L’homme de la Renaissance marque le point de départ d’une grande métamorphose qui conduira à la fin de la société aristocratique. Par la suite, avec homo œconomicus l’économie s’émancipe des contingences sociales et politiques. Aujourd’hui, c’est dans la Silicon Valley qu’a été conçu un nouvel homme qui veut vivre dans une société « pratique » sans plus s’embarrasser des contraintes de la vie commune. C’est la société technocapitaliste qui va désormais lui offrir tout ce dont il a besoin. Dans celle-ci, le pouvoir d’organisation appartient à des processus technologico-financiers qui voient le libéralisme comme un projet dépassé et inadapté au monde contemporain. Dans ce sens, c’est un projet qui, non seulement ne peut répondre aux grands enjeux auxquels nous devons faire face, mais qui présente aussi de grands risques pour nos libertés.
Renaud Vignes, Docteur en Sciences Economiques, partage sa vie professionnelle entre l’enseignement à l’IUT d’Aix-Marseille où il est Maître de Conférences associé et le monde de l’entreprise technologique où il conseille de nombreuses « Start up ».
Dans la France contre les robots [1], Georges Bernanos écrit qu’une forme de société ne s’écroule pas comme un édifice. Elle se vide peu à peu, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que l’écorce. Elle disparait avec l’espèce d’homme, le type d’humanité dont elle est issue.
La Renaissance et les Lumières ont fait émerger la vision d’un homme autonome, émancipé des ordres transcendants. Frédéric Lenoir [2] l’appelle homo universalis. A partir de là, la société ne peut plus procéder des principes aristocratiques basés sur l’inégalité et la servitude. Avec ce que l’on appellera humanisme, la société démocratique est née. Cette vision de l’homme s’impose pendant près de 2 siècles et connaitra son apogée avec la social-démocratie. A cette même époque, la science économique naissante imagine, avec Léon Walras, un nouvel homme. Il est rationnel, calculateur, séparés des autres. Homo œconomicus prend forme. Le monde dans lequel il évolue est organisé autour du principe du marché autorégulateur et la théorie de l’équilibre général vient démontrer la possibilité d’une société harmonieuse. Mais, c’est dans les années 60, à la suite des travaux de l’école de Chicago, et plus particulièrement ceux de Gary Becker que l’économie s’émancipe réellement des limites que la morale, la politique ou encore la religion lui avaient jusque là fixées. Ces travaux forment le corpus théorique de ce que l’on appellera vingt ans plus tard la révolution néolibérale. Le marché passe du stade de simple mécanisme d’ajustement de l’offre et de la demande au statut de système d’organisation globale du vivre ensemble. Rien, a priori ne doit plus échapper à l’économie. Tous les biens, quels qu’ils soient ont une valeur, donc un prix qui est régi par les lois de la concurrence. La consécration a lieu en 1992 lorsque Gary Becker se voit décerner le prix Nobel « pour avoir étendu le domaine de l’analyse microéconomique à un grand nombre de comportements humains et à leur interaction, y compris à des comportements non marchands ». Dans un premier temps, c’est dans les sociétés anglo-saxonnes que cette vision est mise en œuvre. Ces sociétés traversent une profonde crise de confiance. Leur économie est au plus bas, leur modèle social au bord de la faillite, la politique est déconsidérée. Et surtout les peuples « n’y croient plus ». Margaret Thatcher et Ronald Reagan vont engager des politiques radicales de transformation qui auront des résultats indéniablement positifs au premier rang desquels le retour d’une certaine fierté nationale.
Mais derrière ces succès se cache une évolution qui sera lourde de conséquences. Avec l’idéologie néolibérale, la politique ne cherche plus à transformer l’ordre des choses. Noam Chomsky peut affirmer que lorsque Margaret Thatcher dit qu’il n’y a pas de société, seulement des individus, elle paraphrase Karl Marx, qui déclarait : « la répression transforme la société en sac de pommes de terre, seulement composé d’individus, une masse amorphe qui ne peut agir ensemble ». Pour Marx c’était une condamnation. Pour Thatcher, c’est un idéal. Pour prendre toute sa place, ce modèle nouveau va s’attacher à affaiblir tout ce qui a composé la société d’homo universalis (État, familles, syndicats, associations, partis politiques, communautés locales, etc.). Et le tout, évidemment, dans la rhétorique de la liberté de chacun à décider de son destin. Homo œconomicus s’impose à peu près partout dans le monde occidental, à l’exception notable de la France qui reste ancrée dans une vision politique de la société. L’économie sort du champ dans laquelle elle était limitée. C’est ce que Karl Polanyi [3] appelle le « désencastrement ». Ce mouvement touche aussi l’institution politique. Toujours au sein de l’université de Chicago, l’école du « public choice [4] » va pousser l’idée que les difficultés des sociétés contemporaines révèlent moins une faillite des économies de marché qu’une faillite des institutions politiques. C’est pourquoi ces économistes veulent imaginer une nouvelle « technologie » politique qui fera table rase des pratiques anciennes. Cinquante ans plus tard, au Canada d’abord, aux USA ensuite et en France enfin, cette nouvelle technologie a permis l’émergence de dirigeants qui ont basé toute leur campagne sur cette idée de faillite institutionnelle.
Cet affaiblissement du politique va coïncider avec la conception d’une nouvelle vision de l’homme. Nous sommes à la fin du XXe siècle, et à la différence des périodes précédentes, elle n’est pensée ni par les philosophes, ni par les économistes. C’est dans la Silicon Valley que naît cette vision d’une nouvelle humanité. Dans celle-ci, la frontière entre le principe du plaisir et le principe de réalité disparait, tout comme nombre de principes moraux qui ont longtemps encombré ses prédécesseurs. Cette insouciance, cette recherche du plaisir, cette légèreté, mais aussi cette vision « progressiste » du monde amène Philippe Murray [5] à l’appeler homo festivus. Il est le digne enfant de l’idéologie des droits de l’homme et de l’individualisme poussé à son extrême. Il s’inscrit aussi parfaitement dans le concept émergeant de « capital humain » car il est mobile, veut pouvoir faire des choix rationnels dans un système toujours plus fluide. Avec lui, tout ce qui faisait la politique - ses conflits, ses affrontement, l’esprit critique - appartient désormais à l’histoire ancienne. Dans ce monde post-libéral, l’homme n’est plus romantique ni passionné, il est devenu « bienveillant » ! Dans la société d’homo festivus, on ne pense plus, on consomme et on s’amuse. C’est pourquoi il se convertit très rapidement aux solutions numériques qui lui rendent la vie pratique et ludique. Il devient homo festivus numericus. Il initie un nouveau langage, de nouvelles règles de communication avec l’autre. Il parachève le rêve des économistes néoclassiques : le bonheur de la société ne peut être que la somme des bonheurs individuels. Nous passons au stade de l’hyper individualisme. Plongé dans un vide idéologique total et confronté à la désacralisation des valeurs traditionnelles, l’individu est désormais libre de se consacrer tout entier à lui même pour mener une vie « à la carte ».
Se dessine alors une nouvelle forme de société qui se caractérise par l’hyper consommation, la fluidité et la transparence. Elle porte un projet que nous appelons technocapitalisme et qui est le fruit d’une alliance entre l’incroyable accélération du progrès technique qui déstabilise tous les modèles anciens et l’époustouflante concentration du capital qui brise les principes mêmes du libéralisme économique en permettant la création d’oligopoles dotés d’une puissance financière inégalée dans l’histoire. C’est dans ce sens que cette nouvelle forme de société peut-être qualifiée de post libérale. La règle de droit remplace le marché. Celui qui maîtrisera le droit maîtrisera le monde. Avec le déploiement du technocapitalisme, les politiques « de carrière » sont progressivement remplacés par des hommes d’affaires, des banquiers, des juristes. Dans cette société, l’histoire, la permanence, la transmission disparaissent pour être remplacées par l’éphémère, la mobilité, l’accélération. Zygmunt Bauman [6] parle d’un monde « liquide ». Dans celui-ci, l’unique référence est l’individu qui se définit avant tout comme un consommateur dont les choix individuels changent très rapidement. Pour Bauman, la société technocapitaliste est liquide parce que les liens permanents entre les hommes sont devenus impossibles. Dans ce monde liquide, Cette fluidité le temps et l’attention vont alors prendre une place de plus en plus importante.
La logique du marché, la mondialisation de l’économie et la révolution de l’instantanéité rendue possible par les technologies de la communication expliquent le règne de l’urgence et l’obligation de réagir dans l’instant. Là encore, cette soudaine attirance pour la vitesse a été précédée par un important travail de théorisation par la science économique. C’est dans son article « A theory of the allocation of time [7] » que Gary Becker fait émerger une véritable rupture de l’approche du temps. Dans cette approche, l’individu est un agent rationnel qui produit les satisfactions qu’il recherche. Et cette « production » utilise des inputs qui sont en l’occurrence les achats qu’il fait sur le marché, ainsi qu’une autre ressource rare complètement évacuée des schémas économiques classiques : le temps. L’agent cherche à obtenir la combinaison optimale de ressources, celle qui, compte tenu des prix relatifs de ses différents inputs lui permet d’avoir le volume de satisfaction le plus élevé possible. N’importe quel acte individuel est ainsi considéré comme un acte économique conditionné par deux contraintes : le budget monétaire de l’individu et son budget temps. Leur somme donne le montant global du revenu social dont le consommateur dispose pour satisfaire ses finalités. Pour Becker, le prix du temps est égal au revenu supplémentaire que ce temps lui aurait apporté s’il l’avait consacré à travailler. Et cette affirmation a des conséquences majeures sur la valeur des relations sociales. Ce sont ces conséquences dont parle Bernard Stiegler lorsqu’il dit : « lorsqu’il était enfant, le repas du dimanche avait beaucoup d’importance. Il était courant dans les classes populaires de faire des festins, comme Gervaise et son oie dans « L’Assommoir ». Il est très important de recevoir, de se rassembler. C’est ce que le consumérisme a concrètement détruit : il n’y a que du prêt-à-porter, du prêt-à-manger – de la malbouffe et plus de fête ». Dans cette vision de la société, la convivialité, le plaisir de recevoir, l’amitié, ne sont pas une satisfaction, mais un coût qui, en tant que tel doit être comparé à d’autres coûts. Or, pour Becker, parce qu’il se raréfie le prix du temps croît par rapport au prix des autres ressources. C’est pourquoi nous allons chercher à réaliser nos préférences par des moyens nécessitant moins d’inputs temps. C’est ce que nous voyons aujourd’hui avec l’émergence massive d’objets « pratiques » dont l’argument premier est de nous faire économiser du temps. C’est pourquoi aussi nous accumulons de plus en plus d’objets : leur prix diminue par rapport à celui du temps. Dans une approche sociologique, Hartmut Rosa [8] va développer une thèse selon laquelle l’histoire moderne peut-être mieux comprise dans le cadre d’une dialectique entre des forces d’accélération et des institutions vouées à dépérir dès lors qu’elles deviennent un frein à celles-ci. Il part du constat que nous sommes sans cesse confrontés dans notre expérience quotidienne au sentiment de souffrance d’un manque de temps. Et ce, alors même que le temps libre augmente et que nous disposons de technologies censées nous en apporter. Les fast, les speed, etc. témoignent de ce phénomène. De nos jours, l’existence humaine semble déterminée par le nombre d’activités exercées dans un minimum de temps. Dans cette vision, le phénomène d’accélération est nécessaire à la société moderne. Les changements doivent être de plus en plus rapides, le temps doit être de plus en plus cher pour accroitre le besoin de consommation des individus.
Dans une société liquide, le temps d’attention apparait comme la nouvelle rareté en passe de reconfigurer les lois de l’économie et de la politique. Homo festivus numericus n’a plus de permanence, plus de fidélité, plus de loyauté. Comme on aide un enfant à lire, à être poli, il faut l’aider à se concentrer sur ce qui est intéressant. Récemment, des anciens ingénieurs de Google et Facebook expliquaient combien il était important de concevoir des interfaces persuasives et addictives. Capter l’attention est ainsi devenue une véritable science. Elle s’appelle la captologie et c’est dans un laboratoire de l’université de Stanford [9] au cœur de la Silicon Valley qu’elle concentre la plupart de ses travaux. Au carrefour de nombreuses disciplines scientifiques, humaines et sociales, ce champ de recherche initie une nouvelle branche de l’économie que l’on appelle l’économie de l’attention. De nos jours, beaucoup de biens sont fournis gratuitement en échange de quelques secondes d’attention. Finalement, Patrick Le Lay (PdG de TF1 à l’époque) était un visionnaire lorsqu’il affirmait en 2004 : « Ce que nous vendons à Coca Cola c’est du temps de cerveau disponible ». A l’époque, cette phrase avait fait scandale. Mais, lorsqu’une société s’est liquéfiée, une dizaine d’année c’est une éternité.
Le projet technocapitaliste est en train de transformer en profondeur nos sociétés. Le grand paradoxe de cette transformation est qu’elle est portée par une idéologie progressiste alors que par de nombreux côtés, elle nous ramène à une époque que l’on croyait révolue.
Nous assistons au retour fracassant d’une société de classes. Au sommet se trouvent les Administrateurs du nouveau système. Ils possèdent la technologie qui change notre monde, l’influence politique nécessaire pour changer les règles à leur profit et l’argent pour empêcher quiconque de remettre en cause leur domination. La classe des Experts se situe immédiatement en-dessous. Elle réunit les compétences indispensables au fonctionnement efficace du système. Outre leurs compétences, les Experts possèdent aux yeux des Administrateurs une qualité majeure : ils ne ressentent aucun limite morale qui pourrait les empêcher d’agir dans le sens des intérêts du système. Les Ordinaires forment la troisième classe. Composée de toutes les professions utiles au bon fonctionnement de la société (santé, sécurité, alimentation, enseignement, mobilité, fonctionnaires…) les Administrateurs doivent composer avec eux... La dernière classe enfin est composée des Inutiles. C’est ici le terme utilisé par Pierre-Noel Giraud [10]. Ils forment les énormes bataillons de tous ceux qui ne trouvent pas à s’employer - ou si peu - et qui n’ont aucun moyen d’améliorer leur sort. A la différence des modèles sociaux du XIXe siècle (distinction dominants - dominés), la société technocapitaliste procède d’une confrontation entre gagnants et perdants. Les « gagnants » forment une élite extraterritoriale, déracinée, qui dispose des moyens de s’adapter continuellement aux soubresauts de la conjoncture. Ces « citoyens du monde » ont une identité floue, hybride, multiculturelle qu’ils se construisent eux-mêmes et adaptent en fonction de leurs besoins. Face à eux, les perdants regroupent tous ceux qui sont incapables de suivre le train de la vie liquide. Ils ne bénéficient plus de la sécurité qu’apportaient les formes d’organisation sociale du passé. Leur revendication n’est donc pas tant la liberté (qu’ils n’ont de toutes façons pas les moyens d’exercer dans un système qui les prive de temps et capte leur attention) que le retour de la sécurité et la nostalgie. Leurs luttes sont donc essentiellement réactionnaires.
Par ailleurs cette société se caractérise par le retour de très fortes inégalités qui vont en s’accroissant. Pour les tenants du technocapitalisme, elles sont justifiées par le rôle joué par les « riches » dans la dynamique générale. Suivant la thèse d’Adam Smith, elles permettent aux plus pauvres de ne pas tomber dans la misère. De nombreux économistes commencent à contester cette vision auto-justificatrice de l’inégalité. Lorsque l’on regarde la baisse de l’espérance de vie des blancs américains d’âge moyen et qui n’ont pas fait d’études supérieures on peut effectivement commencer à douter.
Enfin, de nouvelles formes de travail apparaissent. On nous dit qu’elles sont modernes. Mais à y regarder de plus près, c’est plutôt à un retour à l’âge pré-industriel auquel nous assistons. Il y a dans l’essor des plates formes « pair à pair » un retour à des formes d’isolement, de séparation de l’individu d’un collectif de travail qui ressemble étrangement à ce que l’on a connu. Uber, Airbnb, deliveroo, pour ne citer qu’elles, ont remis au goût du jour un modèle social qui avait été balayé par la première révolution industrielle. Dans ce modèle, le travail est sorti de l’entreprise qui n’est plus que ce que les économistes appellent un nœud de contrats. C’est maintenant au travailleur d’apporter le capital nécessaire à la réalisation de son activité (typiquement, c’est le chauffeur Uber qui est propriétaire du véhicule). Curieux monde que celui-ci dans lequel les travailleurs sont des capitalistes sans pouvoir, dont la journée de travail est organisée par des logiciels. Dans l’univers technocapitaliste c’est la maîtrise du marché qui est déterminante, pas le savoir-faire.
Le sens porté par le technocapitalisme n’est pas explicite. Il n’a jamais été rédigé, nul n’en a écrit la constitution, et certainement pas les fondateurs du libéralisme politique, Smith, Tocqueville ou Aron en sont à l’exact opposé. Pourtant, il confronte très clairement l’ordre politique sur lequel se sont construites nos démocraties. Avec ce projet - pourtant issu de la matrice néolibérale - le libéralisme est en train de perdre la partie. La justification de la supériorité du marché réside dans l’efficience de la concurrence parfaite. Les travaux d’Alfred Marshall et de Knut Wicksell ont montré que, dans un contexte caractérisé par la concurrence, les entreprises sont portées à produire au niveau le plus « socialement souhaitable » possible. Mais, qu’en est il lorsque ce sont les marchés eux mêmes qui ne fonctionnent plus tel que l’a prévu la théorie économique ? Ce que l’on voit c’est que sous le prétexte d’un libéralisme de marché, le marché est de moins en moins libéral. Plus le marché se libère, plus il est en réalité dominé et monopolisé par des cartels. C’est, par certains côtés, ce que Joseph Schumpeter imaginait dans son ouvrage le plus célèbre [11]. Karl Marx et John K. Gabraith [12] avaient eux aussi développé leur thèse autour de la concentration du capital rendue inéluctable par les impératifs de la technologie et de la concurrence. Ce qui est nouveau dans notre monde contemporain, c’est que pour la première fois dans l’histoire, alliées à la finance, moins de 10 entreprises ont la maîtrise quasi-complète de l’évolution économique, et que surtout, elles appuient leur expansion planétaire sur une vision démiurgique du monde. Cette économie de monopoles a d’ores et déjà de lourdes conséquences sur l’équilibre institutionnel de nos sociétés. Les caractéristiques profondes de cette nouvelle forme d’organisation humaine, ses valeurs propres posent de très nombreuses questions. Le technocapitalisme produit la crise de la démocratie libérale moderne dans laquelle de nombreuses générations depuis la 2e guerre mondiale avait fondé tant d’espoirs. Cette idéologie a éliminé tout principe de transcendance dans le fonctionnement collectif. Quels sont les buts, les horizons qui vont justifier l’abandon de pans entier de ce qui faisait nos sociétés ? Dans une société parfaitement liquide, en changement permanent, que vont devenir tous ceux qui ne sont ni mobiles ni entreprenants ? L’application du principe méritocratique va t-il conduire à abandonner à leur sort tous ceux qui n’auront pas mérité ? Le vrai problème est que tout ceux qui sont en train de changer notre monde n’ont pas pensé le monde nouveau. En conséquence, on assiste à une dégradation majeure de ce qui fait l’essentiel de nos vies.
Le piège environnemental est en train de se refermer. Le réchauffement climatique affecte déjà profondément nos écosystèmes et nos modes de vie. Et la question des limites de nos ressources est sans doute d’une ampleur encore plus grande. Dans un modèle de développement classique, 2 points de croissance du PIB exigent 4 à 6 points de consommation matières. Les professeurs Dominique Bourg et Christian Arnsperger [13] nous expliquent que, quel que soit l’indicateur choisi, nous avons déjà franchi les limites de la Terre. Nous consommons désormais à l’échelle mondiale 1,7 planète, c’est à dire plus de ressources que la Terre n’est capable de nous en procurer sans dégradations. Plutôt que de se réjouir des annonces d’une augmentation de nos taux de croissance, nous aurions de quoi nous inquiéter !
C’est sans doute sur l’alimentation et la santé que le phénomène de dégradation est le plus criant. Dans les quartiers populaires, on mange de plus en plus mal. Pendant que certains, ailleurs, s’inquiètent de leur alimentation et de leur silhouette, et se tournent vers des produits issus de l’agriculture biologique voire vers des régimes végétariens, végétaliens ou véganes, d’autres, par manque de moyens, d’informations, mais aussi d’éducation n’ont d’autres solutions que de manger ce qui se fait de pire en terme de produits agro industriels. Et, aujourd’hui, la conséquence est connue. Toutes les études montrent que l’obésité est sans doute l’un des marqueurs sociaux les plus forts. Bien sûr, on pourra toujours nous rétorquer que le nombre de produits accessibles à tous a largement augmenté. C’est tout à fait vrai. De nos jours, un adolescent pauvre aura un smartphone, accèdera à internet (souvent à crédit), disposera peut être d’une télé à écran plat, mais verra aussi sa situation sanitaire se dégrader et son espérance de vie en bonne santé sera plus faible que celle de ses parents qui eux, à la différence de leurs propres parents, subissent déjà une vie professionnelle chaotique dans laquelle nos nouveaux gourous voient de nombreuses opportunités à saisir !
Mais c’est sans doute en terme d’espérance que le technocapitalisme pose le plus de questions. Cette idéologie est en train de dévorer les idéaux progressistes. Le progressisme a fait faire à nos sociétés de grands progrès. De magnifiques combats ont été menés en son nom. Le progressisme a toujours eu le souci de la justice sociale, à savoir l’idée que la société doit être organisée selon les principes de l’équité et de la justice. De nombreuses politiques admirables sont issues de ses rangs : le refus du racisme, l’extension du vote aux personnes qui ne sont pas propriétaires puis aux femmes, la lutte contre les inégalités et le renforcement des droits syndicaux. Plus récemment, sans une vision progressiste de la société, la France n’aurait pas réussi ce miracle de devenir une société réellement laïque, le droit à l’avortement n’existerait pas, la peine de mort continuerait à s’appliquer. De grandes avancées pour nos libertés ont été réalisées grâce au progressisme. Mais nous assistons aujourd’hui à un étrange retournement de l’histoire. Les progressistes semblent défendre une société polarisée, socialement très inégalitaire au point que la démocratie même vacille. Ils ne voient plus la société comme un tout mais comme une somme de communautés. Finalement, les progressistes se sont transformés en prophètes les plus zélés du technocapitalisme.
Ils ne se rendent pas compte que ce projet est fondé sur de fausses promesses. En particulier celle qui justifie tout l’édifice inégalitaire : la méritocratie. Cette promesse cherche souvent sa base philosophique dans théorie de la justice de John Rawls [14]. Or, Rawls précise que « l’inégalité face à l’héritage de la fortune n’est pas plus injuste que l’inégalité face à l’héritage de l’intelligence ». Par ailleurs, on oublie souvent qu’avec le concept du voile d’ignorance, il élimine l’envie. C’est pourquoi on gagnerait à être plus prudent par rapport à un principe qui, s’il fut l’un des premiers buts du libéralisme politique, doit être considéré à l’aune des caractéristiques du technocapitalisme. Une société liquide, ultra transparente dans laquelle, chacun est en concurrence avec tous, est explosive socialement. Car, de même que la chance d’être bien né, celle d’avoir du talent ou du courage ou une intelligence supérieure restent des faits contingents. Dans cette société méritocratique, tous ceux qui seront les perdants sauront qu’ils le doivent à leur infériorité. Et ils devront vivre toute leur vie avec cette évidence ! Une autre fausse promesse est celle qui consiste à expliquer que la gestion privée appliquée aux domaines relevant du bien commun sera toujours préférable. C’est une grande erreur qui conduit à des rentes qui coûtent beaucoup plus cher au citoyen sans que le service rendu soit de meilleur qualité.
Les années 2000 ont marqué un renversement total et complet de l’ordre préexistant. Le pouvoir d’organisation de nos sociétés est passé du politique démocratiquement élu à des processus technologico-financiers qui sont en train de changer profondément nos vies. Ces processus sont en train de briser toutes les permanences de nos sociétés. Pour s’adapter à ce nouveau monde il faut être sans cesse en mouvement, seule la mobilité peut nous éviter de couler ! Il faut accélérer sans cesse sous peine de se retrouver aux marges du système. C’est terriblement anxiogène pour tous ceux qui ne s’en sentent pas capables, ou simplement n’en ont pas envie. Pour ceux-là, aujourd’hui l’opposition s’opère de manière douce dans les urnes. Comme l’expliquait récemment Jacques Julliard [15] dans La gauche et le peuple : « Le populisme du peuple n’est donc que la réplique à l’élitisme des élites ». Après avoir grossi les rangs de l’abstention, les classes populaires ont décidé de « voter mal ». C’est pourquoi ce que l’on appelle les partis populistes, ne sont que les représentants d’un peuple qui sait ne pas avoir sa place dans la société liquide. Mais, rien de surprenant à cela. Il faut relire Hanna Arendt [16] pour comprendre que le danger totalitaire se rapproche lorsque les hommes se sentent « superflus ». Le monde auquel nous étions habitués, avec ses qualités et ses défauts est en train de se défaire. Si les élites sont en train de se retirer dans des villes, des quartiers de plus en plus sécurisés ; de véritables communautés se créent dans nos banlieues, avec leur économie parallèle, un islam qui fait voler en éclat notre république laïque et la disparition de tout service public. Mais cette évolution n’est pas inéluctable. Elle a lieu parce que la pensée politique a baissé les bras. Ni le communisme, ni la social-démocratie, ni le libéralisme ne semblent pouvoir proposer une alternative crédible. L’histoire nous montre qu’il est arrivé qu’une civilisation en dévore une autre parce que celle-ci s’est montrée incapable d’opposer une résistance, généralement par manque de courage du peuple en général, mais surtout de ses élites en particulier. C’est dans ce moment que nous sommes.
Si nous voulons éviter que se réalise l’anticipation d’Hanna Arendt, on ne sortira de ces contradictions qu’au prix d’une refondation intellectuelle et politique d’envergure. Remoraliser le marché, limiter son expansion, reconstruire des parties « solides » dans nos sociétés ; voilà des principes qui pourraient participer à cette réflexion.
Si le technocapitalisme a pu si rapidement devenir la forme dominante de l’organisation humaine, il le doit à l’effondrement moral de ses élites. Cette nouvelle forme de capitalisme transforme les individus qui y participent. Il s’agit souvent de personnes brillantes qui se retrouvent dans des mondes pour lesquels ils n’étaient absolument pas préparés. Parfois, pendant leurs études, ils se sont intéressés aux dimensions éthiques des enseignements qui leur ont été procurés. Il arrive qu’ils se soient même engagés dans des activités associatives. Puis, tout a changé lorsqu’ils se sont trouvés au cœur du système. Le fait que si peu de dirigeants se soient sentis responsables de ce qui est arrivé pendant ces années de crise que nous venons de vivre, l’arrogance et le mépris pour les gens qui ont subi les conséquences de leurs actes restent une grande surprise. Les découvertes quasi-quotidiennes des trésors d’imagination dont font preuve ces hyper entreprises pour éviter de participer au financement de notre monde commun ne peut que frapper d’étonnement. L’ordre politique a commencé à se réveiller et, en Europe en particulier, des mesures visant à rendre plus difficiles, plus coûteux, plus risqués les montages fiscaux de ces entreprises commencent à être mises en œuvre. C’est un début qui doit être amplifié. En particulier, la responsabilité des Experts (juristes, consultants, fiscalistes, banquiers d’affaires) qui font profession de ces montages, doit être systématiquement engagée. Par ailleurs, les hommes politiques doivent avoir le courage d’affronter la vision idéologique selon laquelle l’élargissement des inégalités bénéficie aux plus pauvres. Quand les dirigeants d’entreprise se servent dix millions d’euros par an, ils le justifient au nom de leur productivité. Les gagnants expliquent aux perdants que tout cela est finalement dans leur intérêt. Sauf qu’on a bien du mal à trouver la moindre preuve que cela sert à quelque chose de payer les chefs d’entreprise dix millions d’euros plutôt que cinq. Il faut écouter Thomas Piketty lorsqu’il affirme qu’une des évolutions les plus inquiétantes est ce besoin qu’ont les sociétés modernes à donner du sens aux inégalités d’une façon insensée. Peu importe que, sur le plan économique, la réduction des rémunérations des grands dirigeants ne soit pas la condition permettant d’améliorer la condition de tous ; ce qui compte ici n’est pas la logique économique, c’est l’ordre symbolique. Le système bancaire qui a failli nous ruiner ne peut conserver ce pouvoir de nuisance. Une nouvelle organisation du système financier doit se mettre en place. Remoraliser le marché c’est aussi le rendre responsable des dégâts qu’il cause sur notre planète. Si une catastrophe a détruit un pays, et que tout le pays est occupé à réparer ce qui a été détruit, on peut se retrouver avec un PIB très élevé alors que le Revenu National sera très faible. Il faut prendre en compte ce qu’on a détruit, comptabiliser le capital naturel. Rendre compte de ce qu’on crée sans déduire ce qu’on a détruit est stupide. Enfin, remoraliser le marché, c’est ne pas permettre au système d’échapper à la justice ordinaire. L’idée que, dans les accords internationaux, les litiges impliquant une entreprise et un Etat soient jugés par des tribunaux d’arbitrage est tout simplement une honte.
Afin d’accélérer l’expansion du projet technocapitaliste, il faut bien reconnaître que ses prophètes ont gagné la première partie. Celle-ci consistait, essentiellement, à décrédibiliser toute organisation qui n’obéissait pas aux règles du marché. Le but était évidemment de démontrer que seule la forme d’organisation de l’entreprise privée était efficace. Et que, au contraire, la forme publique (ou associative d’ailleurs) était coûteuse, inefficace et apparaissait non plus comme un atout pour notre pays, mais bien comme un véritable boulet. Progressivement, les français n’ont plus regardé leur administration avec fierté, mais de manière indifférente dans un premier temps, puis carrément hostile aujourd’hui. Une fois cette première étape franchie, toutes les politiques visant à diminuer les moyens de ces mêmes administrations étaient accueillies avec enthousiasme. Mais, un récent travail du think tank France stratégie [17] vient contredire ces affirmations. De cette note ressort trois enseignements principaux. Le premier est que le rapport qualité/prix de l’administration française est loin d’être défavorable. Le deuxième est que l’externalisation d’une partie des services publics aux entreprises privées ne se traduit pas par des gains évidents. Le troisième enfin est que s’il y a un surcoût, il correspond au choix du modèle social français. Dans une politique qui viserait à limiter l’expansion technocapitaliste, les services publics, (dans une forme sans doute renouvelée) ont un rôle majeur à jouer car, par nature, ils échappent à la logique du marché et participent de cette permanence dont nos sociétés ont tant besoin. On le voit d’ailleurs très clairement lorsque ces mêmes services publics se retirent de territoires entiers, il ne reste rien sinon les trafics en tout genre et le prosélytisme religieux.
Si nous estimons que le libéralisme tel que nous l’avons connu reste un projet d’avenir, alors nous aurions intérêt à le repenser pour l’adapter aux enjeux de notre époque. C’est ce que veut dire Phillip Blond [18] lorsqu’il affirme qu’il faut relocaliser l’économie et recapitaliser les citoyens. Il faut se réapproprier l’assertion de Chesterton « il n’y a pas trop de capitalisme, il n’y a pas assez de capitalistes ». Il faut inventer un distributisme moderne adapté aux enjeux du XXIe siècle. Les communautés locales, les individus, doivent pouvoir se réapproprier ce qui leur appartient : le soleil, le vent, l’eau, la terre. La science économique doit aider à conceptualiser des modèles qui prennent en compte les nouvelles réalités du monde et les interactions entre les niveaux micro, meso et macro. Dans cette perspective, les travaux de Pierre-Noël Giraud [19] nous proposent un modèle qui mériterait d’être approfondi. Ce modèle différencie les emplois entre « nomades » et « sédentaires ». Les premiers sont mis en compétition par les firmes globales avec d’autres nomades situés ailleurs dans le monde. Sont concernés aussi bien les emplois très qualifiés que les ouvriers travaillant sur les chaines de montage, les codeurs ou encore les employés des call center. Les sédentaires quant à eux, ne sont en compétition directe qu’avec des emplois situés dans le même territoire : les professeurs, les services à la personne, les artisans ou encore les fonctionnaires. Ces sédentaires tirent leurs revenus de la production et de la vente des biens et services sédentaires qui ne circulent pas hors des territoires. Les destins de ces deux composantes de la population sont liés nous dit Giraud. Ce lien forme la base d’un nouveau modèle de description de notre économie mondialisée et de ses conséquences en matière de dynamique des territoires [20]. A partir de là, il distingue deux sources de croissance du PIB. La première est le revenu des nomades présents sur le territoire donné et la seconde implique la préférence des consommateurs pour les biens et services sédentaires. Pour bien comprendre cette idée, il prend l’exemple du choix qui s’offre à nous pour passer une « bonne soirée ». On peut décider de manger une pizza surgelée en regardant un film américain en VOD sur un écran Samsung assemblé en Chine, ou aller au restaurant avec des amis pour manger des produits du terroir, avant d’aller au théâtre. Dans le premier cas, c’est l’économie nomade qui s’enrichit, dans le deuxième c’est l’économie sédentaire. Ainsi, cette explication de la dynamique des inégalités dans nos sociétés met en évidence de nouvelles solidarités jusqu’ici ignorées. Par ailleurs, loin d’être inscrits dans une confrontation, l’avenir de ces emplois est interdépendant. Sur ce dernier point en effet, Giraud montre que plus les sédentaires d’un territoire sont pauvres, plus les nomades présents sur ce territoire sont compétitifs dans l’arène mondiale. Ceci explique pourquoi, malgré la haute compétence de notre économie nomade, celle ci recule face à celle des pays émergents qui bénéficient d’une économie sédentaire beaucoup plus pauvre et donc de coûts globaux plus faibles. Au total, que ce soit en termes de croissance ou de réduction des inégalités, ce modèle met en évidence le rôle majeur de la préférence pour les biens et services sédentaires. C’est dans cette économie sédentaire que se situe les modes de vie qui peuvent transformer pour le MIEUX le monde dans lequel nos enfants vont vivre. Si la politique n’a plus grande influence sur l’économie nomade, celle-ci étant très largement décidée par les Maîtres du technocapitalisme, elle peut exiger sa moralisation. Mai surtout, elle peut encore jouer un grand rôle quant à l’évolution de la préférence pour les biens sédentaires. Ce vaste secteur, rural et urbain, commence à être reconnu par nos dirigeants qui prennent conscience non seulement de son rôle en matière de croissance et de maîtrise des inégalités, mais aussi dans sa capacité à proposer des modèles marchands mieux adaptés aux contraintes écologiques.
La Renaissance fut une période de profonds bouleversements qui ouvrit l’ère de la modernité dans tous les domaines. Mais, ce fut aussi un moment de redécouverte des trésors de l’Antiquité. C’est cette combinaison de l’ancien et du moderne qui permit de penser le Monde différemment et déboucha sur l’humanisme tant vanté aujourd’hui. Opposer le nouveau à l’ancien est une erreur. La politique a la nécessité de faire cohabiter les « contraires », la société et l’individu, le sédentaire et le nomade, l’ancien et le moderne, le micro avec le meso et le macro. Notre société ne sera apaisée que lorsque nous aurons trouvé le moyen que tout cela se complète et c’est en partant du local que nous trouverons les solutions car comme l’écrit Miguel Torga : « L’universel c’est le local moins les mur ».
[1] Georges Bernanos, La France contre les robots, Le Castor Astral, 2009.
[2] Frédéric Lenoir, La guérison du monde (Paris : Fayard, 2012).
[3] Karl Polanyi, La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps (Paris : Gallimard, 2011).
[4] James Buchanan et Robert Tollison, « Theory of Public Choice : Political Aplications of Economic », The University of Michigan Press, 1972.
[5] Philippe Muray, Après l’histoire (Paris : Gallimard, 2007).
[6] Zygmunt Bauman, L’éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ? (Castelnau-le-Lez : Climats, 2009).
[7] Gary S. Becker, « A Theory of the Allocation of Time », The Economic Journal 75, no 299 (septembre 1965) : 493‑517, https://doi.org/10.2307/2228949.
[8] Hartmut Rosa et Didier Renault, Accélération : une critique sociale du temps, Théorie critique (Paris : La Découverte, 2010).
[10] Pierre-Noël Giraud, L’homme inutile : du bon usage de l’économie, Économie (Paris : Odile Jacob, 2015).
[11] Joseph A Schumpeter et Gaël Fain, Capitalisme, socialisme, et démocratie. Suivi de Les possibilités actuelles du socialisme et La marche au socialisme (Paris : Payot, 1998).
[12] John Kenneth Galbraith, Le Nouvel Etat industriel : essai sur le systeme economique american (Paris : Gallimard, 1989).
[13] Christian Arnsperger et Dominique Bourg, « Vers une économie authentiquement circulaire. Réflexions sur les fondements d’un indicateur de circularité », Revue de l’OFCE, no 145 (janvier 2016) : 91‑125.
[14] John Rawls, Théorie de la justice (Paris : Points, 2009).
[15] Jacques Julliard et Jean-Claude Michéa, La Gauche et le peuple : lettres croisées (Paris : Flammarion, 2014).
[16] Hannah Arendt et al., Les origines du totalitarisme ; Eichmann à Jérusalem (Paris : Gallimard, 2013).
[17] « Comment la France se compare-t-elle en matière d’emplois publics ? », France stratégie, décembre 2017.
[18] Phillip Blond, Red Tory : how the left and right have broken Britain and how we can fix it (London : Faber and Faber, 2010).
[19] Giraud, L’homme inutile. (Odile Jacob 2015)
[20] Il décrit les relations d’équilibre dans les échanges internes à un espace donné de la manière suivante : PIB = Rn x 1/(1 s)
Où Rn est le revenu des nomades et s la part de revenu des consommateurs affectée à la consommation de biens sédentaires ( 0 < s < 1).