Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Francesco Fistetti

De l’époque des nations à la civilisation planétaire de l’inter-nation
La leçon de Marcel Mauss

Texte publié le 18 février 2014

Au cours de l’automne 1920, Marcel Mauss (1872-1850) participe à Oxford à un colloque international de philosophie où il prononce une communication intitulée : The Problem of Nationality [1]. Ce texte présente une synthèse très riche de la multiplicité des sujets envisagés par Mauss dans son magnum opus, La Nation, malheureusement resté inachevé et dont Lévy-Bruhl a édité en 1956 les fragments dans L’Année sociologique [2]. Grâce aux recherches de Marcel Fournier, nous connaissons aujourd’hui presqu’entièrement l’histoire embrouillée de ce travail, dont la rédaction a commencé en 1919/1920, juste après la fin de la Grande Guerre, et s’est poursuivie jusqu’à la moitié des années 1930 [3].

Pendant les années fiévreuses de l’après-guerre, lorsque l’ébranlement intellectuel et moral est à son comble dans tous les pays de l’Europe occidentale, pris entre révolution et restauration, Mauss se propose d’étudier les « phénomènes morphologiques » caractérisant les sociétés contemporaines, et notamment les deux grands mouvements qui les bouleversent intimement, le nationalisme et le socialisme. D’après Mauss, d’un point de vue historique, il existe un rapport organique entre la question de la nation et celle du socialisme [4]. Ce n’est pas un hasard si le texte découvert par Fournier, intitulé Le phénomène morphologique, que l’on peut considérer comme un prolongement de celui sur consacré à La Nation, aurait pu, selon Mauss, s’intituler aussi La Nation et le sens du social. Le socialisme [5]. Pour lui, le socialisme ou, plus précisément, les formes nouvelles du socialisme, sont à considérer comme l’élément constitutif de la définition historique et épistémologique de la nation.

La question : « qu’est-ce que c’est que la nation ? » s’est, avant tout, imposée dramatiquement par les événements, En effet, avec la dissolution de l’empire austro-hongrois, la Grande Guerre a été en premier lieu une « guerre des nationalités [6] », où le terme de « nationalités » ne renvoie pas à l’image de « nations libres et démocratiques [7] », au passé riche d’une longue histoire de formation et maturation politique, morale et civique, mais bien avantage à celle de minorités dominées pas des régimes despotiques - comme le régime turc - et par conséquent choisissant la voie du nationalisme.

Source de « maladies » pour les consciences nationales, le nationalisme est « l’expression de deux réactions : l’une contre l’étranger, l’autre contre le progrès qui soi-disant mine la tradition nationale » [8]. C’est pourquoi une « tâche urgente » [9] de la théorie politique est de vider l’« abcès » du nationalisme et de restituer à la nation sa signification authentique. Dans ces années, l’enjeu majeur d’une partie importante du travail de Mauss est justement la redéfinition de l’idée de nation (« leur place dans l’histoire humaine, [...] leur rôle moral actuel, […] leurs rapports ») dans un horizon lourd de ressentiments, mais aussi dans un contexte où les espoirs dans une ère nouvelle de prospérité se répandent, où les quatorze points de Wilson permettent aux peuples épuisés par le conflit d’entrevoir la paix dans les relations internationales. C’est la raison pour laquelle lorsqu’il verra l’Europe sous l’emprise du fascisme et du bolchevisme, Mauss parlera d’un « retour au primitif », d’une phase régressive de dissolution des nations, l’idolâtrie de l’Etat ayant mené non seulement à la justification des « pires crimes », mais aussi à la désagrégation et parfois à la « disparition » des nations [10]. Entre temps, face aux ruines de la guerre, face à la révolution bolchevique triomphant en Russie à travers l’enfer de la guerre civile et du communisme de guerre et instaurant un socialisme autoritaire d’Etat, face aux instances d’un nouvel ordre social, moral et politique surgissant des masses des pays issus de la guerre, Mauss sent le besoin puissant d’un tournant civilisationnel.

De cette exigence, à la fois scientifique, politique et morale découle sa réflexion sur l’idée de nation, sur la question « de la guerre et de la paix entre les nations », sur le projet d’une paix entre les nations qui ne soit pas la paix « armée » trompeuse dont parle Platon dans les Lois, et sur la possibilité de réaliser une solidarité internationale concrète [11]. Pour Mauss, un tel tournant civilisationnel ne peut s’initier qu’en renouant avec une conception authentique de la nation et en renforçant les tendances, mises en évidence par la fin de la Grande Guerre, à l’interdépendance (économique, moral, culturel, etc.) entre les nations. D’une manière détaillée, Mauss dresse une liste de ces « faits » remarquables, témoignant de ce que nous appellerions aujourd’hui, par un terme-concept galvaudé, mondialisation, et qu’il appelle « interdépendance des sociétés modernes ». Toutefois, il souligne que ces processus de mondialisation économique, culturelle, sociale etc., ne doivent pas rester spontanés. Il insiste au contraire sur la nécessité de construire des macro-institutions politiques qui soient en mesure de gouverner « les rapports entre les nations et entre les sociétés en général ».

A l’utopie du cosmopolitisme, et de son rêve d’un « citoyen du monde » abstrait, Mauss oppose la vision de l’internationalisme, qui s’appuie sur les forces sociales travaillant, à l’intérieur des sociétés nationales, à la réalisation d’institutions inédites. Ces institutions ne préparent pas la disparition des nations mais, au contraire, permettent aux nations de se situer dans l’espace de l’internation, en limitant ainsi la souveraineté des États-Nation, jusqu’alors censés être les titulaires du « droit naturel de faire […] quoi que ce soit ». Pour Mauss, en effet, se développe avant tout une « interdépendance économique absolue », comme en atteste le fait incontestable que le marché est désormais un « marché mondial » et que la division internationale du travail parmi les sociétés possédant les matières premières et les sociétés manufacturières s’est sensiblement accentuée. Dans ce contexte, on comprend bien le sens de la critique sans appel que Mauss ne cessera d’adresser au bolchevisme qui, en URSS, a établi un « absurde » communisme de la consommation dont l’instauration a impliqué la destruction de « ce qui constitue l’économie elle-même, à savoir : le marché » [12]. Avant Braudel, Mauss sait parfaitement que l’« on ne conçoit pas de sociétés sans marché » [13]. De telles sociétés ne peuvent exister.

En outre, étant donné que le marché relie toutes les nations en un seul grand espace de transactions et d’échanges, il est nécessaire qu’apparaissent des organisations internationales, chargées de l’application des quelques principes de justice distributive au niveau international ou, du moins, soucieuses de mettre en œuvre une solidarité internationale, propre à garantir, par exemple, l’assistance aux pays ravagés par la guerre ou les ravitaillements en biens de première nécessité. Mauss parle même explicitement d’un « droit des nations pauvres à être soutenues par les nations riches ».

A un autre niveau, la guerre a mis en lumière l’existence d’une « interdépendance morale » entre les mouvements d’opinion des différents pays. Celle-ci préfigure ce que nous désignons aujourd’hui sous le terme de « société civile mondiale », ce nouvel acteur qui veille contre les violations du « droit des gens », la « diplomatie machiavélique » et les abus de tout genre perpétués par les Grandes Puissances. Enfin, Mauss insistesur le « fait moral et politique » le plus remarquable de l’époque : le Pacte de la Société des Nations (SDN). Bien qu’il ne soit que rarement respecté, ce pacte a introduit une nouveauté fondamentale d’un point de vue juridique :« le caractère permanent, absolu et inconditionnel du principe d’arbitrage qu’il proclame ».

Il est évident que l’espoir que Mauss place dans le wilsonisme frôle l’idéalisme. Mais il est tout aussi indéniable que l’exigence de limiter le caractère absolu de la souveraineté des Etats-Nation et d’envisager des institutions de gouvernement supranationales – qui n’impliquent pas bien évidemment la suppression des nations –, est un état d’esprit partagé à l’époque par beaucoup d’intellectuels, parmi lesquels le juriste Hans Kelsen. En le comparant aux Amphictyonies de la Grèce ancienne et à la confédération souhaitée par Socrate face aux horreurs de la guerre du Péloponnèse, Mauss soutient que ce mouvement historique, dont le but est de conjurer les guerres, est presque inéluctable.

Sans aucun doute, en adoptant une perspective de philosophie de l’histoire, semblable par beaucoup d’aspects à celles de Comte et de Durkheim, Mauss est amené à interpréter le passage de l’âge des nations à celui de l’internationalisme comme une transition nécessaire à mesure que la conscience de la « division du travail » entre les nations et de leur « solidarité organique » s’approfondit. Mauss déduit de l’observation empirique et de l’analyse historique et ethnologique des sociétés et des civilisations européennes et extra-européennes une véritable loi historico-sociologique : la tendance à la formation de groupes sociaux de plus en plus vastes, absorbant une quantité croissante de nations, grandes et petites, accrue par le fait que les sociétés ne sont pas des « individualités irréductibles, et [que] les synœcismes sont […] la règle » [14]. En d’autres termes, les processus de traduction entre cultures, le métissage, la créolisation peuvent être considérés comme autant de normes dans les rapports entre les peuples et les civilisations.

Bien qu’elle soit affaiblie, d’une part, par un wilsonisme naïf [15] et, de l’autre, par un évolutionnisme idéologique spencerien, cette vision maussienne d’un progrès vers un espace politique et culturel défini sous le terme d’« inter-nation » présente un grand intérêt scientifique et philosophico-politique. Notamment parce qu’elle transfère au niveau de l’histoire des nations et de leurs rapports mutuels le processus qui a marqué la formation des nations modernes, c’est-à-dire, pour utiliser le langage de Durkheim, le passage des sociétés polysegmentaires – fondées sur le clan et ultérieurement organisées en tribus et caractérisées par l’amorphisme structurel – , aux sociétés où les groupes politico-familiaux disparaissent à la faveur de sociétés politiques stables, à pouvoir central permanent, comme les empires, Sociétés qui seraient, selon le terme que Mauss emprunte à Spencer, relativement « intégrées » [16].

Il faut ici rappeler que, dans un premier temps, Mauss avait proposé, à la suite de Durkheim, d’attribuer le nom de nations à ce genre de sociétés. Il s’est par la suite aperçu qu’il s’agissait non seulement d’une erreur de catégorie, mais aussi d’une erreur conceptuelle, car sous cette étiquette étaient rangées des formations sociales « très différentes par leur rang d’intégration ». Pour éviter cette confusion, il recourt alors à la distinction, introduite par Aristote dans un passage de la Politique, entre ethnos et polis. L’ethnos est un peuple, comme le dit Mauss, « amorphe », comparable à une masse « inorganique » ou à un « conglomérat » de peuples, un amas de « classes, castes, tribus, nations mélangées » [17], dépourvu de toute unité interne et surtout de « lois politiques » authentiques, c’est-à-dire d’une constitution encadrant les comportements de ses membres. Aristote utilise comme exemple d’ethnos Babylone, qui a « la configuration moins d’une cité (pόleωs) que d’un peuple (éthnous) ; au point qu’on dit que, lorsque Babylone fut conquise, le troisième jour, une partie de la ville ne s’en était pas encore aperçue » [18]. Au contraire, « la cité (polis) est une certaine communion (koinonia) et communion de citoyens ayant une constitution (koinonia politώn politéias) » (1276, 1 b). A partir de cette distinction analytique et selon leur forme d’organisation, Mauss identifie parmi les sociétés non segmentaires celles qui, comme les peuples ou les empires, « sont à intégration diffuse et à pouvoir central extrinsèque » [19]. Celles-ci qui ne peuvent pas être considérées comme des nations en raison de nombreux facteurs (la persistance des clans ou des anciennes tribus, l’importance des droits locaux, l’incertitude des frontières, l’instabilité des appareils bureaucratiques, etc.). Par nation, au contraire, il faut entendre une « société matériellement et moralement intégrée, à pouvoir central stable, permanent, à frontières déterminées, à relative unité morale, mentale et culturelle des habitants qui adhèrent consciemment à l’État et à ses lois » [20].

Dans cette définition, il est intéressant de souligner le haut degré d’intégration sociale et le caractère inclusif que Mauss attribue à la nation. La nation est en effet le résultat d’un long processus historique abolissant « toute segmentation par clans, cité, tribus, royaumes, domaines féodaux » [21], à tel point que, dans les sociétés modernes, la dissolution de tout corps intermédiaire a créé l’effet pervers, d’ailleurs déjà remarqué par Durkheim, de la « toute-puissance de l’individu dans la société et de la société sur l’individu », imposant ainsi l’urgence d’un genre nouveau de cohésion sociale. Mauss insiste alors sur la dimension du consentement dans la construction de la nation moderne (« la Nation, ce sont les citoyens animés d’un consensus » [22]), dont les théories classiques du contrat ne sont que la « traduction philosophique ». Dans le sillage du républicanisme civique, Mauss associe ainsi à l’idée de nation le concept de patrie (« le total des devoirs qu’ont les citoyens vis-à-vis de la nation et de son sol » [23]) et celui de citoyenneté (« le total des droits qu’a le membre de cette nation […] en corrélation avec les devoirs qu’il doit y accomplir » [24]).

C’est précisément dans ce cadre que Mauss situe le rapport entre la nation et les « formes nouvelles » de socialisme, telles que la nationalisation et les coopératives. Etant donné que la nation est aussi une unité économique, l’idée de nationalisation, dans certaines de ses déclinaisons propres au socialisme anglais, est synonyme de participation des citoyens à la gestion de certains biens économiques, en tant qu’usagers et consommateurs. Toutefois, au concept de nation comme communauté de citoyens, Mauss associe aussi l’idée de spécificité culturelle : « Une nation digne de ce nom a sa civilisation, esthétique, morale et matérielle, et presque toujours sa langue. Elle a sa mentalité, sa sensibilité, sa moralité, sa volonté, sa forme de progrès, et tous les citoyens qui la composent participent en somme à l’Idée qui la mène » [25]. Mauss est de plus en plus convaincu que les sociétés et les nations vivent « plongées dans un bain de civilisation » [26]. Elles ne sont jamais isolées, au point qu’emprunts mutuels, perméabilité et métissage relève d’un fait « physiologique ». Toutefois, Mauss considère qu’il est tout autant incontestable que, sur l’horizon du surgissement d’une « civilisation humaine mondiale » [27] et des « phénomènes internationaux » [28], se détachent, toujours plus imposantes, les individualités particulières des sociétés et des nations. En se stratifiant historiquement et géographiquement, les civilisations forment un « fond commun » [29] des nations, composé d’acquis scientifiques, techniques, artistiques, économiques, etc., destiné à s’accroître de plus en plus et à constituer un patrimoine commun, une sorte de « capital de l’humanité » [30].

En d’autres termes, Mauss est parfaitement conscient de l’hybridation structurelle des cultures et des civilisations et du fait que, comme le souligne Stuart Hall, l’hybridité est « véritablement un autre terme pour la logique culturelle de la traduction » [31]. Toutefois, Mauss ne se fait pas d’illusions sur la possibilité toujours ouverte que les nations retombent dans le nationalisme, le colonialisme et l’impérialisme, à l’origine du carnage de la Grande Guerre. L’auteur de l’Essai sur le don sait bien que, aujourd’hui, les nations n’ont d’autre choix que de prôner l’alliance, la paix, les échanges économiques afin d’atteindre un niveau supérieur de civilisation, à la manière de ce qui s’est passé au moment du passage, pénible et contradictoire, des sociétés segmentaires aux nations modernes.

The Problem of Nationality se termine par un appel aux philosophes pour qu’ils trouvent « les formules sages et nécessaires » en mesure d’aider les nations à projeter et à réaliser la transition vers une civilisation supérieure. Cet appel est implicite, en conclusion de l’Essai sur le don, dans l’évocation du fait que la libre obligation de donner, recevoir, rendre a permis à l’humanité de déposer les armes, de « s’opposer sans se massacrer », c’est-à-dire de se reconnaître mutuellement, et de « se donner » en renonçant jour après jour aux clauses sacrificielles absurdes et aux prétentions illégitimes à la domination. A l’époque de l’« internationalisme », Mauss souligne l’actualité, voire l’urgence, de la réalisation concrète de cet idéal : créer un espace de reconnaissance entre les nations, qui se substituera à l’ancien Jus Publicum Europaeum, désormais en crise [32], et qui sera en mesure de rendre possible une solidarité entre les nations s’appuyant sur la redistribution de la richesse amassée.

Entre les lignes, Mauss semble ainsi dessiner une conception de la nation détachée du dogme de la souveraineté nationale et repensée dans la perspective d’une civilisation que l’on pourrait appeler multiculturelle et interculturelle. Dans cette perspective, la valeur des nations ne peut plus se mesurer uniquement en fonction de la richesse qu’elles produisent. Elle doit aussi s’estimer en fonction de la capacité de « donner » en vue du « bonheur » de toutes les autres. Ou, mieux, en vue d’une solution partagée des problèmes concernant la survivance et le bien-être du genre humain : « Les peuples, les classes, les familles, les individus, – ajoute Mauss – pourront s’enrichir, ils ne seront heureux que quand ils sauront s’asseoir, tels des chevaliers, autour de la richesse commune. Il est inutile d’aller chercher bien loin quel est le bien et le bonheur. Il est là, dans la paix imposée, dans le travail bien rythmé, en commun et solitaire alternativement, dans la richesse amassée puis redistribuée dans le respect mutuel et la générosité réciproque que l’éducation enseigne » [33].

Dans la conjoncture historique actuelle, où les études postcoloniales invitent à repenser les catégories fondamentales de l’Occident moderne – ces catégories (Etat, société civile, identités religieuses et culturelles, y compris l’idée même de démocratie sous ses différentes formes historiques de réalisation) [34] si étroitement identifiées au concept de nation, il est clair que la réflexion de Mauss a encore beaucoup à nous apprendre.

[traduction d’Andrea Lanza]

NOTES

[1« The Problem of Nationality » constitue maintenant le « complément » à M. Mauss, La Nation, éd. par M. Fournier et J. Terrier, Puf, Paris 2013, p. 385-404. [Publié en italien en 2006 l’essai de Francesco Fistetti ici traduit renvoie, en ce qui concerne la plupart des textes de Mauss cités, à un recueil très important, édité par Riccardo Di Donato (I fondamenti di un’antropologia storica, Einaudi, Torino 1998) ou à d’autres traductions italiennes. Cette traduction (de 2014), en renvoyant aux éditions françaises se référera aussi à La Nation dans l’édition de Marcel Fournier et Jean Terrier, non sans souligner que, au moment de sa rédaction, l’auteur ne pouvait avoir accès qu’aux parties des fragments éditées avant cette édition. Note du traducteur].

[2De H. Lévy-Bruhl, voir l’« Avertissement » à M. Mauss, « La nation », dans Id., Œuvres, t. 3, Editions de Minuit, Paris 1969.

[3M. Fournier, Marcel Mauss, Fayard, Paris 1994, et M. Mauss, Écrits politiques, éd, par M. Fournier, Fayard, Paris 1997.

[4– Plus précisément, la pratique politique concrète d’un socialisme dépourvu de dogmatisme et d’orthodoxie théorique, tel que celui des Trade-Unions, du Labour Party, des Fabiens, du socialisme de la Guilde en Angleterre. Voir notamment « Les idées socialistes. Le principe de la nationalisation », désormais dans Id., La Nation, op. cit. p. 257-293.

[5M. Fournier, « Présentation : la nation ‘Les phénomènes morphologiques’ de Marcel Mauss », dans Socio-Anthropologie, n. 4, 2003.

[6M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 71.

[7M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 71.

[8M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 72.

[9M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 72.

[10Lettre de Mauss à « Monsieur le Président », du 18 juillet 1938, cité dans M. Fournier, Marcel Mauss, op. cit. p. 690.

[11Ce qui frappe dans les écrits de Mauss des années 1920 est colbien s’y mêlent analyse scientifique et passion politique. Le neveu et l’élève d’Emile Durkheim, qui édite en 1928 le livre du fondateur de la sociologie française Le Socialisme (fruit des cours donnés à l’Université de Bordeaux de novembre 1895 à mai 1896), se réclame, dans son introduction à ce texte, de la démarche « purement scientifique » de son maître, Il le défend de l’accusation de collectivisme et lui attribue le mérite d’avoir fait comprendre, déjà en 1885-86, l’importance de Saint-Simon à Jean Jaurès, en le détournant du « formalisme politique » et de la « philosophie creuse des radicaux », Ce même Saint-Simon qui, observe Mauss, sera, dans l’après-guerre, à nouveau à la mode dans les milieux socialistes français. E. Durkheim, Le socialisme : sa définition – ses débuts – la doctrine saint-simonienne, Alcan, Paris 1928, pp. 7-8.

[12M. Mauss, « Appréciation sociologique du bolchevisme », maintenant dans Id., Ecrits politique, textes réunis et présentés par M. Fournier, Fayard, Paris 1997, p. 541.

[13M. Mauss, « Appréciation sociologique… » art. cit. p. 541. Etant donné que « la liberté est la condition absolument nécessaire de la vie économique », la conclusion de Mauss est extrêmement claire : « Momentanément et autant qu’on peut prévoir, c’est dans l’organisation et non dans la suppression du marché qu’il faut que le socialisme - le communisme - cherche sa voie ».

[14Mauss, La Nation, op. cit. p. 120.

[15A ce propos, cf. F. Ramel, « Marcel Mauss et l’étude des relations internationales : un héritage oublié », dans Sociologie et sociétés, n. 2, 2004, p. 227-245. L’auteur défend une thèse intéressante mais discutable : Mauss aurait jeté les bases méthodologiques d’une sociologie positive des relations internationales et, par rapport à cette démarche, l’adhésion maussienne au wilsonisme aurait constitué un obstacle épistémologique.

[16« L’organisation stable de la société politique marquée par la présence, la force et la constance d’un pouvoir central, c’est ce que Spencer appelait l’intégration et ce que l’on peut continuer d’appeler ainsi en distinguant les sociétés non intégrées, qui sont les sociétés à base de clans, et les sociétés intégrées ; par exemple la Chine la plus ancienne, l’Égypte la plus ancienne, les tribus les plus primitives de la Grèce sont sûrement des sociétés déjà intégrées. Et on peut dire que tous les Indo-Européens à leur entrée dans l’histoire sont déjà des sociétés de cet ordre. Il y avait chez eux, sinon partout, la réalité, du moins la possibilité d’un pouvoir central, arkhé, imperium. L’Amérique pré-colombienne sur certains points, l’Amérique centrale et andine a connu des États de ce genre » (M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 79). A ce sujet, cf. aussi l’essai « La cohésion sociale dans les société polysegmentaires (1931) », dans M. Mauss, Œuvres. 3. Cohésion sociale et divisions de la sociologie, Editions de Minuit, Paris 1969, p. 11-26.

[17M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 82-83.

[18Aristote, Politique, 1276, 28 a (traduction de l’auteur).

[19M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 83-84.

[20M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 84.

[21M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 89. Gerd Baumann a observé que, dans la formation des Etats-Nation modernes, la nation est à la fois postethnique et superethnique : « the nation is thus both postethnic, in that it denies the salience of old ethnic distinctions and portrays yhese as a matter of dim and distant prestate past, and superethnic, in that it portrays the nation as a new and bigger kind of ethnos. Most nation-states, however, have failed to complete this project in that they included some ethnic groups and excluded others, or privileged some and marginalized others » (G. Baumann, The Multicularism Riddle : Rethinking National, Ethnic, and Religious Identities, Routledge, New York and London 1999, p. 31).

[22M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 97.

[23M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 95.

[24M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 95-96.

[25M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 94.

[26M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 124.

[27M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 125.

[28M. Mauss, « Les civilisations. Eléments et formes », dans M. Mauss, Œuvres. 2. Représentations collectives et diversité des civilisations, Editions de Minuit, Paris 1974, p. 462.

[29M. Mauss, « Les civilisations… », art.cit., p. 478.

[30M. Mauss, « Les civilisations… », art.cit., p. 478.

[31S. Hall, « La Question multiculturelle », dans Id., Identités et cultures. Politiques des cultural studies, trad. fr. Editions Amsterdam, Paris 2008, p. 396. « Cette logique - poursuit Hall - est de plus en plus manifeste dans les diasporas multiculturelles et autres communautés mixtes et minoritaires du monde postcolonial. Les vieilles et les nouvelles diasporas gouvernées par cette position ambivalente entre le dedans et le dehors doivent être cherchées ailleurs. Elle définit la logique culturelle combinée et inégale de la manière dont s’est exercé l’impact de la soi-disant ‘modernité’ occidentale sur le reste du monde, depuis le commencement du projet mondialisant de l’Europe » (ibid.).

[32Je fais référence à C. Schmitt, Le nomos de la Terre dans le droit des gens du Jus publicum europaeum, trad. fr. Puf, Paris 2008.

[33M. Mauss, Essai sur le don, édition présentée par F. Weber, Puf, Paris 2007, p. 240-241. Sur la question du « don », cf. au moins Jacques T. Godbout et A. Caillé, L’esprit du don, La Découverte, Paris 2007.

[34Je limiterai ici à indiquer à ce propos deux textes : H. Bhabha (ed. by), Nation and narration, Routledge, London 2008 ; P. Chatterjee, Politique des gouvernés : réflexions sur la politique populaire dans la majeure partie du monde, Editions Amsterdam, Paris 2009. Pour une reconstruction synthétique et efficace de l’histoire de l’idée de nation, cf. A. Campi, Nazione, il Mulino, Bologna 2004.