Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Fabrice Flipo

Du communisme aux communs ?
A propos de Pierre Dardot & Christian Laval, Commun – Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, La Découverte, 2014.

Texte publié le 21 juin 2014

Pierre Dardot et Christian Laval publient un nouveau livre consacré aux communs. Fabrice Flipo en propose une lecture critique, exposant ses principales thèses, ses apports et ce qu’il estime être ses principales limites.

Les communs (« commons » en anglais) sont indéniablement au cœur de nombreuses revendications : les communs globaux (climat, diversité biologique etc.), les communs de la connaissance (internet, wikipédia etc.) etc. Mais que sont les communs, exactement ? Une hypothèse couramment avancée (par exemple par Naomi Klein [1]) est que cette problématique réactive de manière plus générale la question des « enclosures », cette privatisation des communs au 19e siècle décrite par Karl Polanyi (1944) comme étant l’un des actes inauguraux du capitalisme. L’analogie est-elle exacte ? Et, du côté des partisans des « communs », avons-nous alors un au-delà possible, tant du « cosmocapitalisme » que des communismes étatiques ? Telles sont les principales questions que Pierre Dardot et Christian Laval proposent de traiter dans ce livre, dont le fil de conducteur est de tenter de refonder le concept de commun (p. 17). L’enquête apporte de nombreuses réponses et permet de clarifier une discussion qui a fortement enflé ces dernières années, sans trouver de clarté suffisante. Les deux auteurs proposent en effet plusieurs thèses fortes.

Un premier point est qu’à la différence d’un grand nombre d’approches, généralement issues des travaux des économistes, le commun n’est pas dans la propriété des choses mais dans celle des actions. C’est, en effet, pour désigner des biens dont l’usage est rival (ce que l’un consomme n’est plus disponible pour l’autre) mais non-exclusif (il est difficile de réguler l’accès aux biens) que l’économie parle de « biens communs », ou de common pool resources pour parler comme Elinor Ostrom (2008 / 1994). Ces biens sont différenciés des biens privés (exclusifs et rivaux, réputés réglés par le marché), des biens publics (non-rivaux et non-exclusifs, pris en charge par la puissance publique), et des biens de club ou de péage (exclusifs et non-rivaux : dans un club de golf tout le monde peut user du green à volonté, à condition de faire partie du club). Dardot & Laval montrent de manière convaincante que ce n’est jamais la caractéristique intrinsèque d’un bien qui le conduit à être utilisé de manière commune, mais celle des actions qui donnent forme à ces biens. C’est ce qui explique que toutes les tentatives pour classer les biens de la sorte échouent. L’eau ou le climat ne sont pas par nature des biens communs ou des biens privés, tout dépend des rapports sociaux dont ils sont partie prenante. Ce dont les économistes rendent compte, dans leurs classifications, c’est d’un état donné des rapports sociaux : un présent particulier, et non une propriété générale.

Un second point établis par les auteurs est que le commun, c’est l’inappropriable, mais en un sens bien précis, car les confusions sont fréquentes. Première erreur : qualifier de « commun » ou de « bien commun de l’humanité » des ressources qui gisent au fond des océans ou sur la Lune, et qui sont matériellement et physiquement inaccessibles, ou alors dans des proportions qui n’ont aucune incidence sur la qualité et la quantité de la ressource en question. Ce qui est inappropriable en ce sens-là ne pose aucun problème de « commun » à proprement parler. Aussi les textes internationaux qui protègent ces ressources sont-ils en grande partie sans objet (ou plutôt ils visent un objet qui est encore à venir). Il n’y a problème de « commun » qu’à partir du moment où plusieurs personnes peuvent agir sur la chose visée et en faire différents usages. Un second sens est alors à écarter : seraient « communes » les choses dont nous participons tous. Ainsi respirons-nous tous de l’air, qui nous est donc commun. Or l’air n’est pas pour autant un commun. Le soutenir revient à confondre un fait (nous respirons tous de l’air) avec une problématique de régulation. Cela est plus facilement compréhensible dès lors que l’on prend des exemples tangibles : si certains boivent toute l’eau disponible, alors il n’y en aura plus pour les autres ; si la terre n’est pas cultivée, alors elle sera moins fertile ; si les routes ne sont pas entretenues, alors elles vont se dégrader etc. Si le commun a bien rapport à l’inappropriable, c’est parce qu’il institue quelque chose d’appropriable comme inappropriable, au sens où le droit absolu d’un individu est interdit : « si le commun est à instituer, il ne peut l’être que comme inappropriable, en aucun cas comme l’objet d’un droit de propriété » (p.233). Cette inappropriabilité activement entretenue n’est pas à comprendre sur le modèle de l’usufruit. En effet, celui-ci suppose un « nu-propriétaire » : il n’y a d’usufruit que concédé par un propriétaire à un usufruitier (p.245). Or ici il n’y a pas de propriétaire du tout. Enfin dernière erreur à éviter : les choses communes ne sont pas non plus des res nullius, des choses sans maître, considérées comme vacantes et librement appropriables, de manière isolée et indépendante (p.249). En réalité, dans le commun, l’appropriation est possible, mais suspendue à la réciprocité (p.258), qui reste première et conditionne l’usage, qui est premier. Il n’est pas absolu, ni public, ni privé, mais dépendant de l’usage qui est fait, eu égard au contexte et aux résultats auxquels la réciprocité aboutit. « S’approprier » renvoie donc ici plutôt à « rendre propre à » un certain usage (p.273), plutôt que rendre une chose non-vacante. L’usage est ordonné aux autres usages, il est communisé (p.581). On trouve en droit romain un statut relativement proche, un « public » qui n’est pas pour autant de propriété étatique.

Le droit (par opposition au tord, au tort) qui émerge ainsi n’est donc pas d’abord législatif (étatique). Est-il coutumier, alors ? Non, car la coutume ne présente pas intrinsèquement plus de garanties. Toute coutume ne concourt pas à l’exigence pratique du commun (commoning) (p.313). La coutume est toujours le lieu d’un conflit (p.321). Le commun est une activité qui se construit dans et par le conflit (p.324), comme le montre le célèbre exemple du jugement sur le ramassage du bois mort, commenté par Marx en 1842, qui interdisait aux pauvres l’accès aux forêts « privées ». Il faut encore une fois inverser les choses, ne pas chercher le commun dans la loi ou dans les choses mais le voir dans le rôle qu’il joue dans la constitution et l’interprétation du droit, ou de la coutume, ou du sens des choses (p.288). Puisant dans les écrits de Rancière ou d’E.P. Thompson, les auteurs montrent que le commun des ouvriers se situe d’ailleurs historiquement entre la coutume et l’institution. Proudhon parle de « constitution sociale » (p.377), au sens de droit commun plus ou moins formalisé, auto-organisé.

Pour les auteurs le commun est un principe politique, un principe d’action, il est indissociablement co-obligation et co-activité (p.51), fondés sur le don et l’échange de prestations, sur la réciprocité, sur la mise en commun, l’idée d’une dette originelle (p.279), et non sur l’échange, ni sur la seule représentation politique. « Il n’y a d’obligation qu’entre ceux qui participent à une même activité ou à une même tâche » (p.23). Le commun exclut le critère de l’appartenance (blanc, noir, chrétien, français, homosexuel etc.). C’est une praxis instituante, comprise comme « autoproduction d’un sujet collectif dans et par la coproduction continuée de règles de droit » (p.445). La philia aristotélicienne est un effet de ce processus, et non une cause. « Il n’est de praxis instituante émancipatrice que celle qui fait du commun la nouvelle signification de l’imaginaire social » (p.451). Le commun n’est ni étatique ni spirituel (Église). Il est une construction politique qui consiste à réintroduire partout de l’auto-gouvernement, fondé sur la participation de tous aux règles qui les gouvernent, par opposition à de l’autogestion qui se limite à la dimension gestionnaire (p.459). C’est une dynamique égalitaire (p.459). Le commun s’oppose à toute forme de pouvoir absolu, d’État ou privé (p.467).

Les auteurs proposent en conclusion quelque 9 propositions politiques, pour faire face au capitalisme et le dépasser. Ni l’encerclement ni la prise du pouvoir ni l’effondrement (p.461) ne sont des options possibles, pour eux, aujourd’hui. Ce qui doit nous guider est plutôt de favoriser la convergence entre différentes activités dans la direction du commun (p.462). Le commun en tant qu’école de la codécision (p.466) doit pouvoir s’insinuer partout, et y être encouragé. A l’instar de Proudhon, doivent être distinguées la justice commutative et la coopération directe dans les organisations ou entre groupes (p.378). Le « social » ne se réduit pas au « public », il se trouve même plutôt en être la source, et non le résultat. La politique (l’État) n’est pas laissée de côté mais elle ne prend pas toute la place non plus. Les auteurs se prononcent en faveur d’une « double fédération » (p.582) des communs politiques et des communs sociaux.

Les apports de cet ouvrage sont donc nombreux. Dardot & Laval tentent de nous extraire de la dichotomie entre public et privé, dans laquelle la politique politicienne est bloquée, alors qu’elle a de moins en moins de sens pour une part croissante de la population, qui constate à la fois l’exploitation du travail et les effets délétères de la bureaucratisation, générant de concert ce qu’on nomme pudiquement « l’exclusion ». Ils réhabilitent la politique en-dehors de la politique politicienne, au moment où celle-ci paraît, pour beaucoup, confisquée par des professionnels qui semblent rejouer indéfiniment la même comédie, dont l’objet principal est la conquête des postes, des honneurs, et non un changement de société. Quand bien même prendrait-on le pouvoir, tout ne changerait pas dans les mois qui suivent, car l’action politique se joue dans un milieu amorphe et résistant, qu’elle ne peut à elle seule transformer. Il y a dans les apologies de la prise de pouvoir et de l’engagement (« vraiment ») politique une condamnation implicite de l’engagement « non-politique », qui peut être ressentie comme profondément méprisante, et inefficace, puisqu’elle constitue aussi, au fond, une forme d’attentisme, consistant à toujours remettre à demain, « quand on aura pris le pouvoir », les changements possibles ici et maintenant. Restaurant un agir politique hors de « la » politique, les auteurs évitent de le rabattre tant sur la lutte des classes que sur les références communautaires et identitaires. C’est ce que leur permet de soutenir le primat constant accordé au faire, comme Sartre avant eux. Ils ont de plus la volonté de tirer jusqu’au bout les conséquences de l’échec des communismes et des socialismes réels (p.59), notamment l’erreur d’avoir voulu voir dans la prise de l’État la solution à tout. Ils soutiennent à juste titre que le commun doit être protégé de sa capture par l’État (p.90). Ils se gardent aussi de l’illusion du « communisme techno » (p.177), porté par Negri, Lazzarato et Gorz. Selon ces auteurs, le commun se trouve être le fruit des outils ou de la technique (p.472), comme dans la théorie marxiste classique où c’est le capitalisme qui organise le commun (p.191), le communisme n’étant finalement que « l’envers masqué » (p.197) du capitalisme.

Toutes ces éloges doivent toutefois être complétées par une série de critiques. La première porte que sur la forme de l’argumentation, tant l’ouvrage paraît avoir été publié de manière un peu hâtive. Annoncé comme le résultat d’un séminaire mené pendant deux ans (2010-2012), la forme s’en ressent. Les deux auteurs consacrent de nombreux développements (à Zimmermann, Legendre, Agamben etc.) qui sont à la fois trop longs et trop courts. Reflétant vraisemblablement les séances du séminaire, ces passages sont soit trop longs, car discutant de tel auteur (savoir si Arendt se trompe sur Aristote etc.) plutôt que du sujet principal, soit trop courts (quelques pages), si l’enjeu est central, car dans ce cas le propos paraît expéditif. Le livre aurait gagné à être davantage retravaillé, et il aurait probablement été plus bref (contre près de 600 p). Dans le même ordre d’idées, alors que le propos central est celui d’un renouveau des communs, on s’étonne un peu de voir si peu de références empiriques aux mouvements visés par le propos : les « altermondialistes », la ville, l’eau etc. Le travail se situe presqu’entièrement dans la perspective d’une histoire des idées, d’où un risque d’anachronisme. L’affirmation centrale selon laquelle « le commun », entendu dans le sens défini par les auteurs, est le terme central d’une alternative possible au néolibéralisme (p.16) reste donc à démontrer, même si l’on doit reconnaître que l’hypothèse est plausible et mérite d’être creusée.

Faute de dimension empirique marquée, c’est le libéralisme qui se trouve sans cesse attaqué. Or une telle attitude a plusieurs conséquences néfastes. La première est qu’elle induit méthodologiquement en erreur, en tant qu’elle ne tient guère compte de l’avertissement de Marx, largement vérifié dans les faits, selon lequel le discours libéral est un masque dont le but est de légitimer des pratiques qui sont en réalité assez éloignées de ce qui est vertueusement défendu sur le plan symbolique. Les pages que les auteurs s’efforcent par exemple de ranger Ostrom parmi les libéraux (p.152) ne sont pas complètement convaincantes, car elles se basent pour l’essentiel sur des textes. Une seconde conséquence néfaste est qu’en se situant dans la critique littéraire du libéralisme, les auteurs se placent en pratique encore très largement sous l’angle du seul travailleur. En héritiers de la tradition marxiste, ils s’engagent essentiellement du point de vue du producteur, et non de celui du consommateur, des finalités, qui se trouvent régulièrement renvoyées au « spiritualisme », à une dimension « théologique ». Pourtant le spirituel, c’est d’abord ce que Hegel appelait la vie de l’esprit, la culture. Il ne suffit pas de noter au détour d’une phrase que le commun, c’est le monde, en référence à Arendt (p.462). Il faudrait en plus développer une critique du moment que Marx appelle la réalisation de la valeur, dont nous avons montré toute l’importance, pour l’écologisme [2]. Dardot & Laval ne prennent pas non plus la mesure de la rupture possible induite par la référence aux communs, dont ils soulignent pourtant à juste titre qu’elle est souvent jugée négativement, tant du côté libéral que marxiste. L’opinion dominante à l’époque de la modernité voit en effet un progrès dans l’abolition des communs, que l’on estime être liés à des rapports de dépendance (féodalité). C’est un progrès dont Polanyi lui-même ne conteste que la violence de la procédure, pas ses résultats. Dardot & Laval ont aussi cette idée en toile de fond (p.462 par exemple), mais ils ne prennent pas le temps d’en tester la pertinence. Ils passent outre les innombrables discussions qui se sont développées avec la crise de la modernité, l’émergence de l’écologisme, du buen vivir etc. Tout ceci n’est pas sans conséquences sur un certain flou qui continue d’entourer la notion de « commun ». On peut par exemple se demander s’il faut absolument que le commun soit sans sujet, notamment dans le cas du « patrimoine commun de l’humanité », ou si l’humanité n’est pas le visage [3] dont la présence est nécessaire pour que le commun communise, en quelque sorte – problème qui est à nouveau de nature symbolique.

Le souci de ne rien conserver du discours libéral conduit de plus les auteurs à laisser de côté un argument qui nous semble capital, pour comprendre la problématique contemporaine des « commons ». La « clause de Locke » affirme en effet que la seule propriété est la propriété du travail, qui est la peine du travailleur, car la terre appartient en commun à tous les hommes : « la même loi de nature qui nous donne la propriété de cette manière [c’est-à-dire par le travail] lui impose des limites. Dieu a donné toutes chose en abondance. [...] Tout ce qu’un homme peut utiliser de manière à en retirer quelque avantage quelconque pour son existence sans gaspiller, voilà ce que son travail peut marquer du sceau de la propriété. Tout ce qui va au-delà excède sa part et appartient à d’autres » [4] . Cette clause conduit à interroger la thèse des auteurs puisque leur insistance à se passer de la référence à l’égalité est un talon d’Achille dans toute la démonstration. Le « commun » est-il nécessairement égalitaire, comme ils le soutiennent ? On peut en douter, et c’est là que la faiblesse d’Ostrom peut facilement être mise à jour. Plus que « le commun », l’égalité est plus probablement le premier principe à l’œuvre dans les revendications portant sur les communs. Qu’il y ait co-activité et co-obligation ne nous semble d’ailleurs pas déboucher nécessairement sur le concept de commun : l’institution est un synonyme possible, et la discussion par les deux auteurs de l’oeuvre de Castoriadis ne montre pas de raison convaincante d’exclure ce concept. Pourquoi pas « Reclaiming institutions » ? En tant qu’elles sont « les nôtres », à nous qui prenons part, mais une part que l’on voudrait égale. Les auteurs ne prouvent pas que l’on puisse se passer de la référence à l’égalité. Au moins reprochera-t-on aux auteurs de n’avoir pas clairement montré si tel était bien le cas.

La défense de l’égalité étant néanmoins, nous semble-t-il, au fondement de leur démarche, cela les conduit, une nouvelle fois, à réduire leur pensée de la liberté. Ils le disent explicitement : est politique « l’activité de délibération par laquelle les hommes s’efforcent de déterminer ensemble le juste » (p.579) - et non le Bien. Or le bien (la liberté) nous semble être une dimension essentielle dans le processus de changement social contemporain, en tant qu’il cherche à rompre avec la « liberté des Modernes », fondée sur l’échange donnant-donnant, que l’on intègre ou pas la critique marxiste qui consiste essentiellement dans la dénonciation (à juste titre) de l’inégalité dans l’échange. Les auteurs proposent quelques ouvertures en ce sens, notamment la référence à Proudhon, à l’initiative individuelle (p.373), à la créativité (p.429) ou à la praxis comprise comme visant l’autonomie (p.431). Mais ils ne vont pas assez loin dans cette direction, celle de la détermination collective des besoins et de leur revendication. La revendication principale est d’ordre participative : assurer le maximum de délibération. Une telle attitude est cohérente avec leur refus de toute réification, de toute « nature », étant vue comme intrinsèquement aliénante, quelle qu’en soit le contenu. Il y a pourtant ici une confusion à lever ici entre une réciprocité continue, qui peut déboucher sur un « état stationnaire », si celui-ci est souhaité, et un mouvementisme continu, dans lequel tout est toujours matériellement modifié. A rebours d’une telle opposition à toute « nature humaine » (p.280), le Marx des Manuscrits de 1844 offre une articulation plus satisfaisante, qui resterait néanmoins entièrement à décliner dans le contexte actuel [5].

Les apports et les limites de ce livre ressortent naturellement dans les propositions politiques qui balisent avec une pertinence variable les enjeux évoqués. On trouve encore une fois des clarifications précieuses, notamment dans le domaine du fédéralisme. D’autres sembleront un peu naïves au regard des enjeux empiriques, comme par exemple l’appel aux conseils de quartier (p.522) ou l’idée selon laquelle « l’altermondialisme » ferait « l’erreur » de ne pas « sauter au-dessus des États » (p.544), ou encore la proposition que les États instituent des « conférences » entre eux (p.558), méthode qui a justement été instituée dans le domaine de l’environnement (climat, biodiversité etc.) depuis plusieurs décennies. Il est dommage que les propositions de Bernard Friot n’aient pas été intégrées, par exemple, alors qu’elles vont dans le sens d’une critique de la bureaucratisation des services publics, tout en préservant l’héritage de la Résistance.

Le risque d’un (sous) titre extrêmement ambitieux (« essai sur la révolution au 21e siècle ») est peut-être de susciter chez le lecteur une telle attente qu’elle ne peut qu’être déçue. Pour autant, les critiques dont nous avons fait état dans la seconde partie de cette recension ne doivent pas faire oublier les éloges, qui sont nombreuses, et précieuses, dans le contexte actuel.

NOTES

[1New Left Review, 9, mai-juin 2001.

[2F. Flipo, Nature & politique – Contribution à une anthropologie de la globalisation et de la modernité, Amsterdam, 2014.

[3E. Lévinas, Totalité et infini, Essai sur l’extériorité, La Haye, M. Nijhoff, 1961.

[4John Locke, Deuxième traité du gouvernement civil, Paris, Vrin, 1985 (1690), chapitre 5.

[5On pourra aussi se reporter à notre Nature et politique, qui traite de cette question