Le geste qui transforme

Dans le cadre d’une thérapie par l’hypnose, le patient est invité au travers de la transe à redéfinir sa relation aux symptômes pour les dissoudre dans le flux de la vie. Pour être effectif, ce changement relationnel doit convoquer le « geste transformateur ». Ce qu’avait évoqué François Roustang dans ses écrits que la neurophysiologie actuelle constate et la gestalt théorie pointait déjà dans sa conception du corps en mouvement. Nous aborderons ainsi le geste thérapeutique au travers de cette triple lecture.

L’effectuation d’un geste

Le suivi hypnothérapeutique des patients atteints de douleurs chroniques ou de pathologies psychiques (symptômes anxiodépressifs, addictions, phobies…) vise essentiellement à focaliser leur attention sur les ressources créatives qu’ils détiennent afin de remobiliser les forces vitales pour faire taire la plainte.

Si la verbalisation des souffrances par le patient peut être un élément utile à une première approche clinique grâce à une écoute inconditionnelle, congruente et empathique [1], il est à noter que dans l’approche hypnothérapeutique, c’est la transe [2] qui est convoquée afin de faire office de levier thérapeutique vers une actualisation des symptômes et une « mise en suspens » des processus de répétition et de compulsion. C’est la transe qui régule, (ré)organise, ouvre le champ des possibles : celui de l’effectuation. C’est-à-dire ce qui fait chez le patient ouverture, modification et trans-formation. Cela n’est possible que si le corps dans son entièreté fait acte de ce qu’il est désormais, de ce qu’il souhaite dans ce nouveau présent pour imaginer un demain renouvelé.

Les mots sont partie prenante de ce geste modificateur tout comme le corps physique est, à l’évidence, un mot qui signe dans l’espace ce qu’il ressent, perçoit, cherche à modifier de la réalité émotionnelle qui le traverse. Dans tous les cas, c’est l’effectuation du geste, parfois répétée, qui inscrit dans la matérialité de la vie sociale, personnelle, relationnelle du patient, les modalités du changement attendu enfin acté dans l’espace et le temps.

Ce geste trans-formateur n’est possible que parce que le corps est en mesure de se re-lier intensément au monde qui l’entoure en inter-agissant avec lui. C’est un processus de communication, d’inventivité et de remobilisation fonctionnelle (corps-esprit) qui est mis en avant.

Comme le souligne précisément François Roustang, « tout compte fait, on pourrait résumer cette pratique de l’hypnose par l’effectuation d’un geste. Wittgenstein suggérait comment le geste peut être issu du langage, comment il lie de façon indissoluble le langage et la pratique lorsqu’il est sous-tendu par l’émotion. Ainsi, là où s’expérimente le meilleur entre les humains, les mots, les sons, les sentiments, deviennent des gestes. A l’inverse, les gestes peuvent devenir des mots. Imprégnés de mots qui ne se disent pas, qui n’ont pas besoin de se dire, qui sont tellement difficiles à dire, les gestes peuvent les dire. Tel geste sait rassembler la multitude des situations en un éclair et créer l’espace où d’autres humains pourront se situer. Il n’est pas nécessaire de le leur exprimer, il suffit qu’ils répondent au geste. Parce que le geste peut rassembler en un tout l’esprit, le cœur, le corps, la relation aux autres corps et à l’histoire personnelle. Seul le geste est susceptible d’accomplir cette unité, il met l’esprit au corps et le corps à son espace. Demandez à quelqu’un d’accomplir un geste qui prenne en compte tous les paramètres de son existence. S’il le peut en vérité, peu de symptômes résistent. » [3]

Lorsqu’on accompagne des patients sur le chemin du changement, on ne sait pas encore ce qu’il adviendra, sous quelle forme et selon quelles modalités. C’est en cela que l’approche thérapeutique revêt, quoi qu’on en pense, son intérêt voire son mystère, décidément si humain. C’est l’incertitude que l’on fait notre, sur laquelle on s’appuie, pour ouvrir les portes des possibles au patient (encore) sans repères mais disponible pour un « autrement ». Lorsque le patient tâtonne, expérimente, ressent, avance et/ou recule successivement, il signe dans l’espace son attachement, son intention d’aller mieux. Puis vient un moment où, ce qui était fragmentaire devient unitaire, où ce qui était de l’ordre de l’improbable devient une réalité appréhendée, incorporée, intégrée. À ce moment-là, des mots, un sourire, un geste de la main, de la tête, une position du corps entièrement engagée, fait acte de modification. Le corps rectifie alors sa position d’être pour devenir encore plus vivant dans l’espace existentiel du patient. C’est un corps retrouvé qui s’était momentanément absenté de lui-même, prêt à se reconnecter au flux de la vie. C’est un corps devenu vivant.

Comme le souligne si justement Lucia Angelino [4], le geste fabrique le sens : celui que réalise la personne pour exister, sous le regard des autres, dans la perspective de s’affirmer, de se déployer, de se mettre en scène. Il s’agit dès lors de faire du geste la source expérientielle d’un corps dynamique (le geste vécu) et d’un monde qui se découvre à lui (le geste qui s’ouvre). Le geste est une manière d’habiter le monde : d’y agir, d’en être, de le ressentir, de se le représenter. Vilém Flusser « [qu’] on est dans le monde sous la forme de ses gestes, et en principe tout changement du Dasein est lisible dans le changement de ses gestes. » [5]. Le geste est ce médium qui nous permet d’être en mouvement.

Ce que sous-tend le geste au-delà d’une simple possibilité biomécanique, c’est une puissance symbolique et imaginaire ; une série de rituels, de marqueurs de ce que nous sommes, disons. Le geste est en quelque sorte une forme discursive, un mode de communication singulier. Il est composé d’un vocable, d’une grammaire, d’une syntaxe propre à chacun d’entre nous. Gregory Bateson [6] déclare à propos de la communication non-verbale « nos communications iconiques (c’est-à-dire analogiques) soutiennent des fonctions totalement différentes de celles du langage parlé, et même plus : elles réalisent des fonctions que le langage verbal serait inadapté à réaliser. (…) Il semble que le propos de la communication non-verbale soit d’abord une question de relation. », et Christine Roquet [7] d’évoquer « le geste est pensé ici comme un événement qui engage certes un mouvement dessiné par un corps humain (mouvement dont l’on peut faire éventuellement une description biomécanique) mais un mouvement aussi et toujours coloré par un fond(s) (une réserve, un potentiel) posturo-tonico-émotionnel non conscient, mettant en jeu la fonction imaginaire proprement humaine et s’élaborant dans l’intercorpéreité. » Car « aucun individu ne peut se suffire à lui-même ; personne ne peut exister en dehors d’un certain milieu. À tout moment, tout homme fait partie d’un champ et son comportement est toujours la résultante du champ global incluant lui-même et ce qui l’entoure. La nature de la relation que l’être humain entretient avec son environnement détermine son comportement. […] On pourrait dire, en un sens, qu’entrer en contact avec l’environnement signifie former une Gestalt. […] Le contact et le retrait sont les deux composantes rythmiques de la danse de la vie, les moyens dont nous disposons pour satisfaire nos besoins, entretenir notre vie et poursuivre les processus en cours. » écrit Fritz Perls [8]. C’est le corps bougé, enraciné dans l’espace, qui témoigne du processus de contact en cours. Au travers de la description de ses six mouvements fondamentaux, Ruella Franck [9] démontrent comment la mobilisation corporelle témoigne du rapport au champ et à la qualité d’être de la personne dans ce qu’elle est ici et maintenant et fait ici et maintenant, à savoir :

  • Le laisser porter (yield) ;
  • Le « pousser » (push) ;
  • Le « aller vers » (reach) ;
  • Le « saisir » (grap) ;
  • Le « tirer à soi » (pull) ;
  • Le « relâcher, laisser aller » (relase).

Ce chemin parcouru est à chaque fois différent car le geste modificateur est une invention, une personnalisation qui s’effectue selon un processus plus ou moins long : l’expression d’une maturation individuelle incarnée. Pour une même tâche, un objectif précis, une intention, il y a une multitude de voies possibles à emprunter. Le geste, à sa manière, traduit ce processus. C’est ce qu’Alain Berthoz appelle la vicariance « « […] un grand concept de la psychologie différentielle des années 1950, qui insistait justement sur la variété des processus mentaux possibles pour faire la même chose. Nos cerveaux. Par exemple, on peut se rappeler son chemin depuis chez soi jusqu’à son bureau en se rappelant les mouvements que l’on fait » [10]. Au moment attendu (le kairos [11]), le geste s’affirme comme la solution possible à ce qui était jusque-là une impasse existentielle.

Merleau-Ponty de poursuivre à propos du corps « [Il est] éminemment un espace expressif » et « l’origine de tous les autres, le mouvement même de l’expression, ce qui projette au dehors les significations en leur donnant un lieu, ce qui fait qu’elles se mettent à exister, comme des choses, sous nos mains, sous nos yeux (…). Le corps est notre moyen général d’avoir un monde. Tantôt il se borne aux gestes nécessaires à la conservation de la vie, et corrélativement il pose autour de nous un monde biologique ; tantôt, jouant sur ces premiers gestes et passant de leur sens propre à un sens figuré, il manifeste à travers eux un noyau de signification nouveau » [12].

Le processus qui conduit le patient à effectuer le geste modificateur est le résultat d’une simulation des possibles. Une simulation qui vise à déterminer les chemins somatopsychiques les plus adaptés en vue de mettre en œuvre la solution thérapeutique globale, celle qui permettra au corps de signer dans sa matérialité la modification attendue. Ce que souligne Alain Berthoz « une capacité remarquable du cerveau est d’être un simulateur d’action, c’est-à-dire la simulation de l’action sans l’exécuter. Le cerveau échappe ainsi en quelque sorte au lien obligatoire perception/action dans lequel l’animal ne peut utiliser que des mécanismes appartenant à un répertoire particulier d’actions. […] L’évolution a créé dans nos cerveaux des mécanismes qui permettent d’échapper à ce lien obligatoire avec le réel pour nous permettre de simuler l’action sans l’exécuter, et donc de choisir, de décider les meilleures solutions possibles. […] Cela veut dire que nous avons internalisé à la fois les propriétés de notre corps et les propriétés du monde. » [13] Et, de poursuivre, « le geste est une manifestation de la simplexité parce qu’il est un résumé immédiatement compréhensible d’une réalité complexe. » [14]

Le concept de « simplexité » sous-tend un processus de mise en correspondance du corps et de son environnement dans la formulation d’un geste devenu intrinsèquement mobilisateur de ressources (imagination, sensorialité, cognition, proprioception, apprentissage...). Dès lors, comme le propose Berthoz « l’action et le geste sont projets, intentions, émotions, espoirs qui prennent dans les succès passés et les échecs le désir des engagements futurs. L’action et le geste sont à la fois le temps présent et le temps passé, projection dans le futur de l’instant, délibérations, décisions. » [15]

Sur un plan thérapeutique, François Roustang a longtemps souligné l’importance de l’intelligence du corps à penser, composer, traduire, imaginer ce qui adviendra pas à pas avant même sa manifestation dans le réel. L’acte est cette activité intelligente du corps. Une activité à la fois interne et totalement ouverte sur son environnement affectif, culturel et social. Ce qui fait dire à notre auteur que « c’est finalement le geste - ou le toucher au sens large du terme - qui est fondamental dans les relations humaines. […] Ce qui me parait est que ce terme de toucher indique qu’il s’agit d’une relation de corps à corps, et non pas une relation de pensée à pensée, pas même une relation d’inconscient à inconscient. […] On ne peut pas détacher l’importance du toucher de l’importance du mouvement gestuel. Il m’arrive souvent de demander à quelqu’un qui fait un geste spontané de le faire refaire très lentement afin d’habiter ce geste qui exprime quelque chose de capital pour la personne, de telle sorte que la personne s’investisse enfin dans ce geste. » [16]

Habiter le geste pour le rendre vivant est essentiel. Dans le cadre de l’hypnothérapie, on note plusieurs « postulats » qui concourent à asseoir le processus de changement chez le patient et à lui permettre d’investir son corps en ce sens, à savoir :

  • Un postulat de compétence : le patient qui possède les ressources, les compétences, les capacités nécessaires au processus de changement. Une perspective humaniste que l’on retrouve chez Carl Rogers autour de la notion de « capacité d’auto-actualisation » [17] ;
  • Un postulat relationnel : les clés de la solution thérapeutique se situe en partie dans le champ interrelationnel du patient ; l’expérience relationnelle modifiée, replacée dans une perspective nouvelle construit un rapport au symptôme ;
  • Un postulat autour du « faire » : cela consiste à faire (re)vivre au patient une nouvelle expérience de ce qui jusque-là faisait problème, cristallisait les blocages, concentrait les maillages du trauma. Ce « faire » invite le patient à s’installer dans un geste corporel transformateur ; un geste intégral.

Et, François Roustang de noter « cela paraît donc très simple, trop simple. Il suffirait de faire un geste ou quelques gestes pour que nous soyons réconciliés avec tout ce qui nous concerne et que nos problèmes en soit résolus. Mieux encore, ces gestes seraient accomplis sans effort de notre part, sans que nous ayons besoin d’y penser comme sous l’empire d’une force dont nous n’aurions même pas à soupçonner l’origine. […] Ce serait donc de fait très simple. Mais la simplicité est sans doute ce qui est le plus difficile à faire fleurir. » [18] Nous ne pouvons que confirmer le propos. Notre clinique témoigne, à sa manière, de cette réalité.

Une clinique du geste

Françoise, 56 ans, nous consulte pour un sentiment de colère profond et récurrent depuis plusieurs années. Françoise nous explique que depuis le début de son adolescence, elle rencontre des difficultés relationnelles importantes et très conflictuelles avec sa mère. Après s’être tue, cette colère est revenue à la surface lors de son divorce. Elle perçoit alors un grand mal-être, une tristesse, des montées de colère contre son entourage personnel et professionnel. Elle est très irritable, violente verbalement. Elle en veut « au monde entier ».

Nous proposons à Françoise de s’installer avec l’intensité nécessaire dans le fauteuil et de sentir de manière distincte chacune des parties de son corps tout en essayant de focaliser son attention sur l’ensemble de son schéma corporel. Ce paradoxe sensoriel permet à Françoise d’entrer rapidement dans la transe hypnotique. Son corps se relâche, son visage s’affaisse, son rythme biologique se ralenti tranquillement. Françoise se laisse faire par son corps sans tenter de « résister » à ce qui se passe ; elle est dans l’instant du corps, dans son présent. Dans le cours de la séance, nous demandons à Françoise de sentir, de ressentir l’ensemble des sensations, des émotions, des perceptions qui caractérisent sa colère. Ce qu’elle fait aisément. Puis, nous lui demandons de focaliser son attention sur l’environnement de cette colère, son entour, afin de laisser les énergies de sa colère ainsi transportées s’écouler dans l’espace du présent émotionnel. Quelques temps après cela, Françoise commence à relier chacune de ses mains entre elles et à les enlacer de manière ferme et chaleureuse. L’union de ses mains, comme voulant se réconcilier entre elles, inscrit dans le corps l’acte transformateur. Nous invitons Françoise à répéter ce geste autant que nécessaire afin de réactualiser ce moment de réconciliation corps-esprit. Françoise s’y exerce trois fois successivement en modulant l’ampleur de son geste. À la sortie de la séance, Françoise a le regard vif, ému, et le corps redynamisé. Elle nous dit très doucement que cette séance lui a été bénéfique et que ce sentiment de colère semble s‘être atténué. Nous lui demandons si elle se souvient du geste effectué lors de la séance, elle mentionne dans un premier temps que non puis complète son proposant en disant « mes mains parlent ». Nous actons de la situation et laissons Françoise repartir. Nous reverrons Françoise trois fois de suite afin de consolider sa nouvelle place dans la vie et asseoir plus fermement son geste libérateur.

Marie, 27 ans, est venue nous consulter pour une addiction au cannabis. Marie consomme du cannabis depuis plusieurs années et de manière accrue depuis sa séparation avec son ami. Elle se dit être dans « une impossibilité, une impasse à se séparer de cette substance » comme produit de compensation à sa souffrance émotionnelle. À ses dires, « seul le cannabis lui procure un peu de répit, de tranquillité, et lui permet de se calmer » même si elle sait que ce n’est pas une solution durable. Ce qu’elle exprime ainsi « le cannabis, c’est vite fait bien fait. Cela te permet de sortir de tes angoisses en les couvrant d’un voile feutré pour un moment. Tu es endormie, ralentie. Mais, tout est toujours là. Tu le sens après. Et, la sensation est presque pire car tu sais que tu t’es menti. Tu attends alors le moment où tu pourras recommencer à fumer. C’est le cercle vicieux qui se déroule sous tes yeux. Je ne veux plus de cela. »

Nous proposons à Marie de nous exposer les manifestations de son mal-être. Elle aura ces mots « mon corps est tendu, percuté par des tensions, des sensations de peur me viennent parfois. J’ai le sentiment de basculer dans le vide, ne plus savoir comment faire face à la vie. C’est passager mais récurrent. Je suis déséquilibrée, maladroite. » Nous invitons Marie à s’asseoir et à respirer profondément puis à sentir ce corps qui la bouscule. Elle focalise son attention sur les points qui semble faire « souffrance ». Nous lui demandons alors d’observer les sensations qui la parcourent sans commentaire, ni jugement d’approbation ou de condamnation. Juste laisser vivre les émotions telles qu’elles sont : frustration, incompréhension, ressentiment, culpabilité, fragilité. L’expérience n’a pas été facile pour Marie, qui ne cessait de revenir sur chacune de ses émotions avec la volonté de les éclairer, de les justifier. Nous poursuivons la séance en suggérant à Marie de rectifier sa position dans le fauteuil afin de trouver celle qui soit le plus en adéquation avec son espace de vie, sa relation au monde et à elle-même. De ce premier geste de reconfiguration, de rééquilibrage dans l’assise, Marie effectue ensuite un geste simple et discret, celui de laisser glisser ses mains de son visage jusqu’à son bassin de manière légère et bienveillante comme celle d’une caresse. À la sortie de la séance, Marie est calme, détendue, apaisée. Elle nous dira que ce geste était pour elle comme celui d’un « lavage intérieur, un effacement des émotions passées, un reset.  » Nous lui avons demandé ce qu’elle pensait faire avec sa consommation de cannabis. Elle nous a répondu qu’elle ne savait pas encore. Nous avons revu Marie pendant six séances afin de lui permettre de réaffirmer au travers du corps son intention de mettre fin à sa relation avec le cannabis et de laisser émerger sa créativité et sa disponibilité à vivre autrement ce qui la traverse. En contactant son corps, Marie a redessiné l’horizon de ses envies en passant d’un corps objet « j’ai un corps » à un corps sujet : « je suis un corps ».

Conclusion

Accompagner les patients sur le chemin du changement est un processus complexe tant les situations sont parfois intriquées, les perceptions limitées, les émotions résistantes et les pensées répétitives. C’est alors que l’on convoque le geste. Celui qui fera émerger une dynamique, une mise en mouvement, permettra de traduire en acte ce qui retient le patient à l’arrière de sa vie, en suspens et le conduira sur sa voie. C’est avant tout une expérience humaine. Comme le souligne Milton Erickson « c’est cette expérience de réassociation et de réorganisation de son propre vécu qui aboutit à la guérison. » [19]

Le geste est un acte fondateur. Un acte vivant pour le patient pleinement investi dans ce qu’il fait. Une signature de ce qui l’habite et trouve sa résolution dans ce déploiement du corps vivant. À ce moment-là, le geste n’est ni pensée ni attente. Il est, selon François Roustang « […] une réponse nécessaire pour qu’un individu s’engage dans la situation qui lui est faite aujourd’hui. […] ». [20] Et, de conclure, « demandez à quelqu’un d’accomplir un geste qui prenne en compte tous les paramètres de son existence. S’il le peut en vérité, peu de symptômes résistent. » [21]

// Article publié le 15 avril 2025 Pour citer cet article : Stéphane Breton , « Le geste qui transforme  », Revue du MAUSS permanente, 15 avril 2025 [en ligne].
https://www.journaldumauss.net/./?Le-geste-qui-transforme
Notes

[1On fait référence ici à l’approche centrée sur la personne (ACP) de Carl Rogers. Auteur de Le développement de la personne, Paris, InterEditions, 1961 et 2005.

[2Stéphane. Breton, De la perception à la perceptude, Psychiatrie française, n°4, 2021.

[3Sylvie. Le Pelletier-Beaufond, Abécédaire François Roustang, Paris, Odile Jacob, 2019.

[4Lucia. Angelino (dir.), Quand le geste fait sens, Milan, Mimésis, 2006.

[5Vilém. Flusser, Les gestes, texte établi par Marc Partouche, Al Dante-Aka, 2004.

[6Gregory. Bateson, Redundancy and coding.

[7Christine. Roquet, Du mouvement au geste. Penser entre musique et danse, Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société, 2017.

[8Fritz. Perls, Manuel de gestalt-thérapie. La Gestalt : un nouveau regard sur l’homme, ESF éditeur, 2003.

[9Ruella. Franck, Frances. La Barre, La première année…et le reste de la vie : mouvement, développement et changement psychothérapeutique, L’exprimerie, Bordeaux, 2012.

[10“Autour du geste, entretien avec le professeur Alain Berthoz, dans Anthropologie et sociétés, vol.36, n°3, 2012.

[11Le kairos, terme grec, est l’expression temporelle du moment opportun, de l’instant décisif. Ce temps parfaitement adéquat pour signer la transformation, la modification thérapeutique. La psychiatrie phénoménologique intègre dans son corpus philosophique ce concept comme un élément d’explication, d’interprétation. Nous le reprenons à notre compte.

[12Lucia. Angelino (dir.), Quand le geste fait sens, Milan, Mimésis, 2006.

[13Ibid.

[14Alain. Berthoz, La simplexité, Paris, Odile Jacob, 2009.

[15Alain. Berthoz, La décision, Paris, Odile Jacob, 2003.

[16Ibid.

[17Carl. Rogers, Le développement de la personne, Paris, Dunod, 2018.

[18Ibid.

[19Milton. Erickson, L’intégrale des articles, Tome IV, Satas, 2001.

[20Ibid.

[21Ibid.

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