur la défense de ses positions, sur le maintien de sa « rentabilité ».

Du fait des problèmes mentionnés plus haut, la RTT, dans le contexte de la société hyperconsumériste, est aussi une ouverture supplémentaire pour les publicitaires pour tirer la consommation. Elle peut aussi conduire à une augmentation du « temps de cerveau disponible », pour reprendre les termes crus utilisés par Patrick le Lay. A court terme, on devrait donc préférer la solution de C. Ramaux : défendre des politiques publiques utiles et à très fort contenu en emplois. À moyen et long terme, la lutte contre les incitations à la consommation est un enjeu majeur. Ce n’est pas une « réduction du temps de travail » (principe de contrition) qu’il faut défendre mais un « accroissement du temps de débat et de participation aux institutions démocratiques », car la liberté n’existe que dans son rapport avec autrui et avec la nature. Il est tout de même étonnant de voir les marxistes, qui rappellent sans cesse l’omniprésence des rapports de production, faire l’impasse sur ce qui se passe en dehors de l’usine, pour être concret.

Ce n’est qu’à la condition d’une réappropriation de l’économie que la RTT finira par être du temps « libre », et cette réappropriation ne peut être décrétée par l’Etat, même si la démocratisation de celui-ci reste aussi une condition nécessaire. Ce dispositif devrait être complété par un relèvement des minimas sociaux, dont l’effectivité sera mesurée en termes de service rendu, de droits effectifs, et non en termes monétaires, ce qui évite de faire l’apologie des modes de production les moins chers, sur le plan économique, qui sont souvent les plus chers, sur le plan écologique.

Pour préparer cette mutation, des emplois de facilitateurs du débat public devraient être promus pour multiplier les occasions d’échange – et d’une reconnaissance sociale. Les sciences sociales devraient ici être appelées à la rescousse. La science économique n’est pas apte à déterminer quels emplois sont nécessaires pour assurer la présence des citoyens dans la participation à la décision. Le fort accroissement du poids du monde associatif dans l’économie, ainsi que la très forte augmentation des dons, au cours de ces dernières années [74], montre que les citoyens cherchent à infléchir les tendances par des moyens institutionnels nouveaux. Des données plus fiables et plus complètes devraient être produites à l’avenir sur ces secteurs et leur mode d’action. Les associations pourraient bien être à l’écologie et à l’insertion ce que les syndicats ont été dans l’entreprise.

Fabrice.flipo@int-evry.fr

NOTES

[1J.-M. Harribey & M. Löwy, Capital contre nature, Paris, PUF, 2003. M. Husson, Contre le chômage : les sept travaux d’Hercule, Fondation Copernic, Propositions pour sortir du libéralisme, Editions Syllepse, 2006. J.-M. Harribey, « De quoi dépend l’emploi ? », Politis n° 901, 11 mai 2006.

[2L. Brown, Eco-economy – Building an economy for the Earth, London, Earthscan, 2001. Voir aussi C. Ramaux, « RTT : ne pas trop lui prêter », Politis, 22 juin 2006.

[3M. Husson, op. cit., 2006.

[4Voir par exemple F.J. Varela, E. Thompson, E. Rosch, L’Inscription corporelle de l’esprit, Paris, Seuil, 1993, Ed. orig. 1991.

[5F. Flipo & al., Projet e-dechets – écologie des infrastructures numériques, 2006. http://www.int-edu.eu/etos/rapports

[6S. Bringezu and H. Schütz, Total Material requirement of the European Union, European Environment Agency, Copenhagen, 2001.

[7NEF, The UK interdependance report, 2006. http://www.neweconomics.org/

[8J. Fourastié, Le grand espoir du 21e siècle, Paris, Gallimard, 1989, Ed. orig. 1963, p. 82.

[9B. Zuindeau, « La « loi de Kuznets » : de l’économie de la répartition à l’économie de l’environnement », Communication au Colloque International de l Association Charles Gide pour l’Etude de la Pensée Economique, 22-24 septembre 2005, Lille.

[10M. Husson, op. cit., 2006.

[11M. Dobré, L’écologie au quotidien - Eléments pour une théorie sociologique de la résistance ordinaire, Paris, L’Harmattan, 2002.

[12E. U. von Weizsacker, A. B. Lovins, L. H. Lovins, Facteur 4 - Un rapport de club de Rome, deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources, Mens, Terre Vivante, 1997.

[13F. Schmidt-Bleek et le Club de Carnoules. http://www.factor10-institute.org/

[14http://www.negawatt.org/

[15L. Grisel et P. Osset, L’Analyse du Cycle de Vie d’un produit ou d’un service - applications et mise en pratique, AFNOR Editions, 2004.

[16Wuppertal Institut, Digital Europe, 2003. http://www.digital-eu.org/

[17ECATT, Benchmarking progress on new ways pf working and new forms of business across Europe, 2000, p. 38 – téléchargeable sur http://www.ecatt.com/

[18G. Bélem, « L’analyse de cycle de vie comme outil du développement durable », Les Cahiers de la Chaire de Responsabilité Sociale et de Développement Durable, ESG-UQAM, 2005.

[19J.-P. Dupuy & J. Robert, La trahison de l’opulence, Paris, PUF, 1976, d’après les analyses d’Ivan Illich.

[20http://www.negawatt.org/

[21voir F. Flipo, « Ethique et responsabilité après Tchernobyl », Entropia, n°1, 2006.

[22J.-M. Harribey, « Mozart écologiste », téléchargeable sur http://harribey.u-bordeaux4.fr/

[23Petit Robert 2007, p. 824

[24Aristote, Les Politiques, Livre I, 8, 1256a, Paris, Vrin, p. 49, à nouveau 1257b vers la fin, traduction confirmée à l’article « Economie politique » du Dictionnaire de philosophie politique, Paris, PUF, 1996.

[25Aristote, ibid., 1257a vers la fin, Aristote mentionne explicitement qu’il s’agit de commerce au loin avec d’autres pays.

[26J.-M. Harribey & C. Di Méo, « Les dangers du discours sur la décroissance », Politis, n°917, 14 septembre 2006. http://harribey.u-bordeaux4.fr

[27article 21 (droit à participer aux affaires publiques de son pays) de la DUDH de 1948, et plus accessoirement ici les articles 27 (vie culturelle de la communauté) et 29 (devoirs envers la communauté)

[28Voir par exemple le communiqué de presse du Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies http://www.un.org/

[29G. Duval, « Décroissance ou développement durable ? », Alternatives Economiques, Hors Série n°63, 2005, p. 55.

[30M. Löwy, « Qu’est-ce que l’écosocialisme ? », M. Löwy (coord.), Ecologie et socialisme, Paris, Syllepse, 2005, p. 104

[31exemple du municipalisme de Jean Zin - http://jeanzin.fr/

[32« la même loi de nature qui nous donne la propriété de cette manière [c’est-à-dire par le travail] lui impose des limites. Dieu a donné toutes choses en abondance. [...] Tout ce qu’un homme peut utiliser de manière à en retirer quelque avantage quelconque pour son existence sans gaspiller, voilà ce que son travail peut marquer du sceau de la propriété. Tout ce qui va au-delà excède sa part et appartient à d’autres » J. Locke, Deuxième Traité du Gouvernement Civil, Vrin, Paris, Ed. orig. 1690, Chapitre V.

[33P. Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme, Calmann-Lévy, Paris, 1987, pp. 98-99.

[34Aristote, op. cit., 1258a

[35E.F. Schumacher, Small is beautiful, Paris, Seuil, 1978.

[36P. Quirion, Les conséquences sur l’emploi de la protection de l’environnement : l’apport des études de contenu en emploi, thèse de doctorat, Ecole des Mines de Paris, 1999. Voir aussi EC, Meeting the targets & putting renewables to work – Rapport MITRE pour la France.

[37Enquête 2004 d’Adrexo – TNS Sofres http://www2.ademe.fr

[38M. Dobré, op. cit., 2002.

[39J.-M. Harribey & C. Di Méo, « Du danger de la décroissance », Politis, n°917, 2006.

[40L. Brown, « Mobilisation générale ! », Alternatives Economiques, Hors Série n°63, 2005, p. 60-63. Probablement inspiré du rapport d’Andrew Simms, An environmental war economy – the lessons of ecological debt and global warming, New Economics Foundation, 2001.

[41M. Löwy, Qu’est-ce que l’écosocialisme ? ; M. Löwy (coord.), Ecologie et socialisme, Paris, Syllepse, 2005, p. 100

[42L’activisme des écologistes, au niveau local, est légendaire ! C’est grâce à leurs efforts patients et obstinés que les anticapitalistes sont en mesure de proposer des alternatives concrètes qui ne soient pas de vagues invocations de grands principes…

[43C. Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975.

[44S. Latouche, Décoloniser l’imaginaire, Lyon, Parangon, 2005.

[45M. Mauss, Essai sur le don – trouvable sur internet.

[46M. Sahlins, Age de pierre, âge d’abondance, Paris, Gallimard, 1976.

[47Ce qui pouvait parfois être dramatique sur le plan économique et écologique, que l’on pense au peuple de l’île de Pâques, semble-t-il obnubilé par ses statues au point d’en avoir construit les conditions de sa propre disparition.

[48M. Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964, Ed. orig. 1905. Voir en particulier la lecture qu’en fait D. Janicaud, La puissance du rationnel, Paris, Gallimard, 1985.

[49Exemple des calculateurs d’empreinte écologique.

[50F. Terrasson, La peur de la nature, Paris, Sang de la Terre, 1991.

[51L. Thévenot & C. Lafaye, « Une justification écologique ? Conflits dans l’aménagement de la nature », Revue française de sociologie, n°34, 1993.

[52C. Becker, « The human actor in ecological economics : Philosophical approach and research perspectives », Ecological Economics, n°60, 2006, pp. 17-23.

[53Pour une première analyse des différents sens du « rationnel », voir à nouveau D. Janicaud, op. cit., 1985.

[54V. Wallis, « Vers le socialisme écologique », M. Löwy (coord.), Ecologie et socialisme, Paris, Syllepse, 2005, p.132

[55V. Wallis, ibid., p. 131

[56J. Kovel, « Dialectique des écologies radicales », M. Löwy (coord.), Ecologie et socialisme, Paris, Syllepse, 2005, p. 82

[57D. Janicaud, op. cit.

[58Propos attribué à Margaret Thatcher.

[59J.-M. Harribey, « Marxisme écologique ou écologie politique marxienne », in Bidet J., Kouvélakis E. (sous la dir. de), Dictionnaire Marx contemporain, Paris, PUF, Actuel Marx Confrontation, 2001, p. 183-200.

[60OCDE, Indicateurs clés de l’environnement, 2005.

[61WTO, Trade and environment, Special Studies, p. 58.

[62Amélioration de l’intensité du PIB en ressources – autrement dit plus de PIB pour autant de ressources.

[63V. Wallis, « Vers le socialisme écologique », M. Löwy (coord.), Ecologie et socialisme, Paris, Syllepse, 2005, p.128

[64W. Pelletier, Sociale « nature » - Représentations de l’écologie et usages sociaux des environnements, in J.-M. Harribey & M. Loewy, Capital contre nature, Paris, PUF, 2003, pp179-190

[65http://www.jtalliance.org/

[66Rapport de la SCIC « Les 7 vents du Cotentin », Un courant alternatif pour le grand Ouest, 2006.

[67Energy Research Centre of the Netherlands, The contribution of renewable energy to a sustainable energy system, 2005.

[68P. Quirion, Les conséquences sur l’emploi de la protection de l’environnement : l’apport des études de contenu en emploi, thèse de doctorat, Ecole des Mines de Paris, 1999. Voir aussi EC, Meeting the targets & putting renewables to work – Rapport MITRE pour la France.

[69http://www.lalliance.fr/

[70Stern Review Report on the Economics of Climate Change, p. 199.

[71M. Dobré, op. cit., 2002.

[72J. Pisani-Ferry, Plein emploi, Conseil d’Analyse Economique, 2000, p. 91.

[73Fondation Copernic, Pour un plein emploi de qualité Critique du social-libéralisme, à propos du rapport Pisani-Ferry, 2006, p. 11.

[74Edith Archambault, Les institutions sans but lucratif en France (1995-2005) et les défis actuels, 2006. Acte du colloque ADDES http://www.addes.asso.fr