Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Paul Cary

Licia Valladares :
La favela d’un siècle à l’autre

Texte publié le 1er juin 2007

Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006, 230 p.

Un ouvrage important relatant l’invention progressive du mythe de la « favela ».

Cet ouvrage est à recommander à tous les lecteurs s’intéressant à la question des favelas, ces regroupements d’habitations précaires au Brésil.

Licia Valladares, spécialiste de sociologie urbaine, y développe un travail érudit, basé sur ses propres analyses et sur une recension exhaustive de recherches menées sur le thème : elle retrace la généalogie de la construction sociale du concept de favela. On aimerait d’ailleurs voir ce type de travaux en France à propos de catégories comme celles de « banlieue » ou de « quartiers populaires ».

Elle revient d’abord sur la genèse du terme, au début du 20è siècle, lorsque la favela représente « la campagne à la ville », un monde à part, une anomalie qu’il convient de connaître mais aussi d’éliminer. À partir des années 50, et sous l’impulsion de la pensée développementiste, les favelas vont faire l’objet d’investigations poussées, car il s’agit de résoudre les problèmes urbains posés par leur croissance. L’intervention de personnalités étrangères, comme le Père Lebret, ou des Peace Corps venus des EU, contribue à mettre l’accent sur les problèmes sociaux et à susciter des politiques publiques. La favela va alors être investie par les sciences sociales, à partir des années 70, mais ces études ne se départiront pas, pour la plupart, de mythes et de dogmes pourtant sujets à caution : la favela est vue comme un lieu spécifique doté d’une culture propre, elle est associée à la pauvreté urbaine et elle est souvent présentée comme « communauté » unie.

Au final, l’histoire de cette construction sociale de la catégorie « favela » met en garde contre les pré-notions et incite à penser la pluralité des formes et des rapports sociaux des favelas. Pour autant, on regrettera que l’auteur, très critique quant à certains travaux récents, ne fournisse que peu d’indications pratiques sur la démarche de recherche à mettre en oeuvre dans ces zones urbaines.

NOTES